HomeL’Alsace, terre de migrations
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Published on Wednesday, November 16, 2022

Abstract

Province située au cœur de l’Europe, au croisement des routes qui relient le nord et le sud du continent, l’Alsace est depuis toujours une terre de migrations. Terre d’accueil, l’Alsace est aussi une région de départs, volontaires ou contraints. L’immigration en Alsace et l’émigration alsacienne ont déjà fait l’objet d’une multitude de travaux, souvent consacrés à une communauté, un espace ou une période particulière. Le but de ces journées d’étude est de réunir les chercheurs pour faire le point sur les enquêtes récentes et en cours, ainsi que sur les perspectives de recherche concernant le phénomène migratoire en Alsace.

Announcement

Argumentaire

Province située au cœur de l’Europe, au croisement des routes qui relient le nord et le sud du continent, l’Alsace est depuis toujours une terre de migrations. Peuplée par les Celtes, elle est conquise par les Romains, puis par les Alamans et les Francs à la suite des « grandes migrations » de la fin de l’Antiquité[1]. Partie intégrante du Saint-Empire romain germanique durant tout le Moyen Âge, son essor urbain attire marchands et artisans[2]. Passée en partie à la Réforme protestante, elle est un refuge pour les Huguenots victimes de persécutions au XVIe siècle et les anabaptistes mennonites au XVIIe siècle[3]. Décimée par la guerre de Trente Ans, elle est repeuplée grâce à l’immigration, surtout en provenance de Suisse[4]. Fortement industrialisée au XIXe siècle, en particulier le Haut-Rhin, elle présente entre 1851 et 1870 un taux de population étrangère deux fois plus élevé que le taux national[5]. Dans les années 1920, elle fait venir des milliers de mineurs polonais pour exploiter le bassin potassique de Haute-Alsace avant que la crise économique des années 1930 ne les renvoie chez eux[6].

Terre d’accueil, l’Alsace est aussi une région de départs, volontaires ou contraints[7]. L’émigration des Alsaciens vers l’Amérique du Nord débute dès la fin du XVIIe siècle, pour des raisons politiques et religieuses, et se poursuit aux États-Unis au XIXe siècle pour des raisons économiques[8]. De 1830 à 1870, de nombreux Alsaciens partent pour l’Algérie[9] dans le cadre de la colonisation, ce mouvement se poursuivant après l’annexion de 1871[10]. Des entrepreneurs de la région vont « faire fortune » ailleurs, en « France de l’intérieur » ou à l’étranger[11].

Ballotée entre France et Allemagne, l’Alsace change de domination nationale à quatre reprises entre 1871 et 1945. La période est marquée par les « migrations forcées », objet d’un colloque récent[12]. Après le traité de Francfort, les « optants » quittent leur foyer pour s’installer outre-Vosges[13] tandis que les fonctionnaires et militaires prussiens arrivent en nombre dans le nouveau Reichsland. Après le retour à la France de 1918-1919, les « Vieux-Allemands » sont expulsés par les commissions de triage[14]. Dans les années 1930, la région sert de refuge aux juifs d’Allemagne et d’Europe centrale qui fuient le régime nazi. L’éclatement de la Seconde Guerre mondiale se traduit par l’évacuation des habitants de la zone frontière ; l’armistice de juin 1940 est suivi par le retour de ceux qui ne sont pas jugés indésirables. Des « colons » allemands s’installent en petit nombre durant l’annexion de fait, alors que des Alsaciens sont « transplantés » outre-Rhin. Certaines catégories de population connaissent la déportation vers les camps. La région est ainsi, tantôt terre d’exode, tantôt terre d’exil[15].

Après la Seconde Guerre mondiale, les chantiers de la reconstruction et la croissance économique des Trente Glorieuses attirent une immigration de proximité, venant de Suisse, d’Italie et de Pologne. Les choses changent à partir des années 1960 avec l’arrivée de populations plus lointaines, de Turquie et du Maghreb, notamment des Algériens après l’indépendance de 1962. Depuis 1990, l’Alsace accueille également des populations de l’ex-bloc soviétique, d’Asie et d’Afrique subsaharienne. De nouveaux phénomènes se développent comme les migrations frontalières de travailleurs en raison de la proximité et des différences socio-économiques avec l’Allemagne et la Suisse[16], l’arrivée de « cols blancs » liée à la présence des institutions européennes, mais aussi celle d’étudiants attirés par l’offre d’enseignement supérieur, spécialement en théologie.

Ce bref survol historique rappelle l’importance du phénomène migratoire dans la région de l’Antiquité à nos jours. L’immigration en Alsace et l’émigration alsacienne ont déjà fait l’objet d’une multitude de travaux, souvent consacrés à une communauté, un espace ou une période particulière. Le but de ces journées d’études est de réunir les chercheurs pour faire le point sur les enquêtes récentes et en cours, ainsi que sur les perspectives de recherche. Les propositions de communications – inédites – pourront porter sur l’un ou l’autre des aspects suivants :

  • La description et l’analyse des flux migratoires : leur importance numérique, leur origine, leurs temporalités (les migrations provisoires et le retour au pays, les migrations définitives), leur répartition spatiale en Alsace (les différences entre les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, entre les grandes villes de Strasbourg, Colmar et Mulhouse, entre les villes et les campagnes ; le cas particulier de certains bassins d’emploi et de certaines vallées), ainsi que la répartition des Alsaciens dans le monde ; l’inscription des flux migratoires dans un contexte plus large, notamment rhénan.
  • Les motivations des migrations en Alsace ou depuis l’Alsace qu’elles soient politiques, économiques, religieuses ou familiales, le « choix de l’Alsace » ; les politiques d’incitation et les freins aux migrations, les interdictions.
  • Les migrations forcées en lien avec les persécutions ethniques et religieuses, les conflits et les changements de domination nationale ; les acteurs et les victimes de ces migrations forcées.
  • Les conséquences des migrations sur le territoire, la démographie, l’économie et la société alsacienne (brassage ou clivage ?), les processus d’assimilation, d’intégration d’acculturation et d’exclusion (les discriminations, les réactions racistes et xénophobes vis-à-vis des étrangers et le vote d’extrême-droite) ; l’accueil, le logement des immigrés et la politique de la ville ; l’insertion sociale et professionnelle des immigrés ; la question culturelle et religieuse, linguistique et de l’éducation ; le sentiment d’appartenance à la région et l’identité alsacienne (le « creuset alsacien » ?).
  • Les liens conservés et développés par les immigrés avec leur pays d’origine et par les émigrés alsaciens entre eux et avec leur région, les associations communautaires et les solidarités, la « diaspora alsacienne » dans le monde et les associations comme l’Union internationale des Alsaciens.
  • Les exemples de trajectoires collectives et individuelles, de réussites et d’échecs.
  • Les mythes et réalités des migrations (« l’oncle d’Amérique »), leurs traces (monuments, toponymie, odonymie…) et leurs représentations (dans l’art et l’image) ; la ou les mémoire(s) des migrations en lien avec l’Alsace.

Ces journées d’étude sont ouvertes aux contributions d’historien.ne.s de toutes les périodes, de l’Antiquité à l’époque contemporaine, aux archéologues et aux géographes.

Modalités de soumission

Les propositions de communications devront parvenir aux adresses suivantes :

  • claude.muller@unistra.fr
  • nicolas.lefort68@orange.fr
  • christine.esch@creditmutuel.fr

avant le 1er février 2023.

Elles contiendront :

  • le titre provisoire de la communication
  • un résumé français de moins d’une page
  • une brève présentation de l’auteur (fonctions actuelles, titres universitaires, rattachement institutionnel, principales publications)

Calendrier

  • Date limite d’envoi des propositions : 1er février 2023.

  • Réponse du comité d’organisation : 15 février 2023
  • Journées d’études à la Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel à Strasbourg : jeudi 15 et vendredi 16 juin 2023.
  • Rendu des textes pour publications dans la Revue d’Alsace : 31 décembre 2023 (modalités précisées ultérieurement).

Comité d’organisation et sélection des propositions

  • Claude Muller, professeur et directeur de l’Institut d’histoire d’Alsace à l’université de Strasbourg, UR 3400 ARCHE.
  • Nicolas Lefort, docteur en histoire de l’université de Strasbourg, associé UR 3400 ARCHE, rédacteur en chef de la Revue d’Alsace.
  • Christine Esch (conservatrice de la Bibliothèque alsatique du Crédit Mutuel.

Notes

[1] Bernadette SCHNITZLER, « De Néandertal à Clovis : une Alsace aux origines multiples », Pays d’Alsace, 264, 2018, p. 3-8.

[2] Jean-Pierre KINTZ, « La mobilité humaine en Alsace : essai de présentation statistique, XIVe-XVIIIe siècle », Annales de démographie historique, Migrations, 1970, p. 157-183.

[3] Françoise FISCHER-NAAS, Les assemblées anabaptistes-mennonites de la Haute-Vallée de la Bruche (1708-1870), thèse de doctorat en études germaniques sous la direction de Frédéric Hartweg, université de Strasbourg, 2010, 2 vol., 500 et 220 p.

[4] Walter BODMER, L’immigration suisse dans le comté de Hanau-Lichtenberg au XVIIe siècle, Strasbourg, Heitz, 1930, 136 p.

[5] Yves FREY (dir.), Ces Alsaciens venus d’ailleurs, Cent cinquante ans d’immigration en Alsace, Nancy, Éditions Place Stanislas, 2009, 190 p. et « Les Alsaciens venus d’ailleurs », Hommes et migrations, 1273, Histoire des immigrations : panorama régional, 2008, p. 52-73.

[6] Yves FREY, Polonais d’Alsace, Pratiques patronales et mineurs polonais dans le bassin potassique de Haute-Alsace, 1918-1948, Besançon, Presses universitaires franc-comtoises, 2003, 600 p.

[7] Les Alsaciens dans le monde : émigrés, exilés et expatriés du XVe siècle à nos jours, Saisons d’Alsace, 47, février 2011.

[8] Sur l’émigration alsacienne aux États-Unis, voir : Norman LAYBOURN, L’émigration des Alsaciens et des Lorrains du XVIIIe au XXesiècle : essai d’histoire démographique, Strasbourg, Association des publications près les universités de Strasbourg, 1986, 2 vol., 309 et 501 p., Nicole FOUCHÉ, Émigration alsacienne aux États-Unis, 1815-1870, Paris, Éditions de la Sorbonne, 1992, 288 p. et le numéro récent de Saisons d’Alsace, 91, Le rêve américain, février 2022.

[9] Voir le recensement effectué par Alexis KELLER, « Les Alsaciens en Algérie entre 1830 et 1870 », 39 fichiers, 5314 pages (en ligne) : https://archives.strasbourg.eu/n/alexis-keller-les-alsaciens-en-algerie-entre-et/n:385

[10] Fabienne FISCHER, Alsaciens et Lorrains en Algérie : histoire d’une migration, 1830-1914, Nice, Éditions Jacques Gandini (Histoire des temps coloniaux), 1999, 174 p.

[11] Nicolas STOSKOPF, « Quitter l’Alsace pour faire fortune : le cas des entrepreneurs du XIXe siècle », Diasporas : circulations, migrations, histoire, 9, 2006, p. 43-55.

[12] Anne-Lise DEPOIL et Ségolène PLYER (dir.), Frontière, migrations et mobilités en Alsace de 1870 à 1930, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg (Études alsaciennes et rhénanes), 2021, 200 p.

[13] Voir notamment : Alfred WAHL, L’option et l’émigration des Alsaciens-Lorrains, 1871-1872, Paris, Ophrys, 1974, 276 p., et plus récemment : Benoit VAILLOT, « L’exil des Alsaciens-Lorrains : option et famille dans les années 1870 », Revue d’histoire du XIXe siècle, 61, 2-2020, p. 103-122.

[14] Voir les travaux de François UBERFILL, La société strasbourgeoise entre France et Allemagne (1871-1924), Strasbourg, Publications de la Société savante d’Alsace (Recherches et documents, 67), 2001, 371 p.

[15] Pauline BELVÈZE, « Face au nazisme – billet#5 – L’Alsace : terre d’exode, terre d’exil (des années 1930 à l’annexion) », in Lieu de recherche : le carnet de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg (en ligne) : https://bnu.hypotheses.org/8792 (publié le 12/10/2021, mis à jour le 23/12/2021).

[16] Marie-Noële DENIS, « Les migrations frontalières en Alsace », in Yvonne PREISWERK et Jacques VALLET (dir.), Vers un ailleurs prometteur… L’émigration, une réponse universelle à une situation de crise ?, Genève, Graduate Institute Publications (Cahiers de l’IUED), 1993, p. 294-302.

Subjects

Places

  • Strasbourg, France (67)

Event attendance modalities

Full on-site event


Date(s)

  • Wednesday, February 01, 2023

Keywords

  • Alsace, migration, immigration, émigration

Contact(s)

  • Nicolas Lefort
    courriel : nicolas [dot] lefort68 [at] orange [dot] fr

Information source

  • Nicolas Lefort
    courriel : nicolas [dot] lefort68 [at] orange [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« L’Alsace, terre de migrations », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, November 16, 2022, https://doi.org/10.58079/19ye

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