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Habitat : les micros-espaces de la santé

Revue « Géographie et cultures » 2024

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Published on Friday, October 27, 2023

Abstract

Le confinement lié à la crise du Covid-19 a particulièrement interrogé les cadres géographiques de l’habiter. L'hypothèse d’une nouvelle demande pour un « habitat plus sain » est certainement en train d'émerger. ce numéro s’intéresse aux phénomènes d’émergence des questions de santé dans l’habitat en faisant l’hypothèse que ceci permettrait d’enrichir et mieux saisir des préoccupations liées à la qualité des logements et espaces de vies. On pourra s’interroger ainsi sur la capacité des habitants à se saisir des questions de santé dans l’habitat et celle des professionnels et experts à considérer l’habitat comme la bonne échelle d’intervention. Dans cette perspective, on privilégiera des approches pluridisciplinaires ainsi que la dimension comparative et internationale.

Announcement

Appel de textes pour un numéro thématique de la revue Géographie et cultures sous la direction de Yankel Fijalkow et Yaneira Wilson (CRH LAVUE - UMR CNRS 7218)

Argumentaire

L’habiter ne concerne pas seulement le logis (Tapie, 2014). Il met en jeu un territoire, l’environnement avec ses aménités et ses nuisances et s’inscrit dans un ensemble de distances, perçues, voulues et créées, sans lesquelles les notions de limites et d’échelles seraient inconsistantes. Il s’intéresse, en fait, autant au logement qu’à ses prolongements à l’échelle de l’immeuble, du quartier, du milieu de vie. Il est fait de pratiques quotidiennes, de routines, d’échanges et d’interactions (Staszak, 2001).

Le confinement lié à la crise du Covid19 a particulièrement interrogé les cadres géographiques de l’habiter conduisant à des observations sur de nouveaux modes de distanciation alors que l’on faisait l’hypothèse d’un exode urbain et de la requalification de la maison individuelle, qui ne s’est pas vraiment réalisée (Bléhaut et al., 2022). Pour autant, ils correspondent à des signaux faibles de transformations sociales déjà en cours (Burgel, 2021) comme le développement du télétravail, la livraison alimentaire à domicile, l’usage expansif des plateformes de séries et de films sur internet, les réunions sur zoom, etc. Les conséquences géographiques de cette période de confinement – qu’il s’agisse de la création de nouveaux espaces de bureaux dans les logements pour le travail à distance, de la transformation des rythmes de déplacement et leur ampleur, de la considération à l’égard des espaces publics et communs est considérable (IPSOS Baromètre Qualitel 2023[1]).

Pour comprendre ces phénomènes émergents, on émet l’hypothèse qu’une nouvelle demande pour un habitat plus sain est certainement en train d’émerger. C’est en effet l’exigence sanitaire qui a permis aux hygiénistes du XIXe siècle d’imposer l’air et la lumière à l’urbanisme et l’architecture moderne (Fijalkow, 2021). Quels seraient les critères aujourd’hui ? Si l’on admet que la santé correspond, comme l’affirme l’OMS dans sa constitution de 1946 à « un état complet de bien-être physique et mental  », les nouveaux critères de l’habiter après la crise du Covid s’inscrivent dans une volonté de prendre soin de soi et des siens.

Ceux-ci ne nous semblent pas pouvoir être appréhendés par la géographie de la santé classique qui opère souvent à partir de découpages préétablis des traitements statistiques complexes. En termes de stratégie de recherche, l’objectif de ce numéro n’est pas d’identifier des complexes pathogènes (Picheral, 2001  ; Sorre, 1933), des phénomènes de diffusion épidémiques et des corrélations témoignant des inégalités sociales de santé (Leclerc et al., 2010) (Leclerc et al 2000). Il veut plutôt alimenter le spectre des recherches en géographie de la santé (Fleuret et al., 2022) en intégrant la dimension matérielle de l’espace (l’architecture, l’espace domestique, le quartier vécu...) et en se penchant sur les pratiques des populations et des experts, les dispositifs de construction et de planification et les stratégies individuelles et collectives pour préserver la santé).

Ce numéro de Géographies et Cultures veut donc s’attacher à d’autres questionnements et méthodes de spatialisation de la santé, en privilégiant les micros-espaces et des pratiques plus ou moins saisissables par l’observation et l’entretien dans l’espace habité. Ceux-ci seront approchés à travers trois axes de questionnements sur lesquels des contributions sont attendues.

  • La santé convoque, dans l’habitat, les rapports au corps, aux sens et aux sensations. Le bruit et le froid, qui renvoient à des dispositifs techniques d’isolation phonique et thermique, sont d’abord des ressentis éprouvés, énoncés et s’inscrivant dans des pratiques, par exemple l’usage des systèmes d’aération, de chauffages d’appoint et de rafraîchissement de l’air. La qualité de l’air ne se mesure pas seulement par des instruments techniques, mais renvoie à la coexistence des habitants et des activités (Brisepierre et al., 2014). La santé dans l’habitat se matérialise par des « espaces enjeux  » dans une architecture intime. Elle invite à une géographie du corps qui évite de «  se cogner en circulant dans son appartement  » (Perec, 2022) et pour lequel la fenêtre ou le balcon sont des espaces de régénération. Cette géographie peut s’attacher à la chambre, au bureau, mais aussi au couloir et aux parties communes, sans oublier bien sûr l’immeuble, l’îlot et le quartier (Lévy, 2017). Elle peut s’intéresser à la manière dont la santé, en cas d’épidémie, mais aussi face aux nuisibles (punaises de lit), traverse les espaces voire les emboîte, de l’ascenseur à l’appartement, remontant par les gaines de chauffage ou d’aération (Grant, 2020). Enfin, elle prête attention au «  stress résidentiel  » (Fijalkow & Wilson, 2023a) des résidents confrontés à des problèmes de densité, de rangement, de bruit et de pollution, ainsi qu’à des affections mentales et respiratoires, qui peut prendre la forme d’une fuite, d’une protestation ou d’une adaptation (Hirschman, 1970).

  • La santé dans l’habitat invite à s’intéresser aussi à la prévention. Car si la notion de «  milieu pathogène  » (Sorre, 1933) a été un réel progrès dans l’approche de la géographie de la santé, il est aussi pertinent de se pencher sur la construction sociale des savoirs sanitaires. À cet égard, il serait pertinent de s’intéresser aux épidémiologies populaires qui conduisent des habitants à prêter aux qualités (ou défauts) de l’habitat des vertus (ou des facteurs négatifs). Il serait intéressant d’interroger l’expertise habitante (Deboulet & Nez, 2019) et leur niveau de littératie de la santé dans l’habitat, c’est-à-dire la mise en relation de leur système de symptômes personnels avec les caractéristiques de leurs lieux de vie (Fijalkow & Wilson, 2023 b) et des habitudes (aérer vingt minutes le matin, se soucier des plantes allergiques et sécher son linge dans un espace adéquat)... Il serait possible de les confronter à des discours experts, de médecins, d’architectes, d’urbanistes, que des lieux de confrontation existent ou non (Barthe et al., 2014).

  • Un troisième axe de réflexion pourrait porter sur les politiques de l’habitat favorable à la santé que soutiennent certaines villes et certains constructeurs, à destination de certaines populations (personnes âgées ou à mobilité réduite notamment, mais aussi sans domicile fixe). Il peut s’agir de la santé physique, mais aussi de la santé mentale, conduisant à des dispositifs originaux de traitement des équipements de quartier ou d’habitation (intégration des espaces verts traitement du bruit par exemple). Il peut s’agir de la mobilisation d’instruments traditionnels du type SCOT, de plans sanitaires locaux, d’outils mis en place par les acteurs de l’immobilier. Dans ce cadre, on pourrait s’interroger sur la manière dont ces politiques sont mises en œuvre, leurs critères d’action, les types d’acteurs qui les portent, leurs valeurs et leurs intérêts. Qu’il s’agisse de promouvoir la santé communautaire et participative ou d’autres formes de gouvernance, nous souhaitons surtout comprendre comment la dimension individuelle de la santé peut être dépassée pour être appréhendée comme un problème public d’habitat et d’environnement.

Finalement, ce numéro s’intéresse aux phénomènes d’émergence des questions de santé dans l’habitat en faisant l’hypothèse que ceci permettrait d’enrichir et mieux saisir des préoccupations liées à la qualité des logements et espaces de vies. On pourra s’interroger ainsi sur la capacité des habitants à se saisir des questions de santé dans l’habitat et celle des professionnels et experts à considérer l’habitat comme la bonne échelle d’intervention. Dans cette perspective, on privilégiera des approches pluridisciplinaires ainsi que la dimension comparative et internationale.

[1] Voir enquête IPSOS Qualitel 2023, commenté par Yankel Fijalkow dans le livret du baromètre qualitel 2023. Lien https://www.hqegbc.org/events/7eme-edition-du-barometre-qualitel/

Modalités de soumission et d’évaluation

Les articles (entre 35 000 et 50 000 signes maximum, résumés, illustrations et bibliographie inclus) sont à soumettre à la rédaction de la revue Géographie et cultures (gc@openedition.org)

au plus tard le 19 février 2024.

Les instructions aux auteur·e·s sont disponibles en ligne : http://gc.revues.org/605

Les articles seront évalués en double aveugle.

Cet appel à contributions propose d’explorer diverses géographies et accepte les contributions en anglais et en espagnol.

Coordination scientifique

  • Yankel Fijalkow (CRH LAVUE - UMR CNRS 7218)
  • Yaneira Wilson (CRH LAVUE - UMR CNRS 7218)

Références

Barthe, Y., Callon, M., & Lascoumes, P. (2014). Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique. Le Seuil.

Bléhaut, M., Coulondre, A., & Juillard, C. (2022). Un exode urbain post-covid  ?

Brisepierre, G., Grandclément, C., & Renauld, V. (2014). L’impensé des usages. M3 Société urbaine et action publique, 7, 66‑70.

Burgel, G. (2021). Ville et Covid. Un mariage de raisons. Karthala.

Deboulet, A., & Nez, H. (2019). Savoirs citoyens et démocratie urbaine. Presses universitaires de Rennes.

Fijalkow, Y. (2021). Récits de la ville malade. Essai de sociologie urbaine. Créaphis éditions.

Fijalkow, Y., & Wilson, Y. (2023a). Health literacy  : Another way of measuring housing quality.

Fijalkow, Y., & Wilson, Y. (2023b). Logement : Un enjeu de santé publique. https://theconversation.com/logement-un-enjeu-de-sante-publique-207041

Fleuret, S., Hellequin, A. P., Lucas-Gabrielli, V., & Rican, S. (2022). Géographie de la santé en France, regards rétrospectifs et actuels. In Fragments de Géo (p. 17‑26). Presses universitaires de Vincennes.

Grant, J. L. (2020). Pandemic challenges to planning prescriptions : How Covid-19 is changing the ways we think about planning. Planning Theory & Practice, 21(5), 659‑667.

Hirschman, A. O. (1970). Exit, voice, and loyalty : Responses to decline in firms, organizations, and states (Vol. 25). Harvard university press.

Leclerc, A., Fassin, D., Grandjean, H., Kaminski, M., & Lang, T. (2010). Les inégalités sociales de santé. La découverte.

Lévy, J.-P. (2017). Transition écologique et transition énergétique urbaines. Questions autour de l’intrdisciplinarité et de la modélisation. Le génie urbain revisité. Innovations/Expérimentations, 25‑32.

Perec, G. (2022). Espèces d’espaces. Seuil.

Picheral, H. (2001). Dictionnaire raisonné de géographie de la santé. (No Title).

Sorre, M. (1933). Complexes pathogènes et géographie médicale. 42 (235), 1‑18.

Staszak, J.-F. (2001). L’espace domestique : Pour une géographie de l’intérieur//For an insider’s geography of domestic space. 110(620), 339‑363.

Tapie, G. (2014). Sociologie de l’habitat contemporain. Vivre l’architecture. Parenthèses (collection Eupalinos/A+ U.


Date(s)

  • Monday, February 19, 2024

Keywords

  • habitat, santé, logement, spatialisation de la santé, micro-espace, corps, lieu de vie

Contact(s)

  • Emmanuelle Dedenon
    courriel : emmanuelle [dot] dedenon [at] cnrs [dot] fr

Information source

  • Emmanuelle Dedenon
    courriel : emmanuelle [dot] dedenon [at] cnrs [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Habitat : les micros-espaces de la santé », Call for papers, Calenda, Published on Friday, October 27, 2023, https://doi.org/10.58079/1c1s

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