HomePenser l’expérience. Entre réflexivité et métacognition
Penser l’expérience. Entre réflexivité et métacognition
Revue du « Réseau interuniversitaire pour la recherche et la science » (RIRS) n°6
Published on Friday, August 26, 2022
Abstract
La notion d’expérience est utilisée couramment pour exprimer un besoin, pour faire valoir un parcours professionnel ou encore pour évoquer une découverte. Bien qu’elle n’accuse aucune ambiguïté sémantique au premier degré, elle devient de moins en moins furtive au contact des situations, des disciplines et des concepts.
Announcement
Argumentaire
La notion d’expérience est utilisée couramment pour exprimer un besoin, pour faire valoir un parcours professionnel ou encore pour évoquer une découverte. Bien qu’elle n’accuse aucune ambiguïté sémantique au premier degré, elle devient de moins en moins furtive au contact des situations, des disciplines et des concepts.
En sciences cognitives et en neurosciences, le cerveau est reconnu comme porteur de deux systèmes duels de traitement d’informations (Epstein, 1994 ; Epstein et Pacini, 1999) : le système de traitement holistique et le système de traitement analytique. Le système de traitement holistique, « système de traitement immédiat et rapide, global, parallèle, inconscient, intuitif et spontané », permet de déployer, en l’occurrence, des stratégies mentales à différentes fins de la vie quotidienne, appelées stratégies heuristiques dont le bénéfice consiste à « porter un jugement ou de résoudre un problème, de manière rapide et avec une grande économie de moyens » (Leneveu et Mary Laville, 2012). De fait, il y en a trois au moins qui contribuent partiellement à l’édification de l’expérience individuelle et collective : l’heuristique de représentativité, l’heuristique de disponibilité et l’heuristique de simulation. La première est l’ensemble des points de repères susceptibles d’activer d’anciennes expériences afin de les comparer aux expériences présentes et de savoir agir en conséquence. La deuxième désigne l’ensemble des informations récentes mémorisées, potentiellement utiles dans une situation jugée nouvelle ou inhabituelle. Quant à la troisième, elle représente la capacité à anticiper, dans le présent, un événement ou une réalité attendus dans le futur.
Les apprentissages cumulés durant le déroulement du cycle de la vie humaine se développent grâce à ces stratégies et à l’effort d’introspection. La qualité de cet effort est, par ailleurs, déterminante dans l’harmonisation entre la vie intrapersonnelle, la vie interpersonnelle et la vie publique. A cet effet, la théorie de l’apprentissage social formulée par Albert Bandura dans les années 60-70 du siècle passé, insiste sur le fait que l’être humain n’apprend pas que par essai ou erreur ; il apprend aussi en observant son environnement. Appelé « modelage » ou « expérience vicariante » (Bandura, 1976), ce processus suppose l’activation d’une attitude d’interprétation, mais enclenche simultanément ou à posteriori d’autres attitudes (jugement, investigation, décision) nécessaires à l’imitation d’un comportement ou d’une conduite dans un premier temps et à leur ajustement ou leur remplacement dans un second temps.
En passant de la vie privée à la vie professionnelle, les relations, les intérêts et les enjeux changent. Partant, les pratiques changent également et ce changement produit l’évolution à mesure que l’action et la pensée trouvent des terrains d’entente inclusifs. Qu’il s’agisse de sciences humaines, sociales, économiques, juridiques, exactes ou expérimentales, le génie de l’Homme s’est toujours exprimé au moyen de la créativité, des arts, du dialogue, de l’échange et de la recherche ; tantôt dévoué à une rigueur pertinente traduite par des armatures conceptuelles savantes indispensables aux progrès académique, scientifique et technique ; tantôt engagé sur les voi-x/es de l’insaisissable, de la sensibilité et de l’imagination. Une fois déjà, un scientifique comme Louis Pasteur a dit : « mais souvenez-vous que dans les champs de l’observation le hasard ne favorise que les esprits préparés » ; après tout, pour quelle raison le hasard aurait-il un rôle dans quoi que ce soit si l’on est bien préparé ?
Pour Emmanuel Kant, l’expérience est à l’origine de la connaissance. C’est son fondement : « il n’y là aucun doute » (Alquié et al., 1980). Le philosophe allemand va au-delà de son postulat pour reconnaître sa production par le génie de l’Homme dont le pouvoir constructeur procède par la perception qui permet d’élaborer les réalités conceptualisées. Il en ressort que l’expérience fait de tout un chacun un créateur potentiel. Elle est ainsi foncièrement dynamique à partir du moment où elle fertilise d’autres expériences. Dans cette perspective, John Dewey la baptise « synonyme d’interpénétration totale du soi avec le monde » (Cometti, 2006). Là est tout l’intérêt de l’associer à la réflexivité « définie de façon très large comme une mise à distance à l’égard de l’expérience immédiate que permet le langage » (Sauvaire, 2019). L’expérience par la pratique réflexive « peut être défini à minima comme une forme de réflexion se prenant elle-même pour objet, un retour sur soi, de façon à prendre conscience de sa manière d’agir et de réagir dans une situation professionnelle ou formative » (Gaussel, 2021).
Ancrée dans la vie sociale comme dans la vie professionnelle, cette pratique prédispose les individus, quel que soit leurs domaines d’études et leurs métiers, à être non seulement productifs mais à devenir des artisans, des modèles, des sources d’inspiration qu’ils soient exposés à la réussite ou à l’échec. Le psychologue et philosophe américain, susmentionné, en invitant à accepter « l’expérience avec toutes ses incertitudes, ses mystères et ses doutes, et sa connaissance imparfaite », met en relief l’avantage à tirer profit de la pratique réflexive à savoir « faire retourner [l’expérience] sur elle-même pour en approfondir et en intensifier les qualités » (Cometti, 2006).
Il va sans dire qu’à ce stade, nous empiétons sur le terrain de la métacognition, mot-vedette introduit par le psychologue américain John H. Flavell. Composé du préfixe méta signifiant « sur, au-dessus » et du terme cognition référant à l’acte de connaître ou d’apprendre, le concept de métacognition se rapporte à la construction des apprentissages en tant que processus qui ne se limite pas à la simple réception de contenus. De par le fait qu’il renvoie à « la connaissance et le contrôle qu’un système cognitif peut avoir de lui-même et de son propre fonctionnement » (Charlier et Lautrey, 1992), il implique une perception introspective doublement dynamique. La première favorise une réception critique de l’objet observé en vue de l’interpréter, de l’analyser ou de l’évaluer. La seconde subjective l’usage qui pourrait en être fait pour (re-)vivre l’expérience suite à une régulation contextuelle. Autrement dit, quand la coïncidence entre l’observation/réflexion et l’adaptation/action se produit, un transfert (d’impressions, d’énergies, de compétences) a lieu menant indubitablement à des initiatives, à des expérimentations, à des réalités innovantes.
Pour y réfléchir, le numéro 6 de la revue du RIRS propose les axes suivants sans prétendre à l’exhaustivité en comptant sur les possibilités de les élargir aux champs de recherche et/ou aux domaines professionnels des soumissionnaires :
Dimension terminologique
- Expérience / expertise / ancienneté
Dimension littéraire
- Expérience lecturale / expérience auctoriale
Dimension culturelle
- Expérience culturelle : créativité / interactivité / intellectualité
Dimension sociale
- L’expérience collaborative et sociale
- L’expérience associative
Dimension technologique
- L’expérience entre la réalité physique, la réalité virtuelle et la réalité augmentée
- L’expérience axée sur l’usage du numérique
- L’approche sociocritique des TICE
Dimension praxéologique
- L’expérience en situations d’enseignement-apprentissage (situations formelles et situations informelles)
- L’expérience en situations de formation (formation initiale, formation continue, autres)
- L’expérience en pratiques professionnelles (tous secteurs confondus)
- L’expérience en situation de retraite
- L’expérience en gestion des organisations (administrations publiques, entreprises, ONG, autres)
- L’expérience en gestion de crises
Conditions de soumission
Les propositions d’articles doivent être au format WORD, sous forme de textes dont la longueur est comprise entre 2000 et 10000 caractères (espaces compris) ; toutefois, dans le cas d’articles scientifiques présentés canoniquement suivant le plan [cadre théorique - méthodologie - résultats - discussion] la longueur seuil est fixée à 20000 caractères (espaces compris).
Les articles doivent être assortis de résumés rédigés en français n'excédant pas 350 mots avec 7 mots clés ; les soumissions en arabe ou en anglais doivent être doublées d’un résumé en français n’excédant pas 350 mots avec 7 mots clés également.
- Toute proposition non conforme à ces modalités ne sera pas prise en compte par le comité de lecture.
- Les articles doivent être saisis en TimesNewRoman 12, sans interligne, justifié ;
- Format de page : A4, portrait ; marges 2,5 cm en bas, en haut, à droite, à gauche ;
- Les mots et expressions en langue étrangère doivent être saisis en italique ;
- Pour les références bibliographiques, les normes de l'APA seront de mise ; pour convertir ses références suivant ces normes, voici un site rapide d’accès : https://www.scribbr.fr/generateur-apa/
- Les auteurs doivent s'identifier en mentionnant : leurs noms complets, leurs affiliations et leurs emails ;
- Les propositions d’articles doivent être envoyées sur l’adresse : reseau.rirs.contact@gmail.com
Modalités d’évaluation
Les propositions des soumissionnaires seront évaluées en double aveugle par un comité de lecture constitué d’enseignant-e-s chercheur-e-s publié-e-s à l’échelle nationale et internationale.
Ces évaluations se feront sur la base d’une grille critériée portant sur la forme déclinée ci-dessus et la pertinence du fond par rapport à l’argumentaire.
Dates importantes
- Lancement de l’appel : 26 août 2022
-
Dernier délai pour la réception des propositions d’articles : 26 décembre 2022
- Délai pour rendre les grilles d’évaluation par le comité de lecture : 18 janvier 2023
- Réponses aux soumissionnaires et remise des évaluations du comité : 20 janvier 2023
- Dernier délai pour recevoir les articles définitifs : 03 février 2023
- Mise en forme numérique du 6e numéro par le comité d’édition : 04 février 2023
- Publication du 6e numéro sur ZENODO : 22 février 2023
Les numéros précédents de la revue du RIRS sont référencés sur zenodo.org : https://zenodo.org/search?page=1&size=20&q=r%C3%A9seau%20interuniversitaire
Et sur le site du RIRS : https://www.le-rirs.org/
Coordination scientifique
- Pr. Aïcha Abdelouahed, université Mohammed Premier - Oujda (a.abdel-ouahed@ump.ac.ma)
- Pr. Driss El Omari, université Sidi Mohammed Ben Abdellah - Fès (driss.elomari@usmba.ac.ma)
- Pr. Zouhaier Harath, université de Carthage - Dermech (zouhaierharrath@gmail.com)
- Pr. Hicham Jirari, université Hassan II - Casablanca (hicham.jirari@fstm.ac.ma)
Comité de lecture
- Pr. Aïcha Abdelouahed (UMP-Oujda)
- Pr. Mohammed Anaflousse (CRMEF-Agadir)
- Pr. Samira Bahoum (UMV-Rabat)
- Pr. Sabrina Bannani (UVT-Tunis)
- Pr. Samia Belhaj (USMB-Fès)
- Pr. Mossadok Ben-Attia (UC-Carthage)
- Pr. Besma Ben Salah (ISET-Sousse)
- Pr. Hafedh Ben Taher (UC-Carthage)
- Pr. Dominique Berger (UCB-Lyon I)
- Pr. Karim Bougrine (UHI-Settat)
- Pr. Nadia Chafik (UHII-Casablanca)
- Pr. Mohamed Chikour (UIT-Kenitra)
- Pr. Elassaad Elharbaoui (ISCE-Carthage)
- Pr. Amina Elheddar (UMP-Oujda)
- Pr. Faten El Meddah (UM-La Manouba)
- Pr. Driss El Omari (USMB-Fès)
- Pr. Adel Fridhi (ISCE-Carthage)
- Pr. Zouhaier Harath (UC-Carthage)
- Pr. Sameh Hrairi (ISEFC-Tunis)
- Pr. Driss El Omari Université Sidi Mohammed Ben Abdellah - Fès
- Pr. Aïcha Abdelouahed Université Mohammed Premier - Oujda
- Pr. Zouhaier Harath Université de Carthage - Dermech
- Pr. Hicham Jirari Université Hassan II - Casablanca
- Pr. Hicham Jirari (UHII-Casablanca)
- Pr. Mohammed Kahkahy (UHII-Casablanca)
- Pr. Nene Kane (UN-Mauritanie)
- Pr. Rahim Kouki (IPEIM-Tunis)
- Pr. Denis Legros (UP8V-Saint-Denis)
- Pr. Adil Madhi (UIZ-Agadir)
- Pr. Fathi Matoussi (ISEFC-Tunis)
- Pr. Sara Mejdoubi (UIR-Rabat)
- Pr. Ahmad Mousa (UP-Petra)
- Pr. Samira Ouelhazi (ISEAH-Kef)
- Pr. Chaimae Tailassane (UMI-Meknès)
- Pr. Meriam Zerzeri (ISCE-Carthage)
- Pr. Dawser Zineddine (ISEFC-Tunis)
Références
Leneveu J. et Mary Laville M. (2012). « La perception et l’évaluation des risques d’un point de vue psychologique », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Volume 12 Numéro 1 | mai 2012. [En ligne]. Consulté le 17 août 2022 :
URL : http://journals.openedition.org/vertigo/12125 ; DOI : https://doi.org/10.4000/vertigo.12125
Bandura A. (1976). L’apprentissage social. Liège : Mardaga. (trad. Jean-Adolphe Rondal).
Pasteur L. in Ginoux J.-M. (2022). Hasard et erreur dans les grandes découvertes scientifiques. Paris : Ellispses.
Kant E. (1980). « Critique de la raison pure », Œuvres philosophiques I, Gallimard, Bibliothèque de la pléiade, (traduit par F. Alquié et al.).
Dewey J. (1931/2006). L’art comme expérience. Œuvres Philosophiques, tome III. Ed. J.P. Cometti, (trad.)
Sauvaire M. (2019). « La notion de réflexivité en didactique de la littérature ». In Denizot N. (dir.) ; Dufays, J.-L. (dir.) ; et Louichon B. (dir.). Approches didactiques de la littérature. Nouvelle édition [en ligne]. Namur : Presses universitaires de Namur. ISBN : 9782390290964. [En ligne] : http://books.openedition.org/pun/6892
Gaussel M. (2021). « La pratique réflexive : pour une prise de conscience des gestes professionnels ». Les Cahiers Pédagogiques. [En ligne]. https://www.cahiers-pedagogiques.com/la-pratique-reflexive-pour-une-prise-de-conscience-des-gestes-professionnels/
Chartier J. et Lautrey J. (1992). « Peut-on apprendre à connaître et à contrôler son propre fonctionnement cognitif ? » in L’orientation scolaire et professionnelle, n° 21.
Subjects
- Representation (Main category)
- Mind and language > Thought
- Society > Sociology
- Society > Ethnology, anthropology
- Society > Geography
- Society > History
- Society > Economics
- Mind and language > Education
Date(s)
- Monday, December 26, 2022
Keywords
- expérience, réflexivité, métacognition, action, réflexion, observation, adaptation
Contact(s)
- hicham Jirari
courriel : hicham [dot] jirari [at] fstm [dot] ac [dot] ma - Aïcha Abdelouahed
courriel : a [dot] abdel-ouahed [at] ump [dot] ac [dot] ma - Driss El Omari
courriel : driss [dot] elomari [at] usmba [dot] ac [dot] ma - Zouhaier Harath
courriel : zouhaierharrath [at] gmail [dot] com
Information source
- hicham Jirari
courriel : hicham [dot] jirari [at] fstm [dot] ac [dot] ma
License
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To cite this announcement
« Penser l’expérience. Entre réflexivité et métacognition », Call for papers, Calenda, Published on Friday, August 26, 2022, https://doi.org/10.58079/19ee