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L’image de la ville
Au cœur des changements sociaux
Published on Wednesday, October 26, 2022
Abstract
Sociologues, géographes, anthropologues, historiens ou encore urbanistes partagent l’intérêt de l’usage d’images fixes et animées, dans leurs travaux sur l’espace urbain. Si l’intérêt de l’image, voire de la mise en récit comme moyens de représentation fait débat en sociologie, son usage scientifique renvoie à une réalité interdisciplinaire comme à l’image des Urban studies (Fassin Didier, 2014). Les changements morphologiques induits par les politiques urbaines, les phénomènes de gentrification et de relégation, les luttes politiques, culturelles et artistiques de réappropriation sont autant de thématiques qui seront abordées. Ainsi, nous formulons trois axes : La morphologie urbaine et la politique urbaine, le processus de gentrification, et l’image comme illustration et moyen de luttes urbaines.
Announcement
Argumentaire
La ville n’est pas sans difficulté à définir. Nous pouvons considérer qu’elle renvoie à deux réalités. Elle est conçue statique, et délimitée dans des cadres matériels (Stébé, Marchal, 2010). Il s’agit ici d’une définition qui semble ne prendre en compte que le bâti de la ville. Néanmoins, penser la ville sans les rapports sociaux serait un écueil. La ville est dynamique et recoupe des individus, des groupes sociaux, des relations ainsi que des interactions (Stébé, Marchal, 2010). De plus, il semble important de complexifier le phénomène de densification, particulièrement visible en ville, que Durkheim met en évidence (Durkheim, 1893). Si l’urbanisation s’impose aux groupes sociaux, il convient de souligner que la ville est également transformée et appropriée par ses usagers (Stébé, Marchal, 2010). Les représentations sociales de la ville participent pleinement à sa définition. Ces représentations peuvent être contradictoires et diffèrent selon les groupes sociaux. Elles construisent alors ce que l’on peut appeler l’image d’une ville, ici comprise comme une image mythifiée, une image imaginée d’un lieu. Ces images encrent et condamnent parfois la ville à une seule représentation dont elle ne peut plus s’extraire (Yagoubi, 2010). Ces représentations, bien que produites par les usagers mêmes, sont également produites par les politiques urbaines. Produisant des contradictions, il semble que la gentrification soit un processus social particulièrement éclairant sur ces confrontations de représentations. D’après certains géographes, la gentrification désigne les processus par lesquels une population aisée investit des quartiers défavorisés, provoquant alors une augmentation des prix immobiliers (Bourdin, 2008), et qui a pour conséquence de reléguer les classes défavorisées à la périphérie de ces quartiers. La morphologie urbaine est l'étude des formes urbaines, elle vise à étudier les tissus urbains au-delà de la simple analyse architecturale des bâtiments et à identifier les schémas et structures sous-jacents. Les changements morphologiques urbains sont alors pleinement sociaux lorsque l’on considère que la gentrification consiste en une « rénovation urbaine à dimension classiste » (Smith, 2003 : 64). Dès lors, lorsque plusieurs groupes sociaux investissent différemment des lieux, les confrontations peuvent mener à des luttes de réappropriation qui ne sont pas à négliger au sein du phénomène urbain.
Observer les changements sociaux relatifs à l’urbain suggèrent le support visuel. En effet, l’image n’est-elle pas indispensable pour témoigner des changements morphologiques urbains ? Néanmoins, il convient de rappeler que l’archive visuelle en tant que telle n’est pas explicative, et est nécessairement interprétée subjectivement car l’image est toujours au cœur des rapports sociaux.
Il est défini trois axes pour traiter de cette problématique :
La morphologie urbaine et la politique urbaine
La morphologie urbaine et la politique urbaine sont intriquées et demandent un examen rigoureux pour en saisir les liens. La politique urbaine participe de la production des changements sociaux et la morphologie urbaine apparait comme un témoin de cette politique. Dans de nombreux pays, l’étude de la morphologie urbaine révèle des « morphologies contrastées», segmentées spatialement et socialement. Par exemple les images de cohabitation entre buildings luxueux et favelas ne sont pas rares (Carrière, De la Mora, 2014). Les politiques urbaines participent activement de cette fragmentation de l’espace urbain. Les pouvoirs publics favorisent la spéculation foncière, donc des acteurs privés, sur ces territoires jusqu’à repousser les populations précaires en périphérie. Les chercheurs mettent d’ailleurs en évidence ces phénomènes grâce à des photographies illustrant le caractère rudimentaire des installations des populations marginalisées (Choplin, Ciavolella, 2008). Les photographies apparaissent alors comme un moyen d’illustrer et de démontrer ce que les politiques urbaines produisent sur les populations. Il se peut même que certains chercheurs utilisent ces photographies en vue de les dénoncer. Plus récemment, de nombreuses stratégies sont mises en place pour développer durablement l’urbain. Les projets d’écoquartiers en font partie. Ceux-ci sont considérés comme une régénération de quartiers industriels et paupérisés. Il apparait que le tournant néolibéral des années 1980 ait impacté les politiques urbaines en ce qu’elles souhaitent gérer les villes sur le modèle entrepreneurial. Dès lors, le souci de rendre les villes durables s’inscrit dans une logique néolibérale visant à augmenter l’attractivité et la compétitivité (Beal, Charvolin, Morel Journel, 2011). L’écologie apparait comme une justification des politiques urbaines et des investisseurs privés pour évincer les populations populaires et ainsi accentuer l’aspect sécuritaire. Notre intérêt ici est de prendre en compte le fait que des politiques dites écologiques ont en leur sein des objectifs qui dépassent la protection de l’environnement au profit des logiques de marché et qui ont une grande incidence sur le paysage urbain (Benites-Gambirazio, 2012). Dès lors, les politiques urbaines modifient effectivement les morphologies urbaines et sociales et ont de grandes conséquences sur les populations concernées.
Le processus de gentrification
Facilitée par les politiques urbaines, la gentrification est également un processus résultant d’appropriation d’un lieu par des groupes sociaux. Les processus de gentrification tiennent une place importante dans ces transformations en tant qu'ils modifient à la fois la composition de la ville, sa morphologie et son apparence. Si la gentrification est souvent pensée comme une rénovation urbaine, elle est indéniablement sociale en ce sens qu’elle semble revêtir l’aspect d’une lutte pour l’appropriation d’un territoire. Il sera donc particulièrement pertinent de traiter des ressorts de la gentrification et de ses résistances. En effet, les espaces urbains peuvent être investis par les classes populaires pour masquer la gentrification en cours et, freiner, parfois de manière inconsciente, l’appropriation de ces espaces urbains par les classes moyennes et supérieures. Or, ces résistances non-organisées suscitent l’intervention des acteurs publics et l’activisme de la classe des gentrifieurs pour revendiquer l’accès à ces espaces. Les différentes photographies mobilisées par les chercheurs permettent de rendre compte de ces résistances mais également de la manière dont la gentrification modifie visuellement et socialement le paysage urbain (Clerval, 2011). Il sera tout aussi intéressant d’interroger les phénomènes des friches qui permettent d’envisager la réappropriation de l’espace urbain sous un autre prisme, à l’entrecroisement des investissements des acteurs formels et informels (Ambrosino, Andres, 2008). Ces dynamiques de réappropriation sont de réels moyens de luttes.
L’image comme illustration et moyen actif de lutte politique
L’iconographie des luttes urbaines témoignent de son importance au sein de la ville. Les luttes collectives pour l’interprétation des images sont des moments clés dans la politisation de l’espace urbain. Par l’approche narrative associée à l’image, c’est toute la problématique du diagnostic framing14 qui est centrale dans la formation des mouvements sociaux (David, A., Snow., E., Burke, Rochford., Steven, K., Worden., Robert, D., Benford, 1986) dont la perspective est plus ou moins constestataire. L’image de la ville est un témoignage des bouleversements spatio-temporels sur la longue et moyenne durée, elle est au cœur des rapports sociaux, notamment à travers les luttes symboliques. Ainsi Martin A. Berger introduit aussi un point d’entrée intéressant dans les débats méthodologiques sur l’utilisation des photos comme source historique (Berger, 2020). L’image peut être un moyen pour les professionnels de l’urbain d’ouvrir un dialogue avec les habitants dans le cadre de projets participatifs de rénovation de quartiers (Mamou, 2013). Par ailleurs, l’image, dans une acception plus large – les fresques ou encore les graffitis –, est un moyen de lutte artistique et politique pour résister à la gentrification et aux politiques urbaines (Epstein, 2013 ; Botero, 2012). Enfin, l’image dématérialisée représente tout aussi bien un moyen de protestation s’inscrivant dans les luttes urbaines. Le mouvement des Gilets Jaunes a mobilisé la photographie et la vidéo comme de réels outils afin de rendre visibles des violences et des luttes qui se matérialisent dans l’espace urbain (Gunthert, 2020). Étudier l’image comme moyen de lutte permet d’aborder la question plus générale de la place des images dans les différents rapports sociaux. Les luttes collectives pour l’interprétation des images urbaines sont des moments clés dans la politisation de l’espace urbain.
Modalités de candidature
Pour vous inscrire, veuillez fournir en PDF :
- votre profil universitaire
- ainsi qu’une description en 1200 signes (espaces compris) de ce que vous voulez présenter et l’axe auquel vous voulez intervenir.
Les candidatures sont ouvertes du 13 octobre au 10 novembre 2022.
Titre du fichier PDF obligatoire : « NOM Prénom - JE 14 déc. »
Contact : Sylvaine Conord sconord@parisnanterre.fr
Organisation
La journée d’étude « L’image de la ville au cœur des changements sociaux » est organisée par des étudiants en master de sociologie (Université Paris Nanterre) et Sylvaine Conord (Université Paris Nanterre, UMR LAVUE CNRS 7218) en partenariat avec le département et le master de sociologie de l’université Paris Nanterre.
Elle aura lieu le 14 décembre 2022 à l’université Paris Nanterre en salle D201, bâtiment Lefebvre (D).
Comité scientifique
- Sylvaine Conord (maîtresse de conférences HDR, université Paris Nanterre, UMR LAVUE, CNRS 7218)
- Saphia Ait Ouarabi (étudiante master sociologie, université Paris Nanterre)
- Ronan Belec (étudiant master sociologie, université Paris Nanterre)
- Nolwenn Lenôtre (étudiante, université Paris Nanterre),
- Manon Magne (étudiante master sociologie,université Paris Nanterre)
- Frédéric Mercier (étudiant master sociologie, université Paris Nanterre)
- Donia Ourimi (étudiante master sociologie, université Paris Nanterre)
- Pierre-Louis Pauchard (étudiant master sociologie, université Paris Nanterre)
Bibliographie
AMBROSINO, Charles et ANDRES, Lauren. 2008, « Friches en ville : du temps de veille aux politiques de l’espace. Espaces et sociétés ». Vol. 134, no. 3, pp. 37‑51.
BÉAL, Vincent, CHARVOLIN, Florian et MOREL JOURNEL, Christelle, 2011, « La ville durable au risque des écoquartiers. Réflexions autour du projet New Islington à Manchester ». Espaces et sociétés. Vol. 147, no. 4, pp. 77‑97.
BENITES-GAMBIRAZIO, Eliza, 2012, « Politiques urbaines et justifications écologiques. Note sur les centres-villes « durables » en Amérique latine. » Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 195, 5, pp. 74‑77.
BOTERO, Nataly, 2012. Des imaginaires urbains aux imaginaires culturels. La semiotisation de la ville a travers les graffittis en Colombie. [en ligne]. Universidade da Coruña. [Consulté le 5 octobre 2022]. ISBN 978-84-9749-522-6. Disponible à l’adresse: https://ruc.udc.es/dspace/handle/2183/13322Accepted: 2014-10-02T12:31:22Z
BOURDIN, Alain, 2008. Gentrification : un « concept » à déconstruire. Espaces et sociétés. 2008. Vol. 132‑133, no. 1‑2, pp. 23‑37. DOI 10.3917/esp.132.0023.
CARRIÈRE, Jean-Paul et DE LA MORA, Luis, 2014. Précarité urbaine et fragmentation socio-spatiale au sein des métropoles brésiliennes : le cas de Recife. Géographie, économie, société. 2014. Vol. 16, no. 4, pp. 373‑397. DOI 10.3166/ges.16.373-397.
CHOPLIN, Armelle et CIAVOLELLA, Riccardo, 2008. Marges de la ville en marge du politique ?Exclusion, dépendance et quête d’autonomie à Nouakchott (Mauritanie). Autrepart. 2008. Vol. 45, no. 1, pp. 73‑89. DOI 10.3917/autr.045.0073.
CLERVAL, Anne, 2011. L’occupation populaire de la rue : un frein à la gentrification ?L’exemple de Paris intra-muros. Espaces et sociétés. 2011. Vol. 144‑145, no. 1‑2, pp. 55‑71, 2011.
DAVID, A. Snow., E., BURKE, ROCHFORD, Steven K. Worden, ROBERT, BENFORD, D., 1986, "Frame alignment processes, micromobilization, and movement participation.." American Sociological Review, 51.
FASSIN, Didier. 2014, « Chapitre 7. Une relation spéculaire. The Wire et la sociologie, entre réalité et vérité», Marie-Hélène Bacqué éd., The Wire. L'Amérique sur écoute. La Découverte, pp. 129-146.
GUNTHERT, André, 2020. « Violences publiques. L’image virale donne l’alerte. Questions de communication ». 2020. Vol. 38, no. 2, pp. 333‑350.
MAMOU, Khedidja, 2013. « Photographie et film dans les projets urbains participatifs : mont(r)er l’image d’un habitant actif ? » Participations. vol. 7, no. 3, pp. 151‑172.
MARTIN A. BERGER, 2020, « Race, visualité et histoire », Études de communication, pp. 54-28.
MORETTI, Florent, 2013. Renaud EPSTEIN, « La Rénovation urbaine : démolition-reconstruction de l’État. Lectures. » [en ligne] [Consulté le 5 octobre 2022]. Disponible à l’adresse: https://journals.openedition.org/lectures/11626
SMITH, Neil, 1982. “Gentrification and Uneven Development”. Economic Geography. 1982. vol. 58, no. 2, pp. 139‑155.
STÉBÉ, Jean-Marc et MARCHAL, Hervé, 2010. « Appréhender, penser et définir la ville ». In: [en ligne]. Que sais-je ? PUF, pp. 3‑16. [Consulté le 5 octobre 2022]. Disponible à l’adresse: https://www.cairn.info/la-sociologie-urbaine--9782130578017-p-3.htm
TRÉMOULINAS, Alexis, 2006. « I. Changement social et naissance de la sociologie. » [en ligne]. Paris: La Découverte, Repères, pp. 9‑30. [Consulté le 5 octobre 2022]. Disponible à l’adresse: https://www.cairn.info/sociologie-des-changements-sociaux--9782707146285-p-9.htm
YAGOUBI, Amina, 2010. Le mythe de Venise. Interview avec Massimo Cacciari. Sociétés. vol. 109, no. 3, pp. 41‑53.
Subjects
- Urban studies (Main category)
- Society > Sociology
- Society > Ethnology, anthropology
- Society > Geography
- Society > History
- Society > Political studies
Places
- Batiment Lefebvre (D) Salle D201
Nanterre, France (92)
Event attendance modalities
Full on-site event
Date(s)
- Thursday, November 10, 2022
Keywords
- ville, image, gentrification, changement social
Contact(s)
- Sylvaine Conord
courriel : sconord [at] parisnanterre [dot] fr
Information source
- Sylvaine Conord
courriel : sconord [at] parisnanterre [dot] fr
License
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To cite this announcement
« L’image de la ville », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, October 26, 2022, https://calenda.org/1024999