HomeL’institut de sociologie Solvay, 120 ans d’une histoire transnationale (1902-1922)
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Published on Thursday, June 15, 2023

Abstract

Il y a 120 ans, l’institut de sociologie Solvay (ISS), une institution de recherche dédiée aux sciences sociales et financée par l’industriel belge Ernest Solvay, ouvrait ses portes au Parc Léopold à Bruxelles. En dépit de sa reconnaissance précoce et de sa pérennité, l’ISS n’a jamais fait l’objet d’une monographie à part entière. Cet ouvrage collectif propose de répondre à cette lacune, tout en prenant du recul par rapport à une historiographie existante qui se focalise énormément sur la scène intellectuelle bruxelloise en proposant une histoire transnationale de l’ISS. 

Announcement

Les contributions (de 40.000 à 50.000 caractères) devront paraître dans un ouvrage collectif qui sera publié par les Éditions de l’Université de Bruxelles au cours de l’année 2024/2025.

Argumentaire

L’Institut de Sociologie Solvay (ISS) a fêté ses 120 ans d’existence l’an dernier. C’est, en effet, en 1902 que cette institution dédiée aux sciences sociales, et financée par l’industriel belge, Ernest Solvay, ouvre ses portes au Parc Léopold à Bruxelles. Directement, l’ISS se détache comme une structure innovante et suscite la curiosité et l’admiration de bon nombre de chercheurs européens en sciences sociales. Ainsi, le philosophe et sociologue, Célestin Bouglé, proche d’Émile Durkheim et protagoniste majeur de l’institutionnalisation de cette dernière discipline en France, adresse une note au doyen de la Faculté des Lettres de la Sorbonne dans laquelle il se réfère explicitement à l’ISS comme modèle : « Si d’ailleurs on pouvait mettre sur pied une sorte d’Institut des sciences sociales analogue à l’Institut Solvay de Bruxelles, autour duquel on regrouperait les chercheurs que la sociologie attire, on serait outillé »[1]. Cette remarque témoigne du rayonnement de l’ISS et de son caractère novateur dans le paysage institutionnel académique européen de l’époque.

En dépit de cette reconnaissance précoce, l’ISS n’a jamais été le sujet unique d’une monographie, bien qu’il ait certainement attiré l’attention des historiens et historiennes, ne serait-ce que par sa longévité[2]. En revanche, cette histoire parcellaire a largement été narrée selon la même perspective, celle d’une histoire très belgo-centrée, faisant de l’ISS un institut assurément original, mais provenant exclusivement du milieu intellectuel belge, voire bruxellois. Les quelques exceptions, en Belgique ou même en dehors de nos frontières, laissent pourtant entrevoir un potentiel énorme, dès lors que le récit adopte une approche plus transnationale[3]. Certes, l’histoire de l’ISS prend racine à Bruxelles puis se conjugue à celle de l’Université libre de Bruxelles à partir de 1923 – épisode sur lequel nous savons en réalité très peu –, mais un récit qui s’inscrit dans un contexte plus large, plus international, reste à écrire. En effet, l’ISS fait partie d’un véritable maillage d’institutions dont les connexions dépassent fréquemment les seules frontières belges et s’insère ainsi dans une toile intellectuelle dense et vaste qui, une fois restituée, permet de mieux saisir les enjeux propres à son développement au fil de ce long siècle[4]

En désenclavant l’ISS de sa scène bruxelloise, cet ouvrage présente une double ambition : non seulement, mieux rendre compte de la portée, de l’originalité et des éventuelles résonances de cette institution bruxelloise, mais, surtout, écrire une véritable histoire des circulations transnationales des sciences sociales au XXe siècle, dont l’ISS serait le nœud. L’objectif, par conséquent, n’est évidemment pas de produire un récit hors-sol, qui se détourne complètement de Bruxelles ou de la Belgique, mais d’élargir la focale afin de mieux cerner ces effets de connexions, de circulations, de transferts. Cette histoire transnationale permet alors d’apercevoir une capitale belge très cosmopolite avant l’heure, et retrace de cette façon le parcours de cette institution en la mettant en parallèle avec d’autres, qui appartiennent à ce grand récit des sciences sociales au XXe siècle. Celui-ci donne à voir une institution en dialogue avec celles de son époque, sans pour autant effacer ses singularités qui font d’elle un objet d’étude particulièrement stimulant pour les historiens et historiennes.

Au travers de l’ISS et de ses connexions internationales, cet ouvrage entend aborder différentes thématiques, d’une manière transversale sur les 120 ans d’existence de l’institution. Premièrement, tout en célébrant l’anniversaire de l’institution, il n’est pas question de proposer ici un récit hagiographique qui ferait l’économie des nombreuses difficultés rencontrées par l’institution. Par exemple, Ernest Solvay doit s’y reprendre à deux reprises pour fonder l’ISS car sa première tentative, l’Institut des sciences sociales, fondé en 1894, échoue. En outre, à la suite de la mort du directeur de l’ISS en 1916, Émile Waxweiler, Solvay envisage sérieusement de fermer son institution. En mettant en lumière ses divers déboires et développements, encore peu connus, cet ouvrage propose une véritable histoire dynamique de l’ISS, moins linéaire que ne le suggèrent ses longues années d’existence. Ces diverses difficultés, détours, développements ont d’ailleurs autant été façonnés par un contexte belge qu’européen. À ce titre, d’autres exemples institutionnels à l’étranger pourront offrir une nouvelle perspective sur le chemin original, mais pas isolé, de l’ISS. Deuxièmement, cet ouvrage entend s’intéresser aux différents acteurs qui ont collaboré et ont construit l’Institut durant 120 ans, afin d’incarner cette histoire institutionnelle. En adoptant la perspective des protagonistes de l’ISS, les diverses connexions interpersonnelles avec des chercheurs internationaux et les réseaux entourant l’ISS se dévoileront particulièrement, et permettront d’aborder le statut social et scientifique des sociologues durant le long XXe siècle. Troisièmement, ce travail souhaite aborder le contenu des programmes scientifiques de l’ISS, et leurs rapports intriqués avec les développements de la sociologie dans les pays européens. Ce volet ouvrira une voie vers un récit des circulations, appropriations et diffusion des savoirs sociaux tout au long du dernier siècle. À la croisée d’une histoire intellectuelle, scientifique, sociale et institutionnelle, écrire l’histoire de l’ISS comme le nœud d’un grand nombre de réseaux internationaux offre une perspective renouvelée de l’histoire de la sociologie belge et européenne.

Adopter une perspective transnationale pour écrire l’histoire de l’ISS revient donc à offrir un récit irrégulier et complexe, mettant en évidence des acteurs moins connus, qui ont pourtant joué un rôle primordial, et retraçant les nombreuses intrications du national et de l’international dans la constitution disciplinaire de la sociologie sur le long XXe siècle. Par cette occasion, cette publication interroge inévitablement la fertilité du terreau académique belge, la spécificité de l’ISS, mais connecte ce récit à celui, plus large et englobant, de l’institutionnalisation des sciences sociales européennes et des réseaux intellectuels cosmopolites. 

Nous encourageons des contributions provenant de plusieurs champs disciplinaires qui porteraient, notamment sur : 

  • Les grands débats de la sociologie tout au long du XXe siècle
  • Les instituts de recherche en sociologie et l’institutionnalisation des sciences sociales
  • L’évolution institutionnelle de l’ISS dans un monde académique qui s’internationalise
  • Le financement de la recherche en sciences sociales
  • Les collaborations entre les sociologues de l’ISS et ceux d’autres institutions, les réseaux transnationaux de chercheurs et chercheuses
  • Les circulations internationales des sociologues
  • Les publications et références des travaux de sociologie et leur réception à l’étranger
  • Les définitions de la sociologie, ses dialogues avec les autres disciplines
  • Le rapport de l’ISS à la (dé)colonisation
  • Les circulations transnationales des savoirs sociologiques

Les propositions de contribution sont attendues pour le 30 septembre 2023. Une journée d'étude sera ensuite organisée au printemps 2024 où les contributeurs présenteront une première version de leur manuscrit. Les versions finales devront être remises pour le 30 juillet 2024. 

Directrices de publication

Marie Linos

Docteure en Histoire de l’Université libre de Bruxelles (ULB, 2021), Marie Linos est actuellement chercheuse invitée à la Faculté d’Histoire de l’Université d’Oxford grâce au soutien de la Fondation Wiener-Anspach, ainsi que Junior Research Fellow au Wolfson College. Elle était précédemment chercheuse invitée au Département d’Histoire des Sciences de l’Université de Harvard, en tant que boursière de la Belgian American Educational Foundation. Elle étudie l’histoire des sciences sociales et leurs circulations transnationales. Elle s’est notamment intéressée à l’histoire de la sociologie dans l’entre-deux-guerres, en examinant le cas de l’Institut de Sociologie Solvay et l’Institut international de Sociologie.

Margot Elmer

Margot Elmer est historienne, diplômée d’un Master de l’Université libre de Bruxelles, avec un mémoire sur l’histoire de la sociologie en Belgique. Elle est actuellement doctorante en Histoire à l’European University Institute à Florence. Sa thèse s’intéresse à l’internationalisme académique et scientifique de la Belle-Époque. Elle se focalise notamment sur l’histoire de l’Université Nouvelles de Bruxelles, mais adopte une perspective transnationale pour mieux rendre compte des mobilités académiques, des enjeux scientifiques et politiques et des réseaux intellectuels cosmopolites européens du tournant du XXe siècle.

Modalités de contribution

Des propositions de contribution (de 250 à 750 mots) sont attendues aux adresses suivantes : marie.linos@history.ox.ac.uk et Margot.Elmer@eui.eu

pour le 30 septembre 2023.

Une première version partielle du manuscrit (10 à 20.000 signes) est attendue pour la fin du mois d’août, afin qu’une journée d’étude soit organisée à l’Institut de Sociologie (Université libre de Bruxelles) au printemps 2024.

Les manuscrits (40.000 à 50.000 signes) devront être remis pour le 30 juillet 2024.

Notes

[1] Cité par Brigitte Mazon, « La Fondation Rockefeller et les sciences sociales en France, 1925-1940 », Revue française de sociologie, vol. 26, n°2, 1985, p. 314.

[2] Jean-François Crombois, L’univers de la sociologie en Belgique de 1900 à 1940, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1994 ; Pierre De Bie, Naissance et premiers développements de la sociologie en Belgique, Louvain-la-Neuve, Ciaco, 1988 ; Valérie Piette, Origines, historique et contenu des Semaines sociales de l’Institut de Sociologie (1912-1950). Du productivisme d’Ernest Solvay à la formation intellectuelle d’une élite, Mémoire de Licence en Histoire, Université libre de Bruxelles, Bruxelles, 1993 ; Fernand Van Langenhove, « L’Institut de Sociologie Solvay au temps de Waxweiler », Revue de l’Institut de Sociologie, vol. 3, 1978, pp. 225-261 ; Daniel Warnotte, Ernest Solvay et l’Institut de Sociologie : contribution à l’histoire de l’énergétique sociale, Bruxelles, Bruylant, 1946 ; Kenneth Bertrams, « Brussel : de ‘Stad der Wetenschappen’ in het Leopoldspark. Een korte geschiedenis van een wetenschapstempel », dans Johan Tollebeek, Geert Buelens, Gita Deneckere, Chantal Kesteloot, Sophie De Schaepdrijver (dir.), België, een parcours van herinnering, Amsterdam, Bakker, 2008, pp. 320-331 ; Ginette Kurgan-Van Hentenryk (dir.), Laboratoires et réseaux de diffusion des idées en Belgique (XIXe – XXe siècles), Bruxelles, Editions de l’Université libre de Bruxelles, 1994.

[3] Kaat Wils, De omweg van de wetenschap : het positivisme en de Belgische en Nederlandse intellectuele cultuur, 1845-1914, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2005 ; Id., Anne Rasmussen, « Sociology in a Transnational Perspective : Brussels, 1890-1925 », Revue belge de Philologie et d’Histoire, vol. 90, n°4, 2012, pp. 1273-1296.

[4] Des pistes ont été ouvertes par des travaux comme ceux de : Johan Heilbron, Nicolas Guilhot, Laurent Jeanpierre, « Toward a transnational history of the social sciences », Journal of the History of the Behavioral Sciences, vol. 44, n°2, 2008, pp. 146–160 ; Pierre-Yves Saunier, « Les régimes circulatoires du domaine social 1800-1940 : projets et ingénierie de la convergence et de la différence », Genèses, n°71, 2008, pp. 4-25.

Places

  • Brussels, Belgium

Date(s)

  • Saturday, September 30, 2023

Keywords

  • histoire de la sociologie, sciences sociales, transnational, circulation, mobilité internationale, chercheur, chercheuse, sociologues, (dé)colonisation, discipline, institutionnalisation

Contact(s)

  • Margot Elmer
    courriel : Margot [dot] Elmer [at] eui [dot] eu

Information source

  • Marie Linos
    courriel : marie [dot] linos [at] history [dot] ox [dot] ac [dot] uk

License

CC-BY-4.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons - Attribution 4.0 International - CC BY 4.0 .

To cite this announcement

Marie Linos, Margot Elmer, « L’institut de sociologie Solvay, 120 ans d’une histoire transnationale (1902-1922) », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, June 15, 2023, https://doi.org/10.58079/1bdv

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