De plus en plus de chercheur·ses s’affranchissent des normes de l’écrit scientifique académique pour expérimenter d’autres manières d’écrire leur recherche : formats numériques, formes audiovisuelles, ou encore formes artistiques. Comment ces pratiques s’incorporent-elles à un processus qui va de la construction de l’objet de recherche à sa transmission, en passant par sa légitimation scientifique et sociale ? La MSH Ange-Guépin et le CRENAU (UMR-AAU) s’associent pour poursuivre la réflexion amorcée lors de la première édition de ces journées d’étude, en 2022, en partenariat avec le Ministère de la Culture et le consortium CANEVAS.

Cette année, des projections, des rencontres et des ateliers pratiques seront également proposés. Ayant en effet pour ambition de ne pas se limiter à un recueil d’expériences, ces journées veulent être l’occasion d’interroger les pratiques en vigueur, de poser les débats et d’ouvrir des perspectives, en associant ateliers d’initiation et de formation (destinés aux chercheurs et doctorants), projections de productions issues d’expérimentations transmédias et présentation/débat autour d’un ouvrage.

Argumentaire

Les formes de l’écriture scientifique en Sciences Humaines et Sociales (SHS) sont en apparence assez peu nombreuses et très codifiées, encore dominées par des normes qui sont celles de l’édition scientifique et des formats académiques traditionnels, inscrits dans les normes sociales des disciplines. Pourtant, de plus en plus de chercheur.es semblent s’aventurer sur des "chemins de traverse" en utilisant des supports et formats numériques d’écriture (blogs ou carnets personnels en ligne, comptes de réseaux sociaux, ...), des formes audiovisuelles (documentaire filmé, podcasts, dispositifs de réalité virtuelle...), des formes et formats proches des pratiques artistiques. La création récente de plusieurs réseaux (RUSHS, FRESH, REAS...), festivals, séminaires et salons (FOCUS) consacrés à ces formes d’écritures montrent qu’elles sont de moins en moins marginalisées dans le champ institutionnel et qu’elles tendent à se structurer.

D'autre part, les formes de l'écrit scientifique se sont aussi diversifiées avec le numérique, en proposant de nouveaux espaces, en invitant à créer de nouvelles formes d’expression : depuis quelques années, les chercheur.es investissent les médias sociaux, ouvrent des sites personnels, mettent à disposition des données de recherche au sein de dispositifs permettant de les structurer et de les éditorialiser. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’on a vu s’imposer peu à peu en français le mot « dissémination » dans son acception anglaise : disséminer, c’est diffuser, « for propagation and permanence » (dictionary.education/english/dictionary/dissemination, 2021), auprès d’une grande variété de publics et sous des formes plus ou moins contraintes. Disséminer, c’est diversifier ses cibles, audiences, ses formes d’écriture, ses supports, mais aussi ses « contenus » - ne serait-ce que parce que les récentes politiques en faveur de la science ouverte, en encourageant la mise à disposition des données et des codes-sources, ont contribué à redéfinir les contours de ce que peut être une publication scientifique, et à (re)poser la question de ses destinataires.

La deuxième édition de ces journées consacrées aux écritures alternatives de la recherche en sciences humaines et sociales, co-organisée par la Maison des Sciences de l'Homme Ange-Guépin et le laboratoire AAU-CRENAU, sera l’occasion d’approfondir la réflexion amorcée lors de l’édition 2022 sur ce que ces pratiques font à la recherche dont elles sont l’un des chemins possibles : loin de ne constituer qu’une forme de valorisation des résultats scientifiques, elles font en effet partie intégrante d’un processus qui va de la construction de l’objet de la recherche à sa transmission, en passant par sa légitimation scientifique et sociale. Si elles ne supplantent pas les écrits scientifiques traditionnels, elles s'imposent à leurs côtés en transformant parfois profondément et l'élaboration de l’objet, et son approche. Comme dans l'édition précédente, ces journées proposeront de faire dialoguer plusieurs expériences et initiatives de chercheu.r.se.s et doctorant.e.s qui choisissent les écritures "alternatives" de la recherche, et se demanderont quelle place ces pratiques et ce qu’elles induisent - décentrement, collaboration, transposition, modification du rapport au terrain ou au corpus... - tiennent dans leur démarche de chercheur.es. Elles interrogeront la place du sensible dans la recherche, ses apports heuristiques et épistémologiques. Enfin, elles poursuivront les échanges amorcés sur les enjeux académiques de ces pratiques et leurs modes d’évaluation.

Programme des journées d’étude

Lundi 13 novembre, Ensa Nantes 

9h : Accueil café/ Introduction des journées par le Comité d'organisation (J. Aucagne, L. Bizien, V. Cohoner)

9h30/12 h : Recherche et création : la place du sensible

• Retour réflexif sur 10 ans de pratiques : Enjeux, modalités et perspectives en écritures alternatives - Pascale Hancart-Petitet (TransVIHMI - Université de Montpellier, IRD, INSERM) (à distance) 

• Traduire la création à travers un podcast de recherche intimiste -Agatha Mohring et Ludivine Bouton-Kelly (3.LAM – Université d’Angers)

• Réalisation filmique ou la recherche en train de se faire -Corinne Fortier (CNRS-LAS, Collège de France-EHESS-Universités PSL) (à distance)

• Table ronde : être artiste et chercheur - créateur,co-animée par Pierrick Lefranc et Dominique Sagot-Duvauroux, avec
  •  Anne-Cécile Hoyez (UMR ESO – CNRS - Université Rennes 2)
  • Nicolas Lainez (IRD, UMR CESSMA- CNRS)
  • Bertrand Réau (CNAM, UMR LISE- CNRS)

Pendant la pause (12h - 13h20), diffusion dans Coraulis (Centre d'Observation en Réalité Augmentée et Lieu d'Immersion Sonore) du podcast Chuchoter le soin (Audrey Brugnoli  et Pierre Jarlan, SACRe, EnsadLab/ENS, Université PSL)

13h20 : Présentation du réseau TRAS - Transversale des réseaux Arts Sciences par Nathalie Bargetzi, coordinatrice du réseau (à distance)

Interactions et collaborations (13H30-16h00)

Séance présidée par François Vignale

• De la petite mécanique dans une région brésilienne sous influence de l’agrobusiness : présentation d’une pratique de recherche multimédia -Alberto Preci (UMR CREDA), Marie Chenet(UMR LGP, Paris 1 Panthéon-Sorbonne), Pierre Gautreau (UMR PRODIG, Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et Ève Anne Bühler (Nuclamb, Universidade Federal do Rio de Janeiro) 

• Transformer sa thèse en jeu vidéo : pratiques d’écriture et limites d’une entreprise de vulgarisation scientifique -Gwenaëlle Deborde (UMR Orient et Méditerranée, Sorbonne Université)

• Essais vidéo et recherche collaborative -Ariane Hudelet(UMR LARCA, Université Paris Cité) - 

• Table ronde : interactions et collaborations,animée par Lucinda Groueff, avec

  • Claire Beauparlant (Socio-vidéaste, Diplômée en architecture)
  • Alexandra Clavé-Mercier (UMR CITERES, Université de Tours – UMR ESO, Université d’Angers)
  • Bettina Horsch (ENSA Nantes, UMR AAU - CNRS/UGA/ENSA Nantes/ENSA Grenoble/Centrale Nantes)
  • Pauline Ouvrard (ENSA Nantes, UMR AAU - CNRS/UGA/ENSA Nantes/ENSA Grenoble/Centrale Nantes)
  • Sylvie Bredeloup (IRD, UMR LPED/Aix-Marseille Université)

Conclusion de la journée (16h00-16h30) Évaluer les productions alternatives de la recherche -Lionel Obadia (LARHA, Université Lumière Lyon 2)

Soirée (17h00 - 18h00) Rencontre auteur-chercheur autour de l’ouvrage Le Jus des mangues (éd. Vertébrale, 2022) de Camille Ollier (ENS Lyon), animée par Roméo Bondon (ENS Lyon) (à distance) – Salle de réunion du CRENAU

Mardi 14 novembre, MSH AG (amphi Simone Weil + salles A et B)

9h00 - Allocution par Myriam Servière (Directrice de l'AAU-CRENAU) et Frédéric Le Blay (Directeur de la MSH Ange-Guépin)

Dessin et BD dans la recherche (9h30-10h45)

Séance présidée par Théa Manola

• Un tournant ethno-graphique ? Ce que fait BD aux sciences sociales et vice-versa - Thomas Alam (CERAPS, Université de Lille) et Nicolas Bué (CERAPS, Université d’Artois) 

• Table rondeanimée par Théa Manola, avec

  • Malou Allagnat (Institut de géoarchitecture, UBO)
  • Emma Kadraoui (ARTES, Université Bordeaux Montaigne)
  • Milena Koutani (ENSA Normandie, ATE)

Formes et formats : pour quels enjeux ? (1^ère partie) (11h-12h30)

• Hacking protocols. La littératie, de la maîtrise au détournement -Servanne Monjour (CELLF - Sorbonne Université) et Nicolas Sauret (Paragraphe – Université Paris 8) -

• Redonner la parole aux chercheur.e.s : capsule vidéo et publication scientifique -Sarah Rakotoary (CIMEOS – Université de Bourgogne)  

• Le « GoPro Gaze » pour écrire les corps -Florie Brestaux (Faculté des sciences de la société -Université de Genève) 

Formes et formats : pour quels enjeux ? (2^ème partie) (14h00- 15h30)

• L’exposition : de l’outil de diffusion à la technologie intellectuelle -Camille Béguin (SIC.Lab Méditerranée - Université Côte d’Azur) -

• Représenter un “Sud" depuis un “Nord" Approches post- et décoloniales des enjeux éthiques et esthétiques de la représentation -Ada Kerserho (CESSMA, Université Paris Cité) 

• Pratiques féministes et queers en SHS : politiques passées et présentes de l'écriture du savoir -Chloé Tardivel (Ecole Française de Rome) et Julie Abbou (Université de Turin)

Autour du film de recherche (15h45-18H00)

Séance présidée par Christian Dury

• Projection commentée de Savoirs sur le bout des doigts. Récits et figures de ficelle - Céline Petit (SPHERE, Univ. Paris Cité / MSH-AG, Nantes Université) et Eric Vandendriessche (UMR CREDO, CNRS & Aix-Marseille Université )  

• Table ronde : Collaborations et/ou coopérations au service de film documentaire de recherche en SHS, animée par Camille Martin, avec :

  • Valérie Billaudeau (UMR ESO – Université d’Angers)
  • Manuel Rougé (Technicien audiovisuel-montage & conseils – Université d’Angers)
  • Romaric Benoît (Technicien audiovisuel-son – Université d’Angers)

Projection de Méandres ou la rivière inventée, co-réalisé par Marie Lusson (INRAE, UMR G-EAU) et Emilien de Bortoli, artiste (Film co-produit par INRAE et PY production, 2023, 73’), suivi d'un temps d'échange avec la réalisatrice

Programme des ateliers pratiques

Ces 4 ateliers auront lieu en présentiel uniquement :

Mardi 14 novembre (en parallèle des journées d'étude)

Atelier 1 - Recherche en Histoire et Game Design. Renouveler les écritures académiques pour renouveler les publics 

(9h30-12h30, MSH Ange-Guépin, salle B)

par l’équipe du programme Fil_IAM (ANR, JCJC 2020-2024 - https://filiam.hypotheses.org/)

• Carole Avignon (directrice du programme, UMR TEMOS, Université d’Angers)

• William Brou (animateur d’Histoire en jeux et professeur d’histoire-géographie - académie de Clermont-Ferrand)

• Raphaël Carbonne (Université de Cergy-Pontoise)

• Gwenaëlle Deborde (UMR Orient et Méditerranée, Sorbonne Université )

• Marie-Lise Fieyre (ICT, Université Paris Cité et professeure d’histoire-géographie - académie de Clermont-Ferrand)

L’atelier s’adresse aux chercheurs, enseignants-chercheurs, doctorants, docteurs, enseignants du secondaire. Il présentera plusieurs séquences complémentaires :

 [1] Comment le programme de recherche en histoire médiévale Fil_IAM entend se saisir des opportunités de dissémination du savoir académique portées par le game design pour répondre à son cahier des charges de valorisation extra- académique à fins de démonstration de la pertinence de l’expertise médiévistique dans des débats ou des réflexions sociétales contemporaines. Animation : membres du projet Fil_IAM (Carole Avignon, Marie-Lise Fieyre)

[2] Intervention de William Brou, animateur de la chaîne « Histoire En Jeux » (https://www.youtube.com/c/histoireenjeux) qui interroge la place et le traitement de l'Histoire dans les jeux vidéos, professeur d’histoire-géographie, formateur dans l’Académie de Clermont-Ferrand, membre du GT-Num : il assurera une première montée en compétences des participants de l’atelier : typologie des jeux, enjeux de « playability », etc.

[3] Retours d’expérience des Game Jam des Rendez-vous de l’Histoire de Blois (sessions 2022 et 2023). Ils permettront de donner la parole à des doctorants qui ont traduit certains objets de leur recherche en prototypes de jeux, voire ont obtenu les financements nécessaires à la mise en production (interventions de Gwenaëlle Deborde).

Les séquences [2] et [3] intégreront des manipulations de jeux.

[4] Une séquence d’itération sera également proposée aux participants pour qu’ils esquissent un prototype-papier pour traduire leur recherche en jeu.

[5] Perspectives de recherche pour Fil_IAM à partir du recueil des expériences des participants.

Réflexions sur les choix en cours :

- Quelle trame de recherche privilégier au regard des contraintes techniques du jeu ?

- Quels niveaux de difficulté au regard du public prioritairement ciblé ?

- Quelles stratégies de mise en écriture à mettre en oeuvre :

• • pour partager les savoirs mobilisés dans le projet de recherche, dans une optique d’approche participative et de partage de savoirs (suggestion :co-construire le jeu avec le public cible, par exemple) ;
  • pour construire la narration du jeu et optimiser l’expérience de jeu
  • pour enrichir le jeu de supports documentaires complémentaires

Atelier 2 - Stratégies de recherches collaboratives autour de corpus audiovisuels en SHS 

(13h30-16h30, MSH Ange-Guépin, salle B)

par Laurent Tessier (ICP, directeur du Consortium Huma-Num CANEVAS - Consortium pour l’ANnotation, l’analyse Et l’archive de la Vidéo appliquées aux Activités Scientifiques -https://canevas.hypotheses.org/ )

 Le traitement de corpus audiovisuels constitue aujourd'hui un enjeu fondamental pour les Sciences Humaines et Sociales. Cet atelier prendra appui sur un livre blanc produit par les membres du consortium CANEVAS présentant sept outils libres et fonctionnels répondant à cet enjeu. Il permettra également aux participants d’expérimenter Celluloid, un outil permettant d'annoter des vidéos de manière collaborative et de partager ces annotations ainsi qu'une solution d'hébergement pouvant lui être associé : PeerTube.

Mercredi 15 novembre (9h-12h30)

Atelier 3 : Filmer et monter avec un smartphone (salle A)

par Christian Dury (CNRS - Co-responsable du Pôle Image Animée et Audio (PI2A) de la MSH-LSE)

« Oubliez le téléphone et Candy Crush Saga de votre smartphone, basculez dans le doux monde de la mobilité vidéo » : cet atelier est consacrée à la création vidéo avec un smartphone. Cette approche aborde le smartphone comme un outil de prise de vue et de prise de son. Quels sont les intérêts et les utilisations possibles avec un smartphone en mode vidéo ? Comment s’équiper ?

La formation se structure en deux parties. D’une part une approche théorique et d’autre part une approche technique sur le matériel et les applications nécessaires. Une mise en application est réalisée pendant la formation via la réalisation de capsules vidéo.https://www.canal-u.tv/chaines/rushs/rushs-hour-saison-3-2022-2023/rushs-hour-19-tournage-et-montage-avec-un-smartphone

Atelier 4 : Initiation au théâtre-forum (salle B)

par Philippe Hert (Centre Norbert Elias, EHESS-CNRS-AMU-UA - https://centrenorbertelias.cnrs.fr/equipes-de-recherche/chercheurs/philippe-hert/)

Philippe Hert vous invite à l’expérimentation d’un dispositifs incarné et sensible, artistique et créatifs, pour réfléchir sur et produire de la recherche en sciences sociales et humaines.Il s’agit d’explorer le dispositif du théâtre forum qui, contrairement aux « focus groups », permet à un groupe hétérogène d’expérimenter dans son corps des situations sociales d’injustice ou d’oppression, de mettre en partage les émotions et les positionnements des participant.e.s, de chercher ensemble d’autres récits et actions possibles, et enfin de re-jouer ces alternatives et d’en saisir les effets. Le dispositif déplace la posture du chercheur car s’engage dans les scènes. L’atelier débutera par une explication de la démarche, de son application dans la recherche- action, d’un exemple, puis d’une mise en corps par plusieurs exercices utilisés en théâtre forum pour créer un lien entre participants, pour se concentrer sur ses sensations, pour arriver à être disponible et en confiance pour le jeu. Suivra une séquence de construction d’une scène en petits groupes. La scène sera jouée devant le public présent, qui pourra réagir, discuter et proposer des alternatives, les jouer avec les participants déjà sur scène. Une discussion sera proposée en clôture sur l’expérience qui a été vécue.

Modalités de participation

Inscription obligatoire via sciencesconf.

Les ateliers auront lieu en présentiel uniquement.