AccueilRégimes de croyance, régimes de vérité

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Régimes de croyance, régimes de vérité

Regimes of belief, regimes of truth

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Publié le mardi 05 juillet 2022

Résumé

Le choix du titre « régimes de croyance, régimes de vérité » répond à deux exigences. La première concerne la volonté ne pas restreindre l’analyse du non-religieux à une étude par la négation ou l’absence. Que l’on parle d’agnosticisme, d’athéisme, d’indifférence, d’irreligion ou encore de « nones », les termes utilisés pour analyser ce phénomène le présentent trop souvent comme le versant négatif du religieux. Or, il apparaît nécessaire d’en montrer les composantes positives, ce que permet le recours aux termes de « croyance » et de « vérité ». La seconde exigence répond à la volonté de mieux comprendre ce qui distingue non-religieux et religieux. Les réflexions menées au cours du séminaire qui a précédé ce colloque ont montré que les frontières entre ces deux univers de sens sont mouvantes et que ceux-ci partagent de nombreuses caractéristiques. Comment se déploient et s’articulent régimes de croyance et régimes de vérité dans un monde post-séculaire ?

 

Annonce

Argumentaire

Ce colloque constitue l’aboutissement d’un séminaire sur le non-religieux de neuf séances déclinées selon trois axes de recherche : « philosophie, normes et valeurs de la non-religion » ; « non-religieux en contextes culturels et confessionnels variés » ; « religion, non-religion, sécularisation : débats théoriques ».

Ce colloque se veut le prolongement des échanges qui ont nourri ces séances ; il vise également à ouvrir de nouvelles réflexions sur la thématique du non-religieux.

Le choix du titre « régimes de croyance, régimes de vérité » répond à deux exigences. La première concerne la volonté ne pas restreindre l’analyse du non-religieux à une étude par la négation ou l’absence. Que l’on parle d’agnosticisme, d’athéisme, d’indifférence, d’irreligion ou encore de « nones », les termes utilisés pour analyser ce phénomène le présentent trop souvent comme le versant négatif du religieux (Quack, 2013). Or, il apparaît nécessaire d’en montrer les composantes positives, ce que permet le recours aux termes de « croyance » et de « vérité ».

La seconde exigence répond à la volonté de mieux comprendre ce qui distingue non-religieux et religieux. Les réflexions menées au cours du séminaire ont montré que les frontières entre ces deux univers de sens sont mouvantes et que ceux-ci partagent de nombreuses caractéristiques : tous deux peuvent englober des normes, des dogmes et des rituels ; ils renvoient communément à un ordre axiologique, symbolique et spirituel ; ils se déploient dans les mêmes « arènes » sociétales ; les questionnements scientifiques qu’ils soulèvent et à partir desquels ils sont abordées se rejoignent là encore fréquemment. Il apparaît néanmoins que non-religieux et religieux se démarquent l’un de l’autre par le rapport qu’ils entretiennent à la transcendance. Si celle-ci n’est pas systématiquement mobilisée par le premier, elle est au contraire en Occident une composante du religieux, qui l’appréhende en outre comme source de vérité. C’est pour mieux souligner cette distinction que notre colloque a retenu l’intitulé « régimes de croyance, régimes de vérité ». « Régimes de croyance » englobent tant les nouvelles spiritualités que l’agnosticisme, l’athéisme ou l’indifférence. « Régimes de vérité » renvoient quant à eux exclusivement aux religions « traditionnelles ».

Comment se déploient et s’articulent régimes de croyance et régimes de vérité dans un monde post-séculaire (Habermas, 2008) ? Notre modernité se caractérise par une incertitude devenue régime ordinaire, un déclin des idéologies tout comme un repli individualiste, une accélération du temps, qui renforcent le sentiment d’un monde qui nous échappe. Or, dans ce contexte marqué par le désenchantement, le religieux n’apparaît pas comme une ressource axiologique évidente, susceptible de répondre aux questionnements existentiels des individus. S’observent dès lors un recul du sacré[2], et des croyances devenues subjectives et désinstitutionnalisées (Donegani, 2015) : il est désormais possible de croire sans appartenir (Davie, 1994) ou même d’appartenir sans croire (Hervieu-Léger, 1999), selon une expérience du spirituel de plus en plus individualisée et personnelle (Hervieu-Léger, 2010). Pour autant, le religieux n’a pas disparu mais se maintient ; le non-religieux, lui, tend à progresser, sans pour autant pouvoir être assimilé à une absence de spiritualité. La porosité entre ces deux univers de sens est croissante, au regard des bricolages axiologiques que les individus opèrent : « le sujet croyant revendique de choisir ce qui lui convient dans différentes traditions et d’agencer librement ces éléments entre eux », nous rappelle à juste titre Danièle Hervieu-Léger (Hervieu-Léger, 2010).

Trois axes pourraient nourrir les réflexions de ce colloque. Le premier porterait exclusivement sur les régimes de croyance, pour en explorer la subjectivité. Le deuxième concernerait la porosité des frontières entre régimes de croyance et régimes de vérité. Le troisième axe se concentrerait sur une sociologie du non-religieux et sur les caractéristiques de celle-ci.

Axe 1

La subjectivité des croyances résulte d’une conjonction de divers facteurs tels que la socialisation (la famille, l’entourage au sens large, l’école), l’âge, le genre, la culture d’une société ou encore la diversité de l’offre spirituelle. Pierre Bréchon montre par exemple que la socialisation a un impact sur le rapport au non-religieux, de même que l’âge et le genre des individus (Bréchon, 2021). Anna Sthran souligne pour sa part dans une étude en cours au Royaume-Uni comment l’école ou la famille façonnent le rapport au spirituel chez les plus jeunes (Strhan, à paraître). La diversité de l’offre en termes de religiosité/non-religiosité, de même que la culture propre à un pays, constituent également des facteurs incontournables dans la compréhension des régimes de croyance, ainsi que Roodney Stark a pu le montrer dans sa comparaison entre religiosité en Europe et aux États-Unis (Stark, 1999), ou encore Olivier Roy dans sa réflexion sur culture et religion menée dans La Sainte ignorance (Roy, 2008). Des propositions concernant les valeurs du non-religieux, la socialisation non-religieuse, l’individualisation des croyances ou les caractéristiques des nouvelles spiritualités peuvent intégrer cet axe.

Axe 2

La porosité des frontières entre régimes de croyance et régime de vérité constituerait un deuxième axe du colloque. Subjectivisation et désinstitutionnalisation du croire rendent les limites entre ces deux univers mouvantes et plus difficilement perceptibles. Les relations entre les deux entités peuvent être conflictuelles, ainsi que Julia Martinez-Ariño a pu le montrer dans le cas des apostasies collectives concomitantes aux manifestations espagnole et argentine pour la défense de l’avortement (Martinez-Ariño, 2021). Le rapport peut être également celui du compromis, comme dans le cas des régimes de laïcité dont la capacité à réguler le religieux est questionnée ; il s’exprime en termes revendicatifs, ainsi que l’illustrent les demandes de reconnaissances institutionnelles de courants spirituels non-religieux (Lisa Harms et Ines Michalowski, 2022). Il se traduit en termes normatifs, avec l’influence des « nones » dans le droit positif. Les débats menés dans le cadre de ce deuxième axe pourraient enfin insister sur les rapprochements qui existent entre mouvements non-religieux et religieux ; Eva Guigo-Patzelt montre notamment qu’une convergence entre athéisme scientifique et religions a pu s’observer en Allemagne de l’est dans une dénonciation commune des indifférents (Guigo-Patzelt, 2022).

Axe 3

Un troisième axe pourrait enfin porter sur la sociologie du non-religieux en elle-même, interroger son objet, ses questionnements, son autonomie vis-à-vis des sciences sociales du religieux, ses apports pour éclairer les recompositions des croyances et vérités qui s’observent aujourd’hui dans nos sociétés. Un débat sur les termes qui permettent d’appréhender ce phénomène permettrait de mieux délimiter cet objet d’études, dans un prolongement avec l’axe précédent, et de soulever ainsi une partie du scepticisme qui pèse sur celui-ci, tantôt présenté comme non digne d’intérêt car né d’une terminologie statistique et non scientifique, tantôt perçu comme trop englobant pour être suffisamment pertinent, ou trop lié au religieux pour présenter des caractéristiques qui lui sont réellement spécifiques. Cet axe pourrait ainsi constituer l’occasion de construire ou renforcer la légitimité scientifique de la sociologie naissante du non-religieux.

Modalités de soumission

Les propositions de communication devront comporter un titre et un résumé de 1000 à 1500 signes, espaces non compris.

Elles devront s’accompagner d’une courte notice biographique de l’intervenant.

Elles devront être envoyées à l’adresse : lenonreligieux@gmail.com.

au plus tard le 30 septembre 2022

Comité scientifique

  • Vincent Genin (GSRL/EPHE)
  • Kristina Kovalskaya (GSRL/EPHE)
  • Anne Lancien (GSRL/EPHE – CERI/Sciences po)
  • Anne-Laure Zwilling (DRES, CNRS/Université de Strasbourg)

Lieux

  • Paris, France (75)

Dates

  • vendredi 30 septembre 2022

Mots-clés

  • non-religion, athéisme, croyances religieuses, sociologie des religions, évolution religieuse

Contacts

  • Anne Lancien
    courriel : anne [dot] lancien [at] gmail [dot] com

URLS de référence

Source de l'information

  • Anne-Laure Zwilling
    courriel : anne-laure [dot] zwilling [at] cnrs [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Régimes de croyance, régimes de vérité », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 05 juillet 2022, https://doi.org/10.58079/197g

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