HomeLa mise en œuvre de la protection temporaire depuis l’invasion de l’Ukraine

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Published on Monday, August 29, 2022

Abstract

À l’heure actuelle, ce sont 100 000 Ukrainiens qui sont arrivés en France après l’agression russe contre l’Ukraine, dont 80 % de femmes et d’enfants. Au niveau de l’Union européenne, ce nombre atteint plusieurs millions. Ces personnes bénéficient d’un statut européen spécial, la protection temporaire, activée pour la première fois en mars 2022. Ce flux migratoire est inédit sur le continent européen depuis 1945 et a des particularités sociales, économiques et juridiques qui appellent l’étude. Conçue pour des flux massifs de personnes déplacées avec un statut similaire aux réfugiés, la protection temporaire pose de nombreuses questions : pertinence, efficacité, pérennité. C’est son bilan et ses perspectives qui sont envisagés pour la journée Ethique et droit.

Announcement

Argumentaire

État des lieux

Après la décision du Conseil de l’Union européenne, la France, comme tous les Etats membres, a activé le 4 mars 2022 le dispositif exceptionnel de protection temporaire au bénéfice des ressortissants ukrainiens ayant fui leur pays envahi par la puissance voisine, la Russie. On évoque souvent dans la presse et le grand public l’expression « réfugiés ukrainiens », facilité de langage qui masque l’attribution d’un statut spécial ouvert en urgence. Il s’agit d’une protection internationale immédiate, issue du droit européen et qui s’applique à toute personne se trouvant dans les situations suivantes :

  • les ressortissants ukrainiens qui résidaient en Ukraine avant le 24 février 2022 ;
  • les étrangers non-Ukrainiens qui bénéficiaient en Ukraine du statut de réfugiés au sens de la Convention de Genève, et qui y résidaient avant le 24 février 2022 ;
  • les étrangers non-Ukrainiens qui résidaient en Ukraine et ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays d’origine de manière sûre et durable ;
  • les membres des familles des personnes relevant des cas précédents.

Attribuée par les préfectures, la protection temporaire permet la délivrance en France d’une autorisation provisoire de séjour de 6 mois renouvelables (jusqu’à 3 ans maximum). Les bénéficiaires de la protection temporaire doivent avoir immédiatement accès à une protection sociale complète : protection universelle maladie et complémentaire santé solidaire, incluant la vaccination Covid. Toutes les personnes bénéficiant de la protection temporaire ont droit à différentes allocations (allocation de demandeur d’asile, allocation personnelle de logement), ont accès à l’éducation et ont le droit de travailler. Une plateforme d’initiative citoyenne a par ailleurs été mise en place sur Internet pour aider à l’accueil spontané des réfugiés ukrainiens par les citoyens et associations privées.

Cette protection européenne permet, d’un point de vue humanitaire, à ses bénéficiaires de se voir exempter de la longue procédure d’asile de droit commun, le délai de traitement des requêtes individuelles étant en moyenne d’un an. D’un point de vue institutionnel, elle a été imaginée pour éviter une submersion des acteurs publics en charge des réfugiés en cas d’afflux massif, et soulage ainsi les administrations. Elle innove également d’un point de vue administratif car il s’agit de protections accordées directement par les préfectures de chaque département, et non par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), ordinairement en charge de ces questions d’asile. De même, d’un point de vue juridictionnel, c’est le tribunal administratif qui est compétent en cas de refus de titre, et non la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). D’un point de vue juridique enfin, les ressortissants ukrainiens fuyant l’Ukraine, admis à la liberté de circulation au sein de l’Union européenne, sont encouragés à l’utiliser et les Etats doivent faciliter ce transit : il y a là reconnaissance d’un droit au choix du pays de protection au sein de l’U.E., ce qui tranche fondamentalement avec le système « Dublin » qui fait peser un poids important sur les Etats membres aux frontières extérieures. Tous ces éléments dérogatoires appellent une étude approfondie consacrée à la mise en œuvre de la protection temporaire, car peu a encore été écrit à ce sujet.

Intérêt scientifique et problématique

À l’heure actuelle (août 2022), ce sont 100 000 Ukrainiens qui sont réfugiés en France, dont 80% de femmes et d’enfants qui réussissent à maintenir le lien avec leurs maris et pères au combat. Au niveau de l’Union européenne, ce nombre atteint plusieurs millions. Ce flux migratoire est inédit sur le continent européen depuis 1945 et a des particularités qui appellent une étude approfondie des circonstances et de ses effets sociaux, économiques, et juridiques.

C’est la première fois de leur histoire que les États membres de l’Union européenne se sont mis d’accord pour activer cette directive « Protection temporaire » par décision du Conseil de l’Union européenne. Jusqu’ici, toutes les demandes formulées pour l’activer avaient été refusées, notamment concernant des crises majeures de migrations contraintes (Afghanistan et Syrie), à tel point qu’on pouvait se demander si ce régime d’asile n’était pas voué à rester lettre morte. La Commission européenne envisageait même de l’abroger en 2020.

Conçue pour gérer des flux massifs de personnes déplacées par les guerres avec un statut similaire à celui des réfugiés, sur décision politique et collective, la protection temporaire pose de nombreuses questions, sur la pertinence de ce statut spécial, son efficacité, sa pérennité, qui suscitent un bilan et des perspectives à tracer à l’occasion de la Journée Ethique et Droit de la Faculté Libre de Droit de l’Institut catholique de Toulouse.

Perspectives de recherche

Ce dispositif, mis en place avec le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie, constitue un nouvel objet juridique, social et éthique. La recherche et les praticiens sont néophytes quant à son application concrète et à ses effets sur les personnes et sur les sociétés européennes. On s’intéressera à plusieurs axes qui touchent autant l’éthique que le droit et les autres sciences sociales :

  • La spécificité du flux de personnes placées sous la sauvegarde du régime de protection temporaire : quels sont les types de public protégé, pour quelles raisons et pour quelle durée ? Comment ce public interagit-il avec les cadres institutionnels, économiques et sociaux du pays européen d’accueil ? Comment cette situation est-elle vécue du point de vue des acteurs de l’asile, dans la presse ou l’opinion publique, notamment vis-à-vis des autres flux de réfugiés? Y a-t-il enfin une géopolitique de l’asile, qui serait identifiable à travers les flux de demandes de protection temporaire depuis l’invasion de l’Ukraine en février dernier ? Cette dimension de la journée portera notamment sur des questionnements de sociologie et de science politique.
  • La spécificité du statut juridique de la protection temporaire, par rapport aux définitions « classiques » du réfugié : ce statut comble-t-il un vide juridique, notamment pour les personnes déplacées ? En tirant un bilan de cette première application, peut-il être considéré comme un modèle ? Ce statut étant temporaire, que peut-on imaginer pour la suite et l’intégration de ces personnes protégées (qualité de réfugié ou protection subsidiaire), à moyen terme ? Que peut-on requérir de l’administration dans ce contexte ? Il s’agit là de technique juridique et de droit international comparé.
  • Les innovations et les failles dans la mise en œuvre de cette protection sont au cœur de la réflexion à mener : on a en mémoire le sort ambigu et difficile fait aux étudiants étrangers présents en Ukraine lors de l’invasion, lesquels n’ont pu bénéficier de la protection temporaire que s’ils n’étaient pas « en mesure de rentrer dans leur pays d’origine dans des conditions sûres et durables ». Pour surmonter ces dangers, les agents diplomatiques et consulaires concernés dans les pays voisins de l’Ukraine sont allés chercher eux-mêmes leurs ressortissants, alors que des accusations de refoulement aux frontières de l’Union apparaissaient dans les médias. Mais il faut également souligner des innovations majeures qui ont été prises dans la gestion de l’afflux, avec une grande attention accordée aux mineurs et aux personnes âgées, et, pour la première fois de l’histoire du droit des réfugiés, aux animaux de compagnie, avec des modalités de prise en charge à la frontière. Ces éléments, à la fois administratifs et juridiques, appellent des témoignages et des analyses pratiques du déroulé des évènements.
  • Enfin, à plus long terme, on évoquera l’avenir de cette protection temporaire, au niveau institutionnel avec le développement de programmes de solidarité intra-européenne (CARE), ou bien au niveau des droits des personnes, en interrogeant leur intégration dans le pays de protection ou leur droit au retour en Ukraine.

Contenu et méthode

Une journée d’études réunissant six à huit intervenants (universitaires, jeunes chercheurs, praticiens du droit, fonctionnaires et professionnels du secteur humanitaire) sera organisée à l’ICT à destination des étudiants de la Faculté Libre de Droit. Chaque communication durera 20 minutes maximum.

Une perspective de droit comparé entre les Etats membres de l’Union européenne serait particulièrement bienvenue. En effet, malgré un régime commun de l’asile porté par des directives et des règlements européens, il existe toujours au sein des Etats membres des statuts nationaux particuliers d’asile, telle la protection constitutionnelle en France des « combattants de la liberté », ou le permis de séjour pour protection humanitaire en Italie, en sont des exemples majeurs. Leur complémentarité avec le système de la protection temporaire peut être interrogée. Au-delà, dans le régime de protection temporaire même, la directive de 2001 laisse pour l’essentiel les modalités de la procédure d’octroi à la décision des Etats membres concernés : des divergences et des obstacles peuvent donc apparaître, illustrant la variété de l’exécution du droit de l’Union européenne par chaque Etat, même en situation d’urgence.

Une ouverture vers la philosophie du droit et le droit canonique, notamment en ce qui concerne les règles d’hospitalité et de protection accordée aux personnes fuyant les conflits et les menaces indiscriminées, est également recherchée.

Modalités de soumission

Les propositions doivent être envoyées à l’adresse courriel chaire.vmd@gmail.com

jusqu’au 15 novembre 2022 inclus.

Les propositions doivent être rédigées en français. Elles se composent d’un titre, de l’identité de l’auteur, de ses coordonnées et rattachement(s) institutionnel(s), ainsi que d’un résumé de 1 500 mots maximum.

Le résultat de la sélection sera communiqué le 28 novembre 2022. Les auteurs des propositions retenues seront invités à participer à la journée d’études Ethique et Droit de la Faculté Libre de Droit à Toulouse le 09 janvier 2023.

Sur demande et après examen, les frais de transport et d’hébergement pourront être éventuellement pris en charge, pour tout ou partie, par l’Institut catholique de Toulouse.

La publication des actes de la journée d’études est envisagée courant 2023.

Direction scientifique et organisation

Chaire Vulnérabilités et mutations du Droit – Unité de recherche CERES

  • Enguerrand Serrurier (MCF ICT)
  • Blandine Richard (MCF ICT)

Places

  • Institut catholique de Toulouse - 31, rue de la Fonderie
    Toulouse, France (31)

Event attendance modalities

Full on-site event


Date(s)

  • Tuesday, November 15, 2022

Keywords

  • réfugié, Ukraine, protection temporaire, union européenne, droit international, guerre, exil

Contact(s)

  • Blandine Richard
    courriel : blandine [dot] richard [at] ict-toulouse [dot] fr
  • Enguerrand Serrurier
    courriel : enguerrand [dot] serrurier [at] ict-toulouse [dot] fr

Information source

  • Enguerrand Serrurier
    courriel : enguerrand [dot] serrurier [at] ict-toulouse [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« La mise en œuvre de la protection temporaire depuis l’invasion de l’Ukraine », Call for papers, Calenda, Published on Monday, August 29, 2022, https://doi.org/10.58079/19eo

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