HomeDes frontières et des limites : penser l'immigration en situation postcoloniale
Published on Friday, July 15, 2022
Abstract
À la manière de Gilles Deleuze et Félix Guattari, le présent ouvrage insiste sur la nécessité de déterritorialiser les frontières de l’humain et de repenser ce que Giorgio Agamben appelle « machine anthropologique ». C’est dire que l’ouvrage se veut transdisciplinaire et cherche particulièrement à trouver les intersections entre des disciplines telles que la sociologie, l’anthropologie, les études politiques, et les études littéraires comparées, axées sur les transferts culturels en contexte migratoire. Notre ouvrage, qui examine toutes sortes de contradictions, de perversions et de malheurs liés à l’immigration, l’explore. Nous étudions le concept de « frontières » pour saisir les phases, les formes et les contenus des processus migratoires en postcolonie.
Announcement
Argumentaire
L’immigration englobe un ensemble de mouvements de personnes et de choses entre un point de départ et un point d’arrivée. Elle existe depuis des lustres, car l’être humain, considéré au sens d’Ibrahima Baba Kake (1988) comme « un animal terriblement voyageur », est féru de voyages et de découvertes ; il se déplace perpétuellement, il bouge, s’installe, travaille d’un pays à un autre.
Les modalités d’immigration n’ont jamais été les mêmes. Avant la deuxième guerre mondiale, en pleine période coloniale, la tendance était au repli sur soi, à l’essentialisme. Les États conservaient leurs populations, à l’intérieur de leurs territoires, qui représentaient une source de richesse démographique, économique, militaire et fiscale. Il était facile d’entrer à peu près partout dans le monde, mais difficile de sortir de chez soi. Dans la seconde moitié du XXe siècle marquée par la fin de la deuxième guerre mondiale, la fin de la colonisation, la chute du mur de Berlin et la vulgarisation de la mondialisation, il est devenu facile, pour le grand nombre, de sortir de chez soi du fait de la généralisation de la possibilité d’avoir un passeport.
Bref depuis la seconde moitié du XXe siècle, l’idée est à la valorisation de la mobilité, attribut essentiel de la modernité et de la postcolonie. Cependant, et c’est là le paradoxe et la controverse, beaucoup de pays postcoloniaux tendent à militariser « la frontière » par peur de l’invasion. Contrairement à hier, il est devenu facile de sortir de chez soi mais difficile d’entrer quelque part ; les étrangers étant de plus en plus perçus comme « un danger ». D’où l’« obsession des frontières » pour paraphraser Michel Foucher (2009).
À l’heure de la zémmourisation des frontières européennes, cette « obsession des frontières » devient un outil théorique pour penser l’immigration. En effet, les relations entre « frontière » et immigration sont indéfectibles, car il n’y a pas d’immigration sans « frontière » traversée ni de « frontière » sans violations liées aux immigrations. « La frontière » joue donc un rôle décisif dans l’immigration. Elle est multiple : juridique, géographique, imaginaire et même idéologique. Et malgré le contrôle accru de celle-ci, elle n’empêche pas le flux migratoire.
On peut l’observer aujourd’hui dans les migrations du Sud vers le Nord (le Nord considéré comme un eldorado, un endroit où la réussite sociale est assurée) où les migrants en situation illégale usent de toutes sortes de moyens pour la contourner, la franchir, la traverser. De fait, aujourd’hui, « la frontière » (qu’elle soit juridique, géographique ou imaginaire) est assortie de barrières qui provoquent chez les migrants clandestins des rêves (ceux d’un Occident paradisiaque à découvrir à tout prix), mais aussi beaucoup d’effets pervers : morts par dizaines de milliers, rétention administrative au milieu du chemin dans des pays de transit tels que le Maroc, la Turquie, l’Algérie.
Ainsi, plus qu’une ligne géographique, « la frontière » est devenue pour les migrants en situation irrégulière un espace expérimental et de l’entre-deux culturel. C’est que la fiction contemporaine postcoloniale est spécialement réceptive à la nature contradictoire du phénomène des frontières et à l’hybridité et à l’hétérogénéité du topographique, du culturel et des intersections idéologiques.
Ces frontières, nous les appréhendons surtout à travers le concept de la limitrophie proposé par Jacques Derrida (2006) et qui renvoie à « ce qui avoisine les limites mais aussi ce qui nourrit, se nourrit, s’entretient, s’élève et s’éduque. Se cultive aux bords de la limite ». De ce fait, l’attention que nous portons aux frontières invite, en suivant Derrida, à considérer au moins deux paradigmes : celui qui interroge les modalités par lesquelles les limites sont générées et celui cherchant à appréhender ce que ces limites génèrent à leur tour. La limitrophie pointe ainsi vers la multiplicité des phénomènes et des niveaux d’interaction, notamment les frontières topographiques, temporelles, symboliques, épistémologiques et textuelles (Rosello et Wolfe 2017). Bref, la limitrophie permet de sonder la génération des limites en tant que génitifs subjectifs et objectifs. Bien plus, la limitrophie autorise le questionnement du paradigme dominant de la loi naturelle en déconstruisant la catégorie kantienne de l’humain. Car on voit bien que les frontières, considérées en contexte d’immigration postcoloniale, aident à repenser les limites entre nature et culture, humain et non-humain (et même anhumain comme le propose Derrida). En somme, elles contestent l’anthropocentrisme (Braidotti, 2013).
À la manière de Gilles Deleuze et Félix Guattari (1975), le présent ouvrage insiste sur la nécessité de déterritorialiser les frontières de l’humain et de repenser ce que Giorgio Agamben (2004) appelle « machine anthropologique ». C’est dire que l’ouvrage se veut transdisciplinaire et cherche particulièrement à trouver les intersections entre des disciplines telles que la sociologie, l’anthropologie, les études politiques, et les études littéraires comparées, axées sur les transferts culturels en contexte migratoire. Notre ouvrage, qui examine toutes sortes de contradictions, de perversions et de malheurs liés à l’immigration, l’explore. Nous étudions le concept de « frontières » pour saisir les phases, les formes et les contenus des processus migratoires en postcolonie et rentrer en fin de compte dans ce que Margolis et Laurence (2007) appellent «les traits distinctifs de l’esprit humain ».
Les propositions d’articles de tout bord (littérature, sociologie, anthropologie, philosophie, etc), rédigées en français ou en anglais, sont accueillies. Elles peuvent s’orienter autour des axes de réflexion – non exhaustifs - suivants :
- Les modes d’intégration
- L’intégration Anglo-saxonne vs l’intégration française
- Les frontières et l’histoire
- Les frontières, le nomade et la mobilité
- Immigration et quête de liberté
- La France et la question beur
- Racialisation des peuples et des groupes ethniques
- Psychologie du regard : du réel au symbolisme
- Stéréotypisation et marginalisation : le péjorativisme du vocabulaire des stéréotypes
- Le pouvoir de nommer : l’esthétique de la représentation
- Les limites humaines-animales
- Les limites sexuelles et genrées
- Les espaces des limites et des frontières
Conditions de soumission
Les résumés des propositions (les résumés des articles) d’une longueur maximale de 250 mots sont à envoyer aux adresses suivantes :
akojoseph@yahoo.fr; edokana@yahoo.fr
Calendrier
-
Réception des résumés : 20 août 2022
- Réponse du comité scientifique : 31 août 2022
- Réception des articles rédigés : 05 décembre 2022
- Expertise double aveugle : 15 décembre 2022– 30 mars 2023
- Dernières corrections des articles validés : 30 mai 2023 – 15 juin 2023
- Publication de l’ouvrage : décembre 2023
Coordination scientifique
- Pr Alain F. Ekorong (Université de Douala)
- Dr Joseph Ako Nyenty (Université de Douala)
- Dr Edouard Djob Li Kana (Université de Douala)
Comité scientifique
- Pierre Fandio (université de Buéa)
- Flora Amabiamina (Université de Douala)
- Raymond Mbassi Ateba (Université de Maroua)
- Désiré Atangana Kouna (Université de Yaoundé I)
- Jean-Claude Abada Medjo (Université de Maroua)
- Gérard-Marie Messina (Université de Yaoundé I)
- Njoh Kome Freddy (Université de Douala)
- Jean Marcel Essiene ( Université de Douala)
- Jacques Evouna ( Université de Maroua)
- Ramon Abelin Fonkoué (Université de Buéa)
- Isidore Pentecôte Bikoko (Université de Douala)
- Florence Jurney (Gettysburg College, USA)
- Christina A. Lux (University of California, Merced, USA)
Comité de lecture
- Marcelin Mbema (Université de Douala)
- Solange Medjo (Université de Douala)
- Désiré Mvondo Bivia (Université de Buéa)
- Olivia Nga (Université de Douala)
- Eulalie Patricia Essomba (Université de Yaoundé I)
- Eloundou Mvondo Charles Sylvain (Université de Dschang)
- Laurain Assipolo (Université de Douala)
- Alain Roger Boayeniak Bayo (Université de Douala)
- Pierre Olivier Emouck (Université de Ngaoundéré)
- Jean Marie Yombo (Université de Ngaoundéré)
- Kebiheng A Maben (Université de Douala)
Références
Agamben, Giorgio. 2004. The Open: Man and Animal, translated by Kevin Atell. Stanford: Stanford University Press.
Baba Kake, Ibrahima (1978). La diaspora noire. Paris: Lion.
Braidotti, Rosi. 2013. The Posthuman. London: Polity Press.
Deleuze, Gilles and Félix Guattari (1975). Kafka: pour une littérature mineure. Paris : Éditions de Minuit.
Derrida, Jacques (2006). L’animal donc que je suis. Paris : Galillée.
Foucher, Michel (2007). L’Obsession des frontières. Paris: Librairies Académiques Perrin.
Margolis, Eric and Stephen Laurence (eds.) (2007). Creations of the Mind: Theories of Artifacts and Their Representation. Oxford: Oxford University Press.
Rosello, Mireille and Stephen F. Wolfe. 2017. “Introduction.” In Border Aesthetics: Concepts and Intersections, edited by Johan Schimanski and Stephen F. Wolfe. 1–4. New York and Oxford: Berghahn.
Turner, Lynn (ed). 2013. The Animal Question in Deconstruction. Edinburgh: Edinburgh University Press.
Wolfe, Cary. 2010. What is Posthumanism? Minneapolis, MN: University of Minnesota Press.
Subjects
- Representation (Main category)
- Zones and regions > Africa
- Society > Ethnology, anthropology > Cultural anthropology
- Periods > Modern
Date(s)
- Saturday, August 20, 2022
Attached files
Keywords
- Immigration, frontieres, postcolonial
Contact(s)
- Edouard Dr Djob li kana
courriel : edokana [at] yahoo [dot] fr
Reference Urls
Information source
- Edouard Djob Li Kana
courriel : edokana [at] yahoo [dot] fr
License
This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.
To cite this announcement
« Des frontières et des limites : penser l'immigration en situation postcoloniale », Call for papers, Calenda, Published on Friday, July 15, 2022, https://calenda.org/1007864