HomeCréations artistiques arabes ou réinvention du concept de l’engagement
Published on Wednesday, June 21, 2023
Abstract
Les artistes arabes, dont la réception de leur œuvre est souvent réduite à tort à une interprétation politique et à la lutte contre les oppressions politico-sociales, ont toujours osé et osent encore déconstruire le concept d’engagement, ne s’intéressant pas seulement à des sujets strictement arabes ni à des thématiques exclusivement politiques et collectives mais proposant des œuvres innovantes, tantôt plus intimes et subjectives, tantôt plus universelles sur des sujets concernant l’humanité entière et reflétant des enjeux sociétaux ou citoyens mondiaux, comme les défis environnementaux et la gestion des ressources naturelles, les pandémies, les concepts philosophiques, politiques et esthétiques, les enjeux et objectifs de la culture, la mise en question de la (post-)modernité, et toutes les questions qui animent le monde. Ainsi, les œuvres engagées visent-elles à la fois la reconnaissance d’une valeur esthétique d’une part et la dénonciation d’une situation, la critique d’une opinion ou la défense d’une cause, dans le contexte de revendication de la liberté d’expression, d’autre part.
Announcement
Argumentaire
Comme celles de bien d’autres régions, les sociétés arabo-musulmanes sont secouées par de multiples bouleversements et des mutations constantes, tant sociopolitiques qu’artistiques ou environnementales, dont se font l’écho les productions artistiques arabes modernes contemporaines qui expriment, sous des formes variées, un engagement inscrit au cœur de la société, au sens où « il désigne l’attitude d’un intellectuel qui considère l’art comme un moyen d’exprimer ouvertement des idées, qu’elles relèvent ou non de l’art en lui-même. Par ses œuvres, ses actes et ses manifestes, l’artiste affirme donc son opinion avec le devoir de faire de son art un espace d’interpellation du public au regard de la cause défendue ou dénoncée. » (Spataro, 2018)
Cependant, au-delà du simple militantisme ‒ souvent accusé de pauvreté, tant politique et idéologique que créatrice et esthétique ‒, « l’engagement critique consiste au contraire à produire des œuvres qui respectent et même suscitent la liberté ou l’esprit analytique du spectateur. » (Dreyer, 2006) Les créateurs arabes, dont la réception de leur œuvre est souvent réduite à tort à une interprétation politique et à la lutte contre les oppressions politico-sociales, renient cette étiquette « d’artiste engagé arabe », comme Maḥmūd Darwīš qui, à maintes reprises, s’est insurgé contre l’appellation de « poète de la résistance palestinienne » et de figure de proue de l’écriture engagée pour la Palestine, qu’il jugeait restrictive[1]. Les artistes arabes ont toujours osé et osent encore déconstruire le concept d’engagement : ils ne s’intéressent pas seulement à des sujets strictement arabes ni à des thématiques exclusivement politiques et collectives, comme le public semble parfois l’attendre d’eux, mais proposent des œuvres innovantes, tantôt plus intimes et subjectives, tantôt plus universelles sur des sujets concernant l’humanité entière et reflétant des enjeux sociétaux ou citoyens mondiaux, comme les défis environnementaux et la gestion des ressources naturelles, les pandémies, les concepts philosophiques, politiques et esthétiques, les enjeux et objectifs de la culture, la mise en question de la (post-)modernité, et toutes les questions qui animent le Monde. Ainsi, les œuvres engagées visent-elles à la fois la reconnaissance d’une valeur esthétique d’une part et la dénonciation d’une situation, la critique d’une opinion ou la défense d’une cause, dans le contexte de revendication de la liberté d’expression, d’autre part.
Par ailleurs, aujourd’hui, l’innovation dans l’engagement n’est plus exclusivement l’apanage de l’artiste représenté par la figure de l’intellectuel engagé décrit par Sartre : elle devient l’affaire de tous, ouvrant sur des productions populaires. Aux artistes et intellectuels en tous genres ‒ dramaturges, danseurs, cinéastes, peintres, chansonniers, humoristes... ‒ s’ajoutent désormais, dans le monde arabe comme ailleurs, de nouveaux leaders d’opinion, professionnels ou non, délibérés ou spontanés, porteurs d’expressions contestataires, citoyennes ou dissidentes, souvent caractérisées par leur instantanéité. Cherchant à retenir l’attention en créant un choc ou une surprise, leurs slogans ou leurs messages, jouant avec les normes esthétiques et stylistiques, se diffusent dans l’art de la rue, sur les réseaux sociaux ou dans toutes les formes d’arts, traditionnels ou innovants. Ainsi, les œuvres engagées, qu’elles soient artistiques ou populaires, se distinguent aussi par le fait que, pour remplir la triple fonction de la production engagée ‒ informer, critiquer, mobiliser ‒, l’expression du militantisme allie des formes allant des plus spontanées aux plus élaborées, des plus violentes aux plus artistiques, s’emparent de tous les arts traditionnels, les font évoluer, les transgressent et les renouvellent, se jouent des normes, modèles et stéréotypes en tous genres, voire créent des formes, des stratégies et des pratiques innovantes. Individuelles, populaires ou communautaires, sur la scène artistique ou dans la rue, ces productions ‒ au sens large du terme ‒ à visée mobilisatrice, prenant part aux débats idéologiques et citoyens, traduisent et nourrissent, par un nouvel esthétisme, des revendications, des contestations, des révoltes, des dissidences individuelles ou collectives, dans des perspectives d’information, de mobilisation voire de manipulation. Pour se distinguer, leurs auteurs, qui veillent à donner à leur discours protestataire la plus large visibilité, exploitent les potentialités de tous les arts, qu’ils soient textuels, graphiques, visuels, plastiques, sonores, figuratifs...
Ouvert sur les débats universels, le monde artistique arabe s’inspire des traditions les mieux ancrées, tantôt en empruntant des éléments exogènes, tantôt enfin en créant et innovant, par déformation, dénaturation, travestissement, caricature ou parodie. L’inventivité et la créativité dont font preuve artistes reconnus ou anonymes confèrent à l’engagement critique dans le monde arabe une réelle efficacité, souvent redoutée, parfois jusqu’à la censure.
Les propositions pourront notamment s’inscrire dans l’un des axes suivants :
- (Dé)construction du concept de l’engagement
- (Dé)construction des genres artistiques
- (Dé)construction du dialogue interculturel dans un contexte de déracinement/ré-enracinement, dé-/re-territorialisation
- (Dé)construction de l’identité sociale et politique arabe
- Transferts culturels et réinvention de l’engagement
Les objets d’étude ‒ qu’il s’agisse de productions culturelles et/ou artistiques (théâtre, cinéma, documentaire, presse, BD, réseaux sociaux, caricature, séries télévisées, musique, chansons populaires, danse, beaux-arts, iconographie, peinture, publicité, réseaux sociaux, graffiti, street art, stand up, peinture urbaine, propagande, ...) ‒ pourront être arabophones ou allophones, mais exclusivement produits dans l’aire arabo-musulmane, de l’intérieur ou de l’extérieur (production « migrante » ou de la diaspora arabe). Les productions étudiées pourront provenir de toute région du monde, et plus particulièrement du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord, de la Péninsule arabique ou de l’Europe. Seront aussi appréciées les études sur des artistes européens de la diaspora arabe.
Les approches pourront être théoriques ou analytiques, de même que les méthodologies pourront être diverses ‒ structurale, situationnelle, contextuelle, référentielle, sociolinguistique, stylistique, sémiotique, interactionnelle et intertextuelle. Les notions utilisées devront être clairement indiquées et définies.
Modalités de soumission des propositions de communication
Langue de la communication et de la publication : français ou anglais.
Les communications seront de 30 minutes, suivies de questions.
Les articles feront l’objet d’une publication, après double expertise en aveugle, dans le numéro 12 de la revue LiCArC (Littérature et Culture arabes contemporaines) publiée chez Classiques Garnier. Les consignes éditoriales, disponibles sur le site de la revue, font également partie de l’évaluation du texte.
La date limite de soumission des textes pour publication est le 10 janvier 2024.
Frais d’inscription pour les intervenant.e.s : 35 €.
Les versements seront à effectuer sur place. Les frais de déplacement, d’hébergement et de séjour ne sont pas pris en charge par les organisateurs du colloque. Les déjeuners seront offerts aux intervenants.
Calendrier
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Date limite de réception des propositions : 1er septembre 2023
- Notification d’acceptation aux auteurs après examen par le comité scientifique : 15 septembre 2023
- Date limite de réception des articles pour publication dans LiCArC: 15 janvier 2024
- Notification d’acceptation des articles après expertise en double aveugle : 1er février 2024
- Publication dans LiCArC, n° 12 : novembre 2024
Format des propositions
- 1 page isolée comportant le nom, l’appartenance institutionnelle, le grade, le titre de la communication et les coordonnées de l’auteur (adresse professionnelle, adresse personnelle, adresse électronique et téléphone)
- Sur 1 autre page : un résumé de 15 à 20 lignes en français ou en anglais (Word, Times 12, interligne 1,5) présentant le corpus étudié, les idées principales, le raisonnement et les conclusions générales, et précisant le cadre et les notions. 3 mots-clés devront également être mentionnés.
Les propositions de communication seront adressées conjointement à :
- Laurence Denooz : laurence.denooz@univ-lorraine.fr
- Ons Trabelsi : ons.trabelsi@univ-lorraine.fr
avant le 1er septembre 2023
Comité scientifique
- Tania Al Saadi, MCF, Stockholm University – Suède
- Tayeb Bouderbala, PR, Université Batna 1 – Algérie
- Martina Censi, MCF, Université de Bergame – Italie
- Laurence Denooz, PR, Université de Lorraine – France
- Pauline Donizeau, MCF, Université Lumière-Lyon 2– France
- Toufic El-Khoury, MCF, Université Saint-Joseph de Beyrouth – Liban
- Omar Fertat, MCF, Université de Bordeaux 3 – France
- Didier Francfort, PR, Université de Lorraine – France
- Meriem Guellouz, MCF, Université de Paris-Descartes– France
- Lucie Kempf, MCF, Université de Lorraine – France
- Yassaman Khajehi, MCF, Université de Clermont-Ferrand– France
- Zohra Makach, PR, Université Ibn Zuhr d’Agadir – Maroc
- Monica Ruocco, Università degli Studi di Napoli L’Orientale, Italie
- Lena Saade-Gebran, PR, Holy Spirit University of Kaslik (USEK) – Liban
- Ons Trabelsi, MCF, Université de Lorraine – France
- Élisabeth Vauthier, PR, Université Jean Moulin-Lyon 3 – France
- Aleksandra Wojda, MCF, Université de Lorraine – France
Bibliographie sélective
Béja Alice, « Au-delà de l’engagement : la transfiguration du politique par la fiction », Tracés. Revue de Sciences humaines [En ligne], 11 | 2006, mis en ligne le 11 février 2008, consulté le 10 juin 2020. URL : https://journals.openedition.org/traces/240 ; DOI : https://doi.org/10.4000/traces.240.
Denis Benoît, Littérature et engagement. De Pascal à Sartre, Paris, Seuil, 2000.
Dreyer Sylvain, « Rhétorique de l’engagement critique. Regards de cinéastes et d’écrivains français sur la révolution cubaine (années 1960 et 1970) », Tracés. Revue de Sciences humaines [En ligne], 11 | 2006, mis en ligne le 11 février 2008, consulté le 11 juin 2020. URL : https://journals.openedition.org/traces/246 ; DOI : https://doi.org/10.4000/traces.246.
Jameson Frederic, The Political Unconscious. Narrative As a Socially Symbolic Act, Ithaca, Cornell University Press, 1981.
Spataro Marion, « L’engagement artistique est-il encore d’actualité ? », dans Deuxième temps. Revue numérique d’histoire de l’art, mise en ligne 20 décembre 2018, consulté le 11 juin 2020. URL : https://deuxieme-temps.com/2018/12/20/lengagement-artistique-est-il-encore-dactualite/.
Wagner Patrick, « La notion d’intellectuel engagé chez Sartre », Le Portique [En ligne], Archives des Cahiers de la recherche, Cahier 1 2003, mis en ligne le 17 mars 2005, consulté le 11 juin 2020. URL : https://journals.openedition.org/leportique/381
Note
[1] Darwīš Maḥmūd, « Entretiens sur la poésie », éd. Actes Sud, Collection « Mondes Arabes », octobre 2006 avec Abdo Wazen et Abbas Beydoun : « C’est un fait : je suis Palestinien, un poète palestinien, mais je n’accepte pas d’être défini uniquement comme le poète de la cause palestinienne, je refuse qu’on ne parle de ma poésie que dans ce contexte, comme si j’étais l’historien, en vers, de la Palestine. »
Subjects
Places
- Campus Lettres et Sciences humaines - place Godefroy de Bouillon, 3
Nancy, France (54)
Event attendance modalities
Full on-site event
Date(s)
- Friday, September 01, 2023
Keywords
- art, monde arabe, engagement, (dé)construction, enjeux sociétaux
Contact(s)
- Laurence Denooz
courriel : laurnce [dot] denooz [at] univ-lorraine [dot] fr - Ons Trabelsi
courriel : ons [dot] trabelsi [at] univ-lorraine [dot] fr
Reference Urls
Information source
- Laurence Denooz
courriel : laurnce [dot] denooz [at] univ-lorraine [dot] fr
License
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To cite this announcement
« Créations artistiques arabes ou réinvention du concept de l’engagement », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, June 21, 2023, https://doi.org/10.58079/1bfg