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Modernité sexuelle

Sexual modernity

Religions et sphère de l’intime à l’époque contemporaine

Religions and the intimate sphere in contemporary times

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Publié le mercredi 04 janvier 2023

Résumé

Notre époque contemporaine est marquée par des changements en ce qui concerne le rapport à la sexualité que l’on peut rassembler sous l’expression « modernité sexuelle ». Si elles relèvent de l’intime, ces questions n’en ont pas moins une forte dimension collective. Plusieurs débats de société récents, notamment en Occident, qu’ils portent sur le mariage de personnes du même sexe, la gestation pour autrui, les violences sexuelles, ou encore récemment la liberté d’avortement et les transidentités, ont montré que bien qu’elles ne soient pas nouvelles, les questions du rapport entre éthique sexuelle et religions doivent cependant être étudiées à la lumière des évolutions sociales, scientifiques, politiques et juridiques de cette dernière décennie. Ce colloque propose de se pencher sur les relations religions-sexualité à l’époque contemporaine.

Annonce

Appel à contribution pour le colloque biennal du réseau Eurel (droit et sociologie des religions) sur les religions et la sphère de l’intime à l’époque contemporaine, 12 et 13 octobre 2023.

Argumentaire

Notre époque contemporaine est marquée par des changements en ce qui concerne le rapport à la sexualité - terme pris ici au sens large de tout ce qui a trait à la « sphère de l’intime » - que l’on peut rassembler sous l’expression « modernité sexuelle ». Si elles relèvent de l’intime, ces questions n’en ont pas moins une forte dimension collective. E. Fassin a proposé le concept de « démocratie sexuelle »[1] pour qualifier la politisation des questions de genre et de sexualité constituées en enjeux démocratiques, sur fond d’égalité des droits et de liberté individuelle. Progressivement dénaturalisé, l’ordre des sexes et des sexualités apparaît de plus en plus aux citoyen-nes, en effet, comme un ordre politique, exposé à la contestation et ouvert au débat. Face à ce changement de paradigme, les religions instituées, en cours de minorisation culturelle et politique dans beaucoup de sociétés occidentales, réagissent de diverses manières. Ces réactions vont de l’inclusion de cette nouvelle donne normative dans leur culture et leurs structures à des formes « d’ecclésionomie »[2], c’est-à-dire de réaffirmation de la supériorité de la norme ecclésiale ou religieuse par rapport à la loi ou aux choix individuels privés, en passant par des arrangements pastoraux qui favorisent une adaptation des pratiques sans prendre le risque de toucher aux doctrines.

Plusieurs débats de société récents, notamment en Occident, qu’ils portent sur le mariage de personnes du même sexe, la gestation pour autrui, les violences sexuelles, ou encore récemment la liberté d’avortement et les transidentités, ont montré que bien qu’elles ne soient pas nouvelles, les questions du rapport entre éthique sexuelle et religions doivent cependant être étudiées à la lumière des évolutions sociales, scientifiques, politiques et juridiques de cette dernière décennie.

Ce colloque propose de se pencher sur les relations religions-sexualité à l’époque contemporaine. Pour cela, il veut fédérer et rassembler des chercheur-es de toutes disciplines abordant cette question, dans la double optique de partager les résultats de la recherche et de faire, éventuellement, émerger des perspectives ou des dynamiques nouvelles.

Axes thématiques

Il s’agirait de reprendre à nouveaux frais la question du rapport entre les religions et les évolutions sociales récentes dans la sphère de l’intime, principalement sous trois angles :

1°– Non-discrimination et droits sexuels et reproductifs

De façon croissante, les sociétés occidentales intègrent dans leurs valeurs l’horizon normatif d’égalité femmes-hommes – avec plus ou moins d’efficacité dans sa mise en pratique. L’un des plans sur lesquels cet appel à l’égalité des droits retentit le plus sur l’ethos sexuel est celui de la procréation : qu’il s’agisse de contraception, d’avortement, ou de gestation pour autrui, par exemple, les femmes restent concernées et impliquées d’une façon différente. Elles n’ont pas pour autant toujours voix au chapitre, et l’on peut observer de grandes tensions entre les revendications de liberté et les positions des groupes religieux. Comment se concilient alors, dans les différentes sociétés, la liberté religieuse individuelle, le droit à l’autonomie des groupements religieux et les décisions politiques en matière de non-discrimination ? Quelles tensions sociales et juridiques peut-on voir à l’œuvre, quels en sont les acteurs, et quel rôle jouent là les groupes religieux ? Comment peuvent se conjuguer le maintien de la revendication patriarcale, fréquente dans les groupes religieux, et l’application des droits sexuels et reproductifs reconnus aux femmes ?

2°– Évolutions contemporaines du leadership religieux

Dans des sociétés où la sexualité est maintenant considérée comme un lieu d’épanouissement, voire la scène principale de l’identification personnelle, et face aux mobilisations LGBTQI+ et à leurs succès en termes de reconnaissance sociale et juridique, les organisations religieuses se sont longtemps contentées de questionner cette acceptation sociale croissante, ou de dénoncer les effets d’une minorité agissante sur les normes générales. Elles se sont cependant généralement positionnées en extériorité, comme si l’homosexualité n’était pas une question qui les concernait également. Qu’est-ce que la réflexivité nouvelle produit au sein des organisations religieuses, notamment chez les leaders religieux, en termes de subjectivité et de modulation du discours, pris qu’ils ou elles sont entre la « contrainte de publicité » (nécessité de défendre les valeurs de leur institution aussi bien face aux fidèles qu’aux non-croyants[3]), et l’aspiration toute moderne à l’authenticité sexuelle et à l’épanouissement individuel ? Comment les institutions religieuses prennent-elles en compte cette évolution sociale dans leurs discours et leurs pratiques ? Comment analyser l’émergence de nouvelles pratiques du leadership religieux (femmes imams, rabbins ou prêtres, mosquées inclusives, etc.) ?

Par ailleurs, dans un horizon normatif d’égalité femmes-hommes, la « patriarcalité du pouvoir »[4], comme effet et modalité de la domination masculine au sein des institutions, devient difficile à défendre explicitement, bien que façonnant encore les pratiques de pouvoir à divers degrés au sein de toutes les institutions, y compris séculières. Les institutions religieuses, où cette dimension patriarcale de l’exercice du pouvoir reste le plus souvent assumée, voire revendiquée, apparaissent aujourd’hui d’autant plus interrogées que les démocraties libérales dans lesquelles elles s’enchâssent adoptent des postures volontiers « fémonationalistes »[5]. Ce cadre de pensée patriarcal suscite-t-il des phénomènes de défense de l’institution religieuse, des dissonances cognitives ou des processus paradoxaux d’émancipation ? Qu’est-ce que la prise de conscience massive et la mise en accusation de la « patriarcalité du pouvoir » au sein des organisations religieuses font en retour aux institutions religieuses : suscitent-elles une prolifération de rhétoriques défensives, des réformes, des accommodements ?

3°– Sociétés séculières et sociétés civiles religieuses face aux violences liées à la sexualité au sein des appareils religieux

Depuis le milieu des années 1980, les cas de violences sexistes et sexuelles sont de plus en plus médiatisés en Europe[6], signant à la fois leur « réprobation sociale accrue » et « l’abaissement du seuil de résignation »[7] des victimes elles-mêmes. Concernant les organisations religieuses, cette couverture médiatique croissante s’est principalement concentrée sur les agressions sexuelles sur mineurs par des clercs de l’Église catholique et sur leur dissimulation par leur hiérarchie. Cette attitude de l’institution apparaît désormais en total décalage avec les attentes sociales de prévention, de reconnaissance et de réparation des dommages. Elle suscite, notamment aux yeux d’un public sécularisé, scandale et exigence de reddition de comptes de leurs leaders. Comment la société civile - croyante ou non - se mobilise-t-elle face aux appareils religieux et à leur résistance à se réformer ? Ces contestations des appareils religieux par leurs propres fidèles accroissent-elles l’instauration de la démocratie sexuelle au cœur même des organisations religieuses ou au contraire, suscitent-elles des réaffirmations hétéronomiques ? En quel sens participent-elles de « l’individualisation du croire »[8], y compris chez les conservateurs, qui bien souvent, tout en prônant le respect des autorités légitimes, se montrent aussi critiques et stratégiques à leur égard, si ce n’est plus, que les progressistes ? Et comment l’importance grandissante des non-croyants influence-t-elle ces débats ?

Les violences liées à la sexualité existent dans tous les groupes religieux. Par exemple, les « thérapies de conversion » - visant à corriger l’homosexualité ou les identités de genre non conformes - dont on parle fréquemment à propos des protestantismes évangéliques, mais que l’on rencontre aussi ailleurs, suscitent une réprobation croissante et jusqu’à des débats au sein des arènes parlementaires[9]. Les sociétés tendent-elles à encourager ou à restreindre la dénonciation de ces pratiques ? Quel soutien social, politique, légal peuvent trouver les lanceurs d’alerte ? Quels rôles jouent ces scandales sur l’évolution générale du rapport au religieux et la sécularisation ? Y a-t-il une instrumentalisation politique de ces événements ? Et sur le plan juridique, comment cela interroge-t-il les limites à la liberté de religion ? Enfin, quel est l’impact de la « démocratie sexuelle » et des scandales liés à la sexualité sur le droit étatique et le droit interne des religions ?

Pour échanger sur toutes ces questions, le comité scientifique du colloque sollicite des contributions dans le champ des sciences sociales et politiques, et du droit.

Modalités de contribution

Les propositions de communication (500 mots max.), en français ou en anglais, accompagnées d’un court CV, sont à déposer via le site du colloque (sexual-ethics.sciencesconf.org)

avant le 31 mars 2023

Les réponses seront envoyées avant la fin du mois de mai.

Les communications peuvent être faites soit en français soit en anglais, les deux langues officielles du colloque. Les éventuels documents d’accompagnement (power point, documents distribués) seront en français si la présentation est en anglais, et vice-versa.

Prise en charge

L’hébergement (1 nuit) et les repas seront pris en charge par le colloque, les frais de transport restant à la charge des intervenant-es. Pour les étudiant-es et jeunes chercheur-ses sans affiliation institutionnelle, il sera peut-être possible d’obtenir une aide au déplacement (confirmation en mars).

Comité scientifique

Ce projet est porté par l’université de Lausanne et le réseau Eurel, qui rassemble des spécialistes du droit et des sciences sociales des religions à travers toute l’Europe (eurel.info).

Son comité scientifique est composé de :

  • Francesco Alicino (université LUM Casamassima, Italie),
  • Sylvie Toscer-Angot (université de Tours, France),
  • Josselin Tricou (ISSR-université de Lausanne, Suisse),
  • Léopold Vanbellingen (UCLouvain, Belgique),
  • Anne-Laure Zwilling (CNRS - DRES, Strasbourg, France).

Notes

[1] Éric Fassin « La démocratie sexuelle et le conflit des civilisations », Multitudes, vol. no 26, no. 3, 2006, pp. 123-131.

[2] Philippe Portier, La pensée de Jean-Paul II, La critique du monde moderne, Paris, Éditions de l’Atelier, 2006.

[3] Hélène Buisson-Fenet, « Comment l’autorité s’exerce. Les clercs catholiques homosexuels et la contrainte institutionnelle », Archives de sciences sociales des religions, no 119, 2002, pp. 65-78.

[4] Constance Lalo et Josselin Tricou, « « Si cet homme n’avait pas été prêtre… » Patriacalité du pouvoir, script catholique et pédocriminalité dans l’Église », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 147 | 2020

[5] Sara R. Farris, In the Name of Women’s Rights. The Rise of Femonationalism. Durham: Duke University Press, 2017.

[6] Boussaguet, 2009, https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2009-2-page-221.htm, et https://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2016-2-page-59.htm#re41no41

[7] Nathalie Bajos & Michel Bozon (dir.), Enquête sur la sexualité en France. Pratiques, genre et santé, Paris, La Découverte, 2008.

[8] Danièle Hervieu-Léger, Le pèlerin et le converti. La religion en mouvement, Paris, Flammarion, 1999.

[9] Le Sénat adopte la loi interdisant les « thérapies » de conversion, décembre 2021, https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/le-senat-adopte-la-loi-interdisant-les-therapies-de-conversion-191521 ; voir aussi « Décembre 2021 : Thérapies de conversion », Eurel, https://www.eurel.info/spip.php ?article4067.

Catégories

Lieux

  • université de Lausanne
    Lausanne, Confédération Suisse

Format de l'événement

Événement uniquement en ligne


Dates

  • vendredi 31 mars 2023

Mots-clés

  • sociologie des religions, droit des religions, éthique sexuelle, évolutions religieuses, religions et sexualité

Contacts

  • Anne-Laure Zwilling
    courriel : anne-laure [dot] zwilling [at] cnrs [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • Anne-Laure Zwilling
    courriel : anne-laure [dot] zwilling [at] cnrs [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Modernité sexuelle », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 04 janvier 2023, https://doi.org/10.58079/1aa1

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