HomeL’Union européenne : de l'intérêt général aux conflits d'intérêts
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Published on Monday, September 26, 2022

Abstract

Par le passé, aucune union monétaire n’a pu survivre sans union politique. Comme l’Union européenne se définit elle-même pour ses membres comme « cadre de gouvernance économique », il paraît légitime de réfléchir sur la question suivante : peut-on concevoir, et sous quelles conditions, de la faire évoluer vers autre chose qu’une vaste zone de libre-échange ? Cet appel à contribution a pour objet l’écart persistant entre la notion d’intérêt général incarné par les traités d’Union dans trois institutions – la Commission, le Parlement et le Conseil – et cette gouvernance économique dont la légitimité repose exclusivement sur une doctrine de stabilité monétaire et budgétaire.

Announcement

Présentation

Les divergences récurrentes entre gouvernements nationaux et le régime inter-gouvernemental de l’UE dans la perception des « biens communs » à protéger ou à satisfaire mettent en lumière ce vide de souveraineté politique européenne. S’y ajoutent les clauses d’exemption dans les traités successifs qui entérinent des prérogatives nationales. Crise climatique, crise sanitaire, conflit militaire en Ukraine, ces événements auraient-ils changé la donne en amenant les Européens à reconnaître la nécessité d’une construction politique et de coopérations renforcées ou, bien au contraire, servent-ils uniquement de révélateur à tout ce qui est conflictuel et équivoque dans le modèle actuel ?

À travers cet appel nous invitons chercheurs – historiens, économistes, sociologues, politologues –, mais aussi journalistes et formateurs à nous soumettre leurs réflexions et analyses critiques sur le sens de cette construction aujourd’hui.

Cadre historique et argumentaire

Au départ, les institutions de l’UE étaient conçues en accordant une place centrale aux principes rigides d’un ordo-libéralisme prôné par le gouvernement allemand. De ce fait, la Commission européenne et la BCE jouent le rôle de gardiens d’un « marché unique » et d’une « concurrence libre et non faussée », principaux fondements de l’ordre social. La discipline budgétaire et la maîtrise de la dette deviennent le b-aba de son organisation sociale, harmonieuse et durable. Toutefois, depuis les débuts de la construction européenne dans les années 1950, on semble avoir oublié que les intérêts des États peuvent aussi évoluer suivant des trajectoires divergentes, voire même opposées. Les crises à répétition, exogènes et endogènes, sont là pour nous le rappeler.

L’union économique et monétaire est dotée d’une monnaie et de règles de discipline valables aussi bien pour la zone euro en tant que telle que pour la maîtrise de la dette publique de chacun des États. La gestion économique, la fiscalité, continuent, en revanche, de relever de la compétence des gouvernements nationaux. On l’a vu : la BCE, créée sur la base du « modèle allemand », confère toute compétence pour les questions monétaires à des autorités indépendantes des pouvoirs politiques. Or, étant en dernière analyse une institution politique, c’est en tant que telle qu’elle a pu intervenir face à la pandémie de Covid-19 avec le « PEPP » (Pandemic Emergency Purchase Programme) pour résister à la fragmentation du marché des dettes souveraines dans la zone euro et assurer la pérennité de la politique monétaire européenne moyennant une certaine flexibilité dans les réinvestissements des fonds remboursés. Nonobstant, la question reste entière : la BCE a-t-elle les moyens d’assurer sa tâche première, la stabilité de la zone euro, et de répondre sur le plan financier, de manière rapide et efficace, aux phénomènes inattendus qui bouleversent nos sociétés ?

Toujours privée de capacité budgétaire permanente et à la mesure des besoins, l’UE se trouve donc face à ce dilemme : comment renforcer la cohésion de ses membres et faire de la « solidarité européenne » la base de l’intégration communautaire ? La réalité au quotidien (inégalités sociales croissantes, barbarie face à l’immigration clandestine organisée, etc.) est rarement en phase avec « l’intérêt général » et avec les grandes et nobles valeurs de l’Europe, valeurs proclamées « communes » – liberté, droits de l’homme, égalité, démocratie, État de droit, etc. Faut-il voir dans l’émergence de nationalismes et de populismes l’expression de l’exaspération des citoyens ordinaires devant le spectacle des contradictions et l’impuissance politique à toutes les échelles ? Et quelles réponses l’UE pourra-t-elle leur offrir ?

Axes thématiques

Défense et questions énergétiques

La guerre en Ukraine a reporté l’attention de tous sur le problème de matières premières, minières, énergétiques et agricoles, à l’échelle planétaire, et mis en lumière des conflits d’intérêts entre les États membres de l’UE relatifs à leurs relations avec la Russie. L’indépendance énergétique n’est-elle pas un « bien commun » ? Quid de la question d’une stratégie de défense européenne ? Le conflit russo-ukrainien est venu nous rappeler enfin la persistance de désaccords sur le rôle de l’Otan, instrument de l’hégémonie étatsunienne.

L’UE est-elle le produit ou l’un des moteurs essentiels de la mondialisation ? les deux à la fois ? Face à la concurrence croissante avec les puissances émergentes, notamment avec la Chine, elle prétend favoriser le libre-échange contre le protectionnisme affiché des États-Unis. Alors que la souveraineté économique et monétaire est déjà déléguée aux instances supranationales, les pays membres conservent leur souveraineté en matière judiciaire, ce qui crée une distorsion favorable à une criminalité transnationale et facilite l’intervention d’acteurs parallèles — lobbies industriels, fondations, ONG, voire même mafias. Ces acteurs constituent-ils un pouvoir réel susceptible de peser sur les débats et les décisions prises au sein de l’UE ? 

Si son système organisationnel (Commission européenne, présidence du conseil, parlement ...) manque de lisibilité – et de la légitimité et de moyens pour répondre aux crises –, se pose la question : cette faiblesse n’est-elle pas précisément ce qui lui permet d’être l’instrument d’un marché global financiarisé ?

Solidarité européenne / Europe à plusieurs vitesses 

L’élargissement de l’Europe s’est réalisé sans consultation populaire, faisant des pays de l’Europe centrale et de l’Est l’arrière-pays des multinationales ouest-européennes qui y trouvent une main d’œuvre à bas coût et quasi sans droit social. Comment repenser une Europe plus « solidaire », sans dumping social (droit du travail, fin des législations telle que celle qui régit les « travailleurs détachés, etc.) ? Est-il envisageable de mettre fin aux paradis fiscaux intérieurs en uniformisant le droit fiscal ?

Lors de la crise grecque (2015), chacun s’est aperçu que cette « solidarité » visait à conserver une Europe libérale, et elle mettait à nu tout le projet de construction européenne, alimentant par réaction la montée en puissance des critiques et de la défiance. Plus récemment, l’élan de solidarité européen avec l’Ukraine n’a-t-il pas rendu plus visible encore la discrimination subie par les migrants non européens ? Ces solidarités « à double vitesse », « à géométrie variable », sont-elles le reflet manifeste d’intérêts particuliers ?   

Diversité culturelle /américanisation 

Espace de « dialogue interculturel » et de « compréhension d’autrui » ou accélérateur de la diffusion d’une culture anglo-saxonne ?  Que dire de l’emploi de plus en plus répandu de l’anglais (devenu lingua franca du politique et des scientifiques, du modèle économique, etc.) dans les institutions de l’UE alors que le Royaume-Uni n’en fait plus partie ? À quelle Europe peut se référer cette jeunesse qui serait porteuse d’une culture et d’une identité d’abord européennes avant d'être française, allemande, italienne ? Qui tire profit des « transferts, échanges et circulations culturels » mis en place depuis le début du projet européen ?

Conditions de soumission

Merci d’envoyer vos résumés de 200 mots environ à la coordinatrice du numéro : manale@msh-paris.fr  

pour le 30 juin 2023.

Les articles complets sont attendus pour le 30 octobre 2023.

Les articles ne devront pas dépasser les 45 000 caractères espaces compris. Nous vous prions de respecter les normes de présentation de la revue, disponibles sur le site :

https://msh-paris-saclay.fr/lhomme-la-societe/

Les propositions seront évaluées en « double aveugle », deux évaluateurs internes, un externe. 

Coordinatrice scientifique

  • Margaret Manale, CNRS, historienne et germaniste, membre du comité de rédaction de la revue l'Homme et la Société

Date(s)

  • Friday, June 30, 2023

Keywords

  • Europe, défense, questions énergétiques, solidarité européenne, dialogue interculturel

Contact(s)

  • Margaret Manale
    courriel : manale [at] msh-paris [dot] fr

Information source

  • Margaret Manale
    courriel : manale [at] msh-paris [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« L’Union européenne : de l'intérêt général aux conflits d'intérêts », Call for papers, Calenda, Published on Monday, September 26, 2022, https://doi.org/10.58079/19kg

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