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Enseigner le design graphique à l’université
Qu’est-ce que la recherche fait à la pédagogie ?
Published on Wednesday, July 12, 2023
Abstract
Cette journée d’étude vise à prolonger sur le terrain de l’enseignement les questions posées lors de la journée d’étude « Design graphique, manières de faire de la recherche » organisée au centre Pompidou (CNAP, université de Strasbourg, Bibliothèque Kandinsky) en 2021. Il s’agira d’interroger la manière dont la recherche déplace et transforme la pédagogie et l’enseignement du design graphique, en suivant trois axes principaux.
Announcement
Présentation
À l’heure où la démocratisation des outils de conception graphique donne à chacun l’impression d’avoir une « license to design » – l’expression est de Katherine McCoy ([1997] 2019, 225) – il peut sembler curieux de se demander comment – voire, pour les plus pessimistes, pourquoi – enseigner le design graphique. C’est pourtant ce que continuent de faire, souvent avec enthousiasme, des enseignants et enseignantes qui se consacrent de nos jours à ce vaste domaine, que l’on qualifiera aussi bien de champ ou de discipline, aux contours diffus et en constante évolution.
Si les rapports entre design et pédagogie sont discutés depuis une centaine d’années, ils ont fait l’objet d’une problématisation plus précise dans la seconde partie du XXe siècle, notamment par le biais de revues comme Design Studies (1979) ou Design Issues (1984) ou de conférences internationales. Dans l’histoire récente, les liens entre design et pédagogie ont été diversement envisagés à partir de questions méthodologiques, des compétences de conception, de la pratique réflexive, du geste, du dessin et de la créativité, ou encore de la formation des enseignant·e·s (Tortochot et al. 2020). Ces dernières années, plusieurs projets et travaux de recherche ont été consacrés à l’enseignement du design, au travers de journées d’études et de séminaires (« Pédagogie du design, design de la pédagogie », PROJEKT (EA 7447) à l’Université de Nîmes en 2017 ; « Enseigner le design : geste créatif et activité formative », GCAF, à l’INSPE d’Aix-en-Provence en 2020) ou encore de revues – le quinzième numéro de la revue Sciences du design, s’est donné pour thème « enseigner le design » (Dupont, Didier, et Nadon 2022).
Si l’on cherche une focalisation plus précise autour de la pédagogie du design graphique, il faut remonter à la fin du XXe siècle, au moment où plusieurs expériences pédagogiques exigeantes en Europe et aux États-Unis arrivent à maturité. En 1997, Steven Heller organise à la School of Visual Arts le colloque « How We Learn What We Learn », dont les actes sont publiés l’année suivante sous le titre The Education of a Graphic Designer (1998), qui fera ensuite l’objet de plusieurs rééditions. Depuis lors, l’enseignement du design graphique a été abordé au fil d’une copieuse littérature, principalement anglo-saxonne. En France, il est pris comme thème du quinzième numéro de Graphisme en France (CNAP 2008), après avoir fait l’objet d’une mission de réflexion à la demande de la Délégation aux arts plastiques du Ministère de la culture (1996), et être devenu le sujet de préoccupation d’une association, « Un coup de dés », active entre 2005 et 2012. La question de l’enseignement semble offrir un point de vue privilégié pour comprendre le design graphique : « […] envisager le design graphique sous l’angle de l’enseignement, n’est-ce pas, tout simplement, en évoquer les principaux enjeux, que les problématiques de la transmission font apparaître avec évidence ? » (De Smet 2008, 3)
Pour autant, ces dernières années sont marquées par plusieurs phénomènes nouveaux et étrangers à ces différentes initiatives, qui invitent aujourd’hui à reposer le problème des rapports entre design graphique et enseignement avec une certaine urgence. D’une part, les formations en design graphique ont rapidement évolué en une vingtaine d’années en délaissant d’anciennes dénominations (publicité, communication visuelle, graphisme) tout en intégrant de nouvelles pratiques (Philizot et Maudet 2020) ; d’autre part la réflexion pédagogique doit aujourd’hui composer avec les enjeux posés par la recherche, qui a imprégné les programmes des écoles dans le contexte de l’uniformisation européenne des formations supérieures, tout en favorisant simultanément la mise en place de cursus universitaires en design et design graphique.
Si le design graphique est aujourd’hui enseigné à l’université, de quelle singularité cet enseignement est-il porteur ? Bien entendu, la forme institutionnelle (université, école ou enseignement secondaire) prise par cette singularité importe moins ici que son sens épistémologique et pédagogique. Donc pour le dire autrement : qu’est-ce qu’introduit, à l’endroit d’une formation en design graphique, l’adossement à la recherche ? Cette journée d’études vise à prolonger sur le terrain de l’enseignement les questions posées lors de l’exposition « Une cartographie de la recherche en design graphique », présentée au Signe, centre national du graphisme, en 2017 et de la journée d’études « Design graphique, manières de faire de la recherche » organisée au Centre Pompidou (CNAP, Université de Strasbourg, Bibliothèque Kandinsky) en 2021. Il s’agira d’interroger la manière dont la recherche déplace et transforme la pédagogie et l’enseignement du design graphique, en suivant trois axes principaux, détaillés dans les pages suivantes.
Dans toutes les questions qui suivent, « design graphique » est à la fois entendu comme activité et comme produit de cette activité, comme pratique sociale et comme objet culturel. Il est aussi envisagé au sens le plus large possible (édition, typographie, design d’information, pratiques numériques, etc.) – même si chaque occasion de s’interroger sur le design graphique est toujours aussi une occasion d’en définir les contours.
A. Quelles ouvertures professionnelles pour un·e graphiste formé·e à la recherche ? Quelles compétences et quels savoirs la recherche, l’histoire et la théorie peuvent-elles apporter dans les formations en design graphique ?
À l’heure où l’enseignement du design tend à délaisser les savoir-faire techniques au profit des conduites et des valeurs (Fauquembergue 2022), on a toutes les raisons de penser qu’une formation supérieure en design graphique doit viser bien autre chose que la maîtrise de trois logiciels et la constitution d’un portfolio. Dans ce contexte, les apports théoriques et la recherche peuvent être vus comme une manière, non pas de « résoudre des problèmes », mais de savoir les poser correctement (Blauvelt [1998] 2005, 106). À quelle redéfinition constructive de la pratique du design graphique la recherche nous convie-t-elle ?
On a souvent défini et situé le design graphique au croisement d’activités professionnelles très diverses (Durand et Sebag 2011), en allant jusqu’à reconnaître que son identité n’est jamais certaine d’être fixée (McCoy ([1997] 2019, 220). Cette impression est certainement renforcée par le développement récent de nouvelles approches attenantes au graphisme (design social, design contextuel, design de relations, design de médiation ou de politiques publiques, etc.), dans lesquelles les capacités réflexives, l’esprit critique, la culture historique et visuelle jouent un rôle de premier plan. Comment ces savoirs et ces compétences contribuent-ils à redéfinir les métiers du design graphique ? Si les formations en design graphique n’ont pas vocation à former nécessairement des technicien·ne·s, ni même des praticien·ne·s, quels savoirs et quelles compétences les programmes peuvent-ils et doivent-ils viser ?
B. Quels montages théoriques et croisements disciplinaires pour une formation universitaire en design graphique ? Comment l’enseignement pratique et théorique peut-il composer avec des savoirs extérieurs au design graphique ?
On a souvent déploré des manques théoriques et conceptuels dans la formation des graphistes (Emanuel et al. 1996). Pourtant, le design graphique, comme activité consacrée à la vie sociale des textes et des images, est bien une activité intellectuelle. Elle présente d’ailleurs des liens évidents avec les humanités, où se discutent activement depuis des décennies les enjeux posés par les signes et les images. La recherche invite à ce titre, à défaut de vouloir faire du design graphique une science (ce qu’il n’est pas), et comme le suggère Éric Tortochot au sujet du design, d’assumer une épistémologie transdisciplinaire (Tortochot et al. 2020) en composant avec des traditions théoriques très diverses (histoire de l’art, sémiologie, ou plus récemment, études visuelles, media studies, études numériques – pour ne donner que quelques exemples).
Comment ces champs théoriques peuvent-ils nourrir l’enseignement du design graphique ? Quelle place peuvent-il trouver dans une recherche « en design graphique » ? Que se passe-t-il lorsque le design graphique et la typographie deviennent les objets d’une recherche convoquant des savoirs qui ne sont pas propres au design graphique ? À quelles méthodes et à quelles épistémologies une recherche de ce genre peut-elle avoir recours ?
Les arts et le design expérimentent depuis plusieurs dizaines d’années différentes formes de recherche (Frayling 1993), qui tendent à donner une place singulière à la pratique et aux conduites créatives, sous des formes que l’on a appelé recherche-création, recherche projet ou recherche-action (Raîche-Savoie et Déméné 2022). Si ces démarches ont mis en lumière les apports du design dans une activité de recherche, comment les compétences spécifiques des graphistes peuvent-être articulées avec / mobilisées dans / mises au service d’une recherche scientifique ? Quelle est la place du design graphique dans un travail de recherche et dans la formation à la recherche ?
C. À quelles formes d’engagement la recherche scientifique prédispose-t-elle les étudiant·e·s ? Comment la formation en design graphique, au prisme de l’histoire et de la théorie, peut-elle favoriser l’exercice d’un regard critique sur le monde visuel ?
Assurément, le design graphique est traversé par des problématiques sociales, auxquelles il doit en partie son identité. Pour le dire avec Marie-José Mondzain : « Le métier de graphiste est un métier critique qui remet en cause les modèles de production du visible et du lisible dans un tissu social lui-même contesté. » (Mondzain 2004, 9). Comment l’enseignement supérieur et la recherche peuvent-ils former à un tel « métier critique » ? Comment peuvent-ils permettre d’interroger des problématiques engendrées sur le terrain même du design graphique et des signes dans l’espace public ? D’ailleurs, la capacité à lire et à comprendre un espace de ce genre est aussi un enjeu dans les formations. L’enseignement du design graphique ne représente-t-il pas une bonne manière de former à la littératie visuelle ? Le design graphique peut-il contribuer à éduquer le regard, à aborder le champ visuel par ce que Dewey appelait la « réorganisation ou […] reconstruction constante de l’expérience » (Dewey [1938] 2022, 158) ?
Comme le disait Johanna Drucker en parlant de l’enseignement : « nous devons relever le défi très réel de contribuer à donner forme à un imaginaire public dans lequel il deviendra possible, acceptable et souhaitable de gérer les ressources décroissantes d'une petite planète aux populations diverses d'une manière équitable et autosuffisante plutôt que de participer avec avidité à la monoculturalisation fast-food Disney/Fox/Turner. Est-ce possible ? » (Drucker [1998] 2005, 115) Si l’introduction de l’histoire et de la théorie a bien une fonction dans les formations en design graphique, c’est de mettre les formes en perspective avec des questions politiques, esthétiques et sociales. Mais quel sens donner ici à « théorie » ? Peut-on envisager une « étude » du design graphique, « dans une culture et comme une culture » au sens donné à cette idée par Victor Margolin (1995, 2013) lorsqu’il évoquait les design studies ?
Modalités de soumission
Les communications pourront prendre la forme d’une contribution originale ou bien d’un retour sur une expérience pédagogique ou de recherche particulière. Elles devront s’inscrire dans l’un des trois axes. Nous acceptons également les communications en anglais.
Les propositions de communication, de 300 mots, seront accompagnées d’un titre, d’une brève notice biographique et d’une bibliographie en précisant 1) l’axe envisagé et 2) le type de communication proposée (contribution ou retour d’expérience).
Les propositions sont à envoyer à philizot@unistra.fr
avant le 15 septembre 2023.
Calendrier
- 15 septembre 2023 : Date limite de retour des propositions de communication
- 30 octobre 2023 : Annonce des propositions retenues
- 23 et 24 janvier 2024 : Journée d’étude
Comité scientifique
- David Bihanic (Université Paris I Panthéon-Sorbonne)
- Éloïse Cariou (Université de Strasbourg)
- Margaux Crinon (Université de Strasbourg)
- Catherine de Smet (Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis)
- Simone Fehlinger (École supérieure d'art et design de Saint-Étienne)
- Pierre Fournier (Université de Strasbourg)
- Nolwenn Maudet (Université de Strasbourg)
- Éloïsa Pérez (Celsa Sorbonne Université)
- Vivien Philizot (Université de Strasbourg)
- Anne-Lyse Renon (Université Rennes 2)
- Louise Wambergue (Université de Strasbourg)
Comité d’organisation
- Julia Coffre (Université de Strasbourg)
- Alix Gesnel (Université de Strasbourg)
- Vivien Philizot (Université de Strasbourg)
- Marie Secher (Université de Strasbourg)
- Louise Wambergue (Université de Strasbourg)
Subjects
- Education (Main category)
Event attendance modalities
Hybrid event (on site and online)
Date(s)
- Friday, September 15, 2023
Attached files
Keywords
- design graphique, graphisme, enseignement
Contact(s)
- Vivien PHILIZOT
courriel : philizot [at] unistra [dot] fr
Information source
- Vivien PHILIZOT
courriel : philizot [at] unistra [dot] fr
License
This announcement is licensed under the terms of Creative Commons - Attribution 4.0 International - CC BY 4.0 .
To cite this announcement
Vivien Philizot, « Enseigner le design graphique à l’université », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, July 12, 2023, https://doi.org/10.58079/1bk7