Un groupe de recherche du Cédias-Musée social lance un appel à contribution pour un nouveau cycle de séminaires qui vise à encourager le développement de la recherche sur l’histoire de l’économie sociale et solidaire (ESS), dans une perspective internationale et interdisciplinaire. Afin d’alimenter un renouvellement des approches historiographiques de l’ESS, il est proposé de partir des problèmes qui se posent aujourd’hui à l’ESS à travers huit axes auxquels les propositions sont invitées à se rattacher.

Présentation

La recherche en histoire de l’économie sociale et solidaire fait l’objet d’un regain de dynamisme. Le CEDIAS a organisé les 7-8 février 2020 un colloque sur le thème : « L’ESS, quelle histoire ? », dont les actes sont en cours de publication (http://www.cedias.org/index.php?lvl=cmspage&pageid=4&id_article=360).

Un séminaire sur l’histoire de l’ESS dans une perspective internationale en a pris la suite entre octobre 2021 et juin 2022 pour aborder successivement les cas de la Belgique, du Québec, de la Grande-Bretagne, de l’Italie et de l’Espagne (http://www.cedias.org/index.php?lvl=cmspage&pageid=6&id_rubrique=234).

Un nouveau cycle de séminaires sera lancé cette année pour encourager le développement de la recherche sur l’histoire de l’ESS, dans une perspective internationale et interdisciplinaire.

Selon la Conférence Internationale du Travail (CIT) :

« L’économie sociale et solidaire comprend les entreprises, les organisations et les autres entités qui mènent des activités économiques, sociales ou environnementales servant un intérêt collectif et/ou l’intérêt général, et qui reposent sur les principes de coopération volontaire et d’entraide, de gouvernance démocratique et/ou participative,, d’autonomie et d’indépendance, ainsi que sur la primauté de l’humain et de la finalité sociale sur le capital en ce qui concerne la répartition et l’utilisation des excédents et/ou des bénéfices, ainsi que des actifs. Les entités de l’économie sociale et solidaire aspirent à la viabilité et à la durabilité dans une optique de long terme, ainsi qu’à la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle, et mènent des activités dans tous les secteurs de l’économie. Elles sont la traduction concrète d’un ensemble de valeurs qui sont indissociables de leur fonctionnement et qui participent du souci des personnes et de la planète, de l’égalité et de l’équité, de l’interdépendance, de l’autogestion, de la transparence et de la responsabilisation, ainsi que de la réalisation du travail décent et de la matérialisation des moyens de subsistance décents. L’économie sociale et solidaire inclut, selon les circonstances nationales, les coopératives, les associations, les mutuelles, les fondations, les entreprises sociales, les groupes d’entraide et les autres entités fonctionnant selon ses valeurs et principes. » 11 juin 2022

Argumentaire

Dès la fin du XIX^e siècle, des militants de la coopération ont tenu à valoriser l’histoire de leur mouvement à travers les figures pionnières d’Owen, Fourier, Proudhon et les expériences emblématiques de New Lanark, des phalanstères et des premières associations de travailleurs fondées partout dans le monde sous l’influence des révolutions politiques et sociales de 1848. L’histoire de l’ESS devient une histoire militante qui connaît un premier apogée au début du XX^e siècle avec l’École de Nîmes et les projets d’une République coopérative autour de Gide et de l’Alliance coopérative internationale (ACI).

Les travaux d’Henri Desroche poursuivent cette tradition militante avant que la seconde phase d’institutionnalisation de l’ESS autour des années 1980 ne coïncide avec les travaux plus critiques des décennies récentes, entrepris souvent dans des démarches pluridisciplinaires. Pendant la même période, il a également été publié de nombreuses monographies d’associations, mutuelles ou coopératives, qui n’ont pas nécessairement inscrit l’objet étudié dans une histoire plus globale de l’ESS. Par exemple, dans les années 1980, la Mutualité française notamment sous l’impulsion de René Teulade s’est lancée dans la valorisation de son histoire en ouvrant ses archives aux historiens et aux universitaires. Des ouvrages de qualité ont été publiés dans la collection « Racines mutualistes ». Mais le premier et seul colloque sur l’histoire internationale de la mutualité s’est tenu à Paris en 1992 et un seul colloque a eu lieu sur l’ACI en 2015 à Rome.

Les travaux d’André Gueslin ont montré que l’économie sociale en France s’inscrivait à l’origine dans quatre courants idéologiques : socialiste, libéral, catholique et solidariste. De la même manière, l’histoire de l’ESS s’ancre dans des traitions historiographiques diverses liées aux militantismes de ses acteurs qui ont voulu faire connaître leurs structures de traditions religieuses ou laïques, républicaines, socialistes ou communistes, comme en témoignent de nombreuses monographies.

En dehors de la sphère militante, l’histoire de l’économie sociale et solidaire se prête à l’intégralité des approches historiques. Du point de vue des thématiques, bien qu’elle s’insère davantage dans le champ de l’histoire économique et sociale valorisée au XX^e siècle par l’École des Annales, sa tradition idéologique l’ouvre à l’histoire des idées. En même temps, elle implique des méthodes de l’histoire des entreprises ou des institutions par la nature même de ses objets et de ses sources. Propice aux monographies (histoire de mutuelle, d’association ou de coopérative) et biographies (histoire de militants), elle s’ouvre aux prosopographies comme en témoignent les militants associatifs recensés dans le Maitron ou le dictionnaire des coopérateurs. Par ailleurs, les parcours des militants de l’ESS et l’internationalisation d’un grand nombre de ses structures invitent à des approches multiscalaires et globales avec des entrées aussi bien réticulaires (réseaux, échanges) que verticales (fédérations, organisations).

Afin d’alimenter un renouvellement des approches historiographiques de l’ESS, il est proposé de partir des problèmes qui se posent aujourd’hui à l’ESS à travers huit axes auxquels les propositions sont invitées à se rattacher :

1. Quel est le rôle de l’ESS dans les crises ? L’histoire des deux guerres mondiales reste à écrire pour les trois composantes de l’ESS, notamment pour le mouvement coopératif et les associations. Il conviendrait également de s’interroger sur les réussites mais aussi les limites de l’action, voire les échecs de l’ESS dans la lutte contre les formes de précarité et de vulnérabilité sociales.
2. Quels sont les rapports entre l’ESS et l’institutionnalisation ? Cet axe découle du précédent en soulevant la question fondamentale du rôle de l’État. Ce rôle s’est amplifié à l’occasion des conflits mondiaux. N’y a-t-il pas un certain rapport entre l’émergence d’un référentiel néolibéral des politiques publiques et l’institutionnalisation de l’ESS durant la même période ? Cet axe pourrait ouvrir à l’étude des organisations internationales des composantes de l’ESS. On connait un peu ce qu’il en fut pour la mutualité, à travers l’histoire de la Fédération internationale de la mutualité de 1905 à 1914 puis de la Conférence internationale de la mutualité et des Assurances sociales entre les deux guerres. L’histoire de l’Association coopérative internationale (ACI) fondée en 1895 reste également à étudier davantage, notamment dans ses rapports avec le BIT entre les deux guerres, à travers des figures comme celle d’Albert Thomas. Enfin rien n’a été fait semble-t-il sur l’histoire internationale des associations
3. Quelle place l’ESS a-t-elle occupée dans la colonisation et la décolonisation ? La coopération et la mutualité ont probablement joué un certain rôle dans la colonisation, mais on ignore ce qu’il en fut pour les associations. Par ailleurs leur action fut très limitée semble-t-il dans la décolonisation.
4. Quelle est la place des femmes dans l’histoire de l’ESS ? Là encore les travaux apparaissent globalement lacunaires, mais plus encore pour les associations et les coopératives.
5. L’ESS a-t-elle pris en compte les enjeux environnementaux dans son histoire ? L’historiographie de l’environnement a montré que la critique du progrès, au nom de considérations environnementales, a accompagné l’industrialisation. Qu’en est-il pour l’ESS ? Quelles formes cela a-t-il pris ?
6. Quelles sont les matrices territoriales de l’ESS ? Autrement dit, quels sont les facteurs explicatifs de son développement ? Quelles trajectoires prennent-elles ?
7. Comment l’innovation sociale ou l’expérimentation sociale ont-elles contribué à l’essor de l’ESS depuis son apparition ? Quelles formes cette innovation a-t-elle pris, en fonction des différents acteurs de l’ESS ?
8. Quelles sont les utopies de l’ESS ? Pour caractériser le socialisme utopique du XIXe siècle, Desroche distinguait les utopies écrites des utopies pratiquées. Quelles sont les nouvelles expérimentations de l’ESS ? Comment s’actualisent ses courants idéologiques ?

Modalités de contributions

Le séminaire démarrera en septembre 2023.

Les propositions de communication devront être adressées aux organisateurs du séminaire : t.duverger@sciencespobordeaux.fr et michel.jacques.dreyfus@gmail.com

d’ici le 15 mai 2023.

Il est attendu des contributeurs qu’ils adressent un résumé de 5 000 signes maximum comprenant :

• la problématique,
• la méthodologie
• 5 références bibliographiques maximum
• une présentation de quelques lignes de l’auteur

Les résumés, comme les communications, pourront être fait en français ou en anglais.

Des publications dans des revues ou sous la forme d’un ouvrage collectif seront envisagées en fonction des propositions reçues.

Organisateurs

• Chaïbi Olivier (Université d’Évry)
• Deblangy François (Université de Rouen)
• Demangel Dominique (CEDIAS-Musée social)
• Desgré Steve (Université de Nantes)
• Dreyfus Michel (CHS-CNRS)
• Duverger Timothée (Sciences Po Bordeaux)
• Georgi Frank (Université d’Évry)
• Marec Yannick (Université de Rouen)
• Siney Charlotte (ADDES)
• Toucas Patricia (Recma, ADDES)