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Sur le terrain

Revue Zilsel, dossier spécial

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Veröffentlicht am Dienstag, 14. Juni 2022

Zusammenfassung

Point d’ancrage des recherches, le terrain est multiple : lieu d’investigation, de relevés ou d’enquête, de collecte d’information, d’immersion, de nouages d’activités, de pratiques assemblées, auquel les chercheurs·euses se confrontent lorsqu’iels veulent comprendre un fait social ou scientifique. Il s’agit d’arpenter les espaces, de se déplacer, de quitter son écran, de sortir de son bureau ou de la bibliothèque pour observer le monde réel. Voici quelques-uns des thèmes que le dossier « Sur le terrain » pourrait porter, dans une approche ample et plurielle de ce que font, sont et révèlent les terrains des sciences

Inserat

Coordination scientifique

Dossier proposé par Cléo Chassonnery-Zaïgouche, Jérôme Lamy, Marion Maisonobe et Arnaud Saint-Martin

Argumentaire

Point d’ancrage des recherches, le terrain est multiple : lieu d’investigation, de relevés ou d’enquête, de collecte d’information, d’immersion, de nouages d’activités, de pratiques assemblées, auquel les chercheurs·euses se confrontent lorsqu’iels veulent comprendre un fait social ou scientifique. Il s’agit d’arpenter les espaces, de se déplacer, de quitter son écran, de sortir de son bureau ou de la bibliothèque pour observer le monde réel. Et encore, selon les disciplines, la métaphore spatiale ne doit-elle pas être prise trop à la lettre. Les dépôts d’archives – les historien·nes le savent bien – sont, à leur manière, des terrains bien légitimes.On pourra même dire, après les travaux de Bernard Lahire (sur les rêves) et Hervé Mazurel(sur l’inconscient) que même les plis les plus intimes de l’intériorité socialisée constituent un terrain – au point qu’ici, terrain et objet d’étude semblent se confondre.

Dans les sciences sociales, tous les secteurs de l’existence, toutes les modalités d’organisation des relations humaines, tous les points d’appui de la vie collective peuvent constituer un terrain. Le terrain alors déborde les enquêtes ; il oblige à se laisser porter par les logiques plurielles des actions humaines. Pour les sciences de la nature, le terrain peut nécessiter des aménagements ou des structurations visant à permettre l’observation. Au point parfois que les dualités classiquement interrogées en sociologie ou en anthropologie (comme le doublet nature/culture) surgissent et posent problème.

« Trouver un terrain », « faire son terrain », « partir sur le terrain », « revenir de son terrain », « s’émanciper de son terrain » … nos façons de parler du terrain disent assez la spécificité de ce qui est finalement un moment dans le travail scientifique fondé sur une approche empirique. Il est une expérience qui non seulement apporte son lot de documents, de renseignements, d’enregistrements, d’entretiens, d’archives, mais également alimente des pistes théoriques, corrige des conceptualisations. Le terrain oriente et organise l’acte de recherche ; il en est également une étape particulière, celle d’une ouverture à tous les possibles de l’intellection. Dans ce dossier « Frictions », compte tenu des différences disciplinaires qui viennent d’être évoquées, nous proposons d’approcher le terrain sous toutes les formes par lesquelles les scientifiques peuvent le prendre.

La définition de ce qu’est un terrain fait partie intégrante des débats en sciences humaines et sociales. Elle est également très débattue dans les sciences de la nature (botanique, écologie, géographie physique), mais reste malgré tout un enjeu épistémologique d’importance. Les STS ont imposé, depuis la fin des années 1970, les laboratoires de recherche comme des terrains privilégiés pour l’étude du travail scientifique et se sont en contrepoint peu intéressées aux terrains d’enquête scientifique eux-mêmes, avec de notables exceptions comme les travaux de Robert E. Kohler en histoire de la biologie, ceux de Morgan Jouvenet sur la paléoclimatologie, ou encore de Serge Reubi sur l’anthropologie suisse. Si le laboratoire a été plus investi par les STS que le terrain, celui-ci fait en revanche l’objet d’une littérature fournie en anthropologie, stimulée par le tournant critique qui a contribué à légitimer dans cette discipline des terrains plus proches et urbains, mais aussi en sociologie et en géographie, qui l’abordent dans le cadre de manuels, de restitutions, de travaux réflexifs et parfois critiques sur les conditions pratiques d’accès aux terrains, sur l’éthique et le choix des terrains.

Plusieurs thématiques communes aux différentes sciences se dégagent de ces travaux parmi lesquelles 1) l’accès au terrain, 2) le fait de le revisiter, 3) sa proximité ou sa distance, 4) sa sur- ou sous-exploitation et 5) les représentations et enjeux de visibilité qui lui sont associés.

La problématique d’accès aux terrains se manifeste différemment selon les disciplines et les types de terrain. Il peut s’agir d’une interdiction d’entrée dans un territoire ou une institution (en paralysant temporairement les conditions de circulation, la pandémie de Covid a donné à tout le monde une idée très précise de ce dérobement). Sans que l’accès soit rendu interdit, il peut être difficile ou dangereux. Les terrains à risque car traversés par un conflit, les terrains situés dans les marges et dont l’infiltration exige de se trouver aux frontières de la légalité, les terrains hostiles car on y fait figure d’intrus ou d’étranger. Que comprendre de ces blocages et difficulté ? Quelles conditions limites sont supportées ? Jusqu’à quel point les chercheur·euses acceptent-iels le danger ? L’accès se pose aussi parfois sous l’angle de la question logistique : comment atteindre une zone très éloignée ou non desservie par une ligne de transport régulière, quelles sont les stratégies disponibles et mises en œuvre pour contourner ces difficultés matérielles ? Peut-on substituer d’autres méthodes, telles que le recueil d’observation par satellite, pour remplacer la pratique du terrain, par exemple en archéologie pour travailler sur les zones menacées ou impraticables ? Quid des enjeux de financement ?

Dans de nombreuses sciences, la « revisite » des terrains est une démarche classique – et fait partie du travail. Revenir sur le terrain, constater les permanences, documenter les écarts : tels sont les enjeux d’un retour à ce qui a déjà été enquêté. Quels sont les effets de la « revisite » ? S’il a changé, est-ce bien le même terrain qui est revisité ? Quels défis méthodologiques et enjeux épistémologiques la « revisite » pose-t-elle pour la validité scientifique des résultats d’une recherche ?

Parce que les terrains sont parfois difficiles à discerner au sein de l’espace social dans lequel certaine·es chercheur·euses évoluent, il arrive qu’ils se confondent avec la vie personnelle, l’engagement politique et militant, ou encore l’activité professionnelle. Que faire de cette superposition ou de cet entremêlement ? Comment aborder un terrain familier ? A contrario, la distance sociale entre les chercheur·euses et les personnes ou populations étudiées peut conduire à développer des stratégies de rapprochement ou de réduction des écarts a priori.L’éloignement au terrain peut aussi être géographique, posant alors, comme nous l’avons évoqué plus haut, des défis logistiques et financiers. La question de l’éloignement géographique du terrain rejoint celle, très actuelle, des déplacements et de l’impact carbone des activités derecherche. La surexploitation ou le « surpâturage » (over-researched places) constitue un phénomène préoccupant. Certains terrains sont usés à force d’avoir été quadrillés au point qu’ils ne semblent plus révéler la moindre originalité. Cette « sur-étude » pose une série de problèmes très spécifiques. D’abord, le surinvestissement d’un même terrain interroge le positionnement éthique des chercheurs·euses qui en viennent, par exemple, à solliciter toujours les mêmes populations, dans les mêmes lieux – là un camp de migrants, ailleurs un village inuit – ce qui crée parfois des effets inattendus comme la spécialisation des habitant·es dans la réponse aux chercheurs. Sans compter que cette captation du savoir local ne se traduit pas toujours par un partage ou une restitution – et l’on parlera alors d’« extractivisme académique ». Ensuite, d’un point de vue environnemental, l’occupation répétée des espaces est problématique : c’estle cas, par exemple, pour les géosciences, avec une forte empreinte humaine dans des espaces préservés ou le dérangement de populations animales.

Latéralement aux terrains surinvestis, il importe d’interroger les effets de mode dans la recherche (aujourd’hui, par exemple, les sciences cognitives aimantent de nombreux domaines de recherche parfois très éloignés), parfois simplement produits par la disponibilité soudaine de nouvelles données ou archives. La focalisation d’équipes nombreuses sur un même objet produit-elle des effets d’intellection particuliers (abondance et confusion, conflits d’interprétation outrés…) ? Et ces effets de mode étant passagers, qu’en est-il de ces terrains « surpâturés », épuisés une fois l’engouement passé ? Retrouvent-ils une forme de « jachère scientifique » ? Bien sûr, ces interrogations sur les polarisations massives rejoignent le thème classique du canon disciplinaire – et du processus de canonisation des méthodes, des modes d’enquête, mais également des « tournants » et changements de canon. Cette question des effets de mode doit être directement rattachée aux problématiques des financements de la recherche. Par opposition, que peut nous apprendre une mise en lumière des terrains sous-investis sur les biais de l’entreprise scientifique ? Quels sont les zones d’ombre, les territoires délaissés par la science parce qu’ils n’attirent pas, parce qu’ils sont plus difficiles d’accès, parce qu’ils sont associés à des représentations moins positives ?

La représentation associée aux terrains joue un rôle important dans le positionnement scientifique et la construction des objets de recherche. En choisissant son terrain, la chercheuse ou le chercheur fait un choix susceptible d’influencer son positionnement dans la discipline, de le spécialiser dans une aire spécifique, un type d’approche ou une école de pensée. La structure interne à certaines disciplines présente des héritages de l’époque coloniale qui sont encore très marqués. On peut penser au cas de la médecine tropicale. Les études dites aréales en sciences humaines et sociales ou l’appellation de « Global South » ont des effets structurants sur les carrières et la circulation des savoirs dans la mesure où ces catégorisations contribuent à créer des barrières entre travaux académiques thématiquement proches pour la simple raison que leurs terrains diffèrent. Étudier le marché immobilier dans la ville du Cap en Afrique du Sud ferait de vous un spécialiste « des Suds » et de la géographie du développement, alors qu’étudier le même objet en métropole parisienne reviendrait à vous transformer en spécialiste de sociologie économique ou géographie urbaine.

Le choix de faire référence à son terrain et l’échelle choisie n’est également pas neutre. Des travaux de scientométrie spatiale ont ainsi démontré que les articles de recherche dont le titre comporte un nom de pays sont tendanciellement moins cités. Or les chercheurs·euses des pays non hégémoniques sont justement plus enclins à publier des articles dont le titre renvoie à un pays particulier (généralement le leur), quand leurs homologues dans les pays hégémoniques ont tendance à produire moins de monographies et davantage d’études comparatives, multi situées ou portant sur de grands espaces, à vocation universalisante.

Voici quelques-uns des thèmes que le dossier « Sur le terrain » pourrait porter, dans une approche ample et plurielle de ce que font, sont et révèlent les terrains des sciences

Modalités de soumission

Les personnes intéressées sont invitées à proposer, un résumé d’une page et demi de leur article à l’adresse : marion.maisonobe@cnrs.fr

pour le 25 juin 2022.

Les responsables du dossier et la rédaction procéderont à une sélection des projets retenus d’ici le 15 septembre 2022.

Les articles (de 30000 signes) seront ensuite à remettre d’ici le 15 janvier 2023. 

Kategorien

Orte

  • Paris, Frankreich (75)

Veranstaltungsformat

Online Veranstaltung


Daten

  • Samstag, 25. Juni 2022

Schlüsselwörter

  • terrain, revisite, surétude, indexation, accès, représentation, visibilité, spatialité

Kontakt

  • Marion Maisonobe
    courriel : marion [dot] maisonobe [at] cnrs [dot] fr

Verweis-URLs

Informationsquelle

  • Marion Maisonobe
    courriel : marion [dot] maisonobe [at] cnrs [dot] fr

Lizenz

CC0-1.0 Diese Anzeige wird unter den Bedingungen der Creative Commons CC0 1.0 Universell .

Zitierhinweise

« Sur le terrain », Beitragsaufruf, Calenda, Veröffentlicht am Dienstag, 14. Juni 2022, https://doi.org/10.58079/193m

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