AccueilTordre les théories queer : pensées antiracistes et décoloniales

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Publié le jeudi 18 août 2022

Résumé

Ce dossier de la revue Genre, sexualité & société s’intéresse aux tentatives visant à tordre les théories queer, dans un geste indissociablement épistémologique et politique. En rupture avec un sens identitaire fixe, nous entendons « queer » comme une critique radicale des normativités et rapports de pouvoir qui construisent la sexualité ; critique indissociable d’un positionnement politique inscrit dans les luttes. Contre les généalogies dominantes qui font du queer une production blanche, exclusivement issue des universités états-uniennes, il s’agit ici de penser à partir des circulations et espaces multiples des courants queer antiracistes et décoloniaux.

Annonce

Argumentaire

Ce dossier propose de rendre compte des multiples tentatives, menées depuis la fin des années 1990, consistant à détourner le « queer » de l’intérieur afin de le rendre indisponible à la domestication par le capitalisme néolibéral, les impérialismes et nationalismes sexuels. Elles visent aussi à rendre le « queer » utile à des résistances politiques incarnées, territorialisées et collectives. Notre démarche s’inscrit également dans une critique de l’anglonormativité des études queer, en portant attention à d’autres réalités géopolitiques, dont les contextes francophones (Baril, 2017). Comment les détournements du queer sont-ils pensés, vécus et mis en pratique dans le contexte français, où les théories queer, et notamment queer of color, ont peu d’écho dans les espaces académiques ? Plutôt que de s’attarder sur les circulations Nord-Nord mettant au centre les États-Unis, comment rendre compte des circulations depuis et entre les Suds qui viennent informer ces déviations et créer d’autres nœuds de pensées, luttes, traductions et transmissions de savoir ? Ce dossier a ainsi pour objectif de rendre compte de ces tensions et contradictions contemporaines, en dessinant les possibles devenirs de la critique queer autour de deux axes, ni exclusifs ni exhaustifs.

Axes thématiques

Axe 1. Critique queer of color en France et dans les Nords

L’appellation “critique queer of color” regroupe une grande diversité de travaux et de perspectives qui s’ancrent dans les contextes de l’Amérique du Nord et de l’Europe. Ils ont pour point commun de rendre compte de l’articulation de rapports de pouvoir : sexualité, citoyenneté, genre, race, néo-colonialisme, ou encore handicap.

Aux États-Unis, les black et chicanx queer studies ont ainsi contribué à une critique anti-raciste et anti-impérialiste qui conteste la blanchité des études queer. Ces travaux ouvrent de nouveaux espaces critiques à partir des stratégies de survie issues des communautés queer racisées (Muñoz, 1999) et proposent de “quaring the queer” (Johnson, 2001) pour mener des analyses situées des intrications de la race et de la classe avec la sexualité.

Les savoirs critiques et expériences queer racisées deviennent plus visibles seulement récemment en Europe comme à l’occasion du colloque “Gloria Anzaldùa : Traduire les Frontières” (2018). Des publications collectives (Bakshi, Jivraj, Posocco et al., 2016 ; Bachetta, Falquet, Alarcón et al., 2011) et des enquêtes en sociologie (Amari, 2018 ; Ouguerram-Magot, 2017 ; Trawalé, 2018 ; Sadeghipouya, en cours) explorent plus avant les enjeux de migrations post-coloniales, les régimes de visibilité sexuelle euro-centrés, mais aussi pour la France la force des idéologies républicaines anti-communautaires, prétendument universalistes.

Par ailleurs, certains outils politiques tel que l’homonationalisme (Puar, 2007) ont permis de repenser les stratégies pour résister aux puissances impériales et lutter contre le colonialisme d’occupation de manière située (Dar, Maikey, Yildiz, 2018). En France, comment ces stratégies d’autodéfense (Dorlin, 2017), permettent-elles d’adresser d’autres luttes et de bâtir des imaginaires politiques (Cases Rebelles, 2021), et ce, au-delà d’une simple articulation identitaire ?

Axe 2. Résistances queer des Suds

Certains déplacements du « queer » demeurent ignorés par les espaces académiques français, les discussions se concentrant presque exclusivement sur les circulations transatlantiques et les concepts migrant des centres vers les marges (Kréfa, 2019). Cette épistémologie sélective s’inscrit dans une logique néo-coloniale qui perçoit les contextes des Suds comme récepteurs de théories progressistes développées dans les Nords. Les formes de circulation unidirectionnelles et imposées prolongent l’hégémonie occidentale qui concerne aussi bien l’exploitation et le pillage que les violences épistémiques, linguistiques et culturelles (Mikdashi et Puar, 2016 ; Macharia, 2016). En Abya Yala (Amérique du Sud), « cuir » ou « kuir » devient un opérateur de la résistance décoloniale (Grupo de Trabajo Feminista/Queer/Cuir, 2021).

Les critiques queer menées dans les Suds articulent des préoccupations politiques locales comme globales qui redessinent des alliances queer anticarcérales, révolutionnaires et anti-autoritaires. En Palestine par exemple, la résistance queer au pinkwashing et à l’occupation participe avec d’autres acteur-ices politiques à la lutte pour une Palestine libre et pour une décolonisation du monde (collectifs AlQaws et Aswat ; PinkWatching Israel).

Certains imaginaires politiques queer des Suds cherchent enfin à abolir les frontières géopolitiques et épistémiques des états-nations. Ils influent ainsi sur nos présents et futurs en dépassant nos assignations normatives. Comment rompre avec la tradition de circulation dominante impérialiste et anglonormative ? Comment ces détournements depuis les Suds fonctionnent-ils en outils politiques et circulent de façon transnationale, tout en s’inscrivant dans les luttes anti-autoritaires ?

Nous sollicitons des contributions aussi bien théoriques qu’empiriques, issues de toute discipline des sciences humaines et sociales, ainsi que des contributions sous la forme de traductions, d’entretiens individuels ou collectifs, de poésie, d’intervention artistique ou encore de récits formulés à la première personne. Les contributions peuvent porter sur différents contextes, notamment ceux mentionnés ci-dessus mais également en Afrique et en Asie par exemple. Nous accueillons très volontiers les contributions de doctorant-es, jeunes docteur-es et chercheur-ses indépendant-es.

Modalités de contribution

Les propositions d’article doivent être envoyées aux coordinateur-ices

  • Ruby Faure (ruby@gmail.com),
  • Nur Noukhkhaly (noukhkhaly@ens-lyon.fr),
  • Ghiwa Sayegh (sayegh@gmail.com)
  • ainsi qu’au comité de rédaction de la revue Genre, sexualité & société (revuegss@gmail.com) sous l’objet « Contribution GSS - Tordre les théories queer »

au plus tard pour le 30 septembre 2022

  • Le fichier, en format .odt, .doc ou .docx, contiendra :
  • le titre envisagé
  • les nom(s) et prénom(s) de l’auteur-ice et adresse(s) mail
  • un résumé de 5000 signes maximum (espaces et notes comprises) présentant le projet de l’article
  • une brève bibliographie (jusqu’à 5 références)

Il est indispensable de suivre les instructions typographiques et bibliographiques pour la rédaction des articles (disponibles en ligne). Conformément à la politique éditoriale de la revue, chaque article sera soumis à une double évaluation anonyme.

Les auteur-ices seront notifié-es par mail de l’acceptation de leur proposition au plus tard le 30 octobre 2022 et l’article complet sera attendu pour le 1er mars 2023.

À noter que l’acceptation d’une proposition ne signifie pas automatiquement acceptation de l’article en vue de la publication.

Coordination

  • Ruby Faure,
  • Nur Noukhkhaly,
  • Ghiwa Sayegh.

Comité de rédaction

  • Amari Salima, docteure en sociologie, chargée de cours, CRESPPA-GTM, Université de Lausanne
  • Delage Pauline, chargée de recherche, CRESPPA-CSU, CNRS
  • Duplan Karine, maîtresse-assistante à l’université de Genève
  • Dutoya Virginie, chargée de recherche, CEIAS, CNRS
  • Farges Patrick, Professeur à l’université de Paris-Cité, Laboratoire ICT
  • Girard Gabriel, chargé de recherche, SESSTIM, Inserm
  • Gourarier Mélanie, chargée de recherche CNRS, Legs-Paris 8
  • Hedjerassi Nassira, Professeure à Sorbonne Université, Legs-Paris 8
  • Kiani Sarah, collaboratrice scientifique à l’université de Neuchâtel et chercheuse associée au Centre Marc Bloch, Berlin
  • Lécossais Sarah, maîtresse de conférences, LabSIC, Université Sorbonne Paris Nord
  • Le Renard Saba A., chargé·e de recherche, CMH, CNRS
  • Marsicano Elise, maîtresse de conférences, SAGE, Université de Strasbourg
  • Mayer Sibylla, docteure en sociologie, Lycée Mathias Adam
  • Naït Ahmed Salima, docteure en philosophie, Université d’Amiens/CURAPP-ESS
  • Paris Myriam, Chercheuse post-doctorante, CURAPP-Paris 8
  • Raz Michal, docteure en sociologie et ATER, IRIS, EHESS
  • Rebucini Gianfranco, chargé de recherche, IIAC, CNRS
  • Tillous Marion, maîtresse de conférences, Legs-Paris 8

Bibliographie

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AMARI Salima, Lesbiennes de l’immigration : construction de soi et relations familiales, Vulaines-sur-Seine, Éditions du Croquant, 2018.

BACHETTA Paola, EL TAYEB Fatima, HARITAWORN Jin, « Queer of color formations and translocal spaces in Europe », Environment and Planning D: Society and Space, 33, 5, 2018, pp. 769-778.

BACHETTA Paola, FALQUET Jules, ALARCÓN Norma (dir.), « Théories féministes et queer décoloniales. Interventions Chicanas et Latinas états-uniennes », Les Cahiers du CEDREF, 18, 2001, DOI : https://doi.org/10.4000/cedref.667DOI : 10.4000/cedref.667

BAKSHI Sandeep, JIVRAJ Suhraiya, POSOCCO Silvia (ed.), Decolonizing Sexualities: Transnational Perspectives, Critical Interventions, Oxford, Counter Press, 2016.

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BENTOUHAMI Hourya, Judith Butler. Race, genre et mélancolie, Paris, Éditions Amsterdam, 2022.DOI : 10.4000/books.editionsehess.7376

CASES REBELLES, Le feu qui craque - PanAfroRévolutionnaires, Nantes, Éditions Cases Rebelles, 2021.

DAR Huma, MAIKEY Haneen, YILDIZ Türkan, « Table Ronde #3. Queers sous occupations : Palestine, Kashmir, Kurdistan », Journée Lesbienne, Trans et Queer Racisé·e·s : Solidarités contre la colonialité, le capitalisme, le racisme et la misogynie, Town Hall – Queer and Trans Politics of Color

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DORLIN Elsa, Se défendre : Une philosophie de la violence, Paris, Éditions La Découverte, 2019 (2017).

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MUÑOZ José Esteban, Cruiser l’utopie. L’après et ailleurs de l’advenir queer, traduit de l’anglais par Alice Wambergue, Paris, Brook, 2021 (2009).DOI : 10.1093/esr/jcq014

OUGUERRAM-MAGOT, Anwar, « Queers non blanc·hes en France : Des discours inaudibles, des pratiques invisibles ? », GLAD !, 3, 2017, https://journals.openedition.org/glad/pdf/759

PUAR Jasbir, Terrorist Assemblages: Homonationalism in Queer Times, Durham, Duke University Press, 2007.DOI: 10.3917/cdge.hs04.0129

SADEGHIPOUYA Mahdis, Militantisme de lesbiennes musulmanes en France : entre objectivation intersectionnelle et subjectivation militante, thèse en études de genre et sociologie, sous la direction de Nassira Hedjerassi et Nacira Guénif-Souilamas, université Paris 8, en cours.

TRAWALÉ Damien, L’articulation du racisme et de l’homophobie en contexte français : marginalité multidimensionnelle, subjectivations et mobilisations associatives gays noires, thèse de sociologie sous la direction de Christian Poiret et Jules Falquet, Sorbonne Paris Cité, 2018.DOI : 10.1037/ppm0000017


Dates

  • vendredi 30 septembre 2022

Mots-clés

  • queer, décolonial, antiraciste

Contacts

  • Ruby Faure
    courriel : faure [dot] ruby [at] gmail [dot] com

URLS de référence

Source de l'information

  • Ruby Faure
    courriel : faure [dot] ruby [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Tordre les théories queer : pensées antiracistes et décoloniales », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 18 août 2022, https://doi.org/10.58079/19da

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