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Habiter l’inhabitable

Das Unbewohnbare bewohnen

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Published on Monday, August 29, 2022

Abstract

Sous la direction du Labo junior Habiter/Wohnen (ENS de Lyon / Goethe Universität Frankfurt), ce colloque a pour objectif de définir la notion d’« inhabitable » dans l’histoire franco-allemande dès la fin du XIXe siècle et jusqu’à nos jours. Nous nous interrogerons aussi sur des représentations de l’inhabitable et les pratiques d’habiter l’inhabitable en France et en Allemagne.

Announcement

Argumentaire

Dans les dernières pages d’Espèces d’espaces (1974), Georges Perec décrit « l’inhabitable » entre autres comme : « l’hostile, le gris, l’anonyme, le laid, les couloirs du métro, les bains-douches, les hangars, les parkings, les centres de tri, les guichets, les chambres d’hôtel ». Sous la forme d’une liste implacable, Perec dresse un inventaire de lieux marqués par l’activité humaine, qui sont autant de lieux parfois synonymes de routine, tantôt agaçants, tantôt révoltants.

Dans le cadre de notre laboratoire junior « Raconter l’habiter/Wohnen erzählen », nous avons organisé plusieurs manifestations autour de la notion de « l’habiter ». En novembre 2021, Mathis Stock présentait une conférence sur une approche critique de cette notion, en nous apportant son expertise de géographe. En avril 2022, nous organisions un colloque intitulé « Faire face aux crises de l’habitat en France et en Allemagne de la fin du XIXe siècle à nos jours ». Lors de ce colloque, nous avons nourri une réflexion sur les crises de l’habitat dans une démarche interdisciplinaire, diachronique et franco-allemande. avec pour objectif de penser les réponses à ces crises.

Pour ce colloque prévu en avril 2023 à Francfort-sur-le-Main, nous voulons placer « l’inhabitable » depuis la fin du XIXe siècle en France et en Allemagne au cœur de notre réflexion. Une fois de plus, nous souhaitons encourager l’échange franco-allemand et interdisciplinaire. Des contributions venant des études littéraires nous seraient fort utiles, tout comme des apports venant de l’histoire, de la sociologie, de la philosophie, de la géographie, ou encore de l’architecture et du cinéma. 

L’objectif de ce colloque sera de chercher à définir « l’inhabitable », une notion contradictoire en ceci qu’elle désigne des lieux inhospitaliers, associés aux privations, à l’insalubrité, à la violence, des lieux que l’on peine à constituer en « chez-soi », des lieux remplissant avant tout des critères de fonctionnalité sans prendre en compte la chaleur du logis - Henri Lefebvre n’écrivait-il pas en 1968 dans Le droit à la ville que « le grand ensemble réalise le concept de l’habitat [...] en excluant l’habiter » ? - mais qui sont tout de même « habités ». 

C’est en effet sur des lieux habités que nous souhaitons nous concentrer - et non sur des lieux inhabitables car invivables pour l’homme comme le pôle Nord - mais des lieux jugés, désignés comme inhabitables par différents acteurs, que ce soit les habitants eux-mêmes, les pouvoirs publics, les chercheurs, les médias, les groupes politiques. Le caractère d inhabitabilité des lieux repose toujours sur un jugement ou une perception.

À partir de là, quelles sont les limites de « l’habitable » et comment habiter, représenter et faire le récit de « l’inhabitable » ? Au-delà de ces quelques pistes de compréhension, nous avons pensé à plusieurs catégories de lieux pouvant faire l’objet d’analyses détaillées, qui nous permettront de réaliser une cartographie des lieux habités « inhabitables » en France et en Allemagne.

Tout d’abord, les lieux liés à l’enfermement peuvent être associés à des lieux inhabitables. 

  • d’une part, on pense aux lieux cités par Michel Foucault dans Surveiller et punir. Naissance de la prison (1975), comme la caserne, l’hôpital, l’asile, l’usine ou encore la prison. On pourrait ajouter à cette liste l’Ehpad dont les dysfonctionnements ont été fortement soulignés par la crise du COVID, ou encore la banlieue des grands ensembles et des pavillons critiquée en ceci qu’elle enferme dans la monotonie et l’uniformité d’un quotidien routinier. 
  • on pense d’autre part aux camps, de différentes natures : les camps de concentration ou de travail en Allemagne et en France pendant la Seconde Guerre mondiale : le géographe André-Frédéric Hoyaux dans ses recherches s’est demandé comment on pouvait habiter un camp de concentration (2003) ; les bidonvilles et les camps de migrants en France dans les années 60, mis en place pour accueillir les immigrés issus des indépendances en Afrique représentés récemment dans le livre d’Alice Zeniter L’Art de perdre (2017) ; les camps de migrants plus récents, que le géographe Michel Agier appelle des « hors-lieux [...] des niches cachées à l’intérieur des espaces nationaux. Si les réfugiés sont, selon l’expression qu’usa Michel Foucault au début des années 1980, les premiers êtres « enfermés dehors », ils sont aussi, pour chaque État qui représente le dehors de celui qui exclut, des êtres « mis à l’écart dedans » » (Habiter, le propre de l’humain). Ces lieux liés à l’enfermement sont souvent aussi des lieux de violence.

Ensuite, les lieux de précarité peuvent être considérés comme des lieux inhabitables, qu’il s’agisse d’habiter la rue, la route après un exil, sa voiture, des taudis ou des bidonvilles. La précarité liée à l’habitat peut aussi être causée par la gentrification et par la hausse des loyers qu’elle entraîne. On l’observe actuellement dans un grand nombre de villes françaises et allemandes : cette précarité chasse les plus démunis des centres-villes.

Les lieux insalubres peuvent également relever de l’« inhabitable », comme le vieux Paris ou la banlieue parisienne pavillonnaire autour de Paris après la Seconde Guerre mondiale, ou encore les villes allemandes détruites après 1945, que beaucoup d’habitants continuent d’habiter, faute de logements disponibles. Ils logent dans des Mietskasernen (les casernes à loyer, l’habitat ouvrier issu de la fin du XIXe siècle) à moitié détruites, comme le montrent certains films tournés dans les ruines de Berlin après la guerre - Les assassins sont parmi nous (1946) de Wolfgang Staudte ; Allemagne année zéro (1948) de Roberto Rossellini ; ou encore le texte Automne allemand (1946) de Stig Dagerman, journaliste et écrivain suédois qui observe, questionne et décrit les Berlinois habitant les ruines.

Enfin, on peut envisager les lieux touchés par la crise climatique, plus récemment. Le géographe Thierry Paquot met en garde dans plusieurs articles contre l’inaction écologique et la nécessité de la préoccupation sanitaire, notamment en ce qui concerne les projets urbains.

Modalités de soumission

Le colloque se tiendra les 31 mars et 1er avril 2023 à l’Université Goethe de Francfort-sur-le-Main. Les communications se feront en français ou en allemand.

Les propositions de communication de 300 mots maximum, accompagnées d’une courte biographie de 100 mots maximum sont à envoyer à Peirou Chu (peirou.chu[@]ens-lyon.fr), Haris Mrkaljevic (haris.mrkaljevic[@]ens-lyon.fr), Jeanne Yapaudjian (jeanne.yapaudjian[@]ens-lyon.fr) et Melanie Schneider (melanieschneider67[@]gmail.com)

avant le 15 octobre 2022.

Chaque présentation est censée durer 20 minutes et sera suivie d’une discussion de 10 minutes. Les réponses seront communiquées fin octobre.

Une publication des actes du colloque (en français et en allemand) est prévue.

Comité scientifique

  • Haris Mrkaljevic, doctorant en études germaniques (ENS de Lyon)
  • Peirou Chu, doctorante en études germaniques (ENS de Lyon)
  • Jeanne Yapaudjian, doctorante en études germaniques (Sorbonne Université) et en études cinématographiques (Goethe Universität Frankfurt)
  • Melanie Schneider, doctorante en  Langues et Littératures romanes (Goethe-Universität Frankfurt)

Bibliographie indicative

Michel Agier, « Les camps aujourd’hui, un présent qui n’en finit pas », in Thierry Paquot, Michel Lussault, Chris Younès, Habiter, le propre de l’humain, Paris, La Découverte, 2007, p. 89-101. 

Marc Augé, Non-Lieux, Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil, 1992.

Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975.

Henri Lefebvre, Critique de la vie quotidienne I, Introduction, Paris, L’Arche, 1958.

Henri Lefebvre, Le droit à la ville suivi de Espace et politique, Paris, Anthropos, 1968.

Elissa Mailänder, Amour, mariage, sexualité. Une histoire intime du nazisme, (1930-1950), L’Univers historique, Paris, Seuil, 2021.

Alexander Mitscherlich, Psychanalyse et urbanisme. Réponse aux planificateurs, Paris, Gallimard-NRF, 1970.

Thierry Paquot, « Le « grand ensemble », ou l’ensemble sans ensemble », in Désastres urbains, les villes meurent aussi, Paris, La Découverte, 2019.

Thierry Paquot, Demeure terrestre. Enquête vagabonde sur l’habiter, Paris, éditions Terres Urbaines, 2005.

Thierry Paquot, Terre urbaine : Cinq défis pour le devenir urbain de la planète, Paris, La Découverte, 2006.

Georges Perec, Espèces d’espaces, Paris, Seuil, 1974.

Alice Zeniter, L’Art de perdre, Flammarion, 2017.

Places

  • Frankfurt, Federal Republic of Germany (60323)

Event attendance modalities

Full on-site event


Date(s)

  • Saturday, October 15, 2022

Keywords

  • inhabitable

Contact(s)

  • Chu Peirou
    courriel : peirou [dot] chu [at] ens-lyon [dot] fr
  • Mrkaljievic Haris
    courriel : haris [dot] mrkaljevic [at] ens-lyon [dot] fr
  • Schneider Melanie
    courriel : melanieschneider67 [at] gmail [dot] com
  • Yapaudjian Jeanne
    courriel : jeanne [dot] yapaudjian [at] ens-lyon [dot] fr

Reference Urls

Information source

  • Chu Peirou
    courriel : peirou [dot] chu [at] ens-lyon [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Habiter l’inhabitable », Call for papers, Calenda, Published on Monday, August 29, 2022, https://doi.org/10.58079/19ei

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