HomeÉtat et (dé)régulation du religieux en Afrique occidentale et centrale
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Published on Thursday, July 20, 2023

Abstract

Un peu partout en Afrique de l’ouest et centrale, les mutations sociopolitiques, économiques et culturelles de ces trente dernières années ont remis en lumière le débat sur les interactions entre l’État et la religion. Globalement, les constitutions des États ouest-africains et centraux ont consacré la laïcité de l’État, la diversité des religions et la liberté de culte, dès l’indépendance. Le présent colloque se propose d’aborder les modalités de régulation des religions et convictions en Côte d’Ivoire et dans l’ensemble de l’Afrique de l’ouest et centrale. Il entend le faire non dans une simple logique de comparaison entre États, mais plutôt par une approche qui évalue les différents régimes de régulation, mettant en évidence leurs différences, leurs singularités et les analogies dans leurs expériences respectives. Sortant néanmoins d’une logique africaniste, et visant à étudier l’Afrique pour elle-même, le colloque, dans le cadre transnational tracé, mettra aussi en évidence les survivances postcoloniales du lexique et des structures empruntées aux anciennes puissances coloniales, en particulier à la France laïque.

Announcement

Argumentaire

Un peu partout en Afrique de l’Ouest et Centrale, les mutations sociopolitiques, économiques et culturelles de ces trente dernières années ont remis en lumière le débat sur les interactions entre l’État et la religion. Globalement, les constitutions des États ouest-africains et centraux ont consacré la laïcité de l’État, la diversité des religions et la liberté de culte, dès l’indépendance. De ce point de vue, les mouvements religieux étaient libres de s’organiser et d’exercer selon des principes et des modalités qui structurent et donnent sens à leurs pratiques cultuelles. Toutefois, les activités de ces institutions religieuses étaient encadrées à travers des dispositifs institutionnels spécifiques.

À la faveur de l’effervescence démocratique des années 1990 sur le continent, la libéralisation du marché politique s’est accompagnée de la prolifération du divin. Cette dynamique a favorisé une reconfiguration des liens entre le religieux et le politique ; de sorte que le religieux est de plus en plus visible dans l’espace public. Dans une certaine mesure, il a parfois servi comme un instrument de mobilisation politique dans un environnement où le jeu politique est encore fortement adossé au marketing des identités (ethno-régionales, communautaires voire religieuses).

Cette poussée du religieux et son glissement vers l’arène politique a parfois eu des effets pervers. Outre son rôle dans les clivages socio-ethniques et politiques, elle a débouché çà et là sur des formes de désobéissance ou de défiance envers l’autorité de l’État. L’épisode de la pandémie de la Covid-19 a montré par exemple, que face aux mesures barrières, certaines organisations religieuses ont développé des réponses alternatives basées sur leurs principes et la croyance dans le pouvoir protecteur de Dieu. Cette tension entre le divin et le politique dans des contextes de mise en œuvre de politiques publiques ou de riposte à des épidémies mérite d’être questionnée.

Une autre forme de tensions se donne à voir dans les relations entre des mouvements religieux naissants et les plus anciens. En effet, dans certains nouveaux mouvements religieux qui émergent (Gbanamè au Bénin, Patmos Dieudonné en Côte d’Ivoire, etc.), la figure des leaders qui les incarnent se confond avec la figure divine elle-même. Cette personnification de Dieu est mal vécue par les systèmes religieux anciennement constitués (Église catholique romaine, Églises protestantes, etc.) qui n’hésitent pas à qualifier les déclarations ou les pratiques de ces nouvelles figures religieuses d’hérésies.

Tel que mis en évidence, le fait religieux contemporain peut s’analyser sous plusieurs angles. Parmi ceux-ci, il y a la manière dont l’État régule la place du religieux dans la vie publique, soutient les institutions religieuses voire coopère avec elle, et encadre la liberté de religion. En comparant les régimes de régulation du religieux dans les États de l’Afrique occidentale et centrale, cela permet à la fois de comprendre les emprunts faits en la matière à des modèles préexistants, mais aussi les singularités de chaque situation, intrinsèquement liées à la construction de l’État et aux pesanteurs de son histoire et de sa culture politique. Cela permet également, au-delà des ressorts du religieux stricto sensu, de saisir les modalités de fonctionnement de l’État par le biais particulier de l’angle des rapports entre le civil et le religieux.

En outre, l’examen de la régulation du religieux permet aussi de mettre la focale sur la façon dont les religions et convictions s’adaptent aux exigences, aux structures et aux modalités de coopération que propose l’État, tout en mobilisant leurs propres institutions et leur droit religieux interne pour s’accommoder, ou le cas échéant refuser de s’adapter aux exigences de la loi civile.

Le présent colloque se propose d’aborder ces modalités de régulation des religions et convictions en Côte d’Ivoire et dans l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest et même Centrale. Il entend le faire non dans une simple logique de comparaison entre États, mais plutôt par une approche qui évalue les différents régimes de régulation, mettant en évidence leurs différences, leurs singularités et les analogies dans leurs expériences respectives. Sortant néanmoins d’une logique africaniste, et visant à étudier l’Afrique pour elle-même, le colloque, dans le cadre transnational tracé, mettra aussi en évidence les survivances postcoloniales du lexique et des structures empruntées aux anciennes puissances coloniales, en particulier à la France laïque.

Il s’appuiera pour ce faire sur des auteurs dont les travaux constituent un point d’éclairage tels que G. Holder et M. Sow (éds.) (L’Afrique des laïcités. État, religion et pouvoirs au sud du Sahara, Bamako-Paris, 2013) ; É. Dorier-Apprill (« Les échelles du pluralisme religieux en Afrique subsaharienne », L'Information géographique, 70-4, 2006, 46-65) ; F. Sow (« La laïcité à l'épreuve dans les États laïques d'Afrique au sud du Sahara : les défis pour le Sénégal et le Mali », OpenDemocracy, 10.10.2014, 2014) ; M. Miran-Guyon (« Gloire et déboires de la laïcité en Côte d’Ivoire au prisme de l’imaginaire social musulman » dans G. Holder et M. Sow, L’Afrique des laïcités, 315-328) ; M. Miran-Guyon et B. Guiblehon (Religion et politique en côte d’Ivoire : un demi-siècle d’intimités ambivalentes, Septembre 2018 CERI – GSRL) ; B. Guiblehon (« Laurent Gbagbo and the Evangelical Church in Côte d’Ivoire : ambiguous political affinities », International Journal for Religious Freedom, 2011, 4-2, 37-59).

Initiative portée par une collaboration structurée entre l’Université Alassane Ouattara de Bouaké et l’Université libre de Bruxelles, ce colloque se donne entre autres objectifs d’apporter des éléments méthodologiques et théoriques d’appréhension du fait religieux dans les sociétés d’Afrique occidentale et centrale à l’époque contemporaine, par le prisme de la place que lui accorde l’État et des modalités de collaboration qu’État et religion entretiennent.

Sont donc attendues des contributions qui développent cet éclairage et proposent des analyses originales permettant de faire progresser les connaissances relatives aux différents régimes de régulation du religieux dans les États d’Afrique de l’Ouest et centrale. Ces contributions devront tourner autour de quatre principaux axes :

L’institutionnalisation de l’encadrement du religieux par l’État et ses limites

Dans chaque pays de l’Afrique de l’Ouest et Centrale, les constitutions consacrent la laïcité de l’État, la diversité des religions et la liberté de culte. Vus sous cet angle, les mouvements religieux s’organisent et exercent librement leurs activités. Mais ils sont plus ou moins « sous surveillance », sont tenus d’adopter une posture de neutralité et de ne pas interférer dans le jeu politique.

Pour ce faire, des organes de régulation des cultes ont été mis en place pour encadrer l’action des organisations ou communautés religieuses. Selon les contextes, la visibilité du religieux peut être vue comme une source potentielle de risques ou de menace pour le jeu politique ou le vivre-ensemble. En lien avec les spécificités contextuelles, il s’agira dans ce premier axe d’interroger le contenu des organes de régulation des cultes, leurs modes d’organisation et de fonctionnement, leurs objectifs ainsi que leurs forces et limites.

Les défiances des mouvements religieux vis-à-vis de l’État et les réponses de l’État

Face à certaines politiques publiques ou à des plans de riposte aux épidémies (Ebola, Covid-19, etc.), s’observent des formes de désobéissance ou de défiance des groupes religieux. Ainsi, dans le contexte de la Covid-19, alors que l’adoption de mesures barrières drastiques semblait être aux yeux des États la seule alternative face à la menace de contamination à grande échelle, certains groupes religieux se sont refusés à respecter lesdites mesures. Tout en privilégiant les études de cas, ce deuxième axe de réflexion vise à questionner les ressorts socio-anthropologiques des défiances des mouvements religieux et les types de réponses qu’implémente l’État.

Les défiances de nouveaux mouvements religieux vis à vis des systèmes religieux et des modèles de résilience de ces derniers

« Maman Parfaite » au Bénin et plus récemment « Jésus Baoulé » en Côte d’Ivoire : dans certains mouvements religieux qui émergent un peu partout aujourd’hui, Dieu est personnifié. De fait, nous ne sommes plus face à des mouvements syncrétiques, mais à des figures qui se confondent avec Dieu ou Jésus et défient les mouvements religieux existants ce qui constitue une nouveauté. Pour les systèmes religieux anciennement constitués (Église catholique, Églises protestantes…), cette personnification de Dieu est un véritable scandale qu’il ne faut pas laisser prospérer. Dès lors, quelles sont les menaces que les figures africaines personnifiées de Dieu font peser sur les systèmes religieux constitués ? Quels sont les modèles de résilience que développent ces derniers ?

Le principe de laïcité dans les constitutions africaines et leur mise en œuvre

La plupart des pays africains ont adopté le principe de laïcité en tant qu’héritage colonial. Mais les éléments de contexte rendent difficile l’application de ce principe qui pose le problème de la transférabilité d’une règle politiquement et culturellement ancrée. Cette difficulté est d’autant plus forte que dans la plupart des États de l’Afrique de l’Ouest et Centrale en transition démocratique, le jeu politique se nourrit très souvent du clientélisme et du marketing des identités ethno-régionales ou religieuses. Outre cette ambigüité entre le politique et le religieux et vice versa, quelles sont, de ce point de vue, les réalités de l’application de la laïcité en Afrique occidentale et Centrale ? Comment selon les acteurs (État, mouvements religieux), la laïcité est-elle interprétée ? Quelles en sont les limites ?

Aspects pratiques

Ce colloque se déroulera en trois journées, les 14, 15, et 16 mai 2024 à Bouaké. Les participants sélectionnés financeront eux-mêmes leur voyage vers Abidjan et d’Abidjan à Bouaké et retour, tandis que les frais d’hébergement seront pris en charge par les organisateurs.

Les candidatures consisteront en une biographie de 100 mots et une proposition de communication de 250 mots. Elles seront adressées aux organisateurs à l’adresse suivante : deregulationdureligieux2024@gmail.com

et ce avant le 30 septembre 2023

La sélection des candidatures sera opérée pour le 30 novembre 2023.

Comité scientifique

  • Francis Akindès (Université Alassane Ouattara de Bouaké)
  • Bony Guiblehon (Université Alassane Ouattara de Bouaké)
  • Marie Miran-Guyon (Institut des Mondes Africains, CNRS-EHESS)
  • Cécile Vanderpelen (Université libre de Bruxelles) Jean-Philippe Schreiber (Université libre de Bruxelles).

Comité d’organisation

  • Kouamé Yao Severin (Université Alassane Ouattara de Bouaké)
  • Soro D. Marcelline (Université Alassane Ouattara de Bouaké)
  • Koffi N’goran Parfait (Université Alassane Ouattara de Bouaké)
  • N’dri Kouadio Patrice (Université Alassane Ouattara de Bouaké)
  • Bah N. Serges (Université Alassane Ouattara de Bouaké)
  • Houedjessi F. Ghislain (Université Alassane Ouattara de Bouaké)
  • N’guessan Adjoua Pamela (Université Alassane Ouattara de Bouaké)
  • Touré Kitanha Sosthène (Université Alassane Ouattara de Bouaké)
  • Gboko Kobena Severin (Université Alassane Ouattara de Bouaké)
  • Oulai L. Adolphe (Université Alassane Ouattara de Bouaké)
  • Zadi Z. Serges (Université Alassane Ouattara de Bouaké

Places

  • campus 2
    Bouaké, Côte d'Ivoire

Date(s)

  • Saturday, September 30, 2023

Keywords

  • religieux, dérégulation, Afrique, défiance, Etat, laïcité,

Contact(s)

  • Bony Guiblehon
    courriel : deregulationdureligieux2024 [at] gmail [dot] com

Information source

  • Bony Guiblehon
    courriel : deregulationdureligieux2024 [at] gmail [dot] com

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« État et (dé)régulation du religieux en Afrique occidentale et centrale », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, July 20, 2023, https://doi.org/10.58079/1bm6

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