Published on Monday, March 20, 2023
Abstract
Considérée comme l’outil adéquat pour promouvoir et garantir le développement économique et social des territoires dans le monde selon les bailleurs de fonds, la décentralisation est recommandée en Afrique subsaharienne dans les années 1970 et 1980 comme solution miracle aux problèmes du sous-développement et gouvernabilités auxquels les États africains se heurtent. Derrière cet espoir suscité par son instauration, persistent des dysfonctionnements. Cet appel à articles nous amènera à nous questionner et à susciter la réflexion et le débat autour de la décentralisation en Afrique subsaharienne.
Announcement
Argumentaire
La décentralisation est l’une des principales stratégies d’aménagement et de développement des territoires dans le monde. Le processus de décentralisation, amorcé en Afrique subsahariennes dans les années 1970 et 1980, a entrainé une rupture avec le centralisme étatique de développement qui a marqué les deux ou trois premières décennies d’indépendance (1960).
En effet, la crise du providentialisme enregistrée dans de nombreux pays subsahariens notamment y a conduit la plupart des États à rechercher un nouveau modèle de développement plus participatif (A. Yapi-Diahou (2022 : 71), K.S.Y. Koffi, E.B.Koffi et J.K. Kra, (2014 : 39) ; D. Bourque (2012 : 42), P. Rey (2009 : 8) ; M. Moupou et L. A. Mbanga (2008 : 163) ; J. Fisette et M. Salmi (1991 : 350) ; J. Caillouette (1994 : 161), C. Dupuy (1990 : 351)). Dès lors, les États ont été contraints de se désengager des secteurs productifs de l’économie et, de la gestion urbaine et rurale mettant en œuvre les prescriptions des plans d’ajustement structurel. D’après A. Yapi-Diahou se référant à la Banque mondiale « Lorsqu’elle la recommanda (avant de la prescrire), la Banque mondiale, y voyait l’outil adéquat pour promouvoir et garantir le développement économique et social selon les règles de l’orthodoxie capitaliste (A. Yapi-Diahou, 2022 : 63). De même, N.A. Siddiquee (1997 : 24) relève sans ambiguïté cette intrusion des organismes internationaux dans l’avènement de la décentralisation : « Même si des pressions locales s’exerçaient souvent pour réclamer des réformes politiques, la principale contrainte, déterminante pour l’adoption de la décentralisation dans le tiers monde, vint des organismes donneurs d’aide et d’un grand nombre de théoriciens, qui ont élaboré une panoplie d’arguments en sa faveur ». Inspirés par les théories normatives, les succès de la décentralisation dans les pays occidentaux ont fini par convaincre les principaux décideurs internationaux, sur la nécessité d’exporter voire d’imposer en Afrique, au vu de son retard de développement d’une part, et de la crise de gouvernance de l’Etat central d’autre part. Une telle approche souscrit à une démarche institutionnelle qui se contente de prescrire des choix devant guider les pays en processus de décentralisation. Elle conduit à des spéculations selon lesquelles ces programmes constituent la solution miracle aux problèmes de sous-développement et de gouvernabilité auxquels les États africains se heurtent
Le relais devrait, donc, être assuré par des gouvernements locaux élus au suffrage universel pour impulser le développement local en conformité avec les compétences transférées. À cet effet, la décentralisation est considérée comme un important instrument capable de promouvoir la démocratie et le développement des territoires. In fine, elle est devenue une composante essentielle de la stratégie de développement, dans la plupart des pays du Sud (N.A. Siddiquee (1997, op cit.). A.A Hauhouot (2002 : 301) renchérit cette analyse en relevant que « l’émergence des communes était perçue comme la voie devant conduire à la démocratie participative et à l’intégration des forces sociales dans l’effort de développement ».
En somme, cette nouvelle stratégie de développement adoptée, a pour objectifs essentiels de faire émerger de nouveaux acteurs sociaux, intermédiaires en vue de leur investissement dans les actions de développement, la promotion de leviers de planification, de décisions et d’espaces démocratiques, et de partage des pouvoirs de décisions, compatibles selon elles, avec la maîtrise du développement territorial (A. Yapi-Diahou, Op. Cit).
Mais, derrière cet espoir suscité par son instauration, de nombreux débats se font jour car les collectivités locales de l’Afrique subsaharienne n’ont toujours pas réussi le pari du développement et elles demeurent en panne. De nombreux services du ressort de leur compétence sont en proie à des dysfonctionnements, accentuant ainsi les nombreux défis à relever notamment ceux relatifs au cadre institutionnel, au financement, aux ressources humaines, à la prégnance des politiques dans les affaires locales comme en témoigne Cités et Gouvernements Locaux (CGLU) dans le premier rapport mondial en 2008. Qu’advient-il de l’autonomie locale si l’autonomie financière, fondement de la première est inexistante ou amoindrie par une tendance assez marquée à l’accroissement de la part des ressources contrôlées par l’Etat ? Quelle est la proportion correcte entre les ressources propres des collectivités locales et les transferts de l’Etat ? Ou encore que se passe-t-il lorsque les interventions des niveaux supérieurs de l’Etat affaiblissent l’autonomie des gouvernements locaux dans le libre choix des modalités de gestion de leurs services et de leurs structures administratives ? Comment assurer au mieux le niveau, la qualité et la bonne marche des services attendus ?
Par ailleurs, à la suite des fameux plans d’ajustement structurel, de nombreux États de l’Afrique subsaharienne (depuis les années 2000 dans certains pays, 2010 pour la Côte d'Ivoire) reprennent des postures plus offensives et reviennent au centre des politiques publiques en matière de développement avec des projets nationaux et même inter-États (CEDEAO, CEMAC…). C’est le retour de l’État-Entrepreneur en dépit des responsabilités de développement territorial confiées aux gouvernements locaux. Ces derniers semblent être éclipsés dans l’initiative du développement local. Comment cela cohabite-t-il avec les dynamiques de décentralisation ?
En outre, force est de constater que l’on note d’importante ressources scientifiques sur le sujet entre 2000-2002 et 2010-2012 puis moins ensuite. Et pourtant, les dynamiques décentralisatrices se maintiennent (Acte III de la Décentralisation au Sénégal en 2013, stratégie décennale 2017-2026 au Burkina Faso), et les collectivités locales poursuivent leurs apprentissages, dans des contextes nationaux extrêmement différents.
Les questions autour de la décentralisation sont nombreuses. Aussi nous amène-t-elle à questionner les fondements théoriques de la décentralisation subsaharienne après plus d’une quarantaine d’année d’opérationnalisation dans les Etats, mais également du foisonnement de la littérature grise depuis lors. Au regard des dynamiques sociales et politiques actuelles sur le continent, n’y a-t-il pas une nécessité de reconstruction conceptuelle de la décentralisation dans le contexte africain ? Un des objectifs de cet ouvrage sera bien de faire un état des lieux sur une diversité de situations. Au-delà, l’on perçoit aisément qu’il y’a lieu d’interroger la décentralisation en Afrique subsaharienne, de jeter un regard croisé de chercheurs, d’enseignants, de praticiens (décideurs politiques, élus locaux, administrateurs des services décentralisés) et de la société civile sur les territoires décentralisés, d’analyser les enjeux et les défis à relever dans un continent en quête d’émergence.
Prenant appui par une approche d’inter(trans)disciplinarité, les contributions peuvent être analysées sous divers angles : géographique, juridique, historique, économique, politique, environnemental, philosophique, anthropologique et sociologique.
Cette thématique générale peut notamment être déclinée autour des axes suivants :
Axes de l’ouvrage
- Les constructions théoriques, épistémologiques et méthodologiques de la décentralisation (déconstruction conceptuelle de la décentralisation, nouvelles approches méthodologiques de recherche en décentralisation, le chercheur et l’institution décentralisé…)
- Les relations entre décentralisation et territoire (gestion des ressources naturelles, exploitation agricole et industrielle, gestion du foncier, inégalités territoriales, aménagement du territoire : la question des échelles, les nouvelles ruralités…)
- La décentralisation et la gouvernance locale (écosystème normatif, dépendance économique de l’État, participation et contrôle citoyen, compétences dévolues…)
- La décentralisation et les objectifs du développement durable (changement climatique, lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, autonomisation de la femme et chômage des jeunes, santé, éducation, accès à l’eau salubre, à l’énergie et à l’assainissement, ville durable…)
- La décentralisation et le développement de l’économie locale (financement des projets de développement des collectivités locales, accès aux financements alternatifs, finance climatique, marché financier, BOT, Partenariat public-privé, marketing territorial…)
- La décentralisation en question ? / Les défis de la décentralisation (capital humain, jeu politique, pouvoirs locaux, domaines de compétences inappropriés, pouvoirs locaux, pratiques des élus locaux …)
Instructions aux auteurs
Les contributions peuvent être rédigées en français ou en anglais
- Les propositions de résumé (500 caractères) de contribution doivent comporter : un titre, un résumé et cinq (05) mots clés au maximum.
- Les contributeurs doivent indiquer l’intitulé de l’axe de rattachement de la proposition
- Les articles doivent être compris entre 10 et 15 pages en Word (illustrations comprises et références bibliographiques incluses)
- Les articles finaux doivent respecter les consignes de présentation suivantes :
- Titre de l’article : Times New Roman Gras, taille 14 ;
- Sous-titre et auteur : Times New Roman Gras, 14 ;
- Corps du texte : Times New Roman, taille 12, interligne 1,5, justifié ;
- Titres et sous-titres en Gras, numéroté sous la forme 1, 1.1 et 1.1.1 ;
- Numérotation des pages en bas de page ;
- Marge haute, basse, droite et gauche de 2,5 cm ;
- Les références doivent suivre le style Chicago B ;
- Références bibliographiques rappelées en fin de document.
Modalités d'évaluation
Les articles seront évalués selon les procédures dite « en double aveugle ».
Calendrier et modalités de contribution
- Fin de soumission : 30 avril 2023
- Sélection des contributions : 30 mai 2023
- Date limite d’envoi des contributions retenues : 30 juillet 2023
- Date de publication : 20 janvier 2024
Les résumés ainsi que les articles doivent être envoyés par e-mail à ces deux adresses électronique suivantes :
ouvrage.decentralisation@gmail.com et koyestekoi@yahoo.fr
avant le 30 avril 2023.
Comité scientifique
- ANOH Kouassi Paul, Professeur Titulaire, Université Félix Houphouët Boigny, Abidjan, Côte d’Ivoire
- ASSI-KAUDJHIS Joseph, Professeur Titulaire, Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire
- ASSI-KAUDJHIS Narcisse, Professeur Titulaire, Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire
- ATTA Koffi Lazare, Maître de recherche, Université Félix Houphouët-Boigny, Abidjan, Côte d’Ivoire
- BAH Henri, Professeur Titulaire, Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire
- BEZUNESH Tamru, Professeure des universités, Université Paris 8, France
- BIKPO Céline, Professeur Titulaire, Université Felix Houphouët-Boigny, Côte d’Ivoire
- BORELL-ESTUPINA Valérie, Maître de Recherche HDR, Université de Montpellier, France
- CHENAL Jérôme, Maître d’enseignement et de recherche, Ecole Polytechnique Fedérale de Lausanne (EPFL), Suisse
- GOGBE Téré, Professeur Titulaire, Université Félix Houphouët Boigny Abidjan, Côte d’Ivoire
- KOFFI Brou Émile, Professeur Titulaire, Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire
- KOFFI-DIDIA Marthe, Maître de Conférences, Université Félix Houphouët Boigny Abidjan, Côte d’Ivoire
- MAGRIN Géraud, Professeur des universités, Université Paris 1, France
- YAPI-DIAHOU Alphonse, Professeur Émérite, Université Paris 8, France
- YASSI Gilbert Assi, Maître de Conférences, Ecole Normale Supérieure, Côte d’Ivoire
Comité de lecture
- ADOMON Athanase, Maître-Assistant, Université Peleforo Gon Coulibaly, Côte d’Ivoire
- ALLOGHO-NKOGHE Fidèle, Maître de Conférences, Ecole Normale Supérieur, Libreville, Gabon
- DJANE Kabran Aristide, Maître de Conférences, Université Peleforo Gon Coulibaly, Côte d’Ivoire
- GOULIA Vlangny Jean-Baptiste, Maître-assistant, Université Peleforo Gon Coulibaly, Côte d’Ivoire
- KOFFI Guy Roger Yoboué, Maître-Assistant, Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire
- KOFFI Yéboué Stéphane Koissy, Maître de Conférences, Université Peleforo Gon Coulibaly, Côte d’Ivoire
- KOUADIO Adou François, Maître de Conférences, Université Felix Houphouët Boigny, Côte d’Ivoire
- KOUASSI Konan, Maître de Conférences, Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire
- KRA Kouadio Joseph, Maître de Conférences, Université Peleforo Gon Coulibaly, Côte d’Ivoire
- N’GUESSAN Atsé Alexis Bernard, Maître de Conférences, Université Felix Houphouët Boigny, Côte d’Ivoire
- SODORE Abdoul Azise, Maître de Conférences, Université Joseph Ki-Zerbo, Burkina Faso
Références bibliographiques
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YAPI-DIAHOU Alphonse, 2022, « De la décentralisation et du développement : un mariage par consentement ou un mariage de raison ? » In Koffi-Didia AM., Yassi GI, Pistre P. et Aragau C. (dir). Des espaces ruraux face aux métropoles, Actes de séminaire international d’Abidjan, Spécial Géotrope, pp. 61-71.
Subjects
- Geography (Main category)
- Society > Geography > Urban geography
- Society > Economics > Economic development
- Society > Ethnology, anthropology > Political anthropology
- Society > Geography > Rural geography
- Society > Geography > Geography: society and territory
- Society > Sociology > Economic sociology
- Society > Geography > Applied geography and planning
Date(s)
- Sunday, April 30, 2023
Attached files
Keywords
- Afrique subsaharienne, décentralisation, développement durable, développement local, gouvernance locale, territoire
Contact(s)
- Guy Roger Yoboué Koffi
courriel : kgryoboue [at] gmail [dot] com
Information source
- Guy Roger Yoboué Koffi
courriel : kgryoboue [at] gmail [dot] com
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To cite this announcement
« Regards croisés sur la décentralisation en Afrique subsaharienne », Call for papers, Calenda, Published on Monday, March 20, 2023, https://doi.org/10.58079/1aqw