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Durabilité en usage

Les processus bureaucratiques et l’usage de technologies en Afrique

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Published on Wednesday, August 10, 2022

Abstract

La conférence a pour but d’analyser les multiples interdépendances de bureaucraties et de technologies en Afrique en les mettant en relation avec la question de la durabilité. Elle s’interroge en particulier sur les processus qui empruntent des technologies avec l’intention de standardiser des procédures et des interactions avec l’objectif d’assurer la durabilité institutionnelle, économique, sociale ou environnementale. Elle relie ainsi deux champs de recherche : l’histoire de la technologie, en particulier les Science and Technology Studies (STS) et l’histoire de la bureaucratie, en interrogeant la question de la durabilité.

Announcement

Argumentaire

Depuis quelques années l’histoire de la technologie s’intéresse aux utilisations quotidiennes des technologies, à partir d’interventions importantes des Science and Technology Studies et de l’histoire de la technologie (Arnold 2013, Edgerton 2008, Hård/Jamison 2013). Aussi que les technologies individuelles, les infrastructures en tant que réseaux et ravitaillement y forment l’objet des recherches et interventions théoriques. Des accents y sont mis sur des pratiques d’usage et de (ré)appropriation, comme la réparation, la réutilisation/recontextualisation et le recyclage de machines et d’objets usuels, et sur les conflits autour de l’intégration politique et sociale de différents communautés, qui se déroulent également autour et par le biais des technologies (Anand 2017 ; Manatouma 2020).

Dans ces conflits, les processus bureaucratiques jouent à leur tour un rôle important - aussi bien « par le haut » dans les administrations qui souvent décident principalement, que « par le bas » dans les associations d’intérêts des utilisateurs ou par le biais d’associations de fournisseurs informels. Tant les bureaucraties que les technologies sont souvent conçues dans la recherche comme des agencements (Deleuze/Guattari 1980 ; De Landa 2009), c’est-à-dire des réseaux sociaux et matériels composés de nombreuses relations individuelles, dynamiques et fluides et pas nécessairement hiérarchiques, dans lesquels interagissent de nombreux acteurs et structures différents (Anand 2017 ; Bierschenk/de Sardan 2019). Sans nécessairement souscrire à ce modèle théorique, la conférence vise quand même à explorer ces relations dans leur complexité. Les réseaux d’eau, d’électricité et de transport, par exemple, sont l’objet et le lieu de négociations politiques et sociales permanentes, qui vont bien au-delà de la fourniture de certains services. Leur utilisation est à son tour liée à certaines technologies que les utilisateurs s’approprient, recontextualisent ou tout simplement revendiquent. Dans des autres cas, des technologies comme la biométrie ou les cartes électroniques sont utilisés dans la gestion des liens sociopolitiques tel que la citoyenneté, la mobilité (Sheller 2018) ou la communication (Willems 2018 ; Balbi/Berth 2019). Les États sont certes souvent perçus, du moins nominalement, comme les garants du fonctionnement de certains technologies et infrastructures complémentaires, donc des destinataires de plaintes et de revendications. Cependant, fréquemment les fournisseurs font partie de l’économie privée ou des économies informelles. Les processus d’établissement, d’entretien et de distribution d’appareils et de services technologiques acquièrent eux-mêmes un caractère bureaucratique. Ainsi, la bureaucratisation en tant que processus dépasse le cadre de l’État (Baller 2021). Les utilisateurs s’organisent également en associations d’intérêts, qui établissent à leur tour des processus bureaucratiques. Les frontières sont floues et dynamiques. Elles sont constamment renégociées et tracées entre les utilisateurs, les opérateurs, les fonctionnaires étatiques et d’autres acteurs (par exemple les ONG). Cela nécessite une conceptualisation plus précise des processus bureaucratiques et de leur fonction dans cette négociation de l’utilisation des technologies.

Les questions de durabilité jouent un rôle important dans les deux domaines. Alors que ce concept, de plus en plus critiqué, est il-même devenu un instrument discursif pour les acteurs politiques nationaux et internationaux, les questions qu’il soulève demeurent sur le plan analytique, notamment les suivants : comment est-ce que des institutions et sociétés assurent des continuités ? comment réconcilier le bienêtre de la majorité avec la nécessité de limiter la consommations des ressources ? Quels sont les enjeux et conflits qui résultent de ces dynamiques ? Il n’est pas utile de partir d’un seul concept de durabilité ; la notion regroupe plutôt de nombreux concepts interdépendants, notamment en matière de durabilité écologique et sociale, qui visent à éliminer la pauvreté ou du moins à la réduire radicalement sans détruire les systèmes naturels de la planète (Swilling 2020). Dans les discussions sur la politique de développement, la « durabilité », en tant que mot-clé polyvalent, est souvent associée à l’établissement d’institutions et de circuits économiques durables. Le développement durable vise l’efficacité à long terme des interventions politiques, qui doivent notamment garantir une stabilité de l’action étatique et des processus démocratiques. Les critiques dénoncent l’interventionnisme des institutions internationales qui exigent elles-mêmes la durabilité, mais qui établissent sans cesse de nouveaux processus et institutions. Des ouvrages récents sur la bureaucratisation et l’administration dans les États et les sociétés du Sud global soulignent en revanche la dynamique contradictoire de ses rapports politiques instables, qui associent des « délocalisations » de l’action étatique à des continuités d’institutions bureaucratiques (Hibou/Samuel 2017).

Parallèlement, l’idée de durabilité est souvent associée à des discours sur la technologie qui cultivent soit un récit de progrès technologique, soit un scepticisme radical. Ce n’est que depuis quelques années que des recherches mettent en revanche l’accent sur la manière dont l’utilisation durable des technologies est pratiquée au quotidien, dans le sens des tendances mentionnées ci-dessus. L’accent est mis sur la réparation et le recyclage, l’entretien et la réutilisation des technologies existantes. La transformation et la popularisation d’« anciennes » technologies à bas seuil pour de nouveaux défis, notamment écologiques, nécessitaient également un mouvement social organisé, capable d’influencer la politique et la pratique de l’État (Oldenziel/Trischler 2016). En même temps, ces mouvements étaient en conflit avec des systèmes bureaucratiques et technologiques dont les dépendances de sentier étaient difficiles à briser : « monuments of unsustainability » (Emanuel 2016). On voit ici l’ambivalence de la notion de durabilité : c’est précisément la durabilité institutionelle des anciens systèmes et logiques d’utilisation des technologies, sédimentés dans les pratiques administratives, qui s’oppose au passage à des technologies ou à une utilisation écologiquement durable. Une approche centrée sur l’interdépendance de la technologie et de la bureaucratie peut mettre en évidence ces contradictions spécifiques dans l’histoire de la durabilité.

Dans ce sens, nous invitons à formuler des contributions aux questions suivantes :

- Comment les processus bureaucratiques assurent-ils la pérennité et le fonctionnement des différents technologies et leur distribution ? Comment la bureaucratie et la technologie interagissent-elles en tant qu’« agencement » ?

- Quelle est la pertinence des technologies pour la vie quotidienne dans les bureaucraties ou dans les structures et processus bureaucratiques, même en dehors des administrations publiques ? Que se passe-t-il lorsque les continuités ne peuvent plus être garanties et que les fonctionnalités s’effondrent ?

- Quelles sont les approches de l’utilisation durable des technologies qui déterminent l’action bureaucratique des institutions internationales aux administrations locales en Afrique ? Quelles sont les pratiques d’entretien et de réparation qui se sont développées dans l’utilisation quotidienne des infrastructures technologiques et comment se situent-elles par rapport aux approches de haut en bas ? Et dans quelle mesure les mouvements de bas en haut utilisent-ils des pratiques bureaucratiques ?

- Quel rôle jouent les infrastructures (réseaux d’eau, d’électricité, de transport, biométrie, collecte des déchets, etc.) dans la vie quotidienne des sociétés africaines ? Comment sont-elles gérées et organisées ? Comment la durabilité est-elle assurée, tant dans le sens de la durabilité écologique que dans celui de la pérennité des infrastructures concernées ?

Modalités de soumission

Veuillez soumettre un abstract pour la contribution proposée de max. 300 mots à l’adresse e-mail rheinze@dhi-paris.fr

jusqu’au 31 août 2022.

Un comité consistant de Susann Baller (Directrice Merian Institute for Advanced Studies in Africa (MIASA), Accra) Thomas Maissen (Directeur IHA) et Robert Heinze (chercheur, IHA) va selectionner les meilleures contributions et vous notifier avant le 5 septembre.

La conférence aura lieu les 12 et 13 décembre 2022.

Comité scientifique

  • Susann Baller (Directrice Merian Institute for Advanced Studies in Africa (MIASA), Accra)
  • Thomas Maissen (Directeur IHA)
  • Robert Heinze (chercheur, IHA)

Subjects

Places

  • 8 rue du Parc Royal
    Paris, France (75)

Event attendance modalities

Hybrid event (on site and online)


Date(s)

  • Wednesday, August 31, 2022

Keywords

  • technologie, infrastructure, bureaucratie, durabilité

Contact(s)

  • Robert Heinze
    courriel : rheinze [at] dhi-paris [dot] fr

Information source

  • Robert Heinze
    courriel : rheinze [at] dhi-paris [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Durabilité en usage », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, August 10, 2022, https://doi.org/10.58079/19by

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