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Ce que la nécessité fait au droit

Première journée d’étude dans le cadre du cycle « De la nécessité en droit à la nécessité du droit »

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Publié le jeudi 23 juin 2022

Résumé

Cette manifestation part de l’hypothèse d’un impensé au sein de notre tradition juridique, où pourtant la notion de nécessité apparaît omniprésente, de façon explicite ou sous-jacente dans les différents discours juridiques. Qu’il s’agisse de sa fonction justificatrice ou de sa mobilisation à des fins de justice sociale et environnementale, des difficultés liées à son appréciation et de son intégration dans le discours juridique, la question de ce que la nécessité fait au droit sera l’objet de cette première journée d’étude. L’appel à communication est ouvert aux chercheuses et chercheurs de toute situation académique ainsi qu’aux juristes praticien·ne·s.

Annonce

Argumentaire

Cette première journée d’étude organisée par le Centre de recherches juridiques (CRJ) et le Centre d’Études sur la Sécurité Internationale et les Coopérations Européennes (CESICE) vise à poser la question de la nécessité en droit. Cette manifestation part de l’hypothèse d’un impensé au sein de notre tradition juridique, où pourtant la notion de nécessité apparaît omniprésente, de façon explicite ou sous-jacente dans les différents discours juridiques. La nécessité semble effectivement être une des grandes oubliées des réflexions juridiques, ces dernières la reléguant bien souvent aux confins du droit. Lorsqu’elle retient l’attention du juriste, celui-ci est généralement bien en peine pour en proposer une définition (M. Tropper, 2011) ; qualifié par des synonymes réfutables, le terme de nécessité semble d’abord renvoyer à une notion protéiforme réduite à sa finalité.

Une finalité justificatrice : du registre des discours sur le droit aux discours du droit

S’arrêter sur la notion de « nécessité », c’est en effet d’abord mettre en exergue sa fonction justificatrice. Au sein de la philosophie politique des Lumières, l’idée de nécessité fonde l’existence même du système juridique, dont les règles sont nécessaires dès lors que des rapports sociaux se forment, assurant la survie en communauté et la paix sociale, instaurant la sécurité et une certaine conception de la liberté. En outre, la nécessité de la Loi en légitimant son existence fonde son obéissance, c’est-à-dire la nature du commandement qu’elle représente.

Si elle se déploie dans les discours sur le droit, elle n’est pas non plus absente des discours du droit. Une recherche au sein de la législation française positive permet de relever un certain nombre d’occurrences révélatrices des usages de cette notion. Dans le Code civil, en excluant les quelques articles qui l’emploient comme verbe permettant d’articuler une proposition conditionnelle (e.g. la réalisation d’une situation nécessite telle ou telle condition), la nécessité est employée soit pour déroger à une règle, soit pour au contraire justifier ou guider son application. Est ainsi mobilisée la « nécessité médicale » pour justifier de l’atteinte à l’intégrité du corps humain ; le juge ne peut ordonner une mesure de protection judiciaire « qu’en cas de nécessité » ; les pouvoirs d’astreinte du JAF sont encadrés « si les circonstances en font apparaître la nécessité ». En matière pénale, sur les six articles qui usent de cette notion, trois portent sur l’interdiction de violenter un animal « sans nécessité ».

C’est aussi avec la formule « état de nécessité » que la notion de nécessité est saisie par le droit : la première affaire médiatisée est celle mettant en scène le « bon juge » Magnaud (Clémenceau, L’Aurore, 1898) refusant de condamner Louise Ménard pour un vol de pain en invoquant notamment la faim qui animait la jeune femme au moment du délit, reflet de « l’impérieux besoin de se procurer un aliment de première nécessité ». L’ « état de nécessité » s’inscrit alors dans une rhétorique argumentative permettant d’invoquer la remise en cause d’une règle de droit que le plaideur juge inadaptée aux enjeux d’une situation donnée, qu’elle soit individuelle ou de plus grande ampleur. La nécessité apparaît alors comme un outil militant dans un droit vu comme une ressource potentielle (D. Roman, 2022). Emblématiques à leur manière d’un passage de la question sociale du XIXe siècle à la question environnementale du XXIe siècle (Cahiers de la justice, 2019 : « L’état de nécessité peut-il servir la cause environnementale ? »), les tentatives de mobilisation (admises ou rejetées par les juridictions) dont cette formule a pu faire l’objet révèlent des conceptions du droit et des stratégies de plaidoyer qui questionnent et méritent d’être étudiées en tant que telles. 

S’opposer, transformer : les circonstances matérielles contre le droit ?

Lien entre le droit et le fait, la nécessité dans ces divers usages soulève fondamentalement la question de son appréciation. Pour faire admettre son existence, une stratégie argumentative récurrente peut consister à chercher à imposer l’autorité d’une source de légitimation extérieure aux discours juridiques, en puisant notamment des éléments dans un discours scientifique externe. S’il revient certes au droit le « pouvoir du dernier mot » (S. Hennette-Vauchez, 2004), deux angles de recherche peuvent alors apparaître. D’une part, il s’agit d’étudier la manière dont des stratégies de plaidoyer donnent une orientation prescriptive à des discours scientifiques originellement descriptifs : comment un discours juridique militant est-il produit sur ces bases et dans quelle mesure intègre-t-il le registre de la nécessité ? D’autre part, il s’agit de se demander comment des acteurs et actrices juridiques (aussi bien du côté de la magistrature que du côté du législateur) reçoivent ces données extérieures pour créer le droit : quels types de discours scientifiques sont retenus et comment sont-ils exploités ? L’usage de données scientifiques se traduit-il, et si oui comment, dans le registre argumentatif de la nécessité ? À titre d’exemple, la pandémie a confirmé toutes les difficultés pour la magistrature d’effectuer, dans un tel cadre, un contrôle des normes adoptées (voir not. CE, réf., 26 juillet 2021, Cassia et a., n° 0454754). Comment la nécessité intègre-t-elle cette problématique classique de la « démocratie contre les experts » (P. Ismard, 2015) ?

Au sein de la doctrine, la rhétorique de la nécessité amène également à interroger les conditions de prise en compte du contexte sociopolitique et à questionner l’attitude réflexive de la chercheuse ou du chercheur (J. Betaille). Alors que l’approche dogmatique consiste à produire un discours scientifique limitant la remise en cause de l’objet d’étude, l’approche réflexive impose au contraire une mise à distance entre la·le·chercheur·euse et ce dernier. Sous cette acception, la notion de nécessité conduit non seulement à intégrer davantage les sciences non juridiques dans l’analyse du droit mais, également, à questionner les méthodes avec lesquelles les chercheur·euses se saisissent de ces données.

Pistes de réflexion

Les contributions pourront s’inscrire dans l’un des thèmes décrits ci-dessous sans que cette liste ne soit exhaustive.

  • L’usage de la nécessité dans le discours du droit : un des premiers enjeux peut résider dans la poursuite de l’identification de ses manifestations en droit, préalable nécessaire aux tentatives de qualifications sémantique et fonctionnelle de cette notion.
  • L’appréhension de la nécessité par les acteurs et actrices du droit (entendu au sens le plus large) : qui se saisit de la nécessité, comment et dans quel but ?

Modalités de soumission

Le but de cette manifestation est de réunir des juristes autour de différentes tables rondes thématiques. Les chercheuses et chercheurs de toute situation académique qui souhaitent participer à cette journée d’étude devront soumettre une version anonyme de leur proposition de contribution (4000 caractères maximum) sous format pdf à l’adresse suivante : droit.et.necessite@gmail.com

avant le 21 juillet 2022

Les participant·e·s retenu·e·s seront prévenu·e·s fin juillet 2022.

Comité scientifique

  • Julie Courtois, UGA (CRJ)
  • Amélie Imbert, UGA (CESICE)
  • Mathilde Regad, UGA (CERDAP2)

Catégories

Lieux

  • Saint-Martin-d'Hères - 1133 rue des Résidences
    Grenoble, France (38400)

Dates

  • jeudi 21 juillet 2022

Fichiers attachés

Mots-clés

  • théorie du droit, épistémologie, justice, état de nécessité, justice sociale, justice environnementale, autorité, discours scientifique

Contacts

  • Julie Courtois
    courriel : julie [dot] courtois [at] univ-grenoble-alpes [dot] fr
  • Amélie Imbert
    courriel : amelie [dot] imbert [at] univ-grenoble-alpes [dot] fr

Source de l'information

  • Julie Courtois
    courriel : julie [dot] courtois [at] univ-grenoble-alpes [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Ce que la nécessité fait au droit », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 23 juin 2022, https://doi.org/10.58079/195b

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