L’objectif de cette journée d’étude est d’examiner les dynamiques, interactions et tensions entre les notions polysémiques de marge et de mainstream dans les aires anglophones post-1945. Il s’agira plus particulièrement d’examiner les modalités et dynamiques d’échanges et de mouvement d’une catégorie à l’autre ainsi que la façon dont elles prennent leur sens dans des contextes politiques, médiatiques, sociologiques ou encore culturels variés et variables. Les propositions pourront ainsi mettre en lumière des questionnements thématiques tels que les histoires marginalisées ou militantes, mais aussi des interrogations critiques ou méthodologiques sur les mécanismes de médiation, les enjeux de conceptualisation ou de positionnement personnel et collectif par rapport aux phénomènes étudiés.

Argumentaire

Journée d’étude doctorant.es et jeunes chercheur.euses en présentiel à l’Université de Picardie Jules Verne d’Amiens - Keynote d'ouverture: Sarah Dunstan (University of Glasgow)

Alors que les questionnements autour de la décolonisation des savoirs occupent une place de plus en plus importante dans les débats académiques contemporains, les notions de marge/marginalité/marginalisation et de décentrement/déplacement font l’objet de vives discussions au sein de plusieurs courants critiques.

Traditionnellement envisagée à travers des prismes clairement différenciés (dominé.es vs. dominant.es;  périphérie(s) vs. centre(s)), l’étude du rapport entre marges et centres a plus récemment laissé place à une approche dialectique qui ne conçoit plus tant ces notions dans leur opposition que dans leur positionnement l’une à l’autre, ainsi que dans les interactions et les passerelles qui s’y coconstruisent. Ainsi, si elles ont longtemps été perçues comme antithétiques, ces notions renferment des dimensions historique, géographique, économique, culturelle et/ou sociale à la fois poreuses et évolutives. Dès lors, les concepts de culture dominante/culture marginalisée, d’histoire marginalisée/histoire institutionnelle, d’exclusivité/inclusivité, occupent une place variable selon les disciplines et objets d’étude.  

Dans l’aire anglophone, la question des marges a été examinée au prisme de l’histoire des voix minoritaires et dissidentes, notamment aux États-Unis, en Irlande, en Inde, en Afrique, et au prisme des trajectoires d’intégration et de participation politique des groupes minoritaires au Royaume-Uni et au Canada. Les approches post-coloniales ont également mis en lumière les dynamiques de réappropriation et de réaffirmation de codes dominants par des groupes marginalisés et opprimés à de multiples échelles au sein de l’empire britannique et du Commonwealth, afin de réinvestir les milieux artistiques, culturels ou académiques.  

Dans la lignée de ces travaux, cette journée d’étude se propose d’examiner les dynamiques, interactions et tensions entre ces notions polysémiques : les marges d’une part, entendues ici dans leur acception la plus large comme concept à la fois géographique, historique, social, politique, culturel, symbolique ou encore artistique ; et le mainstream ou les idées, attitudes, positionnements ou activités considérées comme « proches de la norme », « normales » ou « conventionnelles » par des groupes ou individus généralement majoritaires et en position de surplomb par rapport au reste de la société.

Il s’agira plus particulièrement d’examiner les modalités et dynamiques d’échanges et de mouvement d’une catégorie à l’autre ainsi que la façon dont elles prennent leur sens dans des contextes politiques, médiatiques, sociologiques ou encore culturels variés et variables. Les propositions pourront ainsi mettre en lumière des questionnements thématiques tels que les histoires marginalisées ou militantes, mais aussi des interrogations critiques ou méthodologiques sur les mécanismes de médiation ou les enjeux de conceptualisation et/ou de positionnement personnel ou collectif par rapport aux phénomènes étudiés.

Si ces notions sont particulièrement mobilisées au sein de certains courants historiques ou sociologiques, telles que l’histoire globale, les études postcoloniales et décoloniales, l’angle choisi pour cette journée d’étude est résolument transnational et pluridisciplinaire. La période post-1945 offre un cadre temporel particulièrement propice à l’examen des circulations verticales, horizontales et/ou transversales entre les membres de la société civile, les institutions culturelles et acteurs politiques, à des échelles multiples (locales, nationales, transnationales…). Cet appel à communications pourra ainsi intéresser les spécialistes de l’histoire intellectuelle, politique, sociale et culturelle, des médias, des arts et cultures visuels, ou encore de la langue et de la traduction comme vecteur de marginalisation/dé-marginalisation.

Les communications, en français ou en anglais, pourront ainsi porter sur les thématiques suivantes:  

• Les mécanismes d’appropriation / réappropriation / transformations de pratiques, d’espaces, de thématiques, de concepts dominants par des acteur.ices des marges, et vice versa. On pense par exemple aux questions d’appropriation culturelle, mais il s’agira également d’explorer le pouvoir revendicatif d’une réappropriation de codes mainstream par les marges
• Les dynamiques liées à la mise en lumière d’histoires, de cultures ou de voix marginalisées, et les éventuelles tensions avec les discours dominants dans ce contexte, ainsi que les enjeux mémoriels liés à ces questions
• Les tensions entre revendications et indifférences au cœur de ces processus, et les moyens de développer une réévaluation critique des liens entre le marginal et le mainstream. Les contributions pourront alors explorer les possibilités de dépasser la dichotomie traditionnellement associée à ces deux notions

Ces thématiques ne sont toutefois pas exclusives, et les propositions ne s’articulant pas directement autour des thèmes suggérés seront tout de même considérées. Une attention toute particulière sera accordée à la dimension critique de l’argumentaire et à l’originalité de l’approche méthodologique ou du sujet choisi.  Les propositions s’intéressant à plusieurs aires du monde anglophone, ou adoptant une perspective transdisciplinaire, sont bienvenues.

Modalités de participation

L’évènement se tiendra à l’Université de Picardie Jules Verne (Amiens) le 27 Octobre 2023 et commencera avec une intervention de l'historienne Sarah Dunstan (University of Glasgow). La durée attendue pour les communications est d’environ 15 minutes, afin de favoriser les temps de réflexion collective et de faire de cette journée un espace d’échanges constructifs et bienveillants.

Pour participer, merci d’envoyer un court résumé de votre proposition (entre 250 et 300 mots) ainsi qu’une brève note biographique à l’adresse suivante : marginstomainstream2023@gmail.com

avant le 10 juillet.

Le comité espère informer les candidat.es de sa décision d’ici le 31 juillet.

Organisation

Amal El Founti, Anaïs Makhzoum, Anaïs Nzelomona

Comité scientifique

• El Founti Amal – CORPUS EA 4295, UPJV, Amiens 
• Makhzoum Anaïs – CORPUS EA 4295, UPJV, Amiens 
• Nzelomona Anaïs – CORPUS EA 4295, UPJV, Amiens 
• Torrent Mélanie – CORPUS EA 4295, UPJV, Amiens 

Bibliographie

• Alao, Abiodun, A New Narrative for Africa. Voice and Agency, London: Routledge, 2019.  
• Anwar, Muhammad, Race and politics: Ethnic minorities and the British political system, London: Tavistock, 1986.
• Anwar, Muhammad, “The participation of ethnic minorities in British politics”, Journal of Ethnic and Migration Studies, Vol. 27, n° 3, pp. 533-549, 2001, DOI: 10.1080/136918301200266220. 
• Brisson, Thomas, Décentrer l'Occident. Les intellectuels postcoloniaux, chinois, indiens et arabes, et la critique de la modernité, Paris: Éditions La Découverte, 2018.  
• Craggs, Ruth, Wintle, Claire (eds.), Cultures of Decolonisation: Transnational Productions and Practices, 1945-70, Manchester: Manchester University Press, 2016. 
• Davies, Tom Adam,  Mainstreaming Black Power, Oakland: University of California Press, 2017.
• Garbaye, Romain, Getting Into Local Power. The Politics of Ethnic Minorities in British and French Cities, Oxford: Blackwell Publishing, 2005.
• Gareau, Paul, “Occupying the Margins of Society: Operationalizing Minority Identity Politics among Canadian Youth within the Catholic New Evangelization”, In Solange Lefebvre; Alfonso Pérèz-Agote Poveda (eds.), Annual Review of the Sociology of Religion, Vol. 9, Brill, 2018.
• Getachew, Adom, Worldmaking after Empire: The Rise and Fall of Self-Determination,  Princeton, N.J.: Princeton University Press, 2019.  
• Kac-Vergne, Marianne, Assouly, Julie, From the Margins to the Mainstream. Women in Film and Television, London : Bloomsbury Academic, 2022.
• Le Dantec-Lowry, Hélène, Parfait, Claire, Matthieu, Renault, Rossignol, Marie-Jeanne et Pauline Vermeren (dir.), Écrire l’histoire depuis les marges : une anthologie d’historiens africains-américains, 1855-1965 , collection « SHS », Marseille: Terra HN éditions, 2018.
• Le Dantec-Lowry, Hélène, Rossignol, Marie-Jeanne, Renault, Matthieu et Pauline Vermeren, Histoire en marges. Les périphéries de l’histoire globale, Tours: Presses universitaires FrançoisRabelais, 2018. 
• Nkwi, Walter Gam, Voicing the Voiceless. Contributions to Closing Gaps in Cameroon History, 19582009, Mankon, Bamenda : RPCIG, 2010.  
• Tuhiwai Smith, Linda, Decolonizing Methodologies: Research and Indigenous Peoples, London et New York: Zed Books, 2021; 3e édition, 2021.  
• Villar-Argáiz, Pilar (ed.), Irishness on the Margins: Minority and Dissident Identities, New York et London: Palgrave Macmillan, 2018. 
• Werner, Michael, “Décentrer l’histoire européenne par les marges : Visions plurielles d’une modernité fragmentée”, Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 76, n°4, 2021, pp. 669-683. doi:10.1017/ahss.2021.159.