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Rencontrer et vivre avec l’ennemi

Nouvelles perspectives sur les occupations des Alliés occidentaux (1945-1955)

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Publié le lundi 26 septembre 2022

Résumé

Notre atelier cherche à ouvrir un forum de discussion entre jeunes chercheurs de tous horizons internationaux et à proposer une approche innovante des occupations alliées après 1945. En partant de l’étude des sociétés qui naissent de ces occupations, nous aborderons des questions cruciales pour leur compréhension mais aussi pour l’appréhension du phénomène global des occupations militaires, dans sa dimension sociale et quotidienne. Il s'agit de faire le lien entre des approches, souvent vues comme opposées, d’une histoire « par le bas » et d’une histoire « par le haut ». Ce faisant, nous chercherons à favoriser un dialogue interdisciplinaire et transnational fécond et à participer à la structuration de premiers réseaux de recherche au sein du champ en plein essor des occupation studies.

Annonce

Argumentaire

Ces dernières années ont été marquées par un regain d’intérêt international pour les occupations comme sujet d’étude historique. L’historiographie des occupations de l’Allemagne et de l’Autriche après la Seconde Guerre mondiale en particulier a connu un renouvellement porté par l’intérêt accordé non seulement à une étude des politiques d’occupation, mais également aux configurations sociales et quotidiennes qui se développent au cours d’une occupation. En articulant une « histoire d’en bas » (histoire de quotidien) et une « histoire d’en haut » (histoire politique), ces réflexions ont généralement mis en évidence les interactions constantes entre ces deux sphères, expliquant les changements d’attitude considérables des puissances d’occupation occidentales à l’encontre de l’Allemagne sur la durée totale de l’occupation par les Alliés occidentaux (Schissler, 2001 ; Goedde, 2003 ; Knowles, 2017). Ces travaux ont ainsi mis pour la première fois la complexité des relations et des rencontres du quotidien au centre des questions de recherche. Ils ont permis d’appréhender les occupations comme un phénomène à la fois ambivalent et dynamique. Cet atelier pour jeunes chercheur.e.s vise à prolonger cet intérêt en se consacrant spécifiquement au fonctionnement des sociétés en contexte d’occupation après la Seconde Guerre mondiale, avec un accent géographique mis sur l’occupation de l’Allemagne et de l’Autriche et un intérêt pour les approches croisées ou comparatistes incluant les autres occupations alliées. 

Les régimes d’occupation post-1945 donnent naissance à des sociétés certes moins affectées par la violence que pendant la guerre, mais celles-ci restent toutefois traversées par les expériences de la violence issues d’un passé récent et de forts antagonismes. Elles constituent ainsi des sociétés fondamentalement marquées par une « dynamic power relationship » entre occupants et occupés (Knowles & Erlichman, 2018), c’est-à-dire une renégociation incessante des rapports de force qui la traversent. Les occupations alliées sont en outre marquées par une dynamique de « sortie de guerre » (Cabanes et Piketty 2007, Audoin-Rouzeau, 2008) et donc par une conflictualité globalement en reflux, du moins en ce qui concerne l’Europe occidentale. Ce reflux n’est cependant pas nécessairement linéaire ni homogène : des contentieux et des points de tensions demeurent vifs, et coïncident avec l’entrée contemporaine dans la guerre froide et les conflits de décolonisations de la deuxième moitié du XXe siècle. Le contexte d’une confrontation naissante entre les blocs justifie le choix d’une concentration sur les zones occidentales effectué ici afin de définir le cadre géographique de l’atelier. En tant que pays appartenant au régime des démocraties libérales, les trois Alliés occidentaux forment un ensemble comparable, en particulier en contraste avec l’Union Soviétique. À ce titre, les zones soviétiques ont été et sont toujours traitées à part dans la littérature. Sur ce thème, des approches transversales et croisées forment un champ important pour des recherches futures, que cet atelier souhaite également aborder.

Cet atelier a pour but d’étudier l’occupation en Allemagne et en Autriche, comprise comme un rapport de forces asymétrique entre groupes sociaux en relation constante (occupants/occupé) laissant néanmoins des marges de manœuvre (agency) aux individus dominés. L’exemple le plus emblématique de ces relations, bien documenté et commenté dans l’historiographie, concerne le traitement de la « fraternisation » entre représentants des troupes d’occupation et population allemande, et les débats que ces relations ont suscités (Biddiscombe, 2001, Höhn 2002, Goedde 2003). Ce débat s’est cependant largement concentré sur les relations hétérosexuelles, entre hommes occupants et femmes issues de la société occupée, occultant ainsi la diversité des rencontres interpersonnelles. La nature même de ces relations peut cependant grandement varier selon le genre des individus, le degré de consentement et d’implication émotionnelle de chacun des acteurs impliqués ainsi que des ressources qui s’échangent, notamment dans leur dimension matérielle (Weinreb, 2017).

En plus de cela, les deux groupes constitués des occupants et des occupés sont traversées par des clivages profonds, parfois communs, et qui affaiblissent aussi bien leur homogénéité que la dualité de leur opposition. Le groupe des « occupants » n’est pas seulement structuré par la division classique et administrative, mais parfois floue, entre militaires et civils, il est aussi structuré par des clivages sociaux, de genre, politiques, socio-ethniques voire raciaux, confessionnels, de génération. Autant de critères de stratification qui agissent également sur la société des occupés, et qui peuvent être mobilisés par ceux-ci dans leur relation avec la puissance d’occupation et les acteurs qui l’incarnent. Les relations complexes entre les groupes et en leur sein, leurs délimitations forment ainsi des objets d’études particulièrement féconds.

Finalement, l’étude des occupations alliées post-1945 met en lumière la nécessité d’envisager des comparaisons et des continuités avec d’autres régimes d’occupation, voire d’autre systèmes de domination. Les comparaisons synchroniques gagneraient à être creusées, le terrain allemand pouvant être étendu également à l’Autriche, et mis en relation avec le Japon et l’Italie, qui constituent d’autres exemples de puissances de l’Axe occupées par les Alliés à la suite de la Seconde Guerre mondiale (Hagemann, Jarausch & Hof, 2020). En ce qui concerne les comparaisons diachroniques, une contextualisation des occupations post-Seconde Guerre mondiale dans le temps long, au regard des occupations du XXe siècle, post-Première Guerre mondiale en particulier, sera valorisée. En ce qui concerne les systèmes de domination, il sera par exemple possible de s’intéresser aux rencontres du régime d’occupation avec la « situation coloniale » (Balandier, 1951 ; Stoler, 2006 ; Miot 2021). Une autre perspective prometteuse réside dans l’étude des conséquences à long terme, les héritages et mémoires des occupations.

Dans la perspective d’enrichir une réflexion commune, nous nous intéresserons particulièrement aux communications qui s’inscrivent dans une des thématiques suivantes, sans toutefois que cette liste ne présente un caractère exhaustif ni impératif :

  • Faire l’occupation/doing occupation

L’importance et influence des relations entre groupes sociaux dans la politique d’occupation globale : stratégie mobilisées du côté des occupants, utilisation des marges de manœuvre par les occupés.

  • Interactions

Les modalités de rencontres au quotidien entre les groupes sociaux formés par les occupants et les occupés, ainsi que les relations en leur sein. Le rôle des minorités, des groupes marginaux, des figures liminaires à l’interface entre groupes occupants et occupés (“auxiliaires autochtones”, interprètes, traducteurs…), sera également étudié.

  • Stratification

Les stratifications multiples que connaît des sociétés en contexte d’occupation (en termes de classe, de genre et de race en particulier) au sein des groupes étudiés.

  • Régulation

La régulation formelle et institutionnelles de ces interactions, organisations chargées de cette régulation (police, tribunaux), mécanismes informels de contrôle social.

  • Perceptions

Le rôle des mentalités, des sensibilités, des émotions, des imaginaires et des produits culturels dans les sociétés impliquées dans des occupations. La mobilisation des sources historiques dans leur diversité (littérature, images, sons, sources matérielles) sera particulièrement valorisée.

Conditions de soumission et d'évaluation

Cet atelier s’adresse aux jeunes cherceur.e.s, doctorant.e.s en particulier. Les personnes intéressées sont priées de faire parvenir un abstract de 300 mots (+/- 10%), avec biographie succincte à l’adresse suivante : atelieroccupations@protonmail.com

d’ici le 10 novembre

Les organisatrices et organisateurs choisiront les contributions qui semblent proposer les démarches les plus innovantes et qui correspondent le mieux aux thématiques de l’atelier.

Les personnes ayant proposé une intervention recevront une réponse à la fin du mois de novembre.

L'atelier aura lieu les 19 et 20 janvier 2023 à l'EHESS Aubervilliers.

Les frais de déplacement (dans la limite de 150 € pour un déplacement depuis la France, de 250€ depuis l’étranger) et les frais d’hébergement (2 nuits) peuvent être pris en charge pour les intervenants.

Organisateur.ice.s

  • Valentin Bardet (Sciences Po Lyon)
  • Élize Mazurié (Albert-Ludwigs-Universität Freiburg/EHESS)
  • Stefanie Siess (Universität Heidelberg/EHESS)
  • Félix Streicher (Maastricht University)

Lieux

  • EHESS - Campus Condorcet
    Aubervilliers, France (93)

Format de l'événement

Événement uniquement sur site


Dates

  • jeudi 10 novembre 2022

Mots-clés

  • Allemagne, occupations, sortie de guerre, guerre froide, interactions, représentations, Alliés, comparaison

Contacts

  • Élise Mazurié
    courriel : elise [dot] mazurie [at] ehess [dot] fr
  • Valentin Bardet
    courriel : valentin [dot] bardet [at] sciencespo-lyon [dot] fr
  • Stefanie Siess
    courriel : stefanie [dot] siess [at] zegk [dot] uni-heidelberg [dot] de
  • Félix Streicher
    courriel : f [dot] streicher [at] maastrichtuniversity [dot] nl

Source de l'information

  • Valentin Bardet
    courriel : valentin [dot] bardet [at] sciencespo-lyon [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Rencontrer et vivre avec l’ennemi », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 26 septembre 2022, https://doi.org/10.58079/19k8

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