HomeLes dimensions géographiques des séries télévisées
Published on Wednesday, June 15, 2022
Summary
Depuis maintenant plusieurs années, les séries télévisées suscitent l’intérêt des géographes. Cet intérêt s’inscrit dans le temps long du « renouveau » culturel, apparu aux États-Unis puis en France dans les années 1980-1990. Les productions audiovisuelles ne sont pas en reste, considérées en tant qu’elles reflètent, contestent ou diffusent un certain nombre de représentations, voire de stéréotypes, sur les sociétés contemporaines. Cette journée du BAGF (Bulletin de l’association de géographes français) apparait comme une opportunité de contribuer à actualiser et à unifier un objet d’étude encore éclaté.
Announcement
Argumentaire
Depuis maintenant plusieurs années, les séries télévisées suscitent l’intérêt des géographes. Cet intérêt s’inscrit dans le temps long du « renouveau » culturel (Claval, 2003), apparu aux États‑Unis puis en France dans les années 1980-1990. Ce renouveau a permis l’émergence de nouveaux objets d’étude tels que la littérature, le cinéma, la musique ou encore la peinture à travers un renouveau des approches où il est question de saisir « sur le vif » les imaginaires sociaux et spatiaux représentations des sociétés tant de leurs espaces vécus que perçus. Les géographes se sont ainsi emparés de la littérature (Tissier 2007 ; Madœuf et Cattedra, 2011, Desbois, Gervais-Lambony, 2016), la musique (n° spécial de la revue Géographie et Cultures, 2006, Guillard, 2016, n° spécial Géomusique dans l’Information géographique, 2017), les arts plastiques (Staszak, 2003), le land-art (Volvey, 2007) ou encore les jeux vidéo (Ter Minassian, Rufat, 2008).
Les productions audiovisuelles ne sont pas en reste, considérées en tant qu’elles reflètent, contestent ou diffusent un certain nombre de représentations, voire de stéréotypes, sur les sociétés contemporaines. Le cinéma a intéressé les géographes plus tôt que les séries et a fait l’objet de thèses (Pinto, 2016, Rouiai, 2016) et de publications, notamment un numéro des Annales de géographie (Staszak, 2014) proposant un bon aperçu de la diversité des travaux de géographes sur cet objet. Le cinéma apparaît comme une « écriture de l’espace » (Pleven, 2015) qui intéresse directement le géographe mais entre aussi en tension avec « l’écriture géographique » dès lors que ces deux formes d’écriture s’articulent pour analyser les rapports entre art et science, fiction et réalité (Pleven, 2015). Il en est de même des séries télévisées qui sont aujourd’hui envisagées comme des miroirs, plus ou moins déformants, plus ou moins performatifs, des sociétés contemporaines et, par là même, comme des outils d’analyse et de mise en débats de celles-ci (Bacqué et al., 2014). Les séries télévisées peuvent donc être analysées, elles aussi, comme une forme d’écriture de l’espace en tant qu’elles mettent en scène en formes et en récit des lieux, des espaces et des territoires et qu’elles produisent un discours sur ces derniers (Denmat, 2021).
Les études sur les séries télévisées se sont multipliées ces vingt dernières années en raison de leur succès grandissant tant chez les critiques qu’auprès des publics. Depuis ce qui est considéré comme l’"âge d’or des séries" à la fin des années 90, l’offre et les canaux de diffusion se sont développés de manière exponentielle. Dans ce cadre, les séries se sont diversifiées tant sur le plan des thématiques abordées, des lieux figurés que des lieux de production. On observe en effet un développement important du genre sériel en Afrique ou en Asie ces dernières années. Les budgets et donc les moyens alloués aux séries ont considérablement augmenté, d’abord avec les productions par les chaînes de télévision privées aux Etats-Unis puis avec les nouveaux acteurs internationaux spécialisés tels Netflix. Enfin, les publics ont aussi beaucoup évolué y compris dans le regard des chercheurs : d’un public perçu comme une masse manipulée par les médias, ces derniers le perçoivent aujourd’hui comme un public actif (Doury, 2017). La question des réceptions des séries suscite ainsi des questions importantes tant méthodologiques qu’épistémologiques.
Cette journée de l’Association de Géographes Français apparaît comme une opportunité de contribuer à actualiser et à unifier un objet d’étude encore éclaté. En mettant les œuvres sérielles au cœur de la réflexion, trois grands axes émanent de la littérature :
La géographie de la production des séries : cinéma et séries télévisées suscitent ainsi l’attention des chercheurs en géographie qui s’interrogent sur les localisations de la production (voir notamment Abrantes, 2005 sur le Brésil ou Deprez, 2010 sur Bollywood). Au-delà des modèles connus comme X Files ou Game of Thrones, comment les séries dans leurs diversités et en tant que systèmes productifs font de l’espace une ressources narrative ou esthétique et s’inscrivent dans des territoires ? Quelles en sont, en retour, les répercussions dans l’œuvre elle-même ?
Les effets spatiaux et territoriaux des séries : des études analysent les effets que les séries produisent dans la réalité, notamment urbaine, via par exemple les formes d’aménagement, de patrimonialisation (Marichez, 2020) ou de mise en tourisme qui peuvent être induites par ces derniers (Grenier, 2011 ; Simay et Tonnelat, 2011). Dans un autre ordre d’idée, les séries ont été envisagées comme des outils de soft power dans le contexte de mondialisation, comme c’est le cas des soap opéras turcs (Paris, 2013, Anaz, Ozcan, 2016, Saïdi-Sharouz, 2018). Dans quelle mesure les séries participent-elles de la construction de la réalité ? Comment le mesurer ?
La fabrique des imaginaires : de nombreux travaux analysent la manière dont sont fabriquées les images qui les constituent, comme les travaux sur les génériques par exemple ou encore les représentations véhiculées par ces images : en quoi et comment les séries produisent et/ou révèlent des imaginaires spatiaux ? Comment rendent-elles compte de certains paysages, certaines expériences territoriales (Bollhöfer, 2007) ? Comment prendre en compte leur dimensions visuelles, sonores, narratives et figuratives dans de ce travail de déchiffrement du monde des séries qui reposent sur une autre temporalité que le cinéma ?
En outre, ces trois axes principaux de recherche sont traversé par de nombreuses questions dont certaines restent encore aujourd’hui, relativement peu travaillées :
-la tension entre démarches internalistes et externalistes qui interroge la juste place de la prise en compte des réceptions des séries. Si des études ont été menées en sciences de l’information et de la communication (Doury, 2017, Bourdaa, 2021), les analyses de la réception de ces objets auprès des publics et plus particulièrement des représentations spatiales, qui intéressent directement la géographie, sont encore peu nombreuses au sein de la discipline.
-les interrogations méthodologiques sont nombreuses quand il s’agit de saisir des matériaux tels que les séries : il semble exister autant d’approches que de chercheurs étudiant le cinéma et/ou les séries télévisées. Comment faire dialoguer formes audiovisuelles et interprétations géographiques ?
-La question de la construction des corpus d’analyse reste un écueil pour les chercheurs. Enfin, les études se sont surtout concentrées sur l’analyse du cinéma et des séries nord-américaines et peu de travaux ont été publiés sur les productions audiovisuelles réalisées ailleurs dans le monde, notamment en Europe, et encore moins dans les pays en développement.
À travers leurs communications, les contributeurs sont invités à présenter leurs approches des séries télévisées. Plusieurs axes de réflexion pourront être abordés durant cette journée d’étude :
- Les apports des séries télévisées dans la discipline géographique.
- Les propositions méthodologiques permettant d’aborder ces nouveaux objets géographiques.
- L’élargissement des horizons géographiques pour permettre l’analyse de la diversité des productions audiovisuelles, notamment celles des pays « des Suds ».
- L’analyse des discours sur l’espace et sur les sociétés produits par les séries télévisées.
- Didactique de la géographie et séries télévisées, ou en quoi les séries télévisées peuvent être utilisées comme outil d’enseignement de la géographie
Modalités de soumission
Les propositions de communication (500 mots environ sans bibliographie) sont à envoyer accompagnées d’un titre et d’une courte présentation de l’auteur (statut, université́ ou organisme de rattachement, laboratoire de recherche …) conjointement aux adresses suivantes :
pierre.denmat@gmail.com ; bert_pleven@yahoo.fr ; marie-laure.poulot@univ-montp3.fr
au plus tard le 15 aout 2022
Les réponses aux propositions de communications seront données à leurs auteurs au plus tard le 1er septembre 2022.
La journée se déroulera le 15 octobre 2022 à l’Institut de géographie à Paris, 191, rue Saint-Jacques – 75 005 Paris.
À l’issue de la journée d’étude, les textes sélectionnés seront édités dans un numéro de la revue de l’AGF, le BAGF (Bulletin de l’Association de Géographes Français). Informations disponibles sur OpenEdition Journals : URL https://journals.openedition.org/bagf/
Informations utiles
Les réponses aux propositions de communications seront données à leurs auteurs au plus tard le 30 juillet.
La journée se déroulera le 15 octobre 2022 à l’institut de géographie à Paris.
Comité d’organisation
- Pierre Denmat
- Bertrand Pleven
- Marie-Laure Poulot
Eléments bibliographiques
Abrantes M. Géographie de l’audiovisuel au Brésil (Brazil’s television and cinema geography). In : Bulletin de l’Association de géographes français, 82e année, 2005-3 (septembre). La géographie économique au début du XXIe siècle : agglomération et dispersion / Géographie vernaculaire. pp. 310-318 ;
Anaz N, Ozcan CC , “Geography of Turkish soap operas: Tourism, soft power, and alternative narratives », Alternative tourism in Turkey, 2016
Bacqué MH., Flamand A., Paquet-Deyris AM, Talpin J., (2014) The Wire. L’Amérique sur écoute, Paris, Montréal, La Découverte.
Bollhöfer Björn, « Télévision et images géographiques », Géographie et cultures [En ligne], 60 | 2007, mis en ligne le 24 janvier 2022. URL : http://journals.openedition.org/gc/16068
Bourdaa Mélanie, 2021, Les études de fans : communautés, pratiques et engagements, C&F Éditions
Claval P., (2003) Géographie culturelle : une nouvelle approche des sociétés et des milieux, Paris, Armand Colin
Denmat P., (2021), « Les séries télévisées ou la relecture de la ville : regards croisés entre Johannesburg et New York », Annales de Géographie, n° 739-740, p. 16-37
Deprez Camille, Bollywood. Cinéma et mondialisation, Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, 2010
Desbois Henri, Gervais-Lambony Philippe, Musset Alain, « Géographie : la fiction « au cœur » », Annales de géographie, 2016/3-4 (N° 709-710), p. 235-245
Doury Laurence, « Chapitre 5. Comment analyser les publics des séries télévisées ? », dans : Sarah Sepulchre éd., Décoder les séries télévisées. Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, « INFO&COM », 2017, p. 163-193. URL : https://www.cairn.info/--9782807308176-page-163.htm
Grenier A., (2011) « Ciné-tourisme : du concept au fan, au coeur de l’expérience », Téoros : revue de recherche en tourisme, vol. 30, no 1, p. 79-89.
Guillard, S. « Le rap, miroir déformant des relations raciales dans les villes des États-Unis », Géoconfluences, janvier 2016.
Madœuf A., Cattedra R. (éd.) (2012), Lire les villes. Panoramas du monde urbain contemporain, Tours, Presses Universitaires François Rabelais, 230 p
Marichez Nicolas, « Le cinéma, vecteur de patrimonialisation du bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais », Géoconfluences, mars 2020. URL : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/articles/cinema-patrimoine-minier-hauts-de-france
Paris Julien, « Succès et déboires des séries télévisées turques à l’international. Une influence remise en question. », Hérodote, 2013/1 (n° 148), p. 156-170.
Pleven B., (2015), « Horizons géographiques du cinéma de fiction », Géographie et cultures, n° 93-4, p. 189-216.
Saïdi-Sharouz Mina, « Le rôle des séries télévisées turques dans la circulation des modèles urbains et des modes d’habiter en Iran », EchoGéo [En ligne], 45 | 2018, mis en ligne le 05 novembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/echogeo/15985
Staszak, Jean-François (2003) Géographies de Gauguin. Rosny-sous-Bois, Éditions Bréal, 256 p
Staszak JF., (2014), « Géographie et cinéma : modes d’emploi », Annales de géographie, n° 695-696, p. 595-604
Ter Minassian Hovig et Samuel Rufat, « Et si les jeux vidéo servaient à comprendre la géographie ? », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Science et Toile, document 418, mis en ligne le 27 mars 2008. URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/17502
Tissier J.-L. (éd.) (2007), « Géographie et littérature », Bulletin de l’association des géographes français, n° 84-3, p. 243-303.
Volvey Anne. Land Arts. Les fabriques spatiales de l’art contemporain. In : Travaux de l’Institut Géographique de Reims, vol. 33-34, n° 129-130, 2007. Spatialités de l’Art. pp. 3-25
Note
[1] Voir le compte rendu du Café Géo de 2013 intitulé « Les séries TV, miroirs obscurs de la géographie urbaine ? » : http://cafe-geo.net/les-series-tv-miroirs-obscurs-de-la-geographie-urbaine/
Subjects
- Geography (Main subject)
- Society > Sociology
- Society > Urban studies
- Society > Political studies
Places
- Institut de géographie - 123 rue Saint-Jacques
Paris, France (75005)
Date(s)
- Monday, August 15, 2022
Keywords
- série télévisée, dimension géographique
Contact(s)
- Pierre Denmat
courriel : pierre [dot] denmat [at] gmail [dot] com - Marie-Laure Poulot
courriel : marie-laure [dot] poulot [at] univ-montp3 [dot] fr - Bertrand Pleven
courriel : bert_pleven [at] yahoo [dot] fr
Information source
- Pierre Denmat
courriel : pierre [dot] denmat [at] gmail [dot] com
License
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To cite this announcement
« Les dimensions géographiques des séries télévisées », Study days, Calenda, Published on Wednesday, June 15, 2022, https://calenda.org/1002454