Home1922-2022 : que reste-t-il du fascisme ?
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Published on Monday, September 26, 2022

Abstract

Le 28 octobre 1922, quelques membres du parti national fasciste entrent dans Rome pour forcer la main du roi et former un gouvernement. C'est la naissance du fascisme italien. Au cours des décennies suivantes, le phénomène fasciste est considéré comme un modèle et imité dans des contextes très différents du contexte italien, par des partis qui accèdent au pouvoir et des formations politiques qui restent en marge. Un siècle après ces événements, que reste-t-il aujourd'hui du fascisme ?

Announcement

Présentation

Le 28 octobre 1922, un groupe de membres du parti national fasciste entre dans Rome pour forcer la main du roi et former un gouvernement. C'est la naissance du fascisme italien. Au cours des décennies suivantes, le phénomène fasciste est considéré comme un modèle et imité dans des contextes très différents du contexte italien, par des partis qui accèdent au pouvoir et des formations politiques qui restent en marge. Un siècle après ces événements, que reste-t-il aujourd'hui du fascisme ? Comment a-t-il façonné notre époque ?

Ce colloque vise à stimuler la réflexion sur l'héritage du fascisme dans les sociétés d'aujourd'hui. Il propose des réflexions entrant en résonance avec diverses problématiques abordées au sein de la Thématique 1 de Framespa UMR 5136 (Université de Toulouse Jean Jaurès) autour des « Logiques du commun ». Il souhaite questionner par exemple comment le fascisme devient au cours du XXe siècle une référence politique partagée par différentes communautés en Europe et en-dehors de l’Europe. Référence incontournable dans les débats socio-politiques aujourd’hui, le fascisme échappe pourtant souvent à une définition claire et prend des sens divers en fonction des contextes et des pays. Le projet entend donc montrer qu’il n’est pas un concept figé et requiert une historicisation et une recontextualisation pour chacune de ses applications. L’historicisation du commun au centre de l’approche de la thématique 1, avec pour mission d’échapper à la tentation de l’idéalisation des concepts, est un outil fondamental pour appréhender le sujet de notre étude.

Notre projet entend par ailleurs observer de quelle façon et au service de quels discours le fascisme s’est inscrit dans des espaces urbains en Italie et au-delà de ses frontières et a marqué le paysage des villes. Ainsi, la façon dont les acteurs politiques, scientifiques et culturels envisagent aujourd'hui ces espaces et la symbolique idéologique qu’ils contiennent révèle quelque chose du travail mené ou non de déconstruction d’un imaginaire fasciste. Cette déconstruction désamorçant la répétition des jeux de pouvoir apparaît d’ailleurs souvent dans les productions plastiques et dramaturgiques comme nécessaire à la construction culturelle d’un nouveau commun. L’imaginaire est également un sujet qui traverse nos préoccupations communes au sein de la thématique 1. La compréhension des mécanismes de construction de l’imaginaire national et les outils de déconstruction et de contre-champ offerts par la création contemporaine, entrent ainsi en dialogue avec d’autres travaux menés au sein d’ateliers et séminaires du laboratoire (comme par exemple le séminaire Histoire et imaginaires sociaux, ou l’atelier Images du commun).

Enfin, ce colloque souhaite interroger comment une idéologie fortement liée à une conception de la nation peut être considérée à diverses échelles du commun, tant dans sa dimension locale, à l’échelle d’une ville ou d’une région, que nationale et transnationale. L’enchâssement de ces échelles, perspective également au cœur des travaux collectifs sur le commun, nous permettra de mieux appréhender la complexité des enjeux autour d’un phénomène à la fois historique et contemporain et de tenter de démêler une partie des discours qui s’entrecroisent au sein d’un même terme – le fascisme – qui semble aujourd’hui être observé de toutes et tous, le fascisme. 

Dans l’idée de renforcer la transdisciplinarité, une attention sera également portée aux formes dramaturgiques et plastiques qui peuvent questionner, dans divers pays, les rapports contemporains au fascisme. En ce sens, deux moments seront consacrés aux représentations plastiques et aux écritures pour la scène durant les deux journées du colloque.

Informations pratiques

Inscription pour assister au colloque à distance : https://docs.google.com/forms/d/1PQLJhPoD8TUdLW1R-eRVYYrH1ZVpRG_hFudh7tTY9BQ/prefill

Programme

Jeudi 13 octobre 2022

9h Accueil des participant.e.s

9h15-9h45 Introduction du colloque par les organisatrices

  • Giulia Chielli (UT2J, Framespa),
  • Safia Dahani (Sciences Po Toulouse, LaSSP),
  • Emilia Hery (UT2J, Framespa),
  • Coralie Razous (UT2J, Framespa).

Table ronde (introduction générale) – Qu’est-ce que le fascisme ? Retour sur des luttes de définition

(9h45-11h15)

Modérateur : François Godicheau (UT2J, Framespa)

Discutant.e.s :

  • Annie Collovald (CNRS, ISP UMR 7220),
  • Nicolas Lebourg (Université de Montpellier - CEPEL UMR),
  • Andrea Mammone (Università degli Studi di Roma La Sapienza)

La question de la nature du fascisme se pose depuis la fondation du Fascisme[1] italien et n'a jamais cessé d'être remise en question par les représentants du fascisme eux-mêmes (Bardèche : 1961), ses opposants (Salvemini : 1961) et les spécialistes du phénomène (Gentile : 2005 ; Griffin : 1993). Sujet ayant fait couler beaucoup d’encre, des historiens, des politologues, des anthropologues et des philosophes se sont mesurés avec la formulation de théories et de définitions ; le « fascisme » a ainsi été élargi pour inclure diverses périodes et contextes, ou réduit au seul cas du « ventennio » italien. Malgré les efforts des experts, le « fascisme » peine à rester dans les limites imposées par la théorie et tend à déborder et à envahir d'autres domaines ou à se confondre à d’autres termes (populisme, ultranationalisme, extrême droite, etc.).

Entre la Marche sur Rome (1922) et aujourd'hui, le terme « fascisme » n'est jamais tombé en désuétude. Son utilisation à outrance a fait que l'attribut « fasciste » a été accolé aux personnages, mouvements et régimes les plus disparates et aux caractéristiques les plus diverses. En outre, certains événements récents (l'occupation du siège du principal syndicat italien par le parti néo-fasciste Forza Nuova par exemple) rappellent directement des faits tristement liés à la période fasciste, traçant un chemin presque inévitable entre le passé et le présent.

Ce panel propose d'interroger les théories du et sur le fascisme à travers le prisme du présent, dans une analyse qui inclut ses différentes manifestations dans l'espace européen et extra-européen. Qu'est-ce que le fascisme et pourquoi, après un siècle, en parle-t-on encore ? Quelle empreinte le fascisme a-t-il laissée sur l'époque contemporaine ? Cela a-t-il un sens de parler de fascisme aujourd'hui ? Voici quelques interrogations auxquelles ce panel répondra.

[1] Le fascisme italien est indiqué avec une lettre majuscule, au contraire du fascisme générique, indiqué avec une lettre minuscule.

10h45-11h15 Échanges avec le public

11h15-11h30 Pause (café)

« Arrêt sur images »

(11h30-12h30)

Six interventions (de 10 min.) d’historiennes de l’art présentant six œuvres plastiques produites dans des contextes historiques et géographiques différents.

  • Elodie Lebeau-Fernández (UT2J, Framespa), Josep Renau, David Alfaro Siqueiros et al., Portrait de la bourgeoisie (1939-1940) : un condensé visuel de la critique marxiste du fascisme.
  • Anita Orzes (Université Grenoble Alpes, LARHRA UMR 5192), L'antifascisme en Italie dans les années 1970 : le cas de Liberté au Chili.
  • Fadila Yahou (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, HICSA, Université-Aix Marseille, TELEMMe), Des réminiscences du fascisme ? L'OAS et le "massacre des Innocents" durant la guerre d'Indépendance algérienne.
  • Anaïs Clara (UT2J, Framespa), Documents officiels et archives secrètes : projections et critiques des récits dans l’œuvre de Voluspa Jarpa.
  • Casandra Herrera Caicedo (UT2J, Framespa), Le regard porté au fascisme par Kati Horna et ses séries photographiques.
  • Marine Schutz (Université de Picardie Jules Verne, CRAE), Autour de destruction of the national front d'Eddie Chambers. L'œuvre comme symbole antifasciste.

Cette séance d’une heure propose de partir des images plastiques pour éclairer un aspect de la question du fascisme abordé par les artistes dans l’espace socio-culturel européen et extra-européen. L’idée est d’observer à partir d’une œuvre ou d’une série d’œuvres par quels outils les artistes questionnent, dénoncent, déconstruisent ce qu’ils observent dans la société contemporaine et qui pour elles et eux incarne la manifestation dans l’espace commun d’une permanence ou d’une apparition du fascisme.

La séance propose six interventions d’historiens de l’art présentant six œuvres plastiques produites dans des contextes historiques et géographiques différents.

12h30-14h10 Pause déjeuner

Panel 1 – Le fascisme dans la ville : permanence, actualisation, déconstruction

(14h10-16h30)

Modératrice : Paula Barreiro-Lopez (UT2J, Framespa)

14h-14h10 Introduction du panel

  • 14h10-14h30 Alessandro Gallicchio (Sorbonne Université - Centre André Chastel), Les traces architecturales du fascisme colonial au prisme de l’art contemporain : l’exposition Rue d’Alger dans l’ancienne Casa d’Italia de Marseille.
  • 14h30-14h50 Stéphanie Dechézelles (Université de Pau et des Pays d'Adour, TREE UMR CNRS 6031), Patrimonialiser l’architecture rationaliste sans faire l’apologie du régime fasciste dans la Province natale de Benito Mussolini.
  • 14h50-15h10 Iris Pupella-Noguès (Université Paris-Est Créteil - CRHEC EA 4392), Monuments fascistes = monuments sensibles ? Héritage(s) des artefacts du régime fasciste dans l’Italie d’aujourd’hui.

Sous le régime de Benito Mussolini la ville a incarné de la façon la plus éclatante et la plus durable la rhétorique fasciste. Ce fascisme de pierre (Gentile : 2007) voulant « imprimer partout la marque du régime » (Nicoloso : 2008 : XV) est encore aujourd’hui très présent dans le paysage urbain (Ben-Ghiat : 2017). Devenu patrimoine culturel national, il pose ainsi de nombreuses questions quant à la légitimité de sa conservation et de sa restauration (Belmonte : 2021 : 206).

Le problème lié à l’héritage difficile que constituent les stigmates urbains du régime dépasse cependant largement les frontières actuelles de l’Italie (Macdonald : 2009). Tout d’abord parce que le Fascisme a très rapidement étendu ses projets de transformation urbaine aux colonies, considérées comme les nouvelles régions de la Magna Italia (Ben-Ghiat, M. Fuller : 2005). Ainsi la Libye, l’Éthiopie, l’Érythrée, la Somalie, l’Albanie, subissent une redéfinition en particulier de leurs capitales, alors que « [l’]idée d’une internationale fasciste commence à séduire Mussolini et à s’imposer comme l’expression du fascisme universel et colonial » (Gallicchio : 2019 : 103). Il faut noter d’autre part que la question d’un héritage architectural dissonant se pose au-delà de l’unique expérience italienne et ses anciennes colonies. Les cas de l’Allemagne, l’Espagne, la Slovénie, ont fait l’objet d’études en ce sens (Hökerberg : 2018), tout comme les exemples portugais, argentins ou brésiliens (Griffin, Almeida de Cavalho : 2018). L’héritage laissé par les politiques urbaines visant à organiser, séparer, contraindre les corps et les soumettre à l’idéologie totalitaire est ainsi aujourd’hui une histoire générale qu’il est nécessaire d’interroger dans son ensemble et ses particularités.

Enfin, si la ville est, comme nous le dit Roland Barthes en 1967, une écriture, quelle lecture permet-elle au citadin quand ses signes expriment l’hégémonie d’un pouvoir totalitaire ? Cette question est affrontée de façon intéressante depuis plusieurs années par les artistes. Qu’ils approchent le monument tels des archéologues, introduisent de la discontinuité (Foucault : 1969), ou luttent contre « cette raison calculatrice qui voudrait que tous les éléments d’une cité soient uniformément récupérés par la planification » (Barthes : 1967), ils proposent un espace de respiration, un vide, desserrent la tension créée entre l’architecture et sa réception contemporaine. Peuvent ainsi advenir des réponses du côté de la déconstruction symbolique, de la neutralisation, ou encore de ce Carmen Belmonte appelle l’iconoclash.

Ce panel interrogera par conséquent les questions liées à la permanence, l’actualisation et la déconstruction de l’héritage architectural fasciste. Il considérera le sujet dans une histoire générale, transnationale, et proposera des approches à la fois historiques, politiques et artistiques.

15h15-16h15 Échanges avec le public

16h15-16h30 Conclusion de la 1ère journée

Vendredi 14 octobre 2022

Panel 2 – Fascismes : héritages et mémoires

(9h-10h40)

Modératrice : Natacha Laurent (UT2J, Framespa)

9h-9h10 Introduction du panel

  • 9h10-9h30 Françoise Coste, (UT2J, CAS EA801), Le spectre du fascisme dans l’Amérique trumpienne ?
  • 9h30-9h50 Laurent Beauguitte (CNRS, Géographie-cités UMR 8504), Les scènes musicales identitaires en France : un état des lieux (2010-2022).
  • 9h50-10h10 Georges-Emmanuel Gleize (UT2J, Framespa), À la poursuite des étoiles : quelles perméabilités entre la « Conquête spatiale » et le fascisme ?

Depuis les années 1980 et 1990, l’héritage des fascismes et leurs traces dans le présent semblent avoir pénétré la « culture populaire » et une mémoire collective, et ce, sans toujours s’accompagner d’une revendication fasciste explicite et/ou consciente. Ce panel propose ainsi d’examiner – notamment par le biais des sujets et des acteurs – les dimensions multiples de cet héritage du fascisme.

Une première dimension « culturelle » de cet héritage s’attache à étudier un ensemble de gestuelles, de graphies, de sigles, de chants, de codes sociaux (vestimentaires, langagiers, etc.) évoquant les régimes fasciste et nazi que l’on retrouve chez des groupes qui a priori « ne font pas » de politique. Pourquoi des poignées d’ultras supporters de certains clubs de football européens, les Ultras Sur du Real Madrid, les Boixos Nois de Barcelone, la United Force 87 du Rad Belgrade, ou certains ultras de la Lazio de Rome peuvent faire des saluts romains dans les gradins des stades ou utilisent des graphies sur leurs banderoles évoquant notamment celle de la Schutzstaffel ? Aussi, pour certains groupes de musique, dont le style est qualifié de « rock identitaire » ou de « rock néonazi », comme Zetazeroalfa (Italie) ou Légion 88 (France), la symbolique fasciste, au-delà du contenu même des paroles, passe par un code vestimentaire, l’utilisation de sigles (croix celtiques, croix gammées, etc.), ou pour d’autres groupes comme Marduk (Suède) ou Satanic Warmaster (Norvège), elle passe par l’évocation, dans leurs textes, d’épisodes historiques du IIIème Reich ou de la Seconde Guerre mondiale. Quel sens ces groupes – qui parfois gravitent aussi autour de partis ou de mouvements politiques – donnent-ils à cette symbolique héritée du passé ? Cette symbolique mobilisée dans des situations de ferveur (celle d’un stade ou d’un concert) devient-elle le support de processus d’identification, d’auto-représentation, de cohésion du groupe participant à renforcer leur vision du monde ? Dans quelles mesures ces exemples significatifs participent-ils à un imaginaire social autour du fascisme ?

Une seconde dimension, finalement intimement liée à la première, est celle de la mémoire du fascisme. Il s’agit d’aborder les commémorations d’événements relatifs aux régimes politiques fascistes, par exemple lors des dates de décès des dictateurs ou de leur prise de pouvoir, ou encore lors de mobilisations plus ponctuelles comme durant la bataille juridique qui a eu lieu en Espagne entre 2017 et 2019 pour transférer la dépouille de Francisco Franco du monument du Valle de los Caídos vers un cimetière civil où se trouve son caveau familial. Ces commémorations deviennent souvent d’autres occasions où sont mobilisés des éléments de la symbolique fasciste. Quel sens ces commémorations donnent-elles au présent et que disent-elles des sociétés en question ? Tendent-elles vers des « usages politiques du passé » (Traverso : 2005), traduisent-elles des batailles mémorielles ou la volonté de transmettre un système de valeur particulier ?

Ce panel proposera ainsi d’examiner cette symbolique, ces codes, ces pratiques hérités du fascisme présents dans la culture populaire, les raisons de leur utilisation, ainsi que les contextes et les conditions de ces résurgences du passé. Cet ensemble symbolique mobilisé aujourd’hui pourra aussi être envisagé sous l’angle de mémoires collectives, conscientes ou inconscientes.

10h10-10h40 Échanges avec le public

10h40-11h Pause (café)

Le fascisme sur scène : lectures de textes

(11h-12h30)

Lecture coordonnée et mise en voix par Jean-Claude Bastos, sur des pièces éditées par la collection Nouvelles Scènes (PUM). (6 lectrices/lecteurs)

Cette séance propose de mettre en résonance les textes de dramaturges contemporains avec les questionnements sociaux et politiques autour de la permanence et/ou la résurgence du fascisme aujourd’hui. Elle présentera la lecture d’extraits de textes issus de la collection Nouvelles scènes des PUM.

Séance organisée avec Antonella Capra, MCF en Italien, membre du comité de lecture de la collection « Nouvelles Scènes – Italien » auprès des PUM et responsable de la compagnie de théâtre universitaire I Chiassosi de l’UT2J.

12h30-14h Pause déjeuner

Panel 3 – Fascisme, structures partisanes et champs politiques

(14h-16h30)

Modératrice : Safia Dahani (Sciences Po Toulouse, LaSSP)

14h-14h10 Introduction du panel

  • 14h10-14h30 Estelle Delaine (EHESS, Université de Rennes, ARENES), Les enseignements de la socio-histoire des fascismes dans une recherche sur l'extrême droite contemporaine.
  • 14h30-14h50 Philippe Foro (UT2J, PLH), Transition et héritages de l’extrême droite italienne : du mouvement social italien à Fratelli d’Italia.
  • 14h50-15h10 Carla Granados Moya (Université Sorbonne Nouvelle Paris III, IHEAL, CREDA) , « Je mérite le paradis parce que je viens de l'enfer ». La mythification de l'expérience de la guerre et l'émergence d'un discours ultra-nationaliste dans le contexte postérieur à la « guerre contreterroriste » (Pérou, 2000-2022).

Que reste-t-il du fascisme dans les champs politiques ? A cette question, il est bien malaisé de répondre tant les travaux sur l’extrême-droite (se) divisent entre eux. Les labellisations et catégorisations sont foisonnantes dès lors qu’il s’agit de penser des structures partisanes que l’on pourrait potentiellement penser en héritage du fascisme : entre populisme, néo-populisme, droite radicale, droite radicale populiste, ultra-droite ou le plus classique « extrême-droite » le chercheur, même consciencieux, peut avoir du mal à s’y retrouver. Et pour cause, ces labellisations et catégorisations parfois abusives de réalités partisanes mouvantes, dynamiques et qui s’institutionnalisent sur des modes contrastés selon les espaces nationaux et les configurations, voilent et bloquent les hypothèses de continuité avec le fascisme. En France par exemple, la thèse immunitaire au fascisme (Dobry : 2003), corrélée à celle des « trois droites » (Sternhell : 2013) ont grandement structuré le champ des possibles théoriques dans les études sur l’extrême-droite contemporaine. Le peu de travaux dont on dispose sur les organisations institutionnalisées dans le champ des partis au début du XXème siècle pose également question : on en sait aujourd’hui encore peu des groupuscules non rétifs à la forme « parti » ni à la participation aux rituels électoraux (Dormagen : 2001 ; Sternhell : 2019). Enfin, les labellisations molles de populistes et radicales pensent plutôt les organisations d’extrême-droite comme des réalités presque figées (Collovald : 2004), construisent des modèles de partis politiques qui permettraient d’expliquer le « mainstreaming » de cette extrême-droite qui se serait dépouillée d’oripeaux culturels, idéologiques et organisationnels du fascisme dans le cadre d’une participation à une certaine « démocratie ».

En réinvestissant la question de la continuité partisane et institutionnelle « du » fascisme dans les champs politiques contemporains, ce panel argumente en au moins deux directions. D’une part, les communications pourront interroger les continuités et discontinuités des formes partisanes labellisées fascistes dans les champs politiques contemporains : tous les partis fascistes disparaissent-ils avec leurs leaders ? De quelle manière se désinstitutionnalisent ces entreprises particulières ? Les fascistes deviennent-ils des inconstants (Gaïti : 2001) et se reconvertissent-ils dans d’autres espaces politiques ? D’autre part, les communications pourront apporter des réponses sur des formes partisanes contemporaines auxquelles les séquences électorales nous exposent de plus en plus régulièrement : décèle-t-on encore des traces organisationnelles héritées de partis fascistes dans les partis d’extrême-droite contemporains ? De quelle manière ces héritages sont-ils revendiqués ou cachés ?

15h15-16h15 Échanges avec le public

16h15-16h30 Conclusion de la 2ème journée

Bibliographie

Cette bibliographie reprend les ouvrages cités dans le texte

Bardèche Maurice, Qu'est-ce que le fascisme ?, Paris, Les Sept Couleurs, 1961.

Barthes Roland, « Sémiologie et urbanisme », conférence de 1967 reproduite dans « La ville », L’Architecture d’Aujourd’hui, n°53, décembre 1970-janvier 1971.

Belmonte Carmen, « Art contemporain et préservation critique des monuments du fascisme en Italie », dans Luca Acquarelli, Laura Iamurri, Francesco Zucconi (dir.), Le fascisme italien au prisme des arts contemporains, Paris, Rennes, EHESS, PUR, 2021, pp. 203-217.

Ben-Ghiat Ruth, « Why Are So Many Fascist Monuments Still Standing in Italy ? », The New Yorker, 5 octobre 2017.

Collovald Annie, Le populisme du FN. Un dangereux contresens, Bellecombe en Bauges, Éditions du Croquant, 2004.

Dobry Michel (dir.), Le mythe de l’allergie française au fascisme, Paris, Albin Michel, 2001.

Dormagen Jean-Yves, Logiques du fascisme. L’État totalitaire en Italie, Paris, Fayard, 2008.

Foucault Michel, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969.

Gaïti Brigitte, « Les inconstances politiques », Politix, 2001, n°56, pp. 17-42.

Gallicchio Alessandro, « Tirana, fabrique inépuisable d’expérimentations urbaines. Patrimoine architectural moderne et art contemporain dans l’espace public albanais », dans Jean-Philippe Garric, Politique et performativité de la patrimonialisation, Cahiers du CAP, Éditions de la Sorbonne, 2019, pP. 101-136.

Gentile Emilio, Fascismo di pietra, Bari, Laterza, 2007.

Gentile Emilio, Fascismo. Storia e interpretazione, Bari, Roma, Laterza, 2010, (XI éd).

Griffin Roger, The nature of Fascism, Londres, Routledge, 1993.

Griffin Roger, Almeida de Cavalho Rita (dir.), « Architectural Projections of a ‘New Order’ in Interwar Dictatorships – Part 2 », Fascism, Vol. 7, 2018 [en ligne]. Lien : https://brill.com/view/journals/fasc/7/2/fasc.7.issue-2.xml

Hökerberg Häkan (dir.), Architecture as propaganda in twentieth-century totalitarian regimes. History and heritage, Firenze, Edizioni Polistampa, 2018.

Macdonald Sharon, Difficult Hertitage : Negotiating the Nazi Past in Nuremberg and Beyond, Abingdon, Routledge, 2009.

Nicoloso Paolo, Mussolini architetto, Propaganda e paesaggio urbano nell'Italia fascista, Torino, Einaudi, 2008.

Nora Pierre, Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1986.

Ruth Ben-Ghiat, Mia Fuller, Italian Colonialism, New York, Palgrave Macmillan, 2005.

Salvemini Gaetano, Scritti sul fascismo, 3 vol. (I. dirigé par Roberto Vivarelli ; II. Dirigé par Nino Valeri a Alberto Merola ; III. Dirigé par R. Vivarelli), Milano, Feltrinelli, 1961.

Sternhell Zeev, Ni droite ni gauche. L’idéologie fasciste en France, Paris, Gallimard, 2013.

Sternhell Zeev (dir.), L’histoire refoulée. La Rocque, les Croix de feu et le fascisme français, Paris, Éditions du Cerf, 2019.

Traverso Enzo, Le passé : modes d’emploi. Histoire, mémoire, politique, Paris, La Fabrique Éditions, 2005.

Tunbridge J. E., Ashworth G.J., Dissonant Heritage : The Management of the Past as a Resource in Conflict, Chichester, New York, J. Wiley, 1996.

Places

  • Bâtiment Olympe de Gouges, amphi 3, RDC - Campus Mirail 5, allée Antonio Machado
    Toulouse, France (31)

Event attendance modalities

Hybrid event (on site and online)


Date(s)

  • Thursday, October 13, 2022
  • Friday, October 14, 2022

Keywords

  • fascisme, néofascisme

Contact(s)

  • Coralie Razous
    courriel : colloque1922 [dot] 2022 [at] gmail [dot] com

Information source

  • Coralie Razous
    courriel : colloque1922 [dot] 2022 [at] gmail [dot] com

License

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To cite this announcement

« 1922-2022 : que reste-t-il du fascisme ? », Conference, symposium, Calenda, Published on Monday, September 26, 2022, https://doi.org/10.58079/19m0

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