AccueilÉcrire le pays natal

AccueilÉcrire le pays natal

Écrire le pays natal

Writing the native country - the literature of proximity in the European French-speaking space

La littérature du proche dans l’espace francophone européen (1880-1980)

The literature of proximity in the European French-speaking space (1880-1980)

*  *  *

Publié le lundi 11 septembre 2017

Résumé

Ce colloque vise à définir, nommer et mieux comprendre les pratiques littéraires présentant une inscription spatiale et/ou une proximité sociale entre un auteur et ses contemporains. Sans se limiter à l’étude de genres précis (roman, théâtre, poésie, presse…), il s’agira de chercher à comprendre les enjeux littéraires et sociaux que ces pratiques littéraires du proche impliquent.

Annonce

Brest, les 17 et 18 mai 2018 

Centre de recherche bretonne et celtique (EA 4451)

Université de Bretagne occidentale (Brest)

Argumentaire 

Qu’elles soient qualifiées de littérature du « pays natal », selon l’expression utilisée par Michèle Gorenc (2014), de littérature du proche ou de littérature du local, comment définir, nommer et mieux comprendre les pratiques littéraires présentant une inscription spatiale et/ou une proximité sociale entre un auteur et ses contemporains ? Ces pratiques littéraires ont pu faire l’objet de qualifications diverses : littérature « de terroir », « de province », « rustique », « régionale », « régionaliste », « d’expression française », etc. Ces qualifications ont souvent varié au gré de leur usage dans l’histoire littéraire française. Il nous semble que c’est principalement à partir du moment où les frontières du champ littéraire français (Bourdieu, 1991) sont établies – et les « grands écrivains » identifiés – que certaines pratiques littéraires sont reléguées à la marge du champ et que certains auteurs sont périphérisés par l’ajout d’un qualificatif les distinguant de ceux qui n’en portent pas. Or, toute littérature du proche n’implique pas le positionnement de son auteur à la périphérie du champ : pour quelles raisons certains écrivains restent-ils estampillés écrivains « régionaux », « régionalistes » ou encore « bretons », « occitans », « belges »... alors que d’autres, délestés de leur appartenance territoriale, peuvent acquérir une forme de légitimité littéraire au centre (Casanova, 2008) et y occuper parfois des positions dominantes ? Il s’agira de chercher à comprendre les raisons de la présence, comme de l’absence, de ces qualificatifs, mais aussi de se demander qui et ce qui labélise les écrivains, de l’apparition d’une littérature « régionaliste » et son apogée dans l’entre-deux-guerres – quand certains de ces écrivains acquièrent une reconnaissance nationale par l’obtention de prix littéraires (Thiesse, 1991) –  jusqu’au milieu des années 1970, période notamment marquée par la publication du Cheval d’orgueil de Pierre-Jakez Hélias.

On pourra se demander comment des qualifications territoriales (« régional », « régionaliste », « breton » ou « occitan »…) ou sociales (« paysan », « prolétarien »…) peuvent être acceptées (voire revendiquées) ou refusées par les auteurs participant au jeu littéraire (Lahire, 2006), si ces termes sont employés du vivant des auteurs, éventuellement par eux-mêmes ou si on peut constater des processus de labellisation ultérieurs, certains devenant ainsi, peut-être à leur insu, les porte-parole d’un territoire. Les instances de légitimation (prix littéraires nationaux ou régionaux, académies, anthologies, manuels scolaires, etc.) jouent sans doute un rôle prépondérant : leur étude devrait permettre de comprendre le positionnement d’un auteur dans le jeu et son évolution au fil d’une trajectoire littéraire, ainsi que de son éventuelle postérité.

Cette réflexion sur les écrivains du proche met également à l’épreuve des concepts de sociologie de la littérature :

  • Quelle pertinence pour les notions de « champ » ou de « jeu » dans l’analyse des trajectoires de certains de ces écrivains ?
  • Pourquoi la « double vie » (Lahire 2006) de certains auteurs – souvent polygraphes, à la fois écrivains, journalistes, mais aussi membres de diverses associations ou partis politiques, entrepreneurs touristiques, militants régionalistes et/ou nationalistes, etc. – semble-t-elle être particulièrement mise en avant dans leurs biographies alors que, pour d’autres, seul le littéraire est mentionné, éludant, de ce fait, toute activité extra-littéraire ?
  • Comment se jouent les relations de domination littéraire dans un sous-champ lui-même dominé ? Les rapports de force, la conscience des hiérarchies et de leur poids y sont-ils comparables ?
  • Quels enjeux artistiques, culturels, sociaux, politiques, idéologiques… ces pratiques littéraires revêtent-elles ?

Les organisateurs souhaitent privilégier les problématiques et les dynamiques du rapport au centre sans se limiter à l’étude de genres précis (roman, théâtre, poésie, presse…), ceci afin de chercher à comprendre les enjeux littéraires et sociaux que ces pratiques littéraires du proche impliquent.

Axes envisagés

1- La genèse de l’écrivain du proche

Comment sont nées les figures de « l’écrivain régionaliste/du proche/du pays natal » et comment se reconfigurent-t-elles entre 1880 et 1980 ? La valeur littéraire du proche ou du local n’est pas la même selon les périodes et se définir ou être défini comme écrivain régionaliste sous la IIIe République, dans l’entre-deux-guerres, sous le régime de Vichy ou après Mai 68 ne recouvre pas les mêmes enjeux : quels facteurs littéraires, culturels, politiques ou sociaux permettent d’expliquer ces configurations/reconfigurations ?

2- La république locale des lettres

Qui sont les écrivains du proche ? L’inscription sociale et les conditions d’existence matérielle des auteurs pourront être analysées dans leur rapport au territoire. L’étude de leurs milieux d’origine, de leurs trajectoires sociales, mais également des réseaux littéraires dont ils font partie, de leurs éditeurs, des revues auxquelles ils collaborent, des lieux de sociabilité (Glinoer et Laisney, 2013) qu’ils fréquentent ou des institutions/organisations auxquelles ils appartiennent (académies, partis politiques, jurys de prix littéraires, etc.) devrait permettre de mieux comprendre l’inscription des auteurs dans le jeu. La question de la postérité  des écrivains pourra également être considérée dans cette perspective en analysant les différentes formes de reconnaissance posthume : les statues, les plaques, les noms de rue, les associations en hommage aux écrivains locaux, etc.

Dans quelle mesure l’analyse de ces trajectoires socio-littéraires selon la définition de la posture (Meizoz, 2007) pourrait-elle permettre de mieux comprendre des démarches singulières (la posture locale est-elle à interpréter comme la conséquence d’une déconvenue parisienne ou comme une forme, parfois temporaire, de distinction permettant de modifier son positionnement dans le jeu ?), mais également leur donner une interprétation plus collective révélant des formes de socialisation littéraire inscrites dans l’imaginaire social comme dans la mémoire du champ ?

3- Les règles du jeu littéraire

La notion de posture permet non seulement de prendre en compte la dimension externe de la présentation de soi, mais également la dimension interne des textes produits. En tant qu’observateur du monde qui lui est proche, que dit l’auteur de lui-même et du lieu qu’il décrit ? Le « petit pays » peut être présenté de multiples manières : un objet de curiosité, le conservatoire de certaines traditions, une manière de mieux comprendre la société dans son ensemble, une dénonciation de la modernité... La valorisation littéraire de l’autochtonie (Detienne, 2003) peut, par ailleurs, jouer chez certains le rôle de facteur d’identification, devenir un gage d’authenticité ou de légitimité... Cette recherche de l’authenticité peut également revêtir des formes linguistiques particulières en français (formes dialectales, patois [Bernardet, 2009], termes ou structures syntaxiques issus de langues régionales…). D’un point de vue stylistique, quels auteurs jouent, comme le suggère Thierry Glon (Blanchard et Thomas, 2014), sur l’effet de « disparate » en mélangeant les registres littéraires ? Comment s’expliquent, chez certains auteurs, cette variété linguistique et/ou cette diversité de registres ? Sont-elles des ressources mobilisées à certains moments de leurs trajectoires littéraires et moins à d’autres ? Dans quelle mesure permettent-elles à certains groupes d’affirmer leur existence littéraire et leur présence sociale (Serry, 2002) ?

Corpus concerné

Est concerné par ce colloque, tout auteur de la période qui, par sa trajectoire, pourrait éclairer la question du rapport entre des pratiques littéraires et un territoire donné (natal au sens strict de l’état-civil ou prenant d’autres formes d’attachement), qu’il soit considéré comme une ressource littéraire ou, au contraire, qu’il fasse l’objet d’un effacement – définitif ou transitoire – dans la posture d’un auteur.

Renseignements pratiques

La durée de chaque communication ne devra pas excéder 25 minutes.

Les propositions de contribution (environ une page indiquant un titre et l’orientation générale du propos accompagnée d’une présentation succincte de l’auteur) sont à adresser

avant le 15 novembre 2017

à Mannaig Thomas (mannaig.thomas@univ-brest.fr) et Jean-Pierre Dupouy (jeanpierre.dupouy@yahoo.fr). Les réponses aux propositions de contribution seront adressées courant décembre 2017. Une publication est prévue par les organisateurs.

Organisation

  • Mannaig Thomas (MCF de littérature bretonne),
  • Jean-Pierre Dupouy (MCF de littérature française), Université de Bretagne occidentale, Brest, CRBC (Centre de recherche bretonne et celtique).

Comité scientifique

  • Jean-Pierre Dupouy, maître de conférences, CRBC-UBO
  • Yves Le Berre, professeur des universités, CRBC-UBO
  • Laurent Le Gall, professeur des universités, CRBC-UBO
  • Anne-Marie Thiesse, directrice de recherche, CNRS
  • Mannaig Thomas, maître de conférences, CRBC-UBO

Bibliographie

Agulhon Maurice, « Le centre et la périphérie », dans Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1992, tome III.

Ambroise Jean-Charles, « Écrivain prolétarien : une identité paradoxale », Sociétés contemporaines, 2001/4, n° 44, p. 41-55.

Andrieux Jean-Yves et Harismendy Patrick (dir.), Initiateurs et entrepreneurs culturels du tourisme (1850-1950). Actes du colloque de Saint-Brieuc (2-4 juin 2010) « Penser le développement touristique au xxe siècle », Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011.

Bernadet Arnaud, « L'oralité des dialectes : de la science à la littérature. La "langue patoise"  de Verlaine », Romantisme, 2009/4, n° 146, p. 87-99.

Bisenius-Penin Carole (dir.), La Lorraine des écrivains : création littéraire et territoire, Actes numériques des journées d’étude internationales des 1er et 2 décembre 2016 à Metz, http://lalorrainedesecrivains.univ-lorraine.fr/actes-numeriques-des-journees-detude-internationales-la-lorraine-des-ecrivains-creation-litteraire-et-territoire-1-2-dec-2016-metz/ (consulté le 31 août 2017).

Blanchard Nelly et Thomas Mannaig (dir.), Des littératures périphériques,Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014.

Bois Géraldine, « Le consentement à la domination littéraire. Degrés et diversité de ses formes chez les écrivains "les moins reconnus" de l’univers littéraire », Tracés, n° 14, ENS Éditions, 2008, p. 55-76.

Boivin Aurélien, Lüsebrink Hans-Jürgen, Walter Jacques (dir.), Régionalismes littéraires et artistiques comparés. Québec/Canada – Europe, Questions de communication, série actes n° 22, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2014.

Bourdieu Pierre, « Le champ littéraire », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 89, 1991, p. 3-46.

Bourdieu Pierre, Les règles de l'art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Le Seuil, 1998 [1992].

Casanova Pascale (dir.), Des littératures combatives. L’internationale des nationalismes littéraires, Paris, Raisons d’agir, 2011.

Casanova Pascale, La république mondiale des lettres, Paris, Le Seuil, 2008 [1999].

Chevé Joëlle et Lacoste Francis (dir.), Le roman et la région. Actes du colloque de Périgueux (19-21 janvier 2007), Périgueux, La Lauze, 2009.

Denis Benoît et Klinkenberg Jean-Marie, La littérature belge. Précis d’histoire sociale, Bruxelles, Editions Labor, 2005.

Detienne Marcel, Comment être autochtone. Du pur Athénien au Français raciné, Paris, Le Seuil, 2003.

Dozo Björn-Olav et Provenzano François, « Comment les écrivains sont consacrés en Belgique », COnTEXTES, n° 7, 2010, http://contextes.revues.org/4637 consulté le 31 août 2017.

Dozo Björn-Olav, Mesures de l’écrivain. Profil socio-littéraire et capital relationnel dans l’entre-deux-guerres en Belgique francophone, Liège, Presses universitaires de Liège – Sciences humaines, 2011.

Fournier Laurent-Sébastien et Privat Jean-Marie (dir.), Ethnologie(s) du littéraire, numéro d’Ethnologie française, tome 44, n° 4, 2014.

Glinoer Anthony et Laisney Vincent, L’âge des cénacles. Confraternités littéraires et artistiques au xixe siècle, Paris, Fayard, 2013.

Gorenc Michèle, Les poètes du pays natal (1870-1890). L’exemple de Jean Aicard et de François Fabié, Paris, Honoré Champion, 2014.

Heinich Nathalie, Être écrivain. Création et identité, Paris, La Découverte, 2000.

Lagrave Rose-Marie, Le village romanesque, Le Paradou, Actes Sud, 1980.

Lahire Bernard, La condition littéraire. La double vie des écrivains, Paris, La Découverte, 2006.

Meizoz Jérôme, Postures littéraires. Mises en scène modernes de l’auteur, Genève, Slatkine érudition, 2007.

Meizoz Jérôme, Ramuz, Un passager clandestin des lettres françaises, Carouge, Éditions Zoé, 1997.

Ponton Rémy, « Les images de la paysannerie dans le roman rural à la fin du dix-neuvième siècle », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 17-18, novembre 1977,  p. 62-71.

Roche Agnès, Emile Guillaumin, un paysan en littérature, Paris, CNRS éditions, 2006.

Sagnes Sylvie (dir.), Littérature régionaliste et ethnologie, Arles, Museon Arlaten, Actes Sud, Carcassonne, Ethnopôle Garae, 2015.

Serry Hervé, « La littérature pour faire et défaire les groupes », Sociétés contemporaines, vol. 44, n° 4, 2001, p. 5-14.

Thiesse Anne-Marie, Écrire la France : le mouvement littéraire régionaliste de langue française entre la Belle Époque et la Libération, Paris, Presses universitaires de France, 1991.

Lieux

  • Université de Bretagne occidentale - 20 rue Duquesne
    Brest, France (29200)

Dates

  • mercredi 15 novembre 2017

Mots-clés

  • littérature, régionalisme, centre, périphérie

Contacts

  • Mannaig Thomas
    courriel : mannaig [dot] thomas [at] univ-brest [dot] fr

Source de l'information

  • Mannaig Thomas
    courriel : mannaig [dot] thomas [at] univ-brest [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Écrire le pays natal », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 11 septembre 2017, https://doi.org/10.58079/yb4

Archiver cette annonce

  • Google Agenda
  • iCal
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search