HomeDu récit à l’enquête, de l’enquête au récit : donner, recevoir, transmettre

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Published on Monday, November 21, 2022

Abstract

Dans la continuité du cycle de séminaires intitulé « Approcher le sensible des terrains : enjeux, questionnements et pratiques dans nos recherches » qui s’est déroulé tout au long de l’année universitaire 2021-2022, les doctorant·e·s et jeunes docteur·e·s du Laboratoire d’Études et de Recherche en Sociologie (LABERS, UR 3149) organisent une journée d’étude consacrée à la mise en récit des données et de leur analyse.

Announcement

Argumentaire

À la suite du cycle de séminaires « Approcher le sensible des terrains : enjeux, questionnements et pratiques dans nos recherches » qui s’est déroulé en 2021-2022, les doctorant·e·s et jeunes docteur·e·s du Labers (UBO) proposent le 31 mars 2023, à l’UFR Lettres et Sciences Humaines de Brest, une journée d’étude portant sur la mise en récit des données et de leur analyse. En partant d’une manière de nommer et de qualifier les terrains ou les objets de recherche, la réflexion autour du terme « sensible » a glissé vers une réflexion sur les manières de faire de la recherche. C’est notamment à travers le récit et ses multiples formes que nous souhaitons poursuivre la discussion.

Tout sociologue a besoin de recueillir du matériau d’enquête pour mener à bien son travail de recherche : relevés ethnographiques, entretiens, questionnaires, données documentaires ou issues d’archives, ressources bibliographiques. Ce matériau peut prendre la forme de discours et de narrations, d’histoires de vie, de récits articulant la description d’événements et leur interprétation, représentations et opinions. Pour le/la sociologue recueillant ce type de données, se pose alors une diversité de questions d’ordre méthodologique et épistémologique : comment se comporter face à ces données, où se tenir, quelle distance/proximité prendre, comment les accueillir, les transmettre ? Quel statut leur donner ? Comment faire de ces expériences individuelles et collectives, subjectivement mises en récit par les personnes rencontrées, un matériau d’enquête ?

Les approches qualitatives ont contribué à faire émerger de nouvelles manières de penser le travail de recherche et la posture des chercheur·euse·s recueillant les récits des enquêté·e·s. Combinées à une démarche inductive, elles questionnent la manière d’appréhender l’agentivité des personnes rencontrées et la subjectivation de leur récit.

Donner, recevoir, transmettre : trois temps de la recherche pour trois questions.

Donner : les récits des enquêté·e·s

Le récit appartient à toute forme d’enquête, que ce soit de l’observation directe (participante ou non), de l’entretien. Que les sociologues travaillent directement ou non sur les expériences, ils/elles sont confronté·e·s à leurs mises en récit. D’une certaine manière, un premier travail d’interprétation de la réalité a déjà été réalisé avant même que les chercheur·euse·s ne débutent leur travail. C’est celui de la personne rencontrée qui met en intrigue son expérience au prisme de son parcours de vie, de ses socialisations et de sa situation présente, se forgeant une « identité narrative » (Ricoeur, 1990) et conférant « une intelligibilité nouvelle au réel » (Orofiamma, 2019). Cette activité narrative « construit une vie en histoire et c’est seulement à travers un récit, sous cette forme de discours, qu’elle apparaît » (ibid, 2019).

Cette journée d’étude est l’occasion de questionner les manières de se raconter, comme le poids de la relation d’enquête sur le contenu et la forme des récits recueillis. Les entretiens comme les observations en situation s’inscrivent dans des interactions singulières, socialement situées, entre deux personnes (ou plus) qui échangent des paroles, mais aussi des émotions et des affects. Si le récit est toujours situé, il est également toujours adressé à quelqu’un, et sa narration est toujours « le résultat d’une partie à deux joueurs » (Laé, 2018).

En quoi le contexte de l’interaction entre un·e enquêteur·trice et un·e enquêté·e peut influer sur ce qui va s’y dire ? De quelle manière la relation d’enquête peut amener la personne interviewée à ne pas tout dire, à mettre en avant certains aspects de son expérience pour en dissimuler d’autres, pensés comme trop sensibles pour être racontés ? Que veut-elle, que peut-elle et qu’accepte-t-elle de donner à voir ? En quoi la forme et le contenu de son récit dépend de son histoire personnelle et de sa situation sociale présente ?

Recevoir des récits, constituer des données

Le recueil de données est au fondement de nos travaux. De la façon dont il sera réalisé, dépendra la poursuite de nos recherches et leur orientation. En amont et tout au long de cette étape, nous opérons des choix :

  • Choix des terrains et des méthodes (d’exploration des archives, investigation des terrains en pré-enquêtes, enquêtes, post-enquêtes, relevés ethnographiques, cartographies narratives, grilles d’observations et d’entretiens…) ;
  • Choix des types d’observations (participantes/non participante, à découvert/incognito) et d’entretiens (directifs, semi-directifs, ouverts) ;
  • Choix des personnes à interviewer : comment se constitue le panel des personnes à interroger ? Il y a nos souhaits mais aussi ceux de nos pairs, de nos partenaires, des commanditaires, des têtes de réseau, des institutions, etc. Se rajouteront des opportunités et des entretiens inattendus que nous choisissons de retenir.

L’essentiel des travaux repose sur le recueil de la parole des personnes enquêtées. Il y a ce qui s’entend, qui est enregistré, noté, vérifié, validé. Il y a ce qui se voit et qui fait aussi l’objet d’une transcription rigoureuse. Et puis, il y a tout ce qui ne se voit pas, ne s’entend pas, qui est plutôt d’ordre déductif, du ressenti chez le/la chercheur·euse et qui, sans être une donnée directe, va néanmoins ouvrir le champ d’investigation. De la perception des faits sociaux à l’identification et la construction de l’objet de recherche, les choix opérés par les chercheur·euse·s correspondent-ils aux réalités des personnes auprès desquelles ils/elles enquêtent ?

Comment un relevé de terrain devient-il une donnée ? Comment le journal de terrain nourrit-il ce processus ? Quantitatives ou qualitatives, les données démographiques, statistiques, sociales, bibliographiques, théoriques, empiriques, comparatives, sensibles… sont autant de matériaux soumis à notre analyse. L’interdisciplinarité au sein des sciences humaines et sociales apporte une transversalité des notions théoriques qui bénéficient au traitement analytique de nos données. Prenons-nous le temps d’évaluer nos méthodes, de les réajuster au terrain en cours si besoin ?

Tout au long de la recherche, l’écriture vient jouer un rôle à la fois réflexif et révélateur en donnant à voir au-delà du visible, du perceptible immédiatement, en mettant en relief les signes, les mouvements, déplacements, postures, les façons d’être dans les espaces, etc. Comment évaluer la part qu’occupe notre subjectivation dans nos analyses ? Entre écoute sensible et recherche d’objectivation, comment opérons-nous les tris, les classements dans les retranscriptions d’observations et d’entretiens ?

Là aussi, nous procédons à des choix d’écriture (académique, narrative, impliquée, sensible) qui ont une importance dans la direction des étapes suivantes se rapportant à la transmission.

Transmettre et restituer : la fabrique d’un nouveau récit

Une fois le recueil, puis le temps de l’analyse effectués, comment parlons-nous de nos recherches ? Les formes de restitution, sans même parler de formats plus originaux qui associeraient par exemple les sciences aux arts (Becker, 2009), sont multiples. Les chercheur·euse·s peuvent adapter la forme de leurs discours en fonction du destinataire. Au sein même du monde académique, les moments de restitution sont variés : colloques, journées d’étude, séminaires, tables rondes, événements avec différents publics, et pour les doctorant·e·s, la soutenance comme exercice codifié. Dans le temps de l’apprentissage qu’est le doctorat, comment les chercheur·euse·s naviguent entre ces différentes formes, comment les appréhendent-ils, entre normes professionnelles et envies personnelles ? Il s’agirait d’interroger les marges de manœuvre de ces apprentis chercheurs et notamment les processus de négociation qui ne sont pas forcément dits, mais pensés, dans une conversation à soi-même. Cela pourrait être une réponse à l’invitation du Collectif-en-devenir, qui dans un article de la revue Agencements (2021), pose plusieurs questions sur la fabrique de la thèse : qu’est-ce que l’écriture d’une thèse ? À quoi elle ressemble ? À qui elle ressemble ?

Partir de là, c’est aussi prendre en compte les parcours variés des doctorant·e·s, à l’intérieur et à l’extérieur de l’université : des parcours pluridisciplinaires, interdisciplinaires, professionnels ou personnels, vécus voire investis pendant des années avant l’inscription en doctorat. Quels rôles jouent ces expériences personnelles dans la légitimation de sa place à l’université ?

Entre le respect des normes académiques et l’envie de les bousculer, une multitude de choix de restitution existe pour restituer diverses manières de faire de la recherche. Des pratiques d’écritures différentes peuvent-elles exister comme c’est le cas pour les diverses méthodes mobilisables en sciences sociales ? Quand elles existent, sont-elles de simples îlots au milieu de l’institution universitaire ou de véritables propositions de multiplier les pratiques d’écriture de la recherche ? Pour nourrir la réflexion, il serait intéressant d’écouter et engager la discussion avec d’autres disciplines, en resserrant peut-être les liens entre celles qui sont toutes appelées les humanités, regroupant à la fois les sciences sociales, les lettres et les arts.

Modalités de soumission

Les propositions de communication (20 minutes) devront comprendre les informations suivantes :

  • Nom et prénom, titre et fonction, statut et affiliation, adresse mail
  • Titre de la communication
  • Cadre de l’enquête et aspects méthodologiques
  • Références bibliographiques
  • Un résumé de 2500 signes maximum, hors bibliographie, format PDF

Envoi des propositions de communication à l’adresse suivante etude.recit@gmail.com

avant le 6 janvier 2023

Calendrier

  • 2 novembre 2022 : diffusion de l’appel à communication
  • 6 janvier 2023 : envoi des propositions de communication à l’adresse suivante etude.recit@gmail.com
  • Fin janvier/début février 2023 : sélection des communications, retours aux auteur·e·s
  • 31 mars 2023 : journée d’étude à l’UFR Lettres et Sciences Humaines de Brest

Comités scientifique et d’organisation

  • Desbruyeres Clément - Doctorant
  • Grasset Alice - ATER et docteure en épidémiologie
  • Hellégouarch Sophie - Doctorante
  • Jolivet Soaz - Docteure en sociologie
  • Le Mouël Pierrick - Doctorant
  • Mesmeur Marie - Doctorante
  • Prigent Pierre-Guillaume - Docteur en sociologie
  • Rouzaut Maxime - Doctorant
  • Sadeghipouya Mahdis - ATER et doctorante
  • Servain Pierre - Docteur en sociologie

Contacts

Bibliographie indicative

Becker H.S. (2009), Comment parler de la société. Artistes, écrivains, chercheurs et représentations sociales, Paris, La Découverte, 316 pages.

Bourdieu P. (1993), « Comprendre », La misère du monde, Seuil, coll. Points.

Hess R. (2019), « Écritures impliquées », in Christine Delory-Momberger éd., Vocabulaire des histoires de vie et de la recherche biographique, Toulouse, Érès, p. 332-337.

Laé J.-F. (2018), Une fille en correction, Paris, CNRS éditions, 264 pages.

Laé J.-F., Madec A. et Murard N. (dirs) (2016), Sociologie narrative : le pouvoir du récit, Sociologie et sociétés, vol. 48, n° 2, 332 pages.

L’Atelier de sociologie narrative, http://sociologie-narrative.lcsp.univ-paris-diderot.fr/

Le collectif-en-devenir (2021), “De la marge de manœuvre des doctorant.e.s par rapport aux exigences (réelles et/ou fantasmées) de l’institution universitaire”, Agencements, n° 6, p. 18-19.

Orofiamma, R. (2019), « Narration/narrativité », in Christine Delory-Momberger éd., Vocabulaire des histoires de vie et de la recherche biographique, Toulouse, Érès, p. 122-127.

Paillé, P., Berger, E. (2011), « Écriture impliquée, écriture du Sensible, écriture analytique : De l’im-plication à l’ex-plication », Recherches qualitatives, Hors-série, n° 11, p. 68-90.

Ricoeur P. (1990) 2015, Soi-même comme un autre, Seuil, L’ordre philosophique, 432 pages.

Roudaut, K. & Derbez, B. (2022), « Proximité et distance dans l’entretien sur l’intime en période de crise sanitaire », Genèses, 126, p. 125-139.

Roux, B. (2018), L’art de conter nos expériences collectives. Faire récit à l’heure du storytelling, Commun (Éditions du), Rennes.

Weber F. (1991), « L’enquête, la recherche et l’intime ou : pourquoi censurer son journal de terrain ? », in Jacques Hoarau et Yveline Lévy-Piarroux (dir.), La fabrique des sciences sociales. Lectures d’une écriture, Espaces Temps, 47-48, p. 71-81.

Event attendance modalities

Full on-site event


Date(s)

  • Friday, January 06, 2023

Keywords

  • récit, méthodologie, doctorant·e, récolte, analyse, donnée

Contact(s)

  • comité d'organisation
    courriel : CongresSPHM2025 [at] gmail [dot] com

Reference Urls

Information source

  • Maxime Rouzaut
    courriel : maxime [dot] rouzaut [at] univ-brest [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Du récit à l’enquête, de l’enquête au récit : donner, recevoir, transmettre », Call for papers, Calenda, Published on Monday, November 21, 2022, https://doi.org/10.58079/19zo

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