Pour son nouveau programme de recherche national 2023-2024, la Bibliothèque publique d’information (Bpi) souhaite lancer une recherche consacrée à l’émergence de nouveaux types de bibliothèques-médiathèques municipales apparus en France au cours des vingt dernières années années. Cette recherche a aussi pour objectif d’interroger les réponses des publics quant à ces nouvelles offres culturelles. Quels sont les publics de ces établissements ? Ont-ils le sentiment d’être dans une bibliothèque d’un type particulier ? quels sont leurs usages de ces lieux culturels ? Un objectif secondaire consistera par ailleurs à observer les incidences professionnelles et institutionnelles de ces nouveaux types de bibliothèques-médiathèques (impacts métiers et institutions).

Argumentaire

Dans le cadre de ses missions nationales, la Bibliothèque publique d’information (Bpi) met en œuvre des programmes de recherche qui portent sur les bibliothèques publiques, les pratiques de lecture ainsi que les pratiques d’accès à l’information et au savoir. Pilotés par le service Etudes et recherche de la Bpi, en association avec le service du Livre et de la Lecture du ministère de la Culture, ces programmes de recherche font l’objet de la constitution de comités de pilotage réunissant personnes expertes et associations professionnelles et donnent lieu à publications[1].

Pour son nouveau programme de recherche (2023-2024), la Bpi souhaite lancer une recherche consacrée à l’émergence de nouveaux types de bibliothèques-médiathèques municipales apparus en France au cours des vingt dernières années tels que :

• les bibliothèques « troisième lieu » ou « tiers lieu » ;
• les établissements mutualisés ou hybrides ;
• les établissements conçus ou animés avec la participation des populations locales.

Cette étude s’inscrit dans les pas d’un travail de recherche entrepris par le ministère de la Culture à la fin des années 1990 qui portait sur une autre forme de mutation des bibliothèques municipales : le passage du « modèle bibliothèque » au « modèle médiathèque ». Elle a pour objectif principal d’apporter des éléments de connaissance sur l’émergence de certains nouveaux types de bibliothèques-médiathèques municipales apparus ces dernières décennies (généalogie des nouveaux types et de leur diffusion au sein de la profession), et sur les réponses des publics quant à ces nouvelles offres culturelles (quels sont les publics de ces établissements ? ont-ils le sentiment d’être dans une bibliothèque d’un type particulier ? quels sont leurs usages de ces lieux culturels ?). Un objectif secondaire consistera par ailleurs à observer les incidences professionnelles et institutionnelles de ces nouveaux types de bibliothèques-médiathèques (impacts métiers et institutions).

1/ Définition du champ de l’étude

En 1998, le Ministère de la Culture publiait un rapport d’étude intitulé « La grande mutation des bibliothèques municipales : modernisation et nouveaux modèles ». Etabli par François Rouet du Département des études et de la prospective (DEP), Ce rapport avait pour objectif d’interroger le « modèle médiathèque » qui s’était alors imposé en France à l’occasion du « passage de la bibliothèque à la médiathèque »[2]. Dans son introduction, François Rouet se demandait si la mutation observée à l’époque était achevée ou s’il s’agissait d’un phénomène encore en cours de développement. Ce questionnement semble très actuel, 20 ans après cette étude, alors que :

• les bibliothèques-médiathèques municipales se sont considérablement multipliées sur le territoire français depuis le début des années 2000 : 2886 établissements étaient pris en compte en 2000 pour l’enquête statistique annuelle du ministère de la Culture, 8100 pour l’ensemble des bibliothèques de niveau 1, 2 et 3 en 2018, et pas moins de 8400 pour les points d’accès au livre desservis par les bibliothèques départementales ;
• les modalités d’accueil des publics et la gamme des services proposés dans les bibliothèques-médiathèques municipales ont aussi beaucoup changé : accroissement des collections et des horaires, développement de nouveaux services (animation culturelle, médiation, services numériques sur place et à distance), renforcement du rôle social des bibliothèques, etc. ;
• de nouveaux types de réseaux d’établissements se sont développés dans le cadre de la réforme structurelle des collectivités : processus d’intercommunalité, mise en réseau de bibliothèques-médiathèques municipales ;
• et surtout, de nouveaux types de bibliothèques sont également apparus, en particulier depuis une dizaine d’années, sans que les frontières de ces nouveaux types soient faciles à tracer : bibliothèques « troisième lieux » popularisées par le mémoire de DCB de Mathilde Servet datant de 2009[3], établissements hybrides (bibliothèques couplées à des services sociaux, d’autres services culturels, des cafés, des « Fab Labs »), tiers lieux incluant une offre de bibliothèque, etc.

Il paraît donc légitime de s’interroger à nouveau aujourd’hui sur les incidences des changements en matière d’offre de bibliothèque-médiathèques municipales, en particulier en ce qui concerne la « réponse des publics » ; sachant par ailleurs que ces évolutions se sont produites dans un contexte social et culturel de la société française lui aussi en profonde mutation et déjà bien documenté : dématérialisation des supports et processus de « désintermédiation », développement de l’accès individuel à Internet (au domicile et en mobilité), recul relatif des pratiques de lecture de livres, changement du rapport aux institutions culturelles, « numérisation » des usages, contexte récent de crise sanitaire.

Etant donné la grande diversité des paramètres qui viennent d’être rappelés (« buissonnement » des nouveaux types de bibliothèques-médiathèques, changements contextuels importants tant du point de vue institutionnel que du point de vue des usages), et la complexité qu’ils induisent en matière de comparaison et d’interprétation, des choix méritent d’être faits pour réduire le champ d’observation et garantir la productivité du travail d’analyse et d’interprétation. La notion de « modèle » n’étant d’ailleurs pas nécessairement opératoire pour un tel travail, il est proposé que l’étude soit centrée sur un travail de terrain portant sur des établissements emblématiques de certaines formes de changement en matière de lecture publique en France. Trois tendances fortes peuvent être identifiées, a priori, pour faciliter la catégorisation et le choix des sites (tendances parfois combinées entre elles au sein d’un même site) :

• la question de la bibliothèque « troisième lieu » ou « tiers lieu » ;
• la question de la mutualisation ou de l’hybridation des établissements, parfois au-delà du secteur culturel (bibliothèque et centre social, bibliothèque et cinéma, etc.) ;
• la question de la participation des publics et surtout de la co-construction avec la population avant et après ouverture d’un établissement.

2/ Méthodologies

Plusieurs types de méthodologies peuvent être envisagés pour répondre aux questionnements de l’étude :

• le questionnement initial concernant l’enquête exploratoire sur la généalogie des types identifiés devrait faire l’objet d’une analyse documentaire, et pourrait donner lieu à des entretiens avec des personnes expertes et des professionnels des bibliothèques ;
• le questionnement principal concernant l’enquête de terrain consacrée aux incidences concrètes et symboliques du côté des publics (profils, usages et images des bibliothèques) pourrait prendre la forme d’une enquête sur site permettant un travail d’analyse monographique ainsi qu’une enquête de public (au moins 3 sites étudiés pour ce volet quantitatif) ;
• le questionnement secondaire concernant l’enquête de terrain portant sur les incidences des nouveaux types de bibliothèques étudiées sur le métier, l’institution-bibliothèque et le rapport aux élu·es, pourrait quant à lui prendre la forme, a minima, d’une enquête qualitative par entretiens conduite auprès d’une partie des équipes et des élu·es sur les mêmes sites étudiés.

L’objectif de l’étude dans son ensemble n’est pas de produire à proprement parler une enquête comparative entre différents sites mais d’observer concrètement sur chaque terrain (avec une perspective monographique) la façon dont des propositions culturelles d’un genre nouveau sont adoptées par les populations qu’elles desservent, par les personnes qui s’y investissent (personnels, personnes élues, etc.), et les leçons qu’il est possible de tirer en matière de lecture publique, de sociologie de la culture voire de sociologie des organisations ou des institutions.

Le choix définitif des terrains reste l’apanage des commanditaires, les soumissionnaires sont invités à formuler des propositions à propos du nombre de sites étudiés, des critères qui peuvent se révéler utiles pour les sélectionner (notamment l’ancienneté de l’établissement ou du réseau, les transformations qui y ont eu lieu au cours de son histoire), la méthodologie précise envisagée pour conduire les enquêtes de terrain et le phasage des différentes opérations programmées.

Modalités de candidature

Les propositions de réponse au projet d’étude devront porter sur le périmètre d’étude, le nombre de sites étudiés et les méthodologies employées pour réaliser les différentes phases de l’étude. Un budget détaillé est demandé. Le calendrier de l’étude est de 24 mois à compter de la signature du contrat.

Les dossiers de proposition devront comporter :

1. Une présentation détaillée du projet de recherche
2. Une note de présentation des personnes, ou laboratoires, ou bureaux d'études impliqués dans la recherche
3. Une fiche de renseignements administratifs et financiers concernant la recherche

La date limite de dépôt des offres est fixée au 18 septembre 2023 à minuit.

Personnes à contacter en priorité pour toute information :

• Christophe Evans, chef du service Etudes et recherche de la Bpi, 01 44 78 49 06, christophe.evans@bpi.fr
• Julie Lavielle, chargée d’études au service Etudes et recherche de la Bpi, 01 44 78 44 74, julie.lavielle@bpi.fr 

Livrables

En matière de livrables, il est attendu du prestataire :

• Les comptes rendus des réunions du comité de pilotage (4 réunions au moins seront programmées) ; le premier rapport d’étape est constitué du compte rendu de la 1^ère réunion concernant les choix arrêtés pour la méthodologie de travail, le nombre de sites et le phasage des opérations (1 mois au plus tard après la signature du contrat).
• Un second rapport intermédiaire permettra de faire le point sur les premières données recueillies au cours des premières phases de l’étude : généalogie et retours sur le ou les premiers sites étudiés. Ce rapport comprendra des données descriptives liées au(x) terrain(s) étudié(s) et des données issues des enquêtes réalisées (9 mois après la signature du contrat, 2^e réunion avec le comité de pilotage).
• Un troisième rapport permettra de faire le point sur l’ensemble des terrains étudiés (18 mois après la signature du contrat, 3^e réunion avec le comité de pilotage).
• Une synthèse finale de l’étude (150 à 200 pages, environ 200 000 à 300 000 signes), reprenant l’ensemble des données de l’enquête et destinées à être publiées sera livrée pour clôturer la mission (24 mois après la signature du contrat, 4^e réunion avec le comité de pilotage).

La Bpi est propriétaire des données produites. En cas de diffusion des résultats, la Bpi mentionnera systématiquement le fait que l'enquête a été administrée par le prestataire.

Sélection de l’attributaire

La procédure de passation du marché public à conclure pour commander l’étude objet du présent cahier des charges est celle des marchés sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 40 000 euros hors taxes conformément à l’article R2122-8 du code de la commande publique. 

Parmi les offres reçues (à transmettre sous forme numérique à etudes@bpi.fr, l’offre la plus pertinente par rapport au besoin exprimé sera sélectionnée dans le respect d’un principe d’égalité de traitement, dès lors qu’elle sera financièrement raisonnable et cohérente au regard de l’exigence de bonne utilisation des deniers publics.

Comité de sélection des propositions de recherche

Quatre représentant·es de la Bpi :

• Magali Haettiger, directrice du département des Publics
• Christophe Evans, chef du service Etudes et recherche
• Julie Lavielle, chargée d’études au service Etudes et recherche
• Damien Day, chargé d’évaluation au service Etudes et recherche

Un·e représentant·e du service du livre et de la lecture (SLL), Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), Ministère de la Culture, en cours de désignation

Un·e représentant·e de l’Association des bibliothécaires français (ABF), en cours de désignation

Notes

[1] https://pro.bpi.fr/etudes/programmes-de-recherche/

[2] François Rouet, La grande mutation des bibliothèques municipales : modernisation et nouveaux modèles, Département des Etudes et de la prospective/Ministère de la Culture, 1998. François Rouet, « La grande mutation des bibliothèques municipales », Développement culturel, N°126, octobre 1998 (accessible en ligne).

[3] Mathilde Servet, Les bibliothèques troisième lieu, Mémoire d’étude, Enssib, janvier 2009. https://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/21206-les-bibliotheques-troisieme-lieu.pdf