Argumentaire
L'ambition de ce numéro est de penser, à la lumière de matériaux empiriques, la manière dont, en fonction de contextes sociaux spécifiques, un être vivant ou à-venir devient absent, se transforme socialement en « not to be someone » et les effets concrets de cette condition et de ce passage, qu’il soit le produit de violences et de rapports de force ou d’une trajectoire de vie, sur leur environnement personnel et plus large, social et politique. L’objectif est aussi de faire émerger les moyens théoriques de penser plus avant et de discuter les notions d’absent et de non-personne qui ne se laissent pas enfermer dans une opposition binaire et réductrice absent/présent, non-personne/personne, visible/non visible, vivant/non vivant. Il s’agit ainsi de créer une connaissance concrète des configurations multiples qui dessinent le vécu de la condition d’absent.e que le droit reflète partiellement, à la fois comme phénomène individuel et comme phénomène collectif.
L’absence, davantage que la condition ou le statut d’être absent, est une thématique qui traverse les sciences humaines et sociales. La philosophie l’a abordée, y compris à travers des analyses relevant de la théologie négative ou d’une approche qualifiant l’absence à travers tout ce qui n’est pas présence et ne peut être connecté au présent via une forme matérielle, visible (Law, 2004). En posant la question de l’absence, ces analyses ont porté sur la trace (Derrida, 1967), le rapport à l’autre (Levinas, 1968), y compris et en particulier l’autre dans le soi, à l’identité, à la mort comme structurant le présent vivant, et ont nourri une phénoménologie de la temporalité et de sa perception. D’autres travaux ont débattu la portée de cette perspective phénoménologique autour de la relation homme-monde et de la conception duelle présence et absence, vie et mort (Dastur, 2007). Ils ont appelé à mettre l’accent sur la dimension relationnelle et processuelle entre deux entités différentes, l’absence de présence et la présence de l’absence. Ils se sont également intéressés aux formes spectrales et aux hantises qui dessinent une variété de pratiques à la fois extraordinaires et banales et s’enracinent dans les expériences et leurs dimensions émotionnelles, corporelles et pratiques.
D’autres disciplines telles que l’histoire, la sociologie, les sciences politiques ou encore l’anthropologie, se sont également intéressées à l’absence souvent via des thématiques connexes. Elles ont envisagé l’absence d’une part à travers la mémoire, les formes de mémorialisation liées en particulier au deuil, à la perte, au traumatisme et, dans la « lignée » de ce dernier, à la nostalgie, à la mélancolie (Navaro-Yashin, 2009) ou aux formes de mise en visibilité des traces, y compris fantomatiques (Sturken, 2004 ; Rousillon, 2012 ; Gordon, 2008 ; Delaplace, 2008) de ce qui n’est pas ou plus visible. D’autre part et a contrario, elles ont abordé l'absence à travers non pas le souvenir et les expressions visibles qui la « rendent » présente, mais à travers tout ce qui participe à renforcer l’invisibilité et l’effacement telles que les formes d’exclusion, de marginalisation et de silence.
Qu’il s’agisse de l’approche par la mémoire ou de l’approche par l’effacement et l’exclusion, nombre de travaux ont abordé l’absence comme phénomène collectif et individuel à partir des cas spécifiques des violences physiques et symboliques exercées à l’encontre de populations particulières dans le cas de conflits civils ou internationaux, de violences d’état ou d’actes terroristes. À travers cette focale, ils ont appréhendé l’absence sous l’angle de la spatialité – explorant sa géographie (Davidson, Bondi and Smith, 2005) ou ses espaces narratifs propres (Kirshenblatt-Gimblett, 2015) –, de la matérialité – y compris celle des archives et des documents qui permettent de documenter et de prouver l’existence de celles et ceux qui ont disparu dans le cadre de crimes d’état (García Castro, 2002). Ils ont aussi questionné ses formes spécifiques d’agency, et notamment comment la matérialité de certains objets, lieux permet de créer des liens spécifiques avec ce(ux) qui n’est/ne sont plus présent(s), même sans aucune connexion personnelle ou vécue avec ces derniers (Meyer and Woodthorpe, 2008).
Cette dernière approche envisage généralement l’absence comme un objet du politique ou de manière plus large comme la marque de rapports de pouvoir couvrant des degrés variables d’absence – allant de la disparition irrémédiable due à l’extermination de masse ou au meurtre ciblé et individualisé, à l’absence par disparition d’une présence corporelle ou encore par une présence minorée et marginalisée au sein d’un ensemble social. Certains travaux se sont penchés sur la force des formes institutionnalisées et symboliques, commémoratives et discursives, y compris au sein des recherches scientifiques, de la production de l’absence. Ainsi, M.-R. Trouillot insiste sur les opérations matérielles et physiques successives qui encadrent l’écriture de l’histoire (Trouillot, 1995) et la façon dont elle crée l’absence par la production concomitante de traces et de silences, rendant certains récits possibles et d'autres impossibles, valorisant certains artefacts et mettant de côté ou invisibilisant d’autres. On retrouve cette problématique dans les travaux sur les patrimoines nationaux ou locaux et les formes officielles de représentation du passé et la manière dont ils marginalisent, passent sous silence, effacent certaines populations ou catégories de sujets (les minorités, les femmes…). D’autres travaux se sont davantage centrés sur les pratiques et les différentes formes d’actions qui produisent de l’absence, en considérant en particulier la question des génocides et des déplacements massifs de populations, où des espaces sociaux se voient expurgés d’une partie de leurs habitants, de leurs biens matériels, de leurs cultures, des pratiques et des langues (Benvenisti, 2002 ; Wylegala, 2015). Ces analyses mettent également l’accent sur l’espace et la matérialité, sur les fragments, les ruines (Stoler, 2008), les « postsigns of memory » qui constituent les marques d’une absence manifeste et viendraient symboliser les individus et les groupes qui ne sont plus là et/ou ne sont plus visibles.Paradoxalement, cet intérêt particulier pour les violences et les mouvements dépopulationnels questionne les effets de l’absence d’un autre qui prend le plus souvent les traits du vaincu – tantôt ennemi, tantôt traître, civil diminué, « animal » à exterminer … – avec lequel précisément on ne veut plus vivre ensemble (Baussant, 2019). Dès lors l’absence reste associée à une action volontaire de « faire disparaître », d’invisibiliser, d’effacer définitivement toute trace de la présence d’un autre/des autres. Cet « effacement » peut se produire aussi, paradoxalement, à travers la réappropriation, ou la mise en valeur symboliquement ambiguë du patrimoine culturel de ces derniers, comme forme de relégation de leur existence à un passé lointain, ou sous les traits d’une variante culturelle subalterne sans substance propre qu’on commémore en l’absence précisément des acteurs concernés encore vivants ou de leurs éventuels descendants (Baussant, 2021).
Le plus souvent, l’absence est associée à des formes d’incapacité pour ceux encore présents de l’exprimer: « to name what has been lost because the “who” who has been lost (persons from the community of the so-called “enemy”, external or internal) cannot be officially known, named, recognized, or grieved over » (Navaro-Yashin, 2009, p. 16). Certaines analyses pointent aussi le paradoxe selon lequel les efforts politiques et culturels pour faire taire la mémoire des autres résultent d’une mobilisation conséquente et condamnent finalement les gens « à se souvenir et à se souvenir, et à se souvenir » (Confino, 2015). Mais pas seulement : cette fixation du souvenir conduirait à un réagencement de leur définition de soi et du temps en fonction de ceux qui ne sont pas/plus là mais qui peuvent toujours redevenir présents – sous une forme « réelle » ou fantomatique.
Comme le souligne D. Roazen-Heller (2021), être absent peut renvoyer à plusieurs significations : être séparé des autres, ne pas être représenté comme membre du groupe auquel on s’identifie pourtant, être légalement considéré comme disparu de son lieu de résidence ou avoir disparu sans reconnaissance officielle. Il relie cette condition d’absent à une catégorie, celle de « non personne » sociale, définie de manière plus ou moins floue et par la négative dans sa préface avant d’être discutée plus avant dans son ouvrage, comme autant de manières de « not to be someone ». En s’appuyant en particulier sur l’histoire et sur le droit dans différentes sociétés, qui catégorisent l’absence et la présence, il développe une réflexion théorique sur les formes variées de dépossession qui accompagnent cette condition d’absentee dont la durée peut varier dans le temps – d’une saison à plusieurs générations. Il souligne la multitude d’individus auxquels elle s’applique de fait, ce qui rend son analyse et sa portée générale d’autant plus compliquées : les personnes disparues, personnes devenues des « non personnes » dans leurs sociétés de départ et dont la présence corporelle n’est plus visible, de manière souvent inexpliquée (ceux dont ni la présence ni l’absence n’est attestée) ; les individus physiquement présents dans les sociétés mais dont les droits et prérogatives sont réduits, les « silencieux » de l’histoire et les « outsiders » (ceux dont la personnalité juridique, sociale ou morale a été diminuée) ; les morts, les personnes qui cessent d'être quelqu'un, sans pour autant devenir une chose ordinaire (2021, p. 1-2) et restent vivants d’une certaine manière.
Nombre de travaux en sciences humaines et sociales ont abordé ces trois catégories définies par D. Roazen-Heller et qui n’épuisent sans doute pas toutes les configurations de la condition d’absent. Ils n’ont cependant pas toujours ni développé leur approche vers une analyse spécifique autour de la condition d’absent.e, ni travaillé à une montée en généralité pour mieux comprendre cette « multitude » qui vit avec les « présents » . L’accent souvent mis dans les analyses sur la matérialité comme forme de continuité des vies humaines interrompues (Byung-Chul Han, 2022) et sa capacité à médiatiser les affects et leurs effets liés à l’absence sans pour autant créer un lien avec les absents tend à faire passer au second plan sa dimension temporelle, plus difficile à décrire et à analyser. Cette dernière est pourtant bien présente dans les travaux qui réfléchissent à l’absence dans la filiation et les rapports entre générations, non pas seulement en termes de disruption de la présence mais comme une possibilité essentielle de l’existence : celle de vivre ensemble avec ceux qui ne sont plus présents ou vivants et ceux imprévisibles qui ne sont pas encore vivants au présent, que l’on porte en soi. Un soi « anachronique dans son présent même, augmenté à la fois est disloqué par le deuil ou la promesse de l’autre en soi, d’un autre plus grand, plus vieux au plus jeune que soi, d’un autre hors de soi en soi » (Derrida, 2014, p. 20).Enfin, la conceptualisation de l’absence en termes oppositionnels – absence versus présence, invisible versus visible –, recouvre souvent la dimension processuelle et relationnelle de la condition d’absent.e, en fonction du tissu social dans lequel elle s’insère et des acteurs sociaux, tant ceux qui produisent ou expérimentent l’absence des autres que ceux qui traversent la condition ou le statut d’absent. Pourquoi et comment devient-on un absent ? Comment cette condition et ce statut sont-ils socialement produits et quels sont leurs effets sur les personnes ? Cette question ne porte pas seulement sur les absents.es eux-mêmes mais engage à réfléchir aussi à l’ensemble des individus en relation, proche ou distendue, avec ces derniers.ères : les personnes éventuellement responsables de cette absence, celles qui vivent « à côté » (pour les absents « présents »), celles qui restent (famille proche, entourage, voisinage …) et celles qui les remplacent dans leur lieu de vie (notamment dans le cadre de mouvements dépopulationels massifs).
Ce numéro invite à aborder ces questions. Nous souhaitons rassembler des contributions qui explorent les configurations multiples qui dessinent la condition d’absent.e comme expérience vécue et « identité » sociale que le droit reflète partiellement, à la fois comme phénomène individuel et comme phénomène collectif.Nous souhaiterions que les contributions mettent l’accent sur la dimension à la fois processuelle et relationnelle de la production d’absent.e, sur la manière dont se construit un espace, avec ses temporalités, de l’absence dessinant des liens et des interdépendances entre celles et ceux qui sont présents et celles et ceux qui passent par un processus d’assignation à une identité sociale « d’absent ». Elles pourront aussi prêter attention aux formes d’affiliation ou de désaffiliation, d’appartenance et de ruptures d’appartenances, et à leurs contextes spécifiques, qui parcourent cet espace relationnel entre présents et absents, personnes et « non-personnes ».En particulier, nous attendons des contributions qu’elles décrivent et analysent, à travers des matériaux ethnographiques relevant de situations concrètes, les effets de cette condition et des situations distinctes – conflictuelles, inscrites dans des rapports de force et de pouvoir, et/ou liées au cours des existences et des relations humaines – sur l’ensemble des individus qu’elle impacte, dans leur diversité et dans leurs relations, qu’elles soient fortes ou plus lâches. L’attention portera notamment sur la manière dont le statut d’absent peut toucher des catégories spécifiques de personnes, aux propriétés et aux positions sociales différenciées, définies par-delà et en-deçà des catégories du droit.L'ambition du numéro est de réfléchir sur le processus de production de ces catégories d’absents « classiques » selon Heller-Roazen (disparus, diminués et exclus, ou morts) ainsi que sur la dernière catégorie qu’il propose, celle de « non-personnes » du monde contemporain. Des études des cas traitant de l’avènement de l’absent.e et des relations entre les absents.es et les autres, dans leur diversité, seront particulièrement bienvenues selon trois axes principaux, au sein desquels la « catégorie » des morts peut être intégrée de manière transversale :
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Vivre avec un.e absent.e, vivre comme absent.e
Il s’agira ici de décrire et d’analyser des situations de personnes impactées par l’absence d’autrui, par l’absence de statut ou un statut minoré (orphelins.es, de père inconnu, enfants placés/adoptés, parents sans enfants, de parents disparus, ou absents en prison, par exemple, des sans papiers ou sans droits civiques) ;
Une attention particulière sera ici portée sur les absents.es qui reviennent et sur la manière dont ils.elles recouvrent ou non leurs droits juridiques – de propriété, de nationalité, d’héritage … –, sociaux et affectifs – de réintégration au sein d’une famille, d’un groupe spécifique… –, dont ils.elles sont perçus.es par ceux/celles qui sont restés.es et la façon concrète dont se passe – ou non – leur (re)inclusion dans la communauté locale ou nationale.
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La production de l’absent.e
Nous aimerions ici renforcer les connaissances autour de la fabrication de la notion d’absent/disparu ou absent/inconnu par les différentes autorités administratives et/ou institutionnelles (incluant des autorités religieuses par exemple), notamment mais non exclusivement à partir de situation de conflit, de violences politiques (dans des pays qui ont connu des déplacements forcés ou non, de changements politiques – les effacés de Slovénie en est un exemple – ou encore des régimes autoritaires) ou encore de situations très diverses qui modifient ou impactent les trajectoires individuelles et produisent une « même » identité d’absent.e (une migration de longue durée par exemple, un conjoint qui disparait…). Une attention particulière devra être déployée sur les effets concrets de cette fabrication sur les individus concernés – celles et ceux définis.es comme absents.es et celles et ceux qui composent leur entourage.
Seront privilégiées les propositions qui s’appuient sur des données ethnographiques denses, permettant l’analyse des dynamiques processuelles et relationnelles mentionnées plus haut, dans un souci de va-et-vient entre terrain ethnosociologique et questionnement théorique sur le vécu et la fabrique des absents.
Calendrier et modalités de soumission
Les propositions de contributions sur ce thème doivent être envoyées pour le 6 janvier 2024 sous la forme d’un résumé de 3 000 signes environ (document Word) assorti d’une courte bibliographie. Les auteur·ice·s sont invité·e·s à expliciter le périmètre de leur étude, la nature et l’étendue de leurs matériaux, et à se positionner par rapport aux axes de travail détaillés ci-dessus.
Les contributions doivent comporter le nom de l’auteur·ice, son affiliation professionnelle (s’il y a) et son courriel et être adressées à revue-communications@ehess.fr avec la mention « Etre(s) Absent(s.es) » en objet du message.
Elles seront examinées en double aveugle et feront l’objet d’une réponse au plus tard le 31 janvier 2024.
Les articles proposés devront être des inédits et être rédigés en français de préférence, sinon en anglais. Les articles correspondant aux propositions acceptées (25 000 signes, espaces compris) devront être remis le 10 juin 2024 au plus tard, mis aux normes typographiques de la revue (https://www.revue-communications.fr/proposer-un-article/instructions-aux-auteurs/) et assortis d’un résumé de 5-6 lignes en français, anglais et espagnol, comprenant le titre traduit ainsi que de 5 mots-clés dans ces trois langues.
Modalités de sélection
Les modalités de sélection des articles sont disponibles sur le site de la revue Communications
Conseil scientifique
- Ramon Alvarado (Professeur, Universidad Autonoma Metropolitana-Xochimilco, Mexique)
- Balveer Arora (Directeur, Centre for Multilevel Federalism, Institute of Social Sciences, Inde)
- Vincent Barras (Professeur, Université de Lausanne, Suisse)
- Maurice Bloch (Professeur, London School of Economics, Grande-Bretagne)
- Manthia Diawara (Professeur, New York University, États-Unis)
- Carlo Ginzburg (Professeur, École normale supérieure de Pise, Italie)
- Angela Leung (Professeure, Hong Kong Institute for the Humanities and Social Sciences, Université de Hong Kong)
- Olgaria Matos (Professeure, Université de São Paulo, Brésil)
- Masahiro Ogino (Professeur, Université Kwansei Gakuin, Japon)
- Serge Proulx (Professeur, Université du Québec à Montréal, Québec)
Comité de rédaction
- Michèle Baussant (Directrice de recherche, CEFRES/ISP, CNRS)
- André Burguière (Directeur d’études, CRH, EHESS)
- Claude Fischler (Directeur de recherche, LAP/LACI, CNRS)
- Marie Glon (Maîtresse de conférence, CEAC, Université de Lille)
- Christophe Granger (Maître de conférence, CIAMS, Université Paris-Saclay)
- Claudine Haroche (Directrice de recherche, LAP/LACI, CNRS)
- Sylvain Lesage (Maître de conférence, IRHiS, Université de Lille)
- Bernard Müller (Professeur, École supérieure d’Art d’Avignon/IRIS)
- Véronique Nahoum-Grappe (chercheure, LAP/LACI, EHESS)
- Bernard Paillard (Directeur de recherche, TEMOS, CNRS)
- Alfredo Pena-Vega (chercheur, LAP/LACI)
- Martyne Perrot (chercheure, LAP/LACI, CNRS)
- Monique Peyrière (chercheure, CPN, Université d’Évry Paris-Saclay)
- Thierry Pillon (Professeur, Université Paris I Panthéon-Sorbonne)
- Philippe Roussin (Directeur de recherche, CRAL, CNRS)
Le comité de lecture est composé des membres du conseil scientifique et du comité de rédaction ainsi que d’experts extérieurs.
Bibliographie
- Baussant Michèle. D’une rive l’autre. Habilitation à diriger des recherches en anthropologie, Université Paris Nanterre (2019).
- Baussant Michèle. My landscape is mute: Artefacts lost and left behind by Egyptian Jews. Mobile Culture Studies. The Journal. Vol7. (2021) pp. 107-120.
- Benvenisti Meron. Sacred Landscapes. The Buried History of the Holy Land since 1948, Berkeley. University of California Press (2002).
- Byung-Chul Han. La Fin des choses. Bouleversements du monde de la vie. Arles. Actes Sud (2022).
- Confino Alon. The Warm Sand of the Coast of Tantura: History and Memory in Israel after 1948. History and Memory. Vol.27/1 (2015), pp. 43-82.
- Couroucli, M. (2005). Du cynégétique à l'abominable: À propos du chien comme terme d'injure et d'exclusion en grec moderne. L'Homme, 174, 227-252. https://doi.org/10.4000/lhomme.25104
- Dastur, Françoise. « Derrida et la question de la présence : une relecture de La Voix et le phénomène », Revue de métaphysique et de morale, vol. 53, no. 1 (2007) pp. 5-20.
- Davidson J, Bondi L and SMITH, M. Emotional geographies. Aldershot, England: Ashgate (2005).
- Delaplace Gregory. L’invention des morts. Sépultures, fantômes et photographie en Mongolie contemporaine, Paris, EPHE (2008).
- Derrida Jacques. La Voix et le phénomène. Paris. PUF. (1967).
- Derrida Jacques. Le dernier des Juifs. Paris.Galilée (2014).
- García Castro Antonia. La Mort lente des disparus au Chili sous la négociation civile-militaire (1973-2002).Paris, Maisonneuve et Larose. (2002).
- Gordon Avery. Ghostly Matters. Haunting and the sociological imagination. Minneapolis, London. University of Minnesota Press. (2008).
- Kirshenblatt-Gimblett B. The museum of the history of Polish Jews : a postwar, postholocaust, postcommunist story. Jewish spaces in contemporary Poland. Lehrer E and Meng M., Indiana Press University (2015), pp. 264-280.
- Heller-Roazen Daniel. Absentees: On Variously Missing Persons . Zone Books (2021).
- In Jewish Space in Central and Eastern Europe Day-to-Day History. Jurgita Šiaučiūnaitė-Verbickienė and Larisa Lempertienė (eds).
- Law, J. After Method: Mess in Social Science Research. London: Routledge (2004). Meyer, M. et Woodthorpe K.. The Material Presence of Absence: A Dialogue Between Museums and Cemeteries. Sociological Research Online. 13 (5) (2008).
- Lévinas E. En découvrant l’existence avec Husserl et Heidegger. Paris. Vrin (1967).
- Navaro-Yashin Yaël. Affective Spaces, Melancholic Objects: Ruination and the Production of Anthropological Knowledge. Journal of the Royal Anthropological Institute, 15/1 (2009), pp.1-18.
- No special de revue: Cultural Geographies, October 2013, Vol. 20, No. 4, Special issue: Absence. Materiality, embodiment, resistance (October 2013), pp. 423-430
- Smith David M., Moral Geographies: Ethics in a World of Difference (Edinburgh: Edinburgh University Press, 2000), 68–7
- Stoler, Ann Laura. “Imperial debris: Reflections on Ruins and Ruination”. Cultural Anthropology, Vol. 23, Issue 2 (2008).
- Sturken Marita, Aesthetics of Absence: Rebuilding Ground Zero. American Ethnologist , Aug., 2004, Vol. 31, No. 3 (Aug., 2004), pp. 311-325
- Trouillot, Michel Rolph, Silencing the Past: Power and the Production of History, Boston, Beacon Press (1995).
- Wylegala Anna. The absent ‘Others’: A comparative study of memories of displacement in Poland and Ukraine. Memory Studies. (2015) pp.1-17.
Argument
This issue aims to bring together ethnographic explorations of the different ways a living or yet-to-be-born person becomes absent, socially transformed into a state of “not being someone”. Authors are also welcome to examine the concrete effects of passing from one condition to another, whether the product of violence and power relations or a life trajectory, on their personal and broader social and political environment. The idea is to propose a theoretical basis for reflection and discussion on the notions of the absent and the non-person, beyond binary and reductive oppositions (absent and present, non-person and person, visible and non-visible, living and non-living). We seek to gain an empirically based understanding of the multiple configurations that shape the experience of the condition of the absentee, partially reflected in the law, both as an individual and as a collective phenomenon.
Though many authors in humanities and social sciences have written on absence, few have focused on the condition and status of absentee persons. Philosophy has tackled it through analyses based on negative theology or an approach qualifying absence through everything that is not present and cannot be connected to the present via a material, visible form (Law, 2004). In addressing the question of absence, these analyses have focused on traces (Derrida, 1967), the relation to the other (Levinas, 1968), including and in particular, the other in the self, to identity, and death, as structuring the living present, and have nourished a phenomenology of temporality and its perception. Other works have debated the relevance of this phenomenological perspective to the man-world relationship and the dual conception of presence and absence, life and death (Dastur, 2007). They have called for an emphasis on the relational and processual dimension between two different entities, the absence of presence and the presence of absence. They were also interested in spectral forms and hauntings, which outline various extraordinary and banal practices rooted in experiences and their emotional, bodily, and practical dimensions.
The theme of absence is present in works of history, sociology, political science, and anthropology, in discussions related to memory, forms of memorialization linked to mourning, loss, trauma and, further, nostalgia, melancholy (Navaro-Yashin, 2009) or forms of making visible traces, including ghostly traces (Sturken, 2004; Rousillon, 2012; Gordon, 2008; Delaplace, 2008) of what is not or no longer visible. Some authors have addressed absence through everything that contributes to reinforcing invisibility and erasure, such as forms of exclusion, marginalization, and silence.
Adopting either the memory approach or the erasure and exclusion approach, many studies have tackled absence as both a collective and individual phenomenon, focusing on the specific cases of physical and symbolic violence perpetrated against particular populations in the context of civil or international conflict, state violence, and acts of terrorism. They have thus apprehended absence from the angle of spatiality - exploring its geography (Davidson et al., 2005) or its own narrative spaces (Kirshenblatt-Gimblett, 2015) -, materiality - including archives and documents that enable to document and prove the existence of those who have disappeared in the context of state crimes (García Castro, 2002). They have also questioned its specific forms of agency, mainly how the materiality of particular objects and places enables us to create specific links with those no longer present, even without any personal or lived connection to them. (Meyer & Woodthorpe, 2008).
This latter approach generally considers absence as an object of politics or, more broadly, as the mark of power relations covering varying degrees of absence - from irretrievable disappearance through mass extermination or targeted, individualized murder to absence through the disappearance of a bodily presence, or a minorized, marginalized presence within a social ensemble. Several studies have focused on the power of institutionalized, symbolic, commemorative, and discursive forms of absence production, including within scientific research. Trouillot, for example, underlines the successive material and physical operations that shape the writing of history (Trouillot, 1995) and the way it creates absence through the concomitant production of traces and silences, making certain narratives possible and others impossible, valorizing artifacts and sidelining or invisibilizing others. We find this approach in work on national or local heritage and official forms of representation of the past and how they marginalize, silence, or erase specific populations or categories of subjects (minorities, women..., etc.). Other works have focused more on the practices and different forms of action that produce absence, considering, in particular, the question of genocides and mass displacements, where social spaces are -partly- expunged of their former inhabitants, material goods, cultures, practices and languages (Benvenisti, 2002; Wylegala, 2015). These analyses also focus on space and materiality, fragments, ruins (Stoler, 2008), and “postsigns of memory” that constitute the marks of a manifest absence and would come to symbolize individuals and groups that are no longer there and/or no longer visible.Paradoxically, this particular interest in violence and depopulation movements questions the effects of the absence of an “Other” who most often takes the form of the vanquished - sometimes enemy, sometimes traitor, diminished civilian, “animal” to be exterminated ... - with whom precisely we no longer want to live together (Baussant, 2019). From then on, absence remains associated with a voluntary action to “make disappear,” to invisibilize, to definitively erase any trace of the presence of another/others. This “erasure” can also occur, paradoxically, through the reappropriation, or symbolically ambiguous enhancement, of the cultural heritage of the latter, as a form of relegation of their existence to a distant past, or under the guise of a subaltern cultural variant with no substance of its own that is commemorated in the absence of precisely those actors who are still alive, or their possible descendants (Baussant, 2021).
More often than not, absence is associated with forms of inability for those still present “to name what has been lost because the ‘who’ who has been lost (persons from the community of the so-called ‘enemy’, external or internal) cannot be officially known, named, recognized, or grieved over” (Navaro-Yashin, 2009, p. 16). Some analyses also point to the paradox that political and cultural efforts to silence the memory of others result in consistent mobilization and ultimately condemn people “to remember and remember and remember” (Confino, 2015). However, not only that: this fixation on remembering would lead to a rearrangement of their definition of self and time in terms of those who are not/no longer there but who can always become present again - in a “real” or ghostly form.
As D. Roazen-Heller (2021), being absent can refer to several meanings: being separated from others, not being represented as a member of the group with which one nevertheless identifies, being legally considered as having disappeared from one's place of residence, or having disappeared without official recognition. He links this condition of absence to a category of social “non-person”, vaguely and negatively defined in his preface before being discussed further in his book, as so many ways of “not to be someone”. Drawing in particular on history and the law in different societies, which categorize absence and presence, he develops a theoretical reflection on the varied forms of dispossession that accompany this condition of absenteeism, whose duration can vary over time - from one season to several generations. He underlines the multitude of individuals to whom it applies, which makes its analysis and general scope all the more complicated: the disappeared, people who have become “non-persons” in their societies of departure and whose bodily presence is no longer visible, often unexplained (those whose presence or absence is neither attested); individuals physically present in societies but whose rights and prerogatives have been reduced, the “silencers” of history and the “outsiders” (those whose legal, social or moral personality has been diminished); the dead, people who cease to be someone, without becoming an ordinary thing (2021 : 1-2) and remain alive in some way.
Numerous works in the humanities and social sciences have addressed these three categories defined by D. Roazen-Heller, which undoubtedly only exhausts some of the configurations of the absent condition. However, they have not constantly developed their approach towards a specific analysis of the absent condition, nor have they worked towards a more general understanding of the "multitude" who live with the “present”. The emphasis placed on materiality as a form of continuity in interrupted human lives (Byung-Chul Han, 2022) and its ability to mediate the affects and effects of absence without creating a link with the absent thus takes precedence over its temporal dimension, which is more difficult to describe and analyze. Yet the latter is very much present in works that reflect on absence in filiation and intergenerational relations, not just in terms of the disruption of presence, but as an essential possibility of existence: that of living together with those who are no longer present or alive, and those unpredictable ones who are not yet alive in the present, whom we carry within ourselves. A self that is “anachronistic in its very present, augmented at the same time is dislocated by the mourning or promise of the other in oneself, of another greater, older to younger than oneself, of another outside oneself in oneself” (Derrida, 2014:20). Finally, the conceptualization of absence in terms of opposition - absence versus presence, invisible versus visible -, often covers up the processual and relational dimension of the condition of “absentee”, the social fabric in which it is embedded and the actors themselves, both those who produce or experience the absence of others and those who traverse the condition or status of the absentee. Why and how does one become absent? How are this condition and status socially produced, and how do they affect individuals? This question not only concerns the absentees themselves but also calls for reflection on all the individuals who have a relationship, close or distant, with them: the people who may be responsible for their absence, those who live “next door” (for “present” absentees), those who stay (close family, friends, neighbours, etc.) and those who replace them in their place of residence (particularly in the context of massive depopulation movements).
In this issue, we invite the authors to address these questions. We wish to bring together contributions that explore the multiple configurations that shape the condition of absenteeism as a lived experience and a social “identity” that the law partially reflects, both as an individual and as a collective phenomenon.We wish for contributions focusing on the processual and relational dimension of the production of the absent, on how a space of absence is constructed, drawing links and interdependencies between those who are present and those who go through a process of assignment to a social identity of “absence”. They may also pay attention to the forms of affiliation or disaffiliation, belonging, and ruptures of belonging, and to their specific contexts that run through this relational space between present and absent, persons and “non-persons”.In particular, we expect authors to describe and analyze, through ethnographic material from concrete situations, the effects of this condition and distinct situations - conflictual, inscribed in relationships of force and power, and/or linked to the course of human existences and relationships - on all the individuals it impacts, in their diversity and their relationships, whether substantial or looser. Particular attention will be paid to how absentee status can affect specific categories of people, with differentiated properties and social positions defined beyond and beyond the categories of the law.The ambition of the issue is to reflect on the process of production of these “classic” categories of absentee according to Heller-Roazen (the missing, the diminished and the excluded, or the dead), as well as on the last category he proposes, that of “non-persons” in the contemporary world. Case studies dealing with the advent of the absent and the various relations between the absent and non-absent, also welcome to explore the “category” of the dead transversally, within three main themes:
- Living with an absentee, living as an absentee
The aim here is to describe and analyze the situations of people impacted by the absence of others, by the absence of status, or by a diminished status (orphans, children of unknown fathers, foster/adopted children, parents without children, parents who have disappeared or are absent in prison, for example, people without papers or civil rights);
- The return of the absent person
Particular attention will be paid to returning absentees and how they do - or do not - recover their legal rights - to property, nationality, inheritance, etc. - as well as their social and emotional rights - to reintegration into a family, a specific group, etc. - how they are perceived by those who stayed behind, and the concrete way in which they are (or are not) (re)included in the local or national community.
- The production of the absent person
The idea is to deepen our knowledge of the ways the notion of absent/missing or absent/unknown is produced/established by the various administrative and/or institutional authorities (including religious authorities, for example), particularly but not exclusively in situations of conflict, political violence (in countries that have experienced forced displacement or not, political change (the erased of Slovenia is one example) or authoritarian regimes), or other diverse situations that modify or impact individual trajectories, resulting in a “same” identity of absentee (for example, long-term migration, a spouse who disappears...). Particular attention will be paid to material effects of this fabrication on the individuals concerned - those defined as absent and their entourage.
We are particularly interested in proposals based on solid ethnography, enabling analysis of the processual and relational dynamics mentioned earlier, focusing on the to-and-fro between socio-ethnographic fieldwork and theoretical questioning of the lived experience and fabrication of absentees.
Timetable and Submission Terms
Proposals in the form of abstracts of approximately 3,000 characters (Word document) together with a short bibliography are to be sent by 6 January 2024. Authors are invited to define the scope of their study, the nature and extent of their data, and critically engage with the themes mentioned above.
Abstracts should mention the author's name, professional affiliation (if any) and email address and be sent to revue-communications@ehess.fr with “Etre(s) Absent(s.es)” in the subject line.
They will be reviewed in double blind and a reply will be sent by 31 January 2024. Manuscripts are to be submitted by 10 June 2024.
They must be unpublished and written in French or, exceptionally, in English. Their length must not exceed 25,000 characters, (including spaces), formatted according to the journal's stylesheet (https://www.revue-communications.fr/en/proposing-an-article/instructions-to-authors/) and accompanied by a 5-6 line abstract in French, English and Spanish, including the translated title and 5 key words in these three languages.
Review Process
Review process is available on the journal's website.
Scientific Board
- Ramon Alvarado (Professor, Universidad Autonoma Metropolitana-Xochimilco, Mexico)
- Balveer Arora (Director, Centre for Multilevel Federalism, Institute of Social Sciences, India)
- Vincent Barras (Professor, University of Lausanne, Switzerland)
- Maurice Bloch (Professor, London School of Economics, United Kingdom)
- Manthia Diawara (Professor, New York University, United States)
- Carlo Ginzburg (Professor, Ecole Normale Superiore of Pisa, Italy)
- Angela Leung (Professor, Hong Kong Institute for the Humanities and Social Sciences, University of Hong Kong)
- Olgaria Matos (Professor, University of Sao Paulo, Brazil)
- Masahiro Ogino (Professor, Kwansei Gakuin University, Japan)
- Serge Proulx (Professor, Université du Québec à Montréal, Québec)
Editorial Board
- Michèle Baussant (Research Professor, CEFRES/ISP, CNRS)
- André Burguière (Professor, CRH, EHESS)
- Claude Fischler (Research Professor, LAP/LACI, CNRS)
- Marie Glon (Associate Professor, CEAC, University of Lille)
- Christophe Granger (Associate Professor, CIAMS, Université Paris-Saclay)
- Claudine Haroche (Research Professor, LAP/LACI, CNRS)
- Sylvain Lesage (Associate Professor, IRHiS, University of Lille)
- Bernard Müller (Professor, Avignon art school/IRIS)
- Véronique Nahoum-Grappe (Researcher, LAP/LACI, EHESS)
- Bernard Paillard (Research Professor, TEMOS, CNRS)
- Alfredo Pena-Vega (Researcher, LAP/LACI, CNRS)
- Martyne Perrot (Researcher, LAP/LACI, CNRS)
- Monique Peyrière (Researcher, CPN, University of Évry Paris-Saclay)
- Thierry Pillon (Professor, University of Paris I Panthéon-Sorbonne)
- Philippe Roussin (Research Professor, CRAL, CNRS)
The Review Panel is composed of members of the Scientific Board and the Editorial Board as well as external experts.