HomeComment redéfinir la notion de « religion » à l’époque postmoderne ?
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Published on Thursday, June 15, 2023

Abstract

La notion de religion a émergé à l’époque moderne (XVIIIe siècle), mais est-elle encore apte à penser le phénomène religieux dans notre monde postmoderne ? Une voie nouvelle, indirecte et plus modeste, consisterait à penser les « religions » (ou ce par quoi les autres se définissent eux-mêmes par un détour : les considérer dans le rapport au monde postmoderne, fragmenté, multiculturel, à la fois néolibéral et identitaire, mondialisé et localisé, marqué par le « wokisme », mais surtout par la crise écologique… Par le détour des relations qu’elles entretiennent avec ce monde et la manière dont elles y réagissent, il s’agirait de caractériser les traditions religieuses et d’y repérer de quelles visions spécifiques du monde elles sont porteuses et dans quels récits elles veulent y faire entrer l’humanité. Nous aboutirions ainsi à montrer comment les religions traduisent et déchiffrent, chacune à sa manière, le monde du XXIe siècle et à mieux cerner la notion de « religion ».

Announcement

Argumentaire

La notion moderne de religion a émergé au XVIIIe siècle (David Hume, L’histoire naturelle de la religion) puis s’est imposée dans les sciences humaines et historiques (sociologie des religions, psychologie des religions, histoire des religions, phénoménologie, etc.). Née dans le contexte des Lumières, elle a en quelque sorte fait asseoir « la vraie religion » (le christianisme) auprès des autres traditions, tout en le promouvant implicitement comme le modèle de la religion. Ce rapport dialectique et ambigu des sciences des religions avec le christianisme marqua la modernité.

Une telle relation s’explique dans le contexte du processus de sécularisation par lequel le politique (puis la société elle-même) a voulu échapper aux luttes « confessionnelles », germes de divisions pour des nations en voie d’affirmation. Paradoxalement l’idée de « religion » serait le fruit de la sécularisation et non sa préparation (du moins pour le christianisme : voir la thèse de M. Gauchet). En effet, l’emploi de la notion de religion permet une mise à distance des traditions religieuses d’avec la culture et le politique et, en tant qu’elle signifie l’objet d’une science, à les désacraliser.

Aujourd'hui est-il encore légitime de présenter des traditions religieuses selon la notion moderne et cryptochrétienne de la religion ? Dans un contexte qui accorde une estime plus marquée aux cultures et traditions extraeuropéennes, ne faut-il pas dés-européaniser la réalité cachée derrière le terme "religion" (voir le livre de Daniel Dubuisson, L'invention des religions. Impérialisme cognifit et violence épistémique, CNRS éditions, 2020), pour laisser la place à plus de diversité ?

Certes les tentatives de revenir à l'idée de la transcendance avec la phénoménologie des religions (voir par ex. R. Otto, Le Sacré) ont pu favoriser un élargissement à une diversité d'expériences religieuses. Cependant leurs protagonistes ne pouvaient  tout d'abord pas dissimuler leur origine chrétienne, bien plus ils réintroduisaient une part de non rationnel dans la science. Si le transcendant verse dans l'irrationnel, la théologie, en revanche, serait alors la manière de légitimer scientifiquement la science du religieux.

Or la théologie n'est-elle pas l'apanage des "confessants" et des religieux, plus promptes à justifier leurs propres croyances, qu'à les remettre en question dans une démarche scientifique ?

Une autre voie, indirecte et plus modeste, consisterait à penser les "religions" (ou ce par quoi les autres se définissent eux-mêmes : voie, sagesse, spiritualité, vision du monde, idéologie, utopie, etcc.) par un détour : les considérer dans le rapport au monde postmoderne, fragmenté, multiculurel, à la fois néolibéral et identitaire, mondialisé et localisé, marqué par le "wokisme", mais surtout par la crise écologique...

Par le détour des relations qu'elles entretiennent avec ce monde et la manière dont elles y réagissent, il s'agirait de caractériser les traditions religieuses et d'y repérer de quelles visions spécifiques du monde elles sont porteuses et dans quels récits elles veulent y faire entrer l'humanité. Nous aboutirions ainsi à montrer comment les religions traduisent et déchiffrent, chacune à sa manière, le monde du XXIe siècle et à mieux cerner la notion de "religion".

Le colloque s’articulerait en trois temps :

  1. Des communications ayant trait à l’histoire du concept de « religion » entre le XVIIIe siècle et aujourd’hui, ainsi que les multiples manières dont les traditions elles-mêmes se définissent.
  2. Des communications (sociologiques, anthropologiques, philosophiques) faisant ressortir la manière dont ces traditions réagissent ou interagissent dans un monde en évolution, en crise et en voie tant d’unification (globalisation) que de fragmentation (localisation) afin de vérifier si ces « religions » ou « traditions » possèdent une spécificité commune donnant lieu à une définition renouvelée de la « religion ».
  3. Des communications (« théologiques », « confessantes » ?) présentant le regard interne à chaque tradition sur sa propre compréhension d’elle-même à l’épreuve des évolutions et des crises : se définit-elle comme une « religion » et dans quelle mesure ?

Modalités de proposition

Le colloque se tiendra les 5 et 6 avril 2024 à l’Institut Catholique de Paris. La durée des interventions sera de vingt minutes.

Les propositions de communication (un titre et 500 caractères maximum) doivent être envoyées à x.gue@icp.fr  

avant le 31 juillet 2023.

Comité scientifique

  • Charbel Attallah, Islamologue à l’Institut catholique de Paris
  • Xavier Gué, Maître de conférences en théologie à l’Institut catholique de Paris, Directeur de l’Institut de science et de théologie des religions, UR « Religion, Culture et Société » (EA 7403) | Institut Catholique de Paris
  • Catherine Marin, Maîtresse de conférences émérites en histoire à l’Institut catholique de Paris, Déléguée Scientifique à l’Institut d’Histoire des Missions
  • Ysé Tardan-Masquelier, Indianiste, directrice de l’axe Asie du DU « Connaissance des Religions du monde » à l’Institut de Science et de théologie des religions (Institut catholique de Paris), Membre de l’Institut de recherche pour l’étude des religions (IRER, Paris-Sorbonne).
  • Corinne Valasik, Professeur extraordinaire. Maîtresse de conférences en sociologie à l’Institut catholique de Paris. Doyenne honoraire. UR « Religion, Culture et Société » (EA 7403) | Institut Catholique de Paris Membre du Groupe Sociétés, Religions et Laïcité (GSRL-UMR 8582) CNRS/EPHE-PSL

Places

  • 74 rue de Vaugirard
    Paris, France (75)

Event attendance modalities

Hybrid event (on site and online)


Date(s)

  • Monday, July 31, 2023

Keywords

  • religion, postomodernité, sociologie, théologie, christianisme, islam

Contact(s)

  • Xavier Gué
    courriel : x [dot] gue [at] icp [dot] fr

Information source

  • Xavier Gué
    courriel : x [dot] gue [at] icp [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Comment redéfinir la notion de « religion » à l’époque postmoderne ? », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, June 15, 2023, https://doi.org/10.58079/1bcx

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