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Le patrimoine : une affaire de famille

Revue internationale « Enfances familles générations »

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Published on Thursday, November 03, 2022

Abstract

La revue internationale Enfances familles générations vous invite à soumettre une proposition d’article pour l’appel à contribution du numéro 46, intitulé « Le patrimoine : une affaire de famille ». Ce numéro thématique s’intéresse aux enjeux touchant le patrimoine — défini comme le capital d’actifs des ménages, nets de leurs dettes. Si ce champ d’étude est déjà riche en contributions, il demeure émergeant et encore trop peu développé. L’objectif de ce numéro est de l’alimenter en réunissant des articles qui abordent autant la manière, dont l’accumulation et la transmission du capital s’inscrivent dans le faire famille que le rôle des dynamiques familiales - en interaction avec les multiples acteurs du champ familial - pour l’accumulation du patrimoine et la structuration des inégalités, en particulier au prisme du genre. 

 

Announcement

Argumentaire

La recherche sur les inégalités économiques a longtemps porté sur la distribution des revenus d’emploi, mais un nombre croissant d’études mettent dorénavant à l’avant-scène le patrimoine — défini comme le capital d’actifs des ménages, nets de leurs dettes (Killewald et al., 2017; Spilerman, 2000). Le patrimoine est en effet un indicateur plus stable de la situation économique que les revenus (qui peuvent fluctuer), qui en reflète aussi l’historique (Spilerman, 2000). Le capital est également déterminant pour le bien-être, notamment à la retraite, dans un contexte où les pensions publiques sont souvent insuffisantes (Carrière et al., 2015; Foster, 2011; McCarthy, 2017; Mo, 2010), en plus d’être une source de pouvoir économique et d’indépendance.

Les études existantes montrent que le patrimoine est encore plus inégalement distribué que les revenus dans les sociétés occidentales contemporaines (Keister & Lee, 2014; Piketty, 2013; Saez & Zucman, 2016), que des disparités ethno-raciales de richesse majeures existent au sein de ces mêmes sociétés (Addo et al., 2016; Conley, 1999) et que les femmes possèdent un capital nettement inférieur à celui des hommes en Europe, en Amérique du Nord, autant qu’en Afrique et en Amérique du Sud (Bessière & Gollac, 2020; Deere et al., 2013; Lee, 2022; Pugliese & Chaumont- Goneau, sous presse; Schneebaum et al., 2018). Selon une approche théorique influente de l’accumulation et des inégalités de patrimoine, à savoir la théorie du cycle de vie, le principal motif d’accumulation est la préparation à la retraite, le capital se bâtissant dans la période active pour être ensuite liquidé en âge avancé. Pour cette perspective, les inégalités de patrimoine dérivent alors principalement des revenus, des rapports différenciés au temps, au risque et aux connaissances financières (Browning & Lusardi, 1996). Selon d’autres auteurs et autrices, le patrimoine provient plutôt en grande partie des héritages reçus et les inégalités sont donc avant tout liées aux origines sociales (De Nardi & Fella, 2017; Piketty et al., 2014; Toft & Hansen, 2022).

Paradoxalement, au sein de ces deux approches, les liens familiaux sont à la fois centraux et entièrement sous problématisés. En effet, si l’approche du cycle de vie reconnait généralement qu’une majorité de personnes sera en couple durant au moins une partie de ses périodes d’accumulation et de décaissements pour la retraite, la manière dont les conjoint.es gèrent et se répartissent les avoirs n’est généralement pas considérée. Le plus souvent, on assume simplement qu’ils et elles s’entendent sur les stratégies d’épargne et se répartissent les sommes également (Bennett, 2013). L’effet potentiel des fins d’union et des remises en couple est lui aussi négligé. Par ailleurs, les approches mettant en exergue l’héritage et la transmission du patrimoine, reconnaissent que les transferts sont principalement intrafamiliaux et descendants, des parents vers leurs enfants, mais on n’investigue que rarement pourquoi (Pfeffer et Killewald 2018). Spécifiquement, Durkheim avait avancé que l’industrialisation compromettrait la place de la famille dans l’héritage, et que les testataires lègueraient plutôt aux organismes civils correspondant à leurs valeurs ou rien du tout (Schwartz, 1993). Or, loin de questionner la dominance persistante des transmissions aux enfants - même dans des sociétés maintenant post- industrielles - le capital leur étant transmis est typiquement traité comme un simple résidu : ce qui n’a pas été consommé par le défunt durant sa vie et qui est dirigé vers les descendants par altruisme, amour ou habitude, comme le rappelle Gotman (1988).

Récemment, quelques études ont critiqué ces deux approches influentes de l’accumulation et des inégalités patrimoniales en mettant en lumière la profonde implication des processus familiaux dans la construction et les transmissions de capitaux, souvent dans le but ultime de comprendre une dimension spécifique des inégalités patrimoniales, celles qui s’installent entre les hommes et les femmes. Des études ont interrogé l’organisation des couples et la gestion de leurs actifs en préparation de la retraite (Kan & Laurie, 2014; Lersch & Vidal, 2016; Nutz & Gritti, 2021; Pugliese & Belleau, 2021) ainsi que les conséquences des fins d’union et des recompositions familiales sur l’accumulation de capital par les hommes et les femmes (Bessière & Gollac, 2020; Boertien & Lersch, 2021; Halpern- Manners et al., 2015; Kapelle & Baxter, 2021). Les transmissions patrimoniales des parents aux enfants de leur vivant et par voie d’héritage sont également de plus en plus étudiées, notamment pour montrer leurs effets genrés sur le patrimoine des parents (Lersch et al., 2017; Maroto, 2019), et sur celui de leur progéniture, selon l’ordre de naissance et le sexe des enfants (Bessière, 2019; Bessière & Gollac, 2020; Gollac, 2013).

Ces études font état des valeurs, des significations et des motivations familiales qui régissent les aménagements des couples et les pratiques d’accumulation et de transmission (Pugliese, 2021; Tisch & Gutfleisch, 2022; Tisch & Lersch, 2021). Elles montrent notamment que ces pratiques s’inscrivent au sein de stratégies familiales de reproduction (Bessière & Gollac, 2020). Elles participent aussi au travail relationnel qui favorise le maintien des liens familiaux (Hayes & O’Brien, 2021), les modes d’accumulation se présentant alors comme une fenêtre sur les valeurs familiales en mutation. D’autres études situent plutôt les couples et les familles au sein d’un champ familial, composé d’acteurs variés - étatiques, éducationnels, juridiques - qui encadrent et régulent les décisions et les actions patrimoniales des familles (Dandurand, 1995). L’impact du droit et de ses multiples professionnels apparait ici au premier plan, structurant les logiques familiales de répartition et de transmission du patrimoine et leur caractère plus ou moins égalitaire, notamment selon le genre (Bessière, 2019; Deere et al., 2013).

Si ce champ est déjà riche en contributions, il demeure émergeant et encore trop peu développé. L’objectif de ce numéro est de l’alimenter en réunissant des articles qui abordent autant la manière, dont l’accumulation et la transmission du capital s’inscrivent dans le faire famille que le rôle des dynamiques familiales - en interaction avec les multiples acteurs du champ familial - pour l’accumulation du patrimoine et la structuration des inégalités, en particulier au prisme du genre. Nous invitons notamment des articles abordant la gestion des actifs et des dettes par les couples et les conséquences de la séparation ou du veuvage sur le patrimoine - questions qui sont encore peu étudiées et qui, lorsqu’elles le sont, se limitent essentiellement aux contextes nationaux de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne.

En outre, si l’on sait que le droit et ses professionnels sont déterminants pour la répartition et la transmission du patrimoine dans la famille, qu’en est-il de la fiscalité, et des autres politiques sociales, notamment celles qui régissent l’accession à la propriété ou définissent l’importance du capital privé (comme la générosité du système de pensions)? Par ailleurs, malgré la diversité des politiques sociales et du droit d’un pays à l’autre, les comparaisons internationales des stratégies patrimoniales familiales sont peu nombreuses. Le rapport des familles aux acteurs du secteur financier (banques, planificateurs, prêteurs, fonds mutuels, etc.) demeure également sous exploré dans ses implications pour la répartition du capital au sein des familles. Nous invitons les auteurs et les autrices à soumettre des articles abordant ces thématiques et toutes autres qui relient famille et patrimoine sous des angles disciplinaires variés : sociologie, histoire, anthropologie, économie, sciences politiques, géographie, développement territorial, etc. Nous sollicitons également des contributions qui mobilisent des approches méthodologiques diversifiées, de l’ethnographie aux analyses statistiques.

Modalités de soumission

Les propositions (résumés) doivent être soumises sur notre site 

pour le 2 décembre 2022.

Veuillez sélectionner le titre du numéro thématique dans le formulaire de soumission. La proposition doit comprendre un titre provisoire, un résumé (1 500 à 2 000 caractères, espaces compris) et les coordonnées de tous les auteur.e.s. Les auteur.e.s des propositions retenues devront remettre leur manuscrit au plus tard le 5 juin 2023. Veuillez consulter notre site pour connaitre les règles d’édition de la revue. Les manuscrits sont acceptés ou refusés sur la recommandation de la direction de la revue et des responsables du numéro après avoir été évalués à l’aveugle par deux ou trois lecteurs externes.

Calendrier

  • Remise des propositions (résumés) : 2 décembre 2022

  • Remise des manuscrits complets : 5 juin 2023

Comité de direction

  • Maude Pugliese (Institut national de la recherche scientifique)
  • Céline Bessière (Université Paris Dauphine)

Références

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Carrière, Y., Légaré, J., & Purenne, J. (2015). Vivre et travailler plus longtemps au Canada : La réalité des baby-boomers. Cahiers québécois de démographie, 44(2), 251‐278. Conley, D. (1999). Being Black, Living in the Red : Race, Wealth, and Social Policy in America. University of California Press.

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Places

  • 385 Sherbrooke Est
    Montreal, Canada (H2X 1E3)

Date(s)

  • Friday, December 02, 2022

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Keywords

  • patrimoine, héritage, capital d'actifs des ménages, inégalités patrimoniales, famille

Contact(s)

  • Amélie Cousineau
    courriel : amelie [dot] cousineau [at] inrs [dot] ca

Reference Urls

Information source

  • Amélie Cousineau
    courriel : amelie [dot] cousineau [at] inrs [dot] ca

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Le patrimoine : une affaire de famille », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, November 03, 2022, https://doi.org/10.58079/19v0

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