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Boîtes noires, écrans blancs
Cinéma et archives des didactures latino-américaines
Published on Thursday, February 02, 2023
Abstract
Entre histoire, mémoire et expérience, il nous intéresse de discuter les formes par lesquelles les films documentaires construisent des récits sur le passé traumatique récent des pays latino-américains en question, tout en examinant les possibilités du cinéma comme agent d’élaboration du passé et d’une écriture de l’histoire et de la mémoire. Ce colloque a pour ambition de proposer un lieu d’échanges interdisciplinaires entre la France et les Amériques à travers les champs de l’histoire, du cinéma et des sciences sociales en réunissant chercheur·ses et professionnel·les du cinéma (cinéastes, monteur·ses, archivistes) autour de ces questions.
Announcement
Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 – LIRA et IRCAV, Université Paul Valéry - Montpellier 3 – RIRRA21, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis – ESTCA
Argumentaire
Dans la production documentaire contemporaine de l’Amérique latine, les dictatures militaires paraguayenne (1954-1989), brésilienne (1964-1985), uruguayenne (1973-1984), chilienne (1973-1990) et argentine (1976-1983), constituent une thématique majeure traitée selon de nombreuses perspectives. Cette production hétérogène répond à la découverte progressive de matériaux d’archives, lesquels ont fait surface à la fois à partir de l’ouverture des archives étatiques ayant été classées comme confidentielles (de l’armée, de la police, de la marine, de la CIA) et des archives privées, auparavant occultées. Résultante d’une lutte politique tenace et continue, depuis quarante ans, l’ouverture de ces « boîtes noires » diverses s’effectue dans des contextes de tensions et de deuils. Le cinéma devient ainsi un territoire privilégié d’élaboration et de négociation d’archives en dispute.
Selon Anita Leandro, le travail cinématographique sur ces archives exige une triple prise de position (2016, 104). Il est nécessaire, tout d’abord, d’entreprendre une dispute pour ces matériaux ayant été victimes de l’oubli, de l’effacement et du détournement officiels. Ensuite, une dispute avec ces archives doit se produire dans la mesure où elles sont des « objets esthétiques et politiques irréductibles. » Une dispute entre ces archives doit enfin s’opérer sur la table de montage – leur devenir historiographique constituant un geste de montage. À partir de cette perspective, le colloque vise à interroger le travail cinématographique par rapport aux lieux d’archives et les sources inédites qu’ils révèlent, tout en réfléchissant à un éventail de représentations des dictatures latino-américaines dans la production documentaire des Amériques. Quel est le rôle de la recherche qui s’effectue au sein des archives pour la réalisation des films ? Quelles sont les méthodes, les approches et les intérêts vis-à-vis des matériaux ? Comment les films explorent-t-ils leur historicité en les mettant en circulation ? Comment construisent-ils une autre forme d’archive (audiovisuelle et mémorielle) des dictatures latino-américaines ?
Les premières décennies du XXIe siècle dans les pays du Cône Sud ont été marquées par de multiples initiatives politiques publiques de travail de mémoire, de justice et de réparation, comme par exemple : l’établissement des commissions pour la recherche des crimes des dictatures, comprenant le recueil et l’archivage de témoignages historiques ainsi que l’élaboration des dossiers informatives et statistiques ; la reconnaissance des crimes de l’État ; l’ouverture d’archives étatiques jusqu’à lors classées comme confidentielles ; le jugement de procès des crimes d’anciens présidents et agents des dictatures dans le cas de l’Argentine, du Chili et de l’Uruguay. Les productions documentaires nationales se font alors en lien étroit avec la mise en place de ces actions – ou, au contraire, plutôt avec leurs manques ou leurs failles, devenant médium d’une histoire et d’une mémoire en permanente construction.
Dans ce contexte, différentes formes sont explorées par ce cinéma. D’un côté, des films comme Siete Instantes (Diana Cardozo, Uruguay / Mexique, 2008), Photos d’identification (Anita Leandro, Brésil, 2014), Pasteur Cláudio (Beth Formaggini, Brésil, 2018) ou 1982 (Lucas Gallo, Argentine, 2019) se chargent d’un important travail de production de témoignages historiques et de recherche dans des fonds d’archives récents, en croisant ou confrontant souvent ces deux sphères. Comment se joue le rapport entre archive et témoignage dans ces films ? Comment ce cinéma rend-il visible et lisible cette archive inédite ? Comment fait-il parler l’archive ? L’archive peut-elle faire événement ?
D’un autre côté, dans la réflexion sur les particularités d’un cinéma aux intentions historiques, sont souvent évoquées les questions de « la dimension affective du passé » (Guynn, 2016, 1), ou de « la valeur de survivance porteuse de pathos, d’affect » des matériaux d’archive (Kugler, 2011, 66) ou même de l’effet et de l’affect de l’archive (Baron, 2014). En reliant à l’histoire l’affect et la subjectivité de la mémoire, surgit la revendication d’un récit historique qui se rattache également à l’idée d’expérience de l’histoire. Intéressé par le concept d’expérience historique, le philosophe Frank Ankersmit déclare que « ce que nous ressentons à propos du passé n’est pas moins important que ce que nous en savons » (2005, 7). Dans ce territoire affectif et sensoriel propre au cinéma, les films s’approprient les archives dans leur matérialité visuelle et/ou sonore, mettant en relief leurs dimensions multiples – informationnelles, sensorielles, plastiques et/ou indicielles.
En ce sens, une approche personnelle du passé est privilégiée dans plusieurs films qui, à partir d’expériences et matériaux d’archives privés, touchent la grande Histoire. Des photos ou des films de famille, des journaux intimes et des lettres trouvées ou revisitées convoquent de puissants travaux de mémoire dans des films où les cinéastes d’une nouvelle génération enquêtent sur l’histoire de leurs familiers (ancien·ne·s militan·e·s torturé·e·s et/ou dispar·e·s) à partir d’une perspective familiale et intergénérationnelle, comme Los Rubios (Albertina Carri, Argentine, 2003), Mi vida con Carlos (Germán Berger-Hertz, Chili / Espagne, 2009), 108: Cuchillo de palo (Renate Costa, Paraguay / Espagne, 2010), Lettres et Révolutions (Flávia Castro, Brésil / France, 2010), Os dias com ele (Maria Clara Escobar, Brésil / Portugal, 2013) ou Adiós a la memoria (Nicolás Prividera, Argentine, 2020) et Je te dois une lettre sur le Brésil (Carol Benjamin, Brésil, 2020). Dans le carton d’ouverture de ce dernier film, on lit justement : « Une boîte noire, c’est comme ça que j’ai toujours désigné mon père. » Autrement, les filmographies de cinéastes comme Patrício Guzmán, Carmen Castillo, Ignacio Agüero, Marilú Mallet, Lúcia Murat et Mario Handler, ayant vécu eux-mêmes l’expérience de la dictature et de l’exil, demeurent effervescentes dans la production actuelle, consolidant une œuvre fortement constituée à partir d’un regard personnel qui creuse et élabore l’archive des dictatures.
Entre histoire, mémoire et expérience, il nous intéresse ainsi de discuter les formes par lesquelles les films documentaires construisent des récits sur le passé traumatique récent des pays latino-américains en question, tout en examinant les possibilités du cinéma comme agent d’élaboration du passé et d’une écriture de l’histoire et de la mémoire. Ce colloque a pour ambition de proposer un lieu d’échanges interdisciplinaires entre la France et les Amériques à travers les champs de l’histoire, du cinéma et des sciences sociales en réunissant chercheur·se·s et professionnel·le·s du cinéma (cinéastes, monteur·se·s, archivistes) autour de ces questions. Composé de communications, rencontres et projections, cet événement se tiendra le 17 avril à Montpellier, puis les 09 et 10 juin à Paris.
Nous nous réjouissons de recevoir vos propositions de communication d’ici le 24 février. Nous suggérons comme axes de réflexion :
- Les modalités de création cinématographique à partir de matériaux d’archives des dictatures d’Amérique du Sud ;
- L’écriture de l'histoire par les formes audiovisuelles ;
- Les méthodes de recherche de matériaux historiques audiovisuels ;
- Politiques de la mémoire : institutionnalisation et accès aux archives, ainsi que leurs pratiques institutionnelles : conservation, diffusion et valorisation des documents sonores et visuels des dictatures ;
- Archives privées : archéologie, historicisation et remploi cinématographique ;
- Fabrication d’archives et production de témoignages au présent ;
- Lieux de mémoire et mémoires des lieux : la dimension située des archives et ses cartographies affectives et officielles ;
- Par-delà les archives : faire face aux absences et aux silences ;
- L’anarchive et les Archives de la violence ;
- La réécriture de l’histoire des dictatures à travers des contre-archives et points de vue situés des minorités : contre-archives autochtones, archives queer, archives paysannes, etc.
Modalités de soumission
Les propositions de communication sont à envoyer conjointement aux coordinatrices à l’adresse archivesdesdictatures@gmail.com
jusqu’au 24 février 2023.
Elles comporteront :
- le titre de la communication,
- un résumé de 500 mots (maximum),
- une bibliographie indicative,
- cinq mots clefs,
- une courte note bio-bibliographique (150 mots maximum).
Comité organisateur
- Beatriz Rodovalho (IRCAV, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3)
- Claire Allouche (ESTCA, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis)
- Isabel Castro (IRCAV /RIRRA21 - Université Paul Valéry Montpellier 3)
- Pietsie Feenstra (RIRRA 21 - Université Paul Valéry Montpellier 3)
- Raquel Schefer (LIRA, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3)
- Comité scientifique
- Antonio Somaini (LIRA, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3)
- Beatriz Rodovalho (IRCAV, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3)
- Christa Blümligner (ESTCA, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis)
- Claire Allouche (ESTCA, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis)
- Isabel Castro (IRCAV /RIRRA21 - Université Paul Valéry Montpellier 3)
- Ophir Lévy (ESTCA, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis)
- Pietsie Feenstra (RIRRA 21 - Université Paul Valéry Montpellier 3)
- Sébastien Layerle (IRCAV, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3)
- Raquel Schefer (LIRA, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3)
Subjects
- America (Main category)
- Zones and regions > America > Latin America
- Mind and language > Representation > Visual studies
- Mind and language > Representation > Cultural identities
- Mind and language > Epistemology and methodology > Historiography
- Society > History
- Mind and language > Representation
- Mind and language > Epistemology and methodology > Corpus approaches, surveys, archives
Places
- Paris, France (75)
- Montpellier, France (34)
Event attendance modalities
Hybrid event (on site and online)
Date(s)
- Friday, February 24, 2023
Attached files
Keywords
- cinéma, histoire, archive, montage, dictature militaire, cône Sud, Amérique latine
Contact(s)
- Isabel Castro
courriel : isabel [dot] castro [at] univ-montp3 [dot] fr
Information source
- Isabel Castro
courriel : isabel [dot] castro [at] univ-montp3 [dot] fr
License
This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.
To cite this announcement
« Boîtes noires, écrans blancs », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, February 02, 2023, https://calenda.org/1047814