AccueilL’éducation populaire dans tous ses états : entre résistances et métamorphoses

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Publié le mercredi 22 juin 2022

Résumé

Retour de la revue Pratiques de Formation / Analyses, issue de l’université Paris 8, dont les publications ont été importantes dans le champ des sciences de l’éducation. Le n° 67 cherche au travers d’influences et d’expériences multiples, à explorer les différentes évolutions actuelles de l’éducation populaire, les possibles qu’ouvrent ses pratiques, illustrant ses transformations en cours et à venir. Les contributions (articles, témoignages, entretiens, vidéos, bandes-dessinées, etc.) pourront proposer des contenus diversifiés, des expériences singulières ou collectives, des monographies d’actions, des cartographies liées à un territoire réel ou imaginaire.

Annonce

Argumentaire

L’éducation populaire a connu des sens, des significations et des pratiques très différentes, voire concurrentes, en fonction des époques et de ses porte-paroles (Chateigner, 2012). Elle est caractérisée par la porosité de ses frontières, l’indéfinition des limites du champ aux marges du système scolaire, mais aussi du monde politique, de l’action sociale et culturelle, sportive et de l’éducation ouvrière. Ce numéro vise à réinterroger l’éducation populaire dans le contexte actuel, en France et à l’international, en prenant en compte ses formes de résistance, d’incertitude, de développements et de métamorphoses.

Tout au long de la deuxième moitié du XXe siècle, plusieurs transformations de l’éducation populaire semblent poser les bases d’un double mouvement : un mouvement d’institutionnalisation (soit de renforcement des relations entre l’État et les structures d’éducation populaire) et un mouvement plus récent de renouvellement de pratiques qui permettent de retrouver des marges de manœuvre politique.

Le premier mouvement est lié au développement du temps libre, des loisirs, des médias et à sa mise en équipements et sa professionnalisation. Le « renforcement du rôle de l’État » (Poujol, 2000), conjugué à l’avènement du chômage de masse, offre un espace institutionnel au mouvement de l’EP, qui se trouve alors contrainte de faire avec de nouvelles méthodes de gestion du service public, instaurant des modalités de financement contractualisées par projets d’action avec une obligation de résultats (passage du subventionnement au conventionnement) (Durand, 1996). Les logiques de marché s’introduisent peu à peu dans le fonctionnement des associations. La recherche de subvention sur projet est suspectée de conditionner la mise en œuvre des activités d’éducation populaire et de les soumettre à une expertise professionnelle. Les objectifs et les temporalités sont fixées au préalable des actions, les critères d’évaluation prédéfinis sont majoritairement quantitatifs. Apparaît alors le risque que ces modèles orientent l’action, parfois au détriment du projet éducatif des acteurs : « ce ne sont plus les associations d’éducation populaire qui inventent de nouvelles formes d’intervention éducatives, c’est l’État qui les définit pour elle » (Poujol, 2000, p. 20).

Cette première tendance conduit à une lente « dépolitisation » des milieux associatifs, par leur encadrement et leur « instrumentalisation ». Ce qui fait dire à Geneviève Poujol (2000, p. 21), à la fin du XXe siècle, que « ceux qui se réclament de l’éducation populaire n’en font plus et que ceux qui en font ne s’en réclament pas ». Processus que l’auteure associe principalement au développement de « l’animation socio-culturelle ». D’autres auteurs (Besse, de Lescure et Porte, 2021, p. 13) nuancent cette analyse pour faire l’hypothèse de nouveaux modes d’articulation entre animation socioculturelle et projet politique. Dès lors, que reste-t-il aujourd’hui des revendications initiales de justice sociale, de co-éducation et d’émancipation des personnes, dans les pratiques et chez les acteurs de l’éducation populaire ?

Le second mouvement est celui d’un renouvellement du projet politique et philosophique de l’éducation populaire. Émerge une nouvelle forme de rapport contestataire au politique, une critique sociale qui réaffirme un projet d’« éducation politique des adultes » (Besse, Chateigner, Ihaddadene et al., 2016 ; Lebon, 2020, p. 15). On peut prendre l’exemple de la création de l’association ATTAC, qui après les grèves de décembre 1995 appelle à une repolitisation de l’éducation populaire, par une réappropriation critique des savoirs concernant l’économie, principe peu à peu affirmé par divers mouvements sociaux. On retrouve là une préoccupation ancienne dans le champ de l’éducation permanente (Pineau, 1977, 1980), qui interroge la nature des savoirs (scolastiques ou fruits de l’expérience), leur circulation, leurs fonctions, leurs modes de transmission. L’Offre Publique de Réflexion sur l’avenir de l’éducation populaire (1998-2001), initiée par la ministre de la Jeunesse et des Sports Marie-George Buffet, portait l’hypothèse d’une définition de l’éducation populaire comme travail de la culture dans une visée de transformation sociale, en l’ouvrant aux problématiques de la démocratie participative ou délibérative (en appui sur les travaux de Luc Carton, 1999, 1996). Cette réaffirmation de la dimension politique de l’éducation populaire (Morvan, 2011) se traduit par l’expérimentation de pratiques encourageant explicitement la conscience critique, l’exercice politique démocratique du plus grand nombre.

La repolitisation de l’éducation populaire apparaît comme un « réenchantement » de la notion, de ses pratiques concrètes et de sa portée transformatrice (de Lescure & Porte, 2017). Aussi, l’apparition de nouveaux espaces de contre-pouvoir dans la société civile vient réinterroger les manières de « faire société » et l’articulation avec des intérêts individuels et collectifs. Des mouvements populaires (Nuit debout, les Gilets jaunes, par exemple) ont fait événement, revendiquant parfois une alternative, à la fois dans le mode de mobilisation privilégié et dans le projet poursuivi, celui d’une transformation des conditions sociales d’existence. La repolitisation de l’éducation populaire interroge le sens et les conditions de la démocratie et de la citoyenneté (Derycke, 2016) à partir de nouvelles formes de délibération, la renaissance d’un espace « se préoccupant de l’éducation politique et civique des adultes, hors du champ des organisations politiques » (Besse et al., 2016, p. 15). Dès lors, peut-on considérer que ces mouvements illustrent une nouvelle forme d’éducation populaire ?

À partir de ce constat, trois questions traversent la problématique de ce numéro de PFA1, 17 années après le numéro coordonné par Christian Verrier. Celui-ci vise à réinterroger l’éducation populaire sous des angles différents, en explorant les questions suivantes :

  • En partant du postulat que « l’éducation populaire » est une notion en évolution permanente, qui fait encore recherche : quelles sont les tensions que traverse ce mouvement, de quelles manières s’expriment-elles concrètement sur le terrain ? Quelles marges de manœuvres se donnent-elles entre son incorporation dans des espaces institutionnels formalisés (avec par exemple, la récente intégration des services Jeunesse et Sports à ceux de l’Éducation nationale) et l’inédit critique et transformateur qui la caractérise ?
  • Quelles sont les formes de renouvellement et de réinvention de l’éducation populaire (autour de nouveaux objets, de nouveaux terrains, de nouvelles pratiques ou de champs d’intervention) ? Sur quelles résistances ou alliances se redéploie-t-elle dans le contexte actuel ? Y a-t-il des dimensions éducatives spécifiques à ces formes alternatives ? Le cas échéant, comment ces méthodes de pédagogie active rencontrent-elles de nouvelles pratiques, dites participatives ou collaboratives ? En quoi viennent-elles requestionner le concept de démocratie ? Quels sont les nouveaux courants de pensée, les nouvelles approches scientifiques ou techniques sur lesquels elle s’appuie ? Se réfère-t-elle aux mêmes racines théoriques, pratiques et politiques que celles de l’EP des siècles derniers ?
  • En quoi les expériences d’éducation populaire d’autres pays et/ou réseaux internationaux résonnent-elles avec ces tensions et transformations ? Quels impensés et quelles perspectives nous renvoient-elles en miroir ? Quels germes de l’éducation populaire observe-t-on aujourd’hui, qui pourraient nourrir les pratiques de demain, depuis les tensions observées et leurs résolutions, forcément provisoires ?

Cet appel à contribution s’adresse à tou.te.s les acteurs et actrices impliqué.e.s dans ces mouvements et expériences d’éducation populaire : militant.e.s, salarié.e.s et responsables de structures associatives, mais aussi des chercheurs.es. Les contributions (articles, témoignages, entretiens, vidéos, bandes animées, etc.) pourront proposer des contenus diversifiés, des expériences singulières ou collectives, des monographies d’actions en cours et en devenir, des cartographies liées à un territoire réel ou imaginaire ; et bien sûr, des articles scientifiques, développant une réflexion sur la situation actuelle de ce mouvement et anticipant des transformations possibles, avec une visée politique et émancipatrice.

Coordinateurs du numéro

  • Martine Morisse : MCF-HDR, Université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis
  • Sébastien Pesce : MCF, Université d’Orléans
  • Philippe Glâtre : ATER, Université Paul Valéry Montpellier 3

Modalités de soumission

Les contributions, qui devront respecter les consignes aux auteurs-rices détaillées dans le document joint, peuvent être adressées à l’adresse : pfa.educationpopulaire@gmail.com

jusqu’au 15 octobre 2022.

La publication se fera en juin 2023, aux Presses universitaires de Vincennes.

Comité scientifique de la revue PFA 

Québec :

  • Danielle DESMARAIS : Professeure associée à l’Université du Québec à Montréal 
  • Louise BOURDAGES : Professeure retraitée de l’Université TELUQ (Université à distance)
  • Pascal GALVANI : Professeur à l’Université du Québec à Rimouski.

Allemagne :

  • Christophe WULF : Professeur d’anthropologie et de philosophie de l’éducation à la Freie Universität de Berlin, Fondateur de le la Commission sur l’anthropologie éducative de la Société allemande en sciences de l’éducation, Vice-Président de la commission allemande pour l’UNESCO.

Espagne :

  • José GONZALEZ MONTEAGUDO :  Enseignant chercheur au département des sciences de l’éducation et de la formation à la Faculté de l’Université de Séville.

Suisse :

  • Jacqueline MONBARON : Enseignante chercheure à la Faculté des Lettres et des sciences humaines, Département des sciences de l’éducation et de la formation à Fribourg.

États-Unis :

  • Michel ALHADEFF-JONES : Professeur associé adjoint en formation des adultes. Teachers College, Colombia University, New York. 

Mexique :

  • Ruben BAG : Professeur d’Université, sociologue, Université Pédagogique de Mexico. 

Brésil :

  • Anne-Marie MILON OLIVEIRA : Professeure retraitée à l’Université de Rio de Janeiro.

France :

  • Gilles BROUGERE : Professeur au département des sciences de l’éducation à l’Université de Paris 13.
  • Hélène BEZILLE : Professeure émérite au département des Sciences de l’éducation et de la formation de l’Université Paris-Est Créteil.
  • Guy BERGER : Professeur émérite au département des Sciences de l’éducation et de la formation de l’Université de Paris 8-Vincennes à Saint-Denis.
  • Jean-Louis LE GRAND : Professeur retraité au département des Sciences de l’éducation et de la formation de l’Université de Paris 8-Vincennes à Saint-Denis.
  • Frédérique LERBET-SERENI : Professeure en sciences de l’éducation à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour.

Références bibliographiques

Besse, Laurent ; Chateigner, Frederic & Ihaddadene, Florence (2016). « Note de synthèse : l’éducation populaire », Savoirs, vol. 3, n° 42, p. 11-49.

Besse, Laurent ; de Lescure, Emmanuel ; Porte, Emmanuel (éds.) (2021). La fabrique de l’éducation populaire et de l’animation. Paris : INJEP, Notes & Rapports.

Carton, Luc (1999), « Les défis de l’éducation populaire », dans Ministère de la Jeunesse et des sports. Rencontres pour l’avenir de l’éducation populaire. Actes des rencontres nationales organisées à La Sorbonne les 5 et 6 novembre 1998, Paris : éditions Ellebore, p. 21-27.

Carton, Luc (1996). « Éducation populaire ou animation socioculturelle », Actes des séminaires de la FFMJC de 1994-1996, groupe de recherche sur l’éducation populaire et le métier de directeur de MJC, Lettres de la FFMJC n° 8 (mars), n° 9 (septembre), n° 10.

Chateigner, Frederic (2012). Éducation populaire : les deux ou trois vies d’une formule. Thèse de doctorat, sous la direction de Vincent Dubois et Gérard Maugier. Strasbourg : Université de Strasbourg.

Derycke, Marc (dir.) (2016). Citoyenneté de non citoyens. Saint-Etienne : Presses universitaires de Saint-Étienne.

Dumazedier, Joffre (1974). Sociologie empirique du loisir. Critique et contre-critique de la civilisation du loisir. Paris : Seuil.

Durand, Robert (1996). Histoire des centres sociaux, du voisinage à la citoyenneté. Paris : Syros.

Lebon, Francis & Lescure (de), Emmanuel (éds.) (2016). L’éducation populaire au tournant du XXIème siècle. Vulaines-sur-Seine : Editions du croquant.

Lepage, Franck (2001). Le travail de la culture dans la transformation sociale : une offre publique de réflexion du ministère de la Jeunesse et des Sports sur l’avenir de l’éducation populaire. Rapport d’étape, Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire. Paris : La Documentation Française.

Lescure (de), Emmanuel & Porte, Emmanuel (éds.) (2017). AGORA Débats/jeunesses, vol. 2, n° 76.

Ministère de la Jeunesse et des sports (1999). Rencontres pour l’avenir de l’éducation populaire. Actes des rencontres nationales organisées à La Sorbonne les 5 et 6 novembre 1998. Paris : éditions Ellebore.

Morvan, Alexia (2011). Pour une éducation populaire politique : à partir d’une recherche-action en Bretagne. Thèse de doctorat, sous la direction de Jean-Louis Le Grand. Paris : Université de Paris 8 Vincennes à Saint-Denis.

Pineau, Gaston (éd.) (1977). Éducation ou aliénation permanente ? Repères mythiques et politiques. Montréal : Éditions Sciences et Culture.

Pineau, Gaston (1980). Les combats aux frontières des organisations. Un cas universitaire d’éducation permanente. Montréal : Éditions Sciences et Culture.

Poujol, Geneviève (2000). « L’éducation populaire au tournant des années soixante-dix. L’effet soixante-huit ? », dans G. Poujol, Éducation populaire : le tournant des années 70. Paris : L’Harmattan, p. 11-23.

Verrier, Christian (éd.) (2005). Les pratiques contemporaines de l’éducation populaire, Pratiques de Formation/Analyses, n° 49.

Note

1 En référence au numéro 49 de la revue Pratiques de Formations Analyse, publié en 2005, coordonné par Christian Verrier, intitulé Les pratiques contemporaines de l’éducation populaire.


Dates

  • samedi 15 octobre 2022

Mots-clés

  • éducation populaire, résistance, émancipation, transformation sociale, démocratie participative, démocratie délibérative

Contacts

  • Philippe Glâtre
    courriel : philippe [dot] glatre [at] univ-montp3 [dot] fr

Source de l'information

  • Philippe Glâtre
    courriel : philippe [dot] glatre [at] univ-montp3 [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« L’éducation populaire dans tous ses états : entre résistances et métamorphoses », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 22 juin 2022, https://doi.org/10.58079/195u

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