« Le bœuf » et « le gras »
Quarante cinquième congrès de la Société de mythologie française
Published on Wednesday, August 02, 2023
Abstract
Le quarante cinquième congrès annuel de la Société de mythologie française portera sur le bœuf et le gras. Il prend comme sujet d’étude la mythologie, le folklore et les cultures populaires relatives au bœuf et plus largement aux bovins, et subsidiairement au gras, entendu au propre et au figuré, en France et contrées francophones, ou ailleurs à titre comparatif.
Announcement
La Société de mythologie française (SMF)
La Société de Mythologie française (SMF), sous l’impulsion initiale d’Henri Dontenville (La Mythologie française, 1948), étudie depuis 1950 les « dits et récits » (Les Dits et récits de mythologie française, 1950), retranscrits ou parfois réélaborés par la littérature, impliquant les êtres, les lieux, les monuments, les rites et conduites à visée sacrée, et les autres éléments fabuleux trouvés sur les terroirs de la France et dans les mondes voisins, présentant souvent une spécificité, hors de la mythologie dite « classique ».
Son objet est ainsi d’inventorier, étudier et faire connaître la mythologie décelée sous des formes aussi diverses que : récits épiques, chroniques, romans anciens, contes, traditions orales, vies des saints, rites profanes et sacrés, sites et monuments à légendes, géographie ancienne, langues locales, etc., en faisant appel aux enseignements connexes du folklore, de l’hagiographie, de la préhistoire et de l’archéologie, de l’archéoastronomie, de la topographie, de la toponymie, de la linguistique, sans exclure les comparaisons avec l’ensemble du domaine indo-européen.
Aboutissant à une discipline, initialement résumée sous le terme de « mythologie française », cette recherche s’exerce sur ces nombreux champs et au moyen des différents outils habituels à l’ethnologie. Ainsi se soumettent à l’analyse et sont mises au clair la portée, la signification, la valeur symbolique de ces récits, usages, traditions parfois encore vivantes, et souvent en sont reconnues les sources ou filiations.
Ces données et ces résultats que le Bulletin de l’association, Mythologie française, consigne depuis 73 ans, la SMF s’efforce de les cartographier – « cartes mythologiques », « répertoire mytho-géographique », puis un « atlas mythologique » actuellement en cours (traité par département, utilisant le système de classification Aarne-Stith-Thompson) –, de les interpréter et les mettre en juste perspective dans l’ensemble de la pensée mythologique universelle.
Les congrès et sessions de la Société sont pour les chercheurs concernés par ce domaine et de telles voies de compréhension l’occasion de confronter leurs méthodes et de faire part de leurs avancées. Afin aussi de dynamiser et renouveler les travaux, les congrès sont organisés en ciblant une thématique définie.
Argumentaire du congrès
Le congrès 2023 de la SMF invite l’ensemble de la communauté scientifique à une réflexion sur le folklore et les mythes liés aux bovidés et au gras.
Le Bœuf
Le congrès se tiendra à Langon, en Gironde, à proximité de Bazas, cité éponyme d’une race bovine « d’une grande valeur », autrefois de travail, aujourd’hui uniquement élevée pour la viande, une des plus anciennes races du Midi, [qui] existait du temps des Romains et […] les Gaulois en faisaient un grand cas. Dans ses guerres contre les Vasates, César approvisionnait en partie ses troupes avec des bœufs de la contrée, selon un auteur local (Aurore Lamontellerie, « Les Bovins et la mythologie », Bulletin de la Société de Mythologie française, n° 20, Paris, oct.-déc. 1955, pp. 111-122.).
Cette production est glorifiée par diverses manifestations, surtout par la célèbre Promenade des Bœufs gras, « Passejada deus bueus gras de Vasats », le Jeudi gras. La fête de la Saint-Jean de Bazas commémore, également, par une représentation scénique que suivra l’allumage du feu traditionnel, le don du taureau que les bouchers devaient faire à l’évêque selon une décision du roi Édouard Ier, duc d’Aquitaine, à la fin du XIIIe siècle. Ces festivités sont inscrites à l’inventaire du Patrimoine culturel immatériel en France. La Promenade, commençant par la pesée en public, offre le spectacle du défilé des Bœufs couronnés de fleurs, sur un trajet déterminé, accompagnés de chars et de groupes de musiciens, fifres et tambours, les ripatauleras, elle s’achève, après la bénédiction donnée par le clergé devant la cathédrale, par le concours. Le cortège final conduira les animaux vers l’abattoir…
On reconnaît dans ce rituel une fête, mise en œuvre par les confréries de bouchers, existant anciennement en d’autres villes : Bœuf gras, Bœuf villé (promené en ville), Bœuf viellé ou violé (accompagné d’instruments), et liée au carnaval.
Cette tradition pourrait rappeler les taureaux sacrificiels des civilisations de l'Antiquité.
Ces rites rappellent que le bœuf en tant qu'animal mystique est lié au soleil et à l'eau[1], éléments nécessaires à l'agriculture. Il est ainsi associé au cycle de la terre et aux labours. Parallèlement, le taureau donne son nom à une constellation ainsi qu'à un signe du zodiaque ; il est lié aux étoiles.
Par ailleurs, nos expressions orales, notre imaginaire et nos représentations artistiques montrent l'importance des bovins dans notre société et l'évolution de sa symbolique.
À cette occasion, la Société de Mythologie française propose aux chercheurs de porter leur attention, selon son objet tel que rappelé supra, sur les mythes, contes, légendes, rituels ou traditions populaires relatifs au « Bœuf », savoir le champ des Bovins : taureau (sexuellement actif), bœuf (castré) et vache, buffle, bison, voire certains bovidés.
Le Gras
La qualité des Bœufs de Bazas étant d’être « gras », lourds de graisse et de viande consommable, sait-on quelles significations, hors du sens obvie, peuvent courir sous cette richesse, toute matérielle, motif d’une réjouissance carnavalesque débridée, avoisinant l’idolâtrie, et par là cause possible de se détourner de valeurs plus austères : il y a du Veau d’or dans tout Bœuf gras. C’est une occasion trouvée de s’interroger sur la valeur anthropologique du Gras, spécialement d’origine animale (Dossier « Le gras, journée d’étude, 18 nov. 2015 », Ethnozootechnie n° 99, 2015, Toul, Société d’Ethnozootechnie.).
Et de constater son ambivalence. Gras, assurément, c’est doux au palais, moelleux, crémeux, cela passe pour roboratif, garantie d’abondance, et de joie de vivre « car de la panse vient la danse », obligation en carnaval, Jours gras, temps de la viande permise. C’est la fortune métaphorisée : graisser la main, c’est donner quelque argent ; ceux qu’on dit les gras, les gros, sont les opulents, les puissants. Mais, à l’inverse, le gras, c’est aussi le boueux, le crasseux. L’animal gras tous les jours, le cochon, est celui qui fournit le plus de viandes variées en festin de carnaval ; il est en janvier – mois en carnaval, qui est en divers lieux celui de la « Tue-Cochon » – associé populairement, depuis le XVe siècle, à l’ascétique ermite saint Antoine. C’est le Pourceau que Rabelais (Quart Livre, XLI) montre dans un vol glorieux criant son nom « Mardigras ». Or il encourt aussi tous les reproches : saleté, grossièreté, goinfrerie, au point que son nom est devenu le qualificatif le plus péjoratif.
Aspects thématiques
Les auteurs pourraient, entre autres directions, orienter leur regard sur divers aspects :
- Les fêtes bazadaises : on sait qu’il y a un rapport constant entre rite et « mythe » ; à cet égard, les festivités de Bazas induisent-elles une relation avec un concept de transcendance ? Par delà l’évident facteur de prospérité commune qui y est célébré, y a-t-il à s’interroger sur la construction d’une justification historicisante et d’une identité forte, soudant la communauté et nourrissant une « mémoire collective vécue ou imaginée (Natalie Bétry, La patrimonialisation des fêtes, des foires et des marchés classés « sites remarquables du goût » ou la mise en valeur des territoires par les productions locales, Thèse de doctorat de sociologie et anthropologie, Université Lumière-Lyon 2, janv. 2003, résumé in Ruralia, 12/13, 2003.) » ?
- L’originalité, possiblement cultuelle, ou calendaire, de ces fêtes dans l’ensemble demeurant connu des fêtes de Bœuf gras ordinairement dans la dépendance toute profane du carnaval, souvent plus récentes voire d’invention moderne (Bœuf de la Saint-Marcel de Barjols, Bœufs gras de Pâques de Laguiole) ; et peut-être dans l’ensemble des festivités d’animaux processionnés.
- Le possible lien de ces rites avec des origines religieuses antérieures, à caractère sacrificiel ou non (cf. le taureau du suovetaurile).
- Interroger l’immense et complexe dossier du Taureau, du Bœuf et de la Vache dans les grandes religions antiques, celles du bassin méditerranéen notamment (Mésopotamie, Égypte, Grèce et Rome), dans les mythologies celtiques, voire celles des mondes asiatiques.
- Examiner la place faite aux bovins aux plans sacré ou dévotionnel, particulièrement sous l’effort de la christianisation, dans les hagiographies (miracles, révélation de lieux saints), dans les figurations (Tétramorphe, bœufs de Laon), dans le maintien d’une piété populaire envers l’animal.
- L’appropriation anthropologique de la familiarité des bovins et de l’homme dont ils sont le compagnon de travail (transport, labourage, élevage) et le secours nourricier.
- Le marquage ou l’investissement symbolique d’éléments forts du paysage par des dénominations (toponymes) référant aux bovins.
- La projection du bovin et de son univers dans le ciel : Taureau (constellation et signe du zodiaque), Septentrion (« Les Sept bœufs de labour »), Charrue, Bouvier.
- Dans le champ symbolique de l’alimentation, la dialectique de l’exclusion du gras, supposé donneur de force, par le maigre, preuve de pauvreté : chair de mammifère contre chair de poisson (ou de certains oiseaux), dans le renversement de l’inversion : de l’abondance exceptionnelle à l’abstinence prescrite, de Carnaval à Carême, leur vrai combat.
- La faveur du « cochon », la paillardise, dans les réjouissances collectives.
Programme
Mardi 22 août : le bœuf carnavalesque
- 9h15 – Dominique PAUVERT : Du gras et des cornes
- 10h00 – Alain VIAUT : D'un bœuf océanique originel à un bœuf d'abondance carnavalesque, à partir de la littérature orale du Bordelais
10h45 – pause
- 11h00 – Bernard SERGENT : Le Bœuf Gras à Paris.
- 11h40 – Christine ESCARMANT : Les jours maigres entrelardés
Mercredi 23 août : le bœuf "imaginaire" (contes, légendes, mythes) et ses occurrences régionales
- 9h15 – Guillaume LEROY : Le Bœuf secourable et l’arbre aux fruits changeants : d’un conte pyrénéen à un mythe celtique
- 9h50 – Charles VIDEGAIN : Sur le gras : Jaun biro, "Monsieur Biro", "Le Bon Dieu" et le gros boudin (basque et gascon occitan).
- 10h25 – Anne HAMBÜCKEN et Jean-Sébastien POURTAUD : Les bovidés dans les traditions liées aux pierres et aux rochers de la Nouvelle- Aquitaine
11h00 – pause
- 11h15 – Géraldine-Nalini MARGNAC : Le taureau et la danse : affrontements, duels, duos. Étude comparée de mythes et de rites d’Europe et d’Inde du Sud
- 11h50 – Françoise CLIER-COLOMBANI : Métamorphoses fantastiques de bovidés dans les Fables d’Ovide
Jeudi 24 août : autour du thème du bœuf et communications à sujet libre.
- 9h15 – Bernard ROBREAU : Les bovins du chaudron de Gundestrup
- 9h50 – Elia VALLECALLE et Don-Mathieu SANTINI : L’imaginaire de la vache corse, entre marqueurs identitaires et mythologies méditerranéennes
- 10h25 – Jacques BERRUCHON : Bovinés, bovinés amarinés : leurs mythologies croisées avec celles des cétacés et des ours.
11h00 – pause
- 11h15 – Frédéric DUMERCHAT : De quelques processions de Bœufs gras en Poitou et dans les Charentes
Subjects
- Representation (Main category)
- Mind and language > Representation > Cultural history
- Periods > Prehistory and Antiquity > Prehistory
- Mind and language > Thought > Intellectual history
- Mind and language > Religion > Sociology of religion
- Society > Ethnology, anthropology > Cultural anthropology
- Zones and regions > Europe > France
- Society > Ethnology, anthropology > Religious anthropology
Places
- 2 rue des Bruyères
Langon, France (33)
Event attendance modalities
Full on-site event
Date(s)
- Tuesday, August 22, 2023
- Wednesday, August 23, 2023
- Thursday, August 24, 2023
Keywords
- mythologie française, mythe, folklore, taureau, bœuf, vache, bovin, carnaval, gras, porc
Contact(s)
- Michel Secretaire de la SMF
courriel : secretariatsmf [at] orange [dot] fr - Chloé Mme Pinson
courriel : cplegende [at] gmail [dot] com
Reference Urls
Information source
- Jean-Pierre Martin
courriel : congres [dot] smf [at] orange [dot] fr
License
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To cite this announcement
« « Le bœuf » et « le gras » », Conference, symposium, Calenda, Published on Wednesday, August 02, 2023, https://doi.org/10.58079/1bns