AccueilPuissances esthétiques du virtuel : dispositif, forme, pensée

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Puissances esthétiques du virtuel : dispositif, forme, pensée

The Aesthetic Potential of the Virtual: Device, Form, Idea

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Publié le vendredi 13 octobre 2017

Résumé

Le concept de virtuel est une notion très riche et polysémique, qui s'étend de l'esthétique aux domaines scientifiques. Sa plasticité conceptuelle rend donc nécessaire de tracer une cartographie méthodologique de ses problématiques philosophiques pour mieux s’orienter dans l'histoire des théories esthétiques, des technologies et des arts contemporains. Les propositions pourront entre autres être axées sur : la question de l’origine philosophique du virtuel; la définition d'une esthétique cinématographique du virtuel; les enjeux aussi bien esthétiques, éthiques que politiques d’une nouvelle économie virtuelle.

Annonce

Argumentaire

Qu’est-ce que le virtuel et qu’est-ce que l’esthétique du virtuel, au-delà même de leur manifestation à travers l’innovation technologique et de leur incarnation par le biais des nouveaux médias ? Quelle est leur généalogie et quelle est cette pensée du réel et de l’art qui s’incarne au juste avec les avancées technologiques, quels sont leurs enjeux aussi bien esthétiques, qu’éthiques, politiques, médiatiques et plus profondément philosophiques ?
L’intégration massive des dispositifs virtuels dans tous les domaines de la société ou le « mouvement général de virtualisation » (Pierre Lévy) affecte non seulement son fonctionnement mais aussi la pensée même de son organisation, reconfigure les rapports entre les médias et la politique (post-truth politics), entre les procédés de création et ceux de communication, réinvente l’idée même de l’enseignement et de la transmission du savoir (« l’intelligence inventive se mesure selon la distance au savoir », Michel Serres, Petite poucette) et influe directement sur le domaine de l’industrie et de l’esthétique cinématographique et celui des arts de façon plus générale. Si toute rupture dans la manière de faire de l’art nécessite une rupture dans la manière de le penser (Jacques Rancière, Malaise dans l’esthétique), pourrait-on alors essayer de concevoir l’impact du virtuel avec sa juste part de virtualité, en définissant le double mouvement d’interdépendance entre la technologie et le concept même en tant qu’idée philosophique forte : une pensée à l’origine de la technique, une technique au service de l’établissement et de la mutation de la pensée ?
Il semble donc nécessaire de définir et d’historiciser aujourd’hui cette notion esthétique complexe qui s’étend au-delà ou en-deçà de son attachement direct aux nouvelles technologies. Le but de ce colloque est de mieux cerner le concept de virtuel, notion très riche et pour cette raison encore très incertaine, afin de tracer une cartographie conceptuelle de ses problématiques philosophiques et théoriques pour mieux s’orienter dans l’esthétique, les technologies et les arts contemporains.
Le premier axe de réflexion concerne donc la question de l’origine philosophique du virtuel. La notion de virtuel, qui dérive du latin virtus, la vertu et la force, est originellement associé en philosophie au terme de puissance. La tradition classique se base sur la conception du terme Dynamis d’après Aristote, qui désigne toute forme de pouvoir, de force. Telle puissance, passive (pathètikè) ou active (poiètikè) est toujours liée à l’acte (energeia), le passage d’un état potentiel à un état actuel. La puissance est du côté de la matière, tandis que l’acte se réalise dans la forme - l’essence qui précède la puissance, l’idée de forme étant déjà inscrite dans cette dernière (doctrine du « premier moteur immobile », origine comme acte pur). Deleuze, et avant lui Bergson, renverse la position classique et remplace "puissance" par "virtuel", en proposant la double opposition célèbre : « si le réel s’oppose au possible, le virtuel, quant à lui, s’oppose à l’actuel » (Différence et Répétition). Deleuze dote ainsi le virtuel « de pleine réalité, en tant que virtuel » et propose de considérer tout objet comme ayant « une de ces parties dans le virtuel », qui loin d’être indéterminé constituerait plutôt une dimension objective à l’origine du procédé d’actualisation. Plus récemment, Pierre Lévy oriente la réflexion sur la définition du mouvement concomitant, celui de virtualisation et le définit en tant que problématisation c’est-à-dire qu’« au lieu de se définir par son actualité (une "solution"), l’entité trouve désormais sa consistance essentielle dans un champ problématique. » (Pierre Lévy, Sur les chemins du virtuel) Le virtuel est donc tour à tour puissance, pleine réalité, problématisation. Ainsi nous voudrions retracer une généalogie du concept de virtuel à travers la définition des problématiques philosophiques qui le composent et auxquelles il se rapporte.
Le deuxième axe propose de réfléchir sur la définition de l’esthétique du virtuel de manière générale et sur l’esthétique virtuelle cinématographique de manière plus particulière. Trois questions esthétiques majeures attirent notre attention : le thème de la fiction, la préexistence du virtuel dans le cinéma argentique (et, de manière plus large, dans les arts plastiques) et la nécessité d’une meilleure définition des formes filmiques contemporaines ainsi que de formulation d’un nouveau vocabulaire cinématographique lié au développement des nouvelles technologies.
La question de la fiction se pose comme un des vecteurs principaux de virtualisation. De quelle manière les dispositifs virtuels, en tant que moyens de productivité autonome, redéfinissent le concept de fiction au niveau esthétique ? Comment la fiction audiovisuelle de nos jours manifeste une ouverture d’espaces de liberté encore inexplorés par le récit traditionnel ?
La généalogie de l’esthétique du virtuel se pose aussi dans le cinéma argentique ou, de manière plus large, dans l’art objectal. Suite à des travaux de Lev Manovich, par exemple, qui considère Vertov comme « un important cinéaste de bases de données », mais aussi à partir de réflexions plus abstraites autour de la définition même de l’image cinématographique, nous aimerions réfléchir sur les prémices des manifestations techniques, plastiques et conceptuelles du virtuel au cinéma avant même l’apparition des nouvelles technologies.
Enfin, on observe aujourd’hui l’insuffisance du vocabulaire d’analyse filmique, l’extrême malléabilité de l’image modifiant la notion même du plan, refusant son autorité en tant qu’unité fondamentale du cinéma. Peut-on encore évoquer les termes de « travelling », de « point de vue », de « plan-séquence » en rapport aux images générées par l’ordinateur ? Quelle est l’instance énonciatrice de ces images ? Quel type de définitions pour de nouvelles formes filmiques virtuelles ou les formes qui leur sont apparentées ?
Le troisième axe concerne plus directement les dispositifs virtuels de production, de diffusion et de conservation, cette dernière constituant une des préoccupations actuelles d'une importance primordiale tant du côté institutionnel qu'artistique, tandis que la toute récente polémique créée au Festival de Cannes autour du film Okja de Bong Joon-ho financé par la plate-forme américaine de vidéo à la demande Netflix, pose directement la question de la réorganisation de la filière cinématographique dans son ensemble et confirme la nécessité de revoir la définition du dispositif cinématographique (Gaudreault, Marion, Soulez), de l’industrie cinématographique et de son économie. Quels sont donc les enjeux aussi bien esthétiques, éthiques que politiques d’une nouvelle économie virtuelle ?

Catégories de réflexion du colloque :

I. Histoire, archéologie et politique du concept de virtuel.

  • Proposition d’historisation et de définition du concept de virtuel en philosophie depuis ses origines, recherche des concepts apparentés qui contribuent à sa constitution et à sa diffusion.
  • Retour sur la notion de virtuel à partir de la réflexion de la philosophie contemporaine (Kierkegaard, Bergson, Bloch, Deleuze, Serres, Lévy, Souriau, Simondon, Châtelet, etc.)

II. Vers une esthétique du virtuel.

  • Théories et analyse de la dimension esthétique du virtuel.
  • Problèmes du vocabulaire esthétique du virtuel (qu’est-ce qu’une forme virtuelle, etc.)
  • Définition de l’art virtuel, question de la perméabilité des frontières (réalité virtuelle et augmentée, créations numériques, GIF, site internet évolutif Gorgomancy de Chris Marker, cinéma 4 D, etc.)
  • Virtualité de la fiction dans les médias et les arts. Le concept de post-vérité.

III. La virtualisation des formes filmiques. Esthétique du virtuel au cinéma.

  • Histoire esthétique et technique de l’évolution du virtuel au cinéma (cinéma virtuel, motion capture) versus esthétique du virtuel (présence du virtuel dans le cinéma argentique).
  • Redéfinition des formes filmiques contemporaines à partir de la notion et des innovations techniques et conceptuelles du virtuel.
  • Evolution technique et son influence sur l’esthétique du film.
  • Repenser le vocabulaire de l’analyse filmique à l’aune du virtuel : problèmes de vocabulaire (notions de plan, de plan-séquence, de montage, de mixage d’images, de l’instance qui « filme » ou génère des images, etc.)

IV. La virtualisation de l’objet film, de son dispositif et de l’institution cinématographique.
1. Théories d’éclatement des dispositifs, problèmes d’exploitation et de diffusion.

  • « Cinéma éclaté » comme virtualisation du dispositif.
  • Recherche de la définition-limite pour penser la distance entre le dispositif « d’accueil » et celui faisant partie intégrante de l’oeuvre.
  • Recherche autour des problèmes éthiques que pose le procédé de virtualisation de l’objet film et de la filière cinématographique.

2. Problèmes de conservation.

  • Déterminer les enjeux et les problèmes liés à la conservation des archives cinématographiques et audiovisuelles numériques (INA, La Cinémathèque Française, Centre Pompidou, BnF, etc.) et des oeuvres numériques.

Ce travail de réflexion commune sera finalisé par une publication des actes du colloque.

Puissances esthétiques du virtuel : dispositif, forme, pensée.
Appel à contribution
Colloque International, Université Paris-3 Sorbonne Nouvelle, IRCAV
Du 28 au 30 mars 2018 (INHA, Paris)

Modalités de soumission

Les propositions de communication en français ou en anglais (de 500 à 800 mots maximum) sont à envoyer à l’adresse suivante colloquevirtuel@gmail.com et doivent s’inscrire dans une des catégories théoriques proposées, sans pour autant être tenues de respecter les sous-catégories, présentées à titre indicatif. Merci de bien vouloir indiquer la catégorie choisie ainsi que de nous faire parvenir un bref cv de 10 lignes.

Date limite d’envoi des propositions :

vendredi 10 novembre 2017

Comité scientifique

  • Jacques Aumont
  • Jean-Michel Durafour
  • Antoine Gaudin
  • Olga Kobryn
  • Massimo Olivero
  • Guillaume Soulez
  • Angel Quintana

Avec le soutien de :
IRCAV (Institut de Recherche sur le Cinéma et l’Audiovisuel), Université Sorbonne Nouvelle-Paris III

Bibliographie indicative, non exhaustive.

Aristote, Métaphysique, présentation et traduction par Marie-Paul Duminil et Annick Jaulin, Paris, Flammarion, 2008.
Henri Bergson, La Pensée et le mouvant, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2005 (1934).
Etienne Souriau, Les différents modes d’existence, Paris, PUF, coll. « MétaphysiqueS », 2009 (1943).
Gilles Deleuze, Différence et répétition, Paris, PUF, coll. « Épiméthée », Paris, 2003 (1968).
Michel Serres, Atlas, Paris, Julliard, 1994.
Pierre Lévy, Qu’est-ce que le virtuel ?, Paris, La Découverte, 1995.
Lev Manovich, Le langage des nouveaux médias, Dijon, Les Presses du réel, 2010 (2001).
David Rodowick, The Virtual life of Film, Harvard University Press, Cambridge, MA: Harvard University Press, 2007.
Angel Quintana, Virtuel?, à l'ère du numérique, le cinéma est toujours le plus réaliste des arts, Paris, Cahiers du cinéma, 2008.
André Gaudreault et Philippe Marion, La Fin du cinéma ? Un média en crise à l’ère du numérique, Paris, Armand Colin, 2013.
Jacques Aumont, Limites de la fiction, Considérations actuelles sur l’état du cinéma, Paris, Bayard, 2014.
Notices « Virtuel » de Aurélie Ledoux, et « Fiction » de Serge Chauvin, dans le Dictionnaire de la pensée du cinéma, Antoine de Baecque, Philippe Chevallier (dir.), PUF, 2012.

Lieux

  • INHA, Salle Vasari - 2 Rue Vivienne
    Paris, France (75)

Dates

  • vendredi 10 novembre 2017

Mots-clés

  • Virtuel, esthétique, numérique, cinéma, dispositif

Contacts

  • Massimo Olivero
    courriel : olivero [dot] massimo [at] yahoo [dot] fr

Source de l'information

  • Massimo Olivero
    courriel : olivero [dot] massimo [at] yahoo [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Puissances esthétiques du virtuel : dispositif, forme, pensée », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 13 octobre 2017, https://doi.org/10.58079/yiq

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