HomeLes théories de la culture dans la philosophie allemande
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Published on Monday, June 26, 2023

Abstract

Cet appel porte sur quatre contributions pour le numéro 44 de la revue Noesis, qui sera consacré aux théories de la culture dans la philosophie allemande, entre le début du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle, et qui paraîtra en 2024. Les contributions retenues viendront enrichir la publication des actes de journées d’étude qui se sont tenues sur ce thème en 2022, à l’Université Côte d’Azur. Afin que le numéro soit le plus complet et le plus diversifié possible, nous ne retiendrons pas de propositions sur les auteurs suivants, pour lesquels nous disposons déjà de contributions : Herder, W. von Humboldt, Hegel, Nietzsche, Weber, Rickert, Rosenzweig, Cassirer et Husserl. Toute autre proposition de contribution s’inscrivant dans les axes de recherche présentés ci-dessous, entre le début du XIXe siècle et la première partie du XXe siècle, sera considérée avec attention.

Announcement

Coordination scientifique

  • Victor Béguin, ATER, ENS de Lyon
  • Alexandre Fillon, ATER, Université Côte d’Azur

Présentation du numéro de la revue

Les théories de la culture connaissent en Allemagne un essor exceptionnel à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle. L’Auflkärung, ainsi que de grands écrivains comme Klopstock, Lessing, Goethe et Schiller, contribuent de manière décisive au développement d’une intense réflexion sur culture. Cet effort pour développer une authentique théorie philosophique de la culture traverse la plupart des mouvements intellectuels du XIXème siècle : les systèmes de l’idéalisme allemand, le romantisme, l’herméneutique et la philologie, les écoles néokantiennes, la philosophie de Nietzsche, ou encore les fondateurs de la sociologie moderne. Cet héritage immense permet de donner sens à la revendication d’une véritable philosophie de la culture dans la première partie du XXe siècle, chez des penseurs aussi différents que Georg Simmel ou Ernst Cassirer. L’élaboration du concept de culture constitue ainsi un enjeu fondamental pour la pensée allemande de cette période, pour lequel on observe un intérêt croissant de la recherche récente. Ce numéro de la revue Noesis se propose de contribuer à ces recherches sur l’histoire de la philosophie allemande et des sciences humaines, en accueillant des contributions qui devront s’inscrire dans les axes suivants.

1. Pluralité terminologique et conceptuelle de l’idée de « culture »

Il conviendra d’abord de réfléchir sur les différents modes d’appréhension et de conceptualisation de l’idée de culture. Il existe en effet dans la pensée allemande de cette période une grande diversité de théories sur la culture qui fait sa richesse inépuisable. Cette diversité s’appuie tout particulièrement sur la complexité sémantique de la langue allemande. Là où le français, comme d’autres langues, utilise parfois comme des synonymes « culture » et « civilisation », l’allemand distingue quant à lui trois termes : « Zivilisation », « Bildung » et « Kultur ». Le premier mot ayant souvent, chez ces penseurs, une connotation critique, pour des raisons à la fois linguistiques et historiques, on mesure la difficulté à traduire en français « Kultur », que le choix porte sur « culture » ou « civilisation ». Cette spécificité de la langue allemande ouvre la voie à une véritable originalité dans la manière de conceptualiser les phénomènes culturels. L’un des enjeux de ce numéro sera notamment de circonscrire avec précision l’idée de Bildung. Souvent traduite par « formation » ou « éducation », cette notion a pu être mobilisée, grâce à sa richesse et sa plasticité sémantique, pour donner sa forme propre à l’idée d’une « culture allemande ». Si elle s’est constituée depuis le début du XIXe siècle en authentique tradition, l’idée de Bildung fait néanmoins l’objet de critiques philosophiques importantes, qui permettent de mieux appréhender la cohérence de ces diverses théories.

2. La place du concept de culture au sein des systèmes philosophiques

Il conviendra également d’étudier la place qu’accordent les différentes philosophies à la culture dans leur questionnement. Si l’idéal de formation (Bildung) de l’humanité par la médiation de ses activités spirituelles joue un rôle certain dans l’anthropologie philosophique de l’Auflkärung, quelle place occupe la culture au sein des systèmes de l’idéalisme allemand ? On observe notamment sur cette question une certaine extension de l’importance du concept de culture pour la philosophie qu’il s’agit d’interpréter : la pensée de Wilhelm von Humboldt s’oriente ainsi pleinement autour du concept de Bildung, la nature de la tâche philosophique se trouve également redéfinie, chez Nietzsche ou chez Cassirer, en référence à la culture.

3. Langage, langues et culture

Une des spécificités des théories de la culture dans la pensée allemande réside dans l’insistance particulière sur le rôle du langage, l’influence de la diversité des langues dans la formation des cultures et dans la manière de définir conceptuellement celles-ci, ainsi que le formule de manière significative Humboldt : « La dispersion de l’espèce humaine en peuples et en groupes ethniques est en relation étroite avec la diversité des langues et des idiomes ; ces deux phénomènes sont soumis à leur tour à un troisième, d’un niveau plus élevé, savoir : à la capacité que possède la dynamique spirituelle de l’humanité de se produire en exhibant des formes (Bildungen) toujours nouvelles et souvent mieux élaborées »[1]. Si la culture signifie un processus permettant de donner forme à la vie humaine, de la façonner, suivant la logique inscrite dans le mot de Bildung, ce processus s’effectue par la création continue de médiations nécessaires, et les langues semblent être une médiation privilégiée. Antoine Berman a en ce sens montré comment le processus de formation et de totalisation de soi de la culture ne se déploie qu’en passant par ce qui est autre et extérieur, par l’étranger, notamment par la médiation de la traduction[2]. La traduction est à la fois une pratique constitutive de la culture allemande, le moyen effectif par lequel elle s’est développée, et un paradigme pour la penser, pour comprendre comment, pour se former soi-même, pour atteindre la forme qui est appropriée à un soi, il est nécessaire de faire l’expérience de ce qui est autre que soi. De manière plus structurelle, qu’il s’agisse de Herder, de Cassirer ou d’autres philosophies, la culture est constamment pensée en corrélation avec le langage et les langues.

4. Sciences humaines et anthropologie philosophique

Un autre axe portera sur les influences complexes entre les théories philosophiques de la culture, le développement des enquêtes ethnographiques, l’émergence de l’anthropologie contemporaine, et plus largement des différentes sciences humaines du XIXe siècle. Si ces théories de la culture demeurent philosophiques, elles se nourrissent toutefois de l’exceptionnel développement scientifique des différentes sciences humaines au cours de cette période. Pour élaborer sa théorie du langage et son anthropologie philosophique, Wilhelm von Humboldt a ainsi pu bénéficier du développement de la linguistique comparée et surtout de l’exceptionnelle documentation ethnographique que lui rapportait son frère, Alexander, lors de ses différentes expéditions en Amérique du Sud. De manière générale, les philosophies de la culture portent une attention particulièrement importante aux différents travaux de l’anthropologie naissante, aux sciences historiques, à la sociologie, et participent activement à l’élaboration théorique des Kulturwissenschaften, ainsi que l’atteste notamment la participation de Rickert, Windelband, Simmel, Cassirer, Husserl, Weber et Wölfflin à la revue Logos, Internationale Zeitschrift für Philosophie der Kultur, parue entre 1910 et 1933. Cet axe s’inscrira dans les recherches actuelles sur les transformations des disciplines savantes et la circulation des concepts entre la philosophie et les sciences humaines, qui, tout au long de la période considérée, s’en détachent progressivement tout en continuant d’entretenir de féconds rapports avec elle.

5. Philosophie de l’éducation et histoire des institutions universitaires

La polysémie du terme « Bildung », qui signifie à la fois « culture » et « éducation », le place au cœur des débats extrêmement fournis sur les enjeux, les moyens et les finalités de l’éducation au cours de la période considérée. On a pu par exemple interpréter les débats sur la pédagogie au tournant du XVIIIe et du XIXe siècle comme étant structurés par l’opposition entre les partisans de la « Gelehrsamkeit » (acquisition de compétences tournées vers l’exercice d’un métier, notamment dans l’administration) et ceux de la « Bildung » (élévation au-dessus de la nature par une éducation qui concerne « l’homme entier »)[3]. En outre, les notions de Kultur et de Bildung ont également été réinscrites dans l’histoire de la bourgeoisie germanique cultivée, et notamment de sa composante proprement universitaire (dans les travaux de Koselleck, Kocka et Ringer). Toute contribution portant sur les débats de philosophie de l’éducation ou de pédagogie, ainsi que sur le rapport entre des constructions conceptuelles singulières et des tendances intellectuelles et universitaires plus larges, sera considérée avec attention.

Modalités de soumission

La date limite d’envoi des propositions est fixée au 31 août 2023.

Elles doivent être adressées aux coordinateurs du numéro : Victor Béguin (victor.beguin@pm.me) et Alexandre Fillon (alexandre.fillon1@gmail.com).

Les propositions doivent comporter : un titre, un résumé d’environ 4000 signes, la fonction et l’affiliation institutionnelles de son auteur.e, ainsi qu’une adresse électronique. Les contributions retenues ne devront pas comporter plus de 40 000 signes (espaces compris) et seront à envoyer avant le 29 février 2024.

Comité de sélection

  • Sébastien Poinat, MCF, Université Côte d’Azur, directeur de la revue Noesis
  • Alexandre Fillon, ATER, Université Côte d’Azur
  • Victor Béguin, ATER, ENS de Lyon

Les articles envoyés feront l’objet d’une double lecture à l’aveugle par le comité de rédaction de la revue Noesis.

Présentation de la revue Noesis

Noesis est une revue généraliste de philosophie publiée par le Centre de Recherches en Histoire des Idées. Ses numéros sont thématiques et portent notamment sur les différentes directions de recherches du CRHI.

Les derniers numéros de Noesis sont disponibles auprès des éditions Vrin.

Les numéros parus depuis plus de deux ans sont accessibles en ligne sur le portail OpenEdition Journals.

Créateur : Dominique Janicaud

Directeur de publication : Sébastien Poinat

Conseil de rédaction : Florence Albrecht, Michaël Biziou, Christian Bracco, Ondine Breaud,

Jean-Luc Gautero, Elsa Grasso, Grégori Jean, Hervé Pasqua, Mélanie Plouviez, Sébastien Poinat, Jean Robelin, Christine Schmider, Valentina Tirloni

Comité scientifique : Miguel Garcia Barò , Angela Ales Bello, Magali Bessone, Michel Blay, Olivier Boulnois, Pierre Destrée, Benoît Frydman, Denis Kambouchner, Bruno Karsenti,

Jerrold Levinson, Paisley Livingston, Gleen Most, Christian Nadeau, Charles Ramond, Gunnar

Skirbekk, Giuseppe Tognon, Franco Trabattoni

Notes

[1] Introduction à l’œuvre sur le Kavi, § 2, trad. P. Caussat, Paris, Seuil, 1974, p. 143.

[2] L’Épreuve de l’étranger. Culture et traduction dans l’Allemagne romantique, Paris, Gallimard, 1984.

[3] Voir  W. H. Bruford, The German tradition of self-cultivation : "Bildung" from Humboldt to Thomas Mann, Cambridge, Cambridge University Press, 1975.


Date(s)

  • Thursday, August 31, 2023

Keywords

  • culture, bildung, philosophie allemande

Contact(s)

  • Alexandre Fillon
    courriel : alexandre [dot] fillon1 [at] gmail [dot] com
  • Victor Béguin
    courriel : victor [dot] beguin [at] pm [dot] me

Information source

  • Alexandre Fillon
    courriel : alexandre [dot] fillon1 [at] gmail [dot] com

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Les théories de la culture dans la philosophie allemande », Call for papers, Calenda, Published on Monday, June 26, 2023, https://doi.org/10.58079/1bgg

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