HomeConserver, exploiter et se réfugier dans les zones humides
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Published on Tuesday, December 05, 2023

Abstract

Cette journée d’étude a un double objectif. Tout d’abord, elle interroge la pertinence de la notion de « zone humide » pour réfléchir les convergences et divergences entre les manières de les gouverner, conserver, habiter, exploiter et contaminer. Ensuite, elle vise à interroger la manière dont ces différents usages des marais, deltas et mangroves ont eu lieu au cours de l’histoire ; et dans quelle mesure ces histoires sont liées à la colonisation et aux résistances qui se sont ensuivies. 

Announcement

Présentation

Qu’il s’agisse des deltas, des mangroves ou des marais, les travaux en sciences humaines et sociales de l’environnement s’accordent sur la position liminale des zones humides (Duvail 2010, Morera 2019, Krauze 2022). La notion de liminalité implique à la fois les idées de transition, de passage ou d’ambivalence qui marquent fortement ces espaces d’un point de vue écologique. Elle évoque également la place périphérique et presque invisible occupée par ces territoires.  Depuis le début de l’époque moderne (Morera, 2011), ces zones et leurs habitants font l’objet de discriminations et d’une mise à distance par les formations politiques centralisées. À titre d’exemple, les marais étaient considérés en Europe comme des espaces propagateurs de maladies d’où des récits hostiles et hygiénistes, aboutissant à leur assèchement. Par ailleurs, cet aspect liminal n’a cependant pas empêché les zones humides de faire l’objet, au fil du temps, de grands projets d’aménagements, de modifications des cours d’eau, d’assèchement (en Europe à l’époque moderne) et tout simplement de servir de lieu d’exploitation agricole ou de déversement de déchets et rebuts divers selon une logique capitaliste - colonialiste (par exemple en Afrique ou en Amérique de Sud).

Parce que liminales pour certains, les zones humides ont été considérées comme des espaces refuges pour d'autres, notamment des populations colonisées. En témoigne Olivier Allard (2019) à propos des zones marécageuses du delta de l'Orénoque (Venezuela) : « Si les Warao ont survécu à la conquête de l’Amérique jusqu’à aujourd’hui, c’est donc parce qu’ils ont pu se réfugier dans un espace que les colons européens considèrent impénétrable et inhabitable » (p. 53).  De manière similaire, la mangrove a servi d’abri aux Africains réduits en esclavage fuyant le travail forcé. Plus récemment, durant la guerre d'indépendance de Guinée-Bissau et du Cap-Vert (1963-1974), la mangrove a été un refuge et un lieu de résistance.

Cette journée d’étude vise à interroger la manière dont ces différents usages des marais, deltas et mangroves se sont succédés au cours de l’histoire ; et dans quelle mesure l’histoire de ces territoires est liée à l’histoire de la colonisation et aux résistances qui s’en sont suivies (Morera 2019).  Cette journée d’étude vise aussi à interroger la pertinence de la catégorie de « zone humide » en tant que catégorie anthropologique et politique. La journée propose cette catégorie pour penser ce que les marais, les deltas et les mangroves ont de commun en matière de gouvernance, de changements environnementaux et d’enjeux écologiques. En tant que telles, les zones humides sont alors envisagées comme entités vivantes, lieu d’une multiplicité de relations inter-espèces (humains, plantes, animaux, micro-organismes) (Meulemans et Granjou, 2020). L’objectif est également de réfléchir à leur « existence sociale et politique » (Meulemans et Granjou, 2020, p.1). Ainsi aborderons-nous ces espaces à différentes échelles, autour des différents acteur.ice.s qui s’y investissent et des différentes habitabilités qui s’y agencent (Blanc N et al., 2022).

Sans négliger les spécificités de chaque zone, notre objectif est d’identifier et d’interroger les convergences dans les modalités selon lesquelles elles sont gouvernées, conservées, habitées, appropriées, exploitées et contaminées, dans différents contextes sociaux, géographiques et à différentes périodes de l’histoire. En ce sens, nous nous intéressons aux relations ambivalentes entre protection et destruction, et entre protection et production, caractéristiques de la modernité dans ses rapports à l’environnement (Descola 2005 ; Blanc & al. 2022). Quelles politiques ont été et sont promues par l’État et les organisations internationales dans ces zones ? Comment et par qui sont-elles élaborées pour gérer les impacts sur long terme (contaminations et polluants) des activités de production capitaliste/industrielle sur ces zones ?  Quelles formes de vie se perpétuent, se réinventent et se composent dans ces zones ? Quelles revendications de justice environnementale portent leurs habitants?  Quels processus d’intégration ou de marginalisation de ces zones sont aujourd’hui à l’œuvre ?

Programme 

  • 09h30 à 09h45 - Accueil
  •  09h45 à 10h - Introduction par le comité d’organisation

Session 1 – Conserver, exploiter, produire

  • 10h – 10h20 - Marginalisation des plaines inondables et deltas en Afrique de l’Est dans un contexte d’après-barrage : le cas du fleuve Rufiji en TanzanieStéphanie Duvail (PALOC - IRD)
  • 10h20- 10h40 - Décolonialiser les visions de la mangrove. De la politique à la poétique - Marie-Christine Cormier Salem (PALOC - IRD)
  • 10h40 – 11h - Les zones humides, un nom qui ne va pas de soi dans la société damganaise. "Aujourd'hui, les marais, c'est zéro !"  (Morbihan) - Sophie Laligant (Département de sociologie, Université de Tours)
  • 11h – 11h40 Discussion

Pause - 11h40 à 11h50

  • 11h50 -12h30 - Film “Amarrado” (Tangled Up), 2021,  28’ – Lucas Pereira (UNB, Brésil)

Pause déjeuner libre - 12h35 à 13h50

Session 2 – Vivre autour et au sein des zones humides

  • 14h -14h20 - Vida sossegada – la possibilité d’une « vie tranquille » au milieu de mouvements continus sur les îles du delta du Parnaíba (Brésil) - Nora Horisberger (University of Cologne, Allemagne)
  • 14h20 – 14h40 -  Relations humaines et invertébrés marins en mangrove - Ariadna Burgos (PALOC - IRD)
  • 14h40 – 15h10 Discussion
  • 15h10 - 15h50  Film “Mangrove School Film”, 2022,  35’  Filipa César, Sónia Vaz Borges

Pause - 15h50 - 16h

Session 3 - Écologies historiques et mémoires locales

  • 16h – 16h20 - Pour quelques hectares de plus. Zones humides et dynamiques coloniales, XVIe-XXe siècle - Raphaël Morera (CRH- EHESS, CNRS)
  • 16h20 – 16h40 - Entre colonisation inachevée et fuite recommencée : l’(in)habitabilité variable du delta de l’Orénoque - Olivier Allard (LAS, EHESS)
  • 16h40 – 17h10 - Discussion
  • 17h10 – 17h30 - Conclusion par le comité d’organisation

Organisation

L’entrée est libre, dans la limite des places disponibles.

Comité d'organisation

  • Renata Freitas Machado
  • Laure Emperaire
  • Vincent Leblan
  • Ariadna Burgos
  • Colin Vanlaer
  • Lorena Cisneros

Partenaires

  • Institut Francilien de Recherche innovation et Société (IFRIS)
  • UMR 208 - Patrimoines locaux, Environnement et globalisation (PALOC - MNHN/IRD)

Places

  • Amphithéâtre de Paléontologie du Muséum national d'Histoire naturelle - 2 rue Buffon
    Paris, France (75005)

Event attendance modalities

Full on-site event


Date(s)

  • Friday, December 15, 2023

Keywords

  • zone humide, marais, delta, mangrove, relation inter-espèces, liminalité, sciences sociales de l’environnement, anthropologie, histoire

Contact(s)

  • Renata Freitas Machado
    courriel : renatafreitasmachado [at] gmail [dot] com

Information source

  • Renata Freitas Machado
    courriel : renatafreitasmachado [at] gmail [dot] com

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Conserver, exploiter et se réfugier dans les zones humides », Study days, Calenda, Published on Tuesday, December 05, 2023, https://doi.org/10.58079/1cco

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