La société contre l’Etat de Pierre Clastres est un livre qui a fait date, régulièrement réédité. La qualité de son information ethnographique, à partir d’observations assez parcellaires, et avec des grilles d’interprétation trop systématiques, a été largement contestée par les spécialistes. Cette rencontre va constituer la quatorzième des « Lectures de… », développées depuis quelques années dans différentes universités, par la Société pour l’histoire des facultés de droit et de la culture juridique, qui assurera la publication des actes de la journée.

Argumentaire

La société contre l’Etat de Pierre Clastres (Paris, Les éditions de Minuit, 1974) est un livre qui a fait date, régulièrement réédité. La qualité de son information ethnographique, à partir d’observations assez parcellaires, et avec des grilles d’interprétation trop systématiques, a été largement contestée par les spécialistes. Sa proposition théorique, de penser à partir d’exemples sud-américains, principalement Guayaki et Guarani, une expérience concrète d’anarchie, au sens de l’ordre sans le pouvoir, a été infiniment et passionnément discutée. L’ouvrage, volontiers provocateur, réducteur, n’en demeure pas moins un classique toujours lu, et dans des perspectives très diverses, et une contribution majeure à l’épistémologie de l’anthropologie autant qu’à l’histoire de la pensée politique et des concepts juridiques. Il s’agissait en effet de donner à voir une forme autre du développement humain, non seulement sans relations de pouvoir ni de domination, mais même - et surtout - ayant élaboré des modes de neutralisation de leur émergence.

S’il a donc donné lieu à de très nombreux commentaires, le volume n’a pas été suffisamment envisagé au travers de la très large transversalité disciplinaire de sa réception, complexe et parfois contradictoire si l’on en juge par les usages qui s’en sont autorisés. Le projet de la journée du 13 janvier 2023 est donc de réunir des spécialistes des différents champs concernés.

Une thématique particulière intéresse plus spécifiquement les juristes, et fait de La société contre l’Etat également un bon support de réflexion sur le droit, il s’agit des emplois du mot Etat, de ses équivalences et de sa définition. Un second volet de la rencontre consistera donc, dans une perspective historiographique, à réunir des spécialistes de différentes périodes, depuis les mondes sans écriture jusqu’aux temps modernes, pour interroger à la lumière des emplois qu’en fait Clastres les usages du mot Etat, dans un mouvement d’engendrement permanent où chaque séquence du découpage des temps revendique une définition de l’Etat qui l’inclut dans une continuité jusqu’au présent (les Etats gaulois, la Cité-Etat, l’Etat moderne et sa genèse médiévale etc.).

Cette rencontre va constituer la quatorzième des Lectures de…, développées depuis quelques années dans différentes universités, par la Société pour l’histoire des Facultés de droit et de la culture juridique, qui assurera la publication des actes de la journée.

Programme

9 h : Pierre Clastres contre l’état : la méthode anthropologique

Sous la présidence de Soazick Kernéis, professeur d’histoire du droit à l’Université Paris Nanterre.

• Olivier Allard, maître de conférences en anthropologie à l’école des hautes études en sciences sociales, Le chef et la communauté en Amazonie indigène.
• Barbara Truffin, professeur d’anthropologie juridique à l’Université libre de Bruxelles, Prendre les sociétés amazoniennes en exemple : Relire l’anthropologie politique de La société contre l’état à partir de l’ethnométhodologie.
• Hélène Sirven, maître de conférences en esthétique à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Pierre Clastres, l'invitation au décentrement.
• Sophie Démare-Lafont, professeur d’histoire du droit à l’Université Paris-Panthéon-Assas, Les marques corporelles dans l’Antiquité mésopotamienne : réflexions orientalistes autour de P. Clastres, "De la torture dans les sociétés primitives".
• Jean-Paul Demoule, professeur émérite d’archéologie de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Des sociétés protohistoriques contre l’État ? Les apports de l’archéologie.
• Sophie Krausz, professeur de protohistoire européenne à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Les Gaulois contre l’État.

14 h 30 : Contre quel état : du mot à la notion

Sous la présidence de Laetitia Guerlain, professeur d’histoire du droit à l’Université de Bordeaux.

• Pierre Birnbaum, professeur émérite de sociologie de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Contre l’état despote : Pierre Clastres et le retour contemporain à la nature.
• David Soldini, maître de conférences en droit public à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, être état, être indien.
• Frédéric Fruteau de Laclos, maître de conférences en philosophie à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Deleuze et Lyotard, deux philosophes avec Clastres contre l'État.
• Nader Hakim, professeur d’histoire du droit à l’Université de Bordeaux, Histoire de la démocratie : une lecture de Pierre Clastres.
• Jean-Philippe Genet, professeur émérite d’histoire médiévale de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, état et pouvoir : un regard de médiéviste.
• Robert Descimon, directeur d’étude retraité de l’école des hautes études en sciences sociales, et Alain Guery, directeur de recherches honoraire au Centre national de la recherche scientifique/Centre de recherches historiques, Retour sur l’état des temps modernes.