HomePratiques et groupes professionnels de l’orientation scolaire
Published on Monday, June 05, 2023
Abstract
Le réseau thématique 1 Savoirs, travail, professions et le réseau thématique 4 Sociologie de l’éducation et de la formation de l’Association française de sociologie se rejoignent pour interroger l’écologie et les pratiques professionnelles de l’orientation scolaire. Ces journées d’étude donnent une attention toute particulière aux pratiques des actrice·eurs engagé·es dans la fabrication de l’orientation au collège et au lycée, en prenant en compte leurs contraintes et les contextes.
Announcement
Journées d'études inter RT1 et RT4, AFS
Argumentaire
Les données institutionnelles mettent depuis longtemps en évidence des inégalités sociales de trajectoire que la démocratisation scolaire, qui reste ségrégative, n’enraye pas (DEPP, 2022 ; Merle, 2020).
En sociologie de l’éducation, les inégalités de parcours scolaires sont le plus souvent analysées, dans des démarches explicatives, à l’aune des choix des élèves et des familles et à partir des cultures de classe (Bourdieu, 1966 ; Willis, 1977) des stratégies individuelles et familiales (Boudon, 1973 ; Duru-Bellat, 1988) ou encore des dispositions sociales territorialisées (Broccolichi et al., 2007 ; Alpe et Barthes, 2014 ; Champollion, 2018 ; Coquard, 2019) et genrées (Boudesseul et Grelet, 2010 ; Gaudron, 2020). Pour autant, ces choix ne reposent pas seulement sur des décisions individuelles (socialement construites) sur lesquelles les dispositifs et actrice·eur·s de l’institution scolaire n’auraient que peu ou pas de poids (Berthelot, 1984 ; Duru-Bellat, 1988). En ce sens, l’école n’est pas neutre dans la (re)production des inégalités de parcours scolaire. Elle fonctionne toujours “comme une institution divisée et divisante” (Baudelot et Establet, 1979). Les inégalités résultent de processus sociaux en dehors de l’école, mais aussi de dynamiques complexes dans l’école, portés par une diversité de groupes professionnels (Demazière et Gadéa, 2009). Diversité encore accrue par les récentes réformes institutionnelles qui bouleversent les licences et les mandats des professionnel·l·es de l’orientation scolaire (Hughes, 1996), dans le cadre de ressources limitées.
La mise en œuvre de ces réformes est très variable selon les établissements scolaires, selon les équipes de direction qui adoptent des modalités de prise de décision et de collaboration hétérogènes (Daverne-Bailly et Bobineau, 2020 ; Veyrac, Murillo et Blanc, 2022), selon les filières qui bénéficient de budgets inégaux (Canzittu, 2018) et bien entendu selon les pratiques des enseignant·e·s qui varient selon les profils des élèves (André, 2012 ; Couto, Bugeja-Bloch et Frouillou, 2021 ; Orange, 2010) et l’ancrage social et territorial (van Zanten, 2018). Autant de différences de traitement de l’orientation qui renforcent les inégalités de parcours scolaire, notamment dans l’accès aux études supérieures (Belghith et al., 2019 ; Palheta, 2011).
Par ailleurs, les dispositifs techniques d’affectation des élèves, régulés par des algorithmes (Affelnet en fin de 3ème, Parcoursup en terminale ou encore Monmatser en L3), fonctionnent sur une logique d’appariement entre les demandes et les offres. Ces procédures ne sont pas neutres socialement, elles ont un fonctionnement très opaque et génèrent elles aussi des inégalités (Bodin et Orange, 2019 ; Bugeja-Bloch et Couto, 2018 ; Frouillou, Pin et van Zanten, 2019, 2022).
À partir de ces constats, cette journée d’étude donne une attention toute particulière aux pratiques des actrice·eur·s engagé·e·s dans la fabrication de l’orientation au collège et au lycée, en prenant en compte leurs contraintes et les contextes.
Si les propositions pourront s’appuyer sur des données statistiques, les approches qualitatives seront privilégiées pour comprendre finement les processus d’orientation dans et hors l’institution scolaire (Broccolichi et Sinthon, 2011 ; Cayouette-Remblière, 2016). Nous attendons des communications portant sur ce que font les différent·e·s acteur·trice·s impliqué·e·s, sur les manières dont elles et ils travaillent avec (ou sans) les professionnel·l·e·s, dans et hors l’établissement, dans des dispositifs prescrits, ou non, et avec des médias de différentes natures (forum, feuillets d’information, salon d’orientation, etc.). Nous sommes également intéressé·e·s par des approches nationales et/ou internationales comparatistes.
Axe 1 : Dans les établissements, les tensions entre groupes et segments professionnels
Ces dernières années, plusieurs réformes modifient directement et indirectement les mandats et les licences des groupes professionnels impliqués dans l’orientation (Hughes, 1996) : les réformes du lycée et du baccalauréat en 2019, Parcoursup en 2018, la délégation aux régions de l’organisation des actions d’information sur les métiers et les formations dans le cadre de la loi de 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », le bouleversement du mandat des “Psychologues-conseillers d’orientation” en “Psychologue de l’Éducation nationale” en 2017 (Lehner, 2020), etc. Ces changements s’inscrivent dans une transformation du modèle prescrit de l’orientation. Dans la rhétorique professionnelle, une logique de parcours succède à une logique adéquationniste, ce qui a des conséquences directes sur les pratiques professionnelles (Geers, Legendre et Pinto, 2024). Il n’est plus attendu une prescription d’orientation mais un “accompagnement” à l’orientation.
L’inflation réglementaire a également des conséquences significatives sur l’écologie de l'orientation, ses frontières et ses territoires (Abbott, 2003). On peut ainsi se demander comment les dynamiques des groupes et segments professionnels peuvent être saisies à l'aune des concurrences et des tensions qui surgissent à leurs frontières. Le mandat et la licence des un·e·s et des autres s’en trouvent-ils modifiés, bousculés ? En conséquence, les savoirs et les pratiques des un·e·s sont-ils remis en cause par les autres ? Quelles sont les stratégies utilisées dans ces luttes et ces négociations (Strauss, 1992) ? Quels outils sont mobilisés par les professionnels ? Quelles rhétoriques sont employées, et comment se modifient-elles en fonction des arènes dans lesquelles elles sont utilisées ? Quel est le rôle de l'instance de régulation ?
Axe 2 : En dehors des établissements, des pratiques professionnelles territorialisées
L’orientation des élèves se pratique également en dehors des établissements, avec des partenaires institutionnels dépendants du Ministère de l’Éducation Nationale (personnels des CIO, chef·f·e de service académique d’information et d’orientation par exemple), des établissements publics sous tutelle du MEN ou soutenu par lui (l’ONISEP ou l’association CIDJ), les Universités, des actrice·eur·s territoriaux tels que les services de la région mais aussi nombres d’intervenant·e·s privé·e·s qui proposent salons, forums ou coaching. Les dernières réformes envisagent une redistribution des rôles et des missions de ces actrice·eur·s se trouvant à l’interface de l’école. Leurs responsabilités évoluent : c’est le cas par exemple des régions qui doivent dorénavant organiser l’information métier à la place des CIO et qui sont également chargées de prévenir la sexuation des filières.
On peut alors se demander si ce nouveau partage du territoire de l’orientation à l’interface de l’école est marqué par une délégation plus importante des tâches aux actrice·eur·s locaux. Et le cas échéant, s’il favorise une approche adéquationiste de l’orientation en liant plus fortement les besoins en travailleuse·eur·s des territoires et la promotion des formations. En outre, on peut se demander si ces politiques territorialisées ne contreviennent pas au principe d’égalité qui est censé régir les scolarités des élèves, et si oui de quelles manières.
Il s’agit dans cet axe de décrire et d’analyser finement l’évolution du partage des tâches d’orientation en dehors de l’école et au contact des familles en y intégrant également des recherches sur les acteur·trice·s privé·e·s d’aide à la décision qui ne manquent pas de fleurir (Oller, 2020 ; Oller, Pothet et Zanten, 2021 ; van Zanten et Olivier, 2016). L’objectif est en outre de s’interroger sur les effets de ce partage de territoire sur l’offre promue auprès des élèves et sur leurs décisions.
Axe 3 : À l’interface de l’établissement, les pratiques des familles
Ces dernières années, l’institution suggère que les familles doivent être “accompagnées” et informées par les professionnel·l·e·s dans la construction des parcours d’orientation de leur enfant, notamment lors des années charnières correspondant aux paliers d’orientation (3ème ; 2nde et 1ère générale et technologique ; Terminale). Pourtant les études récentes soulignent que les familles et les jeunes comprennent mal comment l’orientation scolaire et les outils afférents comme Parcoursup ou Affelnet fonctionnent (Canzittu, 2018 ; Luangsay-Catelin et Roybier-Mtanios, 2020), et davantage encore lorsqu’il s’agit des familles populaires.
Les récentes réformes des lycées généraux et technologiques mais aussi professionnels ont entraîné pour les familles et les professionnel·le·s, une opacité des processus conduisant à l’orientation des jeunes (Cour des comptes, 2020 ; Frouillou, Pin et van Zanten, 2020). Cette confusion est d’autant plus problématique que des travaux de recherche (Belghith et al., 2019) ont souligné le rôle central des familles dans les processus d’orientation de leur enfant, en influençant les ambitions scolaires et professionnelles du jeune ; en conditionnant l’accès aux informations concernant les filières et les métiers ; en jouant un rôle dans les prises de décision d’orientation scolaire. Pour cela, les familles doivent se repérer dans la pluralité des groupes professionnels et de leurs spécificités.
Les contributions attendues dans cet axe concerneront les pratiques familiales d'orientation scolaire. Quels sont les discours développés par les divers professionnels à l’égard des familles ? Quelles représentations ont-elles et ils des familles ? Que font les familles des actions d’accompagnement à l’orientation qui leur sont destinées, hors et dans les établissements ?
Modalités de soumission des propositions
Les réponses à l’appel à communications seront à envoyer à l’adresse orientationfabor@gmail.com
pour le 15 septembre 2023.
Informations attendues : Noms de(s) autrice(s) et auteur(s), statut, rattachement, adresse électronique, axe(s) envisagé(s), titre de la communication, résumé, 5 mots-clés.
Le résumé comportera entre 3000 et 5000 signes (espaces compris), contenant la présentation de la question de recherche, de la méthodologie et des données employées, les principaux résultats ainsi que les principales références bibliographiques mobilisées.
Les propositions de doctorant-es et de jeunes chercheur-es sont encouragées et feront l’objet d’une attention particulière.
Calendrier :
-
15 septembre 2023 : Date limite pour l’envoi des propositions de communication
- 31 octobre 2023 : Communication du résultat de la sélection après évaluation
- 12 janvier 2024 : Envoi des supports de communications au comité d’organisation
- 18-19 janvier 2024 : Journées d’études à l’université de Reims
Comité d’organisation
Alexie Geers (URCA, CEREP), Florence Legendre (URCA, CEREP), Samuel Pinto (URCA, CEREP).
Comité scientifique
Joachim Benet Rivière (ENSFEA de Toulouse, CRESCO), Stéphane Brau-Anthony (URCA, CEREP), Frédéric Charles (UPJV, CURAPP-ESS), Julie Cresson (URCA, CEREP), Mary David (Université de Nante, CENS), Marc Falcoz (URCA, CEREP), Elodie Geas, (URCA, CEREP), Alexie Geers (URCA, CEREP), Samuel Julhe (UCA, LESCORES), Serge Katz (UPJV, CURAP-ESS), Florence Legendre (URCA, CEREP), Ghislain Leroy (Université Rennes 2, CREAD), Sandrine Nicourd (URCA, CEREP), Samuel Pinto (URCA, CEREP), Florent Schepens (UBFC, LaSA), Emmanuelle Walter (URCA, CEREP).
Subjects
- Sociology (Main category)
- Mind and language > Education > Educational sciences
Places
- Reims, France (51)
Event attendance modalities
Full on-site event
Date(s)
- Friday, September 15, 2023
Attached files
Keywords
- orientation, école, pratique professionnelle, groupe professionnel
Contact(s)
- Florence Legendre
courriel : florence [dot] legendre [at] univ-reims [dot] fr
Information source
- Alexie Geers
courriel : orientationfabor [at] gmail [dot] com
License
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To cite this announcement
« Pratiques et groupes professionnels de l’orientation scolaire », Call for papers, Calenda, Published on Monday, June 05, 2023, https://doi.org/10.58079/1bah