AccueilÀ l’école de la phénoménologie, une fois de plus : méthode, altérité, histoire

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À l’école de la phénoménologie, une fois de plus : méthode, altérité, histoire

Atelier des doctorant·es du Centre de recherche sur les arts et le langage - Fonds Ricœur 2022-2023

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Publié le jeudi 28 juillet 2022

Résumé

Dans son noyau fondamental, la phénoménologie consiste en un pari : le phénoménologue s’engage dans une analyse de l’expérience vécue du monde, persuadé qu’elle recèle une signification propre qu’il est possible de faire ressortir. L’expérience n’est pas pour lui un chaos qui demanderait une mise en forme de la part de l’intellect. Elle constitue au contraire un espace de sens qui peut faire l’objet d’une analyse descriptive autonome. C’est en ce sens que Paul Ricœur a souligné l’importance de comprendre la phénoménologie comme une méthode, dont la valeur réside dans sa capacité à porter au langage, toujours partiellement, la manière dont on vit dans le monde, avec la richesse infinie de toutes ses couches et ses domaines.

Annonce

Argumentaire

Dans son noyau fondamental, la phénoménologie consiste en un pari : le phénoménologue s’engage dans une analyse de l’expérience vécue du monde, persuadé qu’elle recèle une signification propre qu’il est possible de faire ressortir. L’expérience n’est pas pour lui un chaos qui demanderait une mise en forme de la part de l’intellect. Elle constitue au contraire un espace de sens qui peut faire l’objet d’une analyse descriptive autonome. C’est en ce sens que Paul Ricœur a souligné l’importance de comprendre la phénoménologie comme une méthode, dont la valeur réside dans sa capacité à porter au langage, toujours partiellement, la manière dont on vit dans le monde, avec la richesse infinie de toutes ses couches et ses domaines.

L’importance de la description est telle, pour cet auteur, qu’elle doit également être considérée comme la pierre de touche de toute interprétation de cette méthode. C’est notamment l’interprétation idéaliste de la méthode phénoménologique, qui tend à comprendre la constitution du monde dans l’expérience comme une construction du monde par le sujet, qui se trouve à son avis remise en question par les résultats de la description. Outre ce geste méthodologique, dans cet atelier nous nous concentrerons sur deux des éléments de cette description qui contrastent, pour Ricoeur, avec la tendance idéaliste qu’il identifie notamment chez Edmund Husserl : l’expérience de l’altérité, d’un côté, et l’historicité de toute expérience, de l’autre. Il faudra certes aller « à l’école de la phénoménologie », comme l’invite à faire le titre d’un important recueil d’essais du philosophe français (1986), mais tout en gardant un œil critique par rapport aux enseignements des « maîtres » de cette « école ». Tout enseignement phénoménologique doit en effet, par principe, être mis par chaque « élève » à l’épreuve d’expériences qu’il peut faire lui-même, et cela « toujours à nouveau ».

Le premier des points de rupture par rapport à la lecture idéaliste de la phénoménologie que l’on va analyser concerne la question de l’altérité. Les origines de ce problème remontent au début de la modernité, dans la pensée de Descartes. Au moment même de la constitution du moi comme sujet-substance (res cogitans) se définit, en ce moi, la différence par rapport à ce qui n’est pas sujet, et peut donc tout au plus valoir comme ce qui est autre que lui. L’altérité concerne alors en premier lieu ce qui est le plus proche de la res cogitans, à savoir le corps. En effet, le corps, considéré exclusivement dans sa dimension matérielle (Körper), comme tous les autres corps, et non comme « corps vécu » (Leib), est projeté à l’extérieur.

Dans À l’école de la phénoménologie, Ricœur consacre une large section à commenter aussi bien les Ideen II que les Méditations cartésiennes de Husserl. C’est dans la troisième partie des Ideen II que le problème de l’altérité apparaît dans la forme d’une opposition entre le sujet, compris comme esprit, et la nature objective. Ce problème se trouve également au centre des Méditations cartésiennes, mais sous une autre forme. Tandis que, chez Descartes, l’idée du doute indiquait avant tout un nouveau départ par rapport aux sciences, elle est remplacée chez Husserl par la notion d’épochè, qui signifie plutôt une mise à l’écart radicale de toute prise de position par rapport au monde. Ce processus ne conduit pas à un « pur néant », mais au « je pur, avec la vie pure de la conscience qui m’est propre » (I Méditation cartésienne). C’est dans la mesure où le sens de tout étant rencontré dans le monde est donné par la subjectivité – que Husserl pose le problème de la constitution de l’autre comme autre à partir de et dans la subjectivité transcendantale (Ve Méditation cartésienne). Si toutefois le sens de tout étant provient de la subjectivité transcendantale, comment rendre compte de ce étant particulier qu’est l’autre, et qui semble se soustraire à toute constitution faite par l’ego ?

Une autre dimension qui paraît échapper à l’espace étroit de la conscience transcendantale est celle de l’historicité de l’expérience. Cette question joue un rôle central et problématique au sein de la tradition phénoménologique (Pradelle, Terzi 2017). C’est notamment dans son article Husserl et le sens de l’histoire que Ricoeur met en évidence cet aspect. D’après le philosophe français, ce thème a aussi le mérite de pousser la phénoménologie à ses limites : mise entre parenthèses par la réduction, comme l’altérité (et le langage), l’historicité remet en cause la cohérence transcendantale de la phénoménologie en signalant son urgence. Ce n’est pas par hasard que la pensée apolitique et anhistorique de Husserl ne se rapporte à l’histoire qu’en se heurtant avec le tragique, avec la crise. Néanmoins, l’approche du thème de l’histoire par le père de la phénoménologie revêt une forme téléologique qui est profondément problématisée par Ricœur. Contre toute forme de dogmatisme, le philosophe français met l’accent sur les limites d’une histoire conçue comme avènement de sens, en opposant à son univocité le caractère d’imprévisibilité et la pluralité des événements historiques. Ricœur insiste sur la nécessité de dépasser le rôle archontique de la philosophie dans l’histoire des idées et encourage une approche longitudinalepolyphonique et non plus verticale, capable d’intégrer l’histoire des idées à celle du travail, du droit et de la religion, de l’État. La question de l’histoire nous permet de nous interroger sur la possibilité d’un redressement de la phénoménologie qui serait capable de corriger ce que Ricœur appelle son appétit et sa nostalgie par rapport au réel.

À partir des remarques critiques de Ricœur par rapport à la manière dont Husserl présentait la méthode phénoménologique et discutait les questions de l’altérité et de l’histoire, l’atelier souhaiterait donc solliciter une réflexion autour de la manière dont on peut faire de la phénoménologie aujourd’hui, notamment une phénoménologie de l’altérité, dans ses différentes formes, et de l’historicité. On souhaiterait ainsi esquisser des lignes pour une philosophie phénoménologique qui soit fidèle à sa méthode descriptive, en mobilisant des ressources relevant notamment de la phénoménologie génétique, tant de Ricoeur que d’autres auteurs. L’atelier envisage également d’héberger des réflexions qui s’efforcent de mettre en communication ces discussions théoriques avec des descriptions concrètes d’expériences, y compris dans un esprit de dialogue interdisciplinaire.

Axes thématiques

Parmi les questions sur lesquelles vont se concentrer nos discussions, nous tenons à mentionner les suivantes :

  • En quel(s) sens peut-on parler de la phénoménologie comme d’une méthode ? 
  • Dans quels domaines peut-on appliquer la méthode phénoménologique ?
  • De quelle façon la phénoménologie nous aide-t-elle à décrire l’expérience de l’altérité ?
  • Comment peut-on penser l’histoire et l’historicité de la subjectivité d’un point de vue phénoménologique ?
  • A-t-elle encore du sens l’idée de penser le sens de tout étant comme provenant de la subjectivité transcendantale ?
  • Peut-on faire face aux limites de la pensée phénoménologique tout en gardant son approche théorique et méthodologique ?
  • Quelle est la tâche de la philosophie face à la « crise » ?
  • Comment interpréter le rapport de la phénoménologie au réel ?

Modalités de soumission

Les étudiant·e·s de master, les doctorant·e·s et les jeunes chercheurs·euses désirant contribuer à cet atelier sont invité·e·s à adresser leur proposition de communication sous la forme d’un résumé d’une dizaine de lignes à l’adresse suivante : atelierhermeneutique@gmail.com

Avant le 10 septembre 2022

Le séminaire se déroulera en distanciel en rythme mensuel. Le programme détaillé sera composé en fonction des propositions retenues et diffusé sur le site du Fonds Ricoeur. Chaque séance consistera en deux présentations de 30 minutes suivies d’une discussion.

Organisation

L’atelier est organisé par :

  • Alessandro Colleoni(doctorant, CRAL/EHESS - Fondazione San Carlo),
  • Eleonora Degli Esposti(doctorante, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne),
  • Giulia Salzano(doctorante, Università degli Studi di Perugia).

L’organisation se fait cette année en collaboration avec Atelier de Recherche Phénomènes (ARP).

Format de l'événement

Événement uniquement en ligne


Dates

  • samedi 10 septembre 2022

Mots-clés

  • phénoménologie, méthode, altérité, histoire

URLS de référence

Source de l'information

  • Alessandro Colleoni
    courriel : atelierhermeneutique [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« À l’école de la phénoménologie, une fois de plus : méthode, altérité, histoire », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 28 juillet 2022, https://doi.org/10.58079/19c6

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