Home« D’auguste renommée » : les personnalités locales de l’Antiquité à nos jours

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Published on Wednesday, December 13, 2023

Abstract

Cette journée, organisée par les doctorants du CHEC (Université Clermont-Auvergne), cherchera à interroger la place et le rôle des « personnalités » à l’échelle locale : maires de village, instituteur-archéologue ou encore artistes itinérants, autant de figures qui ont marqué la vie à l’échelle locale, organisé les formes de sociabilités et généré une littérature les encensant ou les critiquant. Ces personnalités locales peuvent être définies comme des individus à la position morale forte, dont la légitimité est acquise par reconnaissance au sein d’un groupe ou d’une communauté, et alliant valeurs locales et universelles. Les communications devront questionner les fondements de la reconnaissance locale de ces individus, à travers l’analyse et la critique des sources disponibles, la mise en évidence des réseaux et des transferts culturels générés par ces personnalités, et enfin, l’étude de la postérité mémorielle ou historique de ces personnages qui ont pu acquérir une renommée ou, au contraire, tomber dans l’oubli.

Announcement

Appel à communication « D’auguste renommée » : les personnalités locales de l’Antiquité à nos jours. Journée des jeunes chercheurs du Centre d’Histoire, « Espaces et Cultures » (CHEC) de l’Université Clermont Auvergne (UCA). Mercredi 15 mai 2024 à la MSH de Clermont-Ferrand.

Argumentaire

« Les hommes, seuls objets de l'histoire - d'une histoire qui ne s'intéresse pas à je ne sais quel homme abstrait, éternel, immuable en son fond et perpétuellement identique à lui-même, mais aux hommes toujours saisis dans le cadre des sociétés dont ils sont membres - aux hommes membres de ces sociétés à une époque bien déterminée de leur développement - aux hommes dotés de fonctions multiples, d'activités diverses, de préoccupations et d'aptitudes variées, qui toutes se mêlent, se heurtent, se contrarient, et finissent par conclure entre elles une paix de compromis, un modus vivendi qui s'appelle la vie »[1]

L’objectif de cette journée d’étude est d’interroger l’emprise singulière d’un individu charismatique, d’une « personnalité », dans le cadre d’une société locale. Comment arrive-t-on à un « effet “personnalité locale“ »[2], qui distingue l’individu d’un simple « acteur » ? Si l’acteur joue un rôle prépondérant pour son territoire, il peut ne pas être reconnu comme une personnalité par le public qu’il côtoie. Au contraire, une personnalité locale est une personne à la position morale forte dont la légitimité est acquise par reconnaissance au sein d’un groupe ou d’une communauté, lui permettant, dans un cadre territorial donné, d’allier valeurs locales et universelles. De fait, l’acteur local, « muet », « est une sorte de réceptacle de vérités très générales » ; quand, à l’inverse, la personnalité « émerge comme un acteur social, et a une singularité »[3]. Si le terme de personnalité paraît plutôt consensuel, celui de « local » est plus dur à définir puisque par essence, la localité est une notion tout à la fois partagée et singulière, déterminée par l’interaction entre le terrain d’enquête et le chercheur.

Ces personnalités locales peuvent prendre plusieurs visages. La notion de personnalité, et par extension celle d’individu, est fortement problématique pour les périodes antique et médiévale. Les médiévaux ne parlant que rarement d’eux-mêmes dans un but purement introspectif, il nous est presque impossible de cerner des personnalités, au sens moderne du terme. Pourtant, le questionnement à l’échelle locale, c’est-à-dire à l’échelle de la communauté (rurale, urbaine ou religieuse) ou du territoire (le finage villageois, la cité, la paroisse, la seigneurie, le diocèse, le bailliage…) amène le chercheur à croiser des personnages récurrents, qui interviennent dans de nombreuses sphères du social et dont le rôle peut être questionné : le curé, le seigneur, le consul, le meneur de révoltes, le notaire… Faute de documentation suffisante, il paraît le plus souvent complexe, voire impossible, de connaître le destin individuel qui se cache derrière le nom livré par les sources, mais il est envisageable de reconstituer l’itinéraire, les réseaux, le contexte et le champ d’action de ces figures locales qui sont reconnues et qui se définissent comme des prud’hommes (providi viri) ou des personnes respectables et vénérables (honorabili viri) au sein de leur communauté.

Pour les époques moderne et contemporaine, nous pourrions aussi évoquer des figures plus connues aujourd’hui comme le maire, le préfet, le président du Conseil Général, le maître d’école puis l’instituteur, le médecin, le syndicaliste, l’érudit local… L’emprise sociale de ces individus dépasse le simple cadre de leur métier et s’inscrit dans une pluralité de champs d’action et d’échelles : le maire de village est souvent un agriculteur appartenant à une fédération, le conseiller général peut être président de la Chambre de commerce et d'industrie ou maire et député, l’instituteur est archéologue à ses heures perdues et le médecin ou sa femme organisent la bonne société urbaine par la tenue de dîners mondains… Des personnalités plus originales, voire plus marginales, comme le musicien, peuvent devenir des personnalités locales, dans la mesure où le musicien est reconnu par les tenants de la tradition comme expert dans le maniement d’un praxis régulier. Il nous paraît également intéressant de questionner l’apport de ces personnalités dans leurs pratiques locales et leur influence sur la communauté. Enfin, nous pourrions interroger le processus de réification de la personnalité locale puisqu’une figure locale pourrait permettre à un groupe ou une communauté de s’identifier à elle. Pourrait-il exister une sorte de fusion et donc de confusion de l’individuel dans le collectif ? Nous pensons par exemple ici aux membres de « la bande à Boris » qu’a étudiés Benoît Coquard, et qui sont le symbole, à travers leur leader, d’une certaine identité locale qui leur permet de créer leur propre communauté.

À l’issue de ces réflexions ont émergé des questionnements qui nous permettront de guider cette étude : Quels sont les critères et fondements de la reconnaissance locale pour chaque période et chaque région ? Quels sont les champs d’action de ces individus ? À quelles échelles rayonnent-ils ? Par quels réseaux réussissent-ils à s’imposer et se distinguer au sein des sociétés locales ? Comment construisent-ils et maintiennent-ils ces réseaux ? Quelle est la postérité de ces figures locales ? Sont-elles vouées à l’oubli ? Jusqu’à quel point ont-elles pu participer à l’écriture de l’histoire « nationale » ?

Axes de recherche

Le premier axe s’attachera à mettre en évidence les stratégies de recherche permettant aux historiens d’étudier ces personnalités locales : quelles sources peut-on mobiliser pour cerner leurs caractéristiques sans tomber dans un effet de peopolisation ? De fait, ces individus, en se détachant de la masse, ont été à même de laisser plus de traces que les autres mais leur caractère intrinsèquement local a aussi pu avoir pour conséquence la disparition des archives, la méconnaissance ou l’oubli. Il s’agira donc de se demander comment leurs pratiques et leurs actions ont pu générer des sources mais aussi dans quelle mesure, du fait de leur reconnaissance locale, ces individus ont pu être mentionnés, critiqués ou encensés dans les sources produites par d’autres acteurs, locaux ou nationaux.

Le deuxième axe interrogera les connexions que ces personnalités peuvent établir entre différentes échelles géographiques. Une personnalité locale doit pouvoir dépasser et/ou emboîter des échelles géographiques par la diversité de ses actions et au moyen de réseaux qu’elle crée et entretient, toujours dans le but de maintenir son statut et sa place au sein de la société locale. Par la mobilisation d’une compétence, d’une culture ou de contacts, la personnalité locale peut devenir un relais entre local et national, voire international, en assurant le transfert, l’assimilation ou le rejet de savoirs, modes ou pratiques externes. Elle participe ainsi au façonnage de cultures locales singulières mais non imperméables aux influences extérieures. De même, il est nécessaire de poser la question de cet emboîtement en fonction de « variables locales »[4], en interrogeant les spécificités de chaque territoire étudié dans ce phénomène de reconnaissance locale.

Enfin, la question mémorielle générée par le processus de mythification, d’indifférence ou de condamnation de l’image posthume de cette personne, pose la question des valeurs qu’elle transmet au sein d’une communauté. Par sa dimension charismatique, la personnalité peut faire figure de héros local ou au contraire de bouc-émissaire, aboutissant parfois à une véritable damnatio memoriae et à une destruction de la mémoire. Tout le rôle de l’historien étant alors de faire émerger l’histoire de ces personnages qui ont incarné et cristallisé, en leur temps, des attentes sociales, des modes et des valeurs, associées à un véritable engagement territorial.

Nous insistons sur le caractère local de ces personnalités. Les communications devront interroger en profondeur cette notion, aussi bien pour ce qui est de son échelle que de ses caractéristiques propres à chaque période et chaque territoire. Il nous paraît primordial d’éviter l’écueil d’une superposition de monographies. De même, il s’agira d’éviter « l’héroïsation »[5] du protagoniste et une forme de peopolisationde la figure présentée. À l’inverse, si nous cherchons à comprendre comment une personnalité peut être le « marqueur d’une identité [collective] »[6], il faudra aussi mettre en avant « la qualité de [cette figure individuelle] »[7]  pour comprendre comment et pourquoi cette personne - et pas une autre - a été portée au sommet de la reconnaissance par sa communauté afin de la représenter. Enfin, nous rappelons que les élites ou notables ne doivent pas être systématiquement associées à la notion de personnalité locale et, inversement, la personnalité locale ne fait pas nécessairement partie de l'élite locale.

Modalités de soumission

Les propositions d’interventions (500 mots max) doivent être adressées au comité d’organisation, accompagnées d’un CV d’une page maximum,

avant le 15 février 2024

à l’adresse suivante : jeuneschercheursduCHEC@gmail.com

Cette journée d'étude aura lieu le 15 mai 2024 à la MSH de Clermont-Ferrand.

Elle devrait déboucher sur une publication.

Comité d’organisation

  • CHARRIER Loman-Pierre (UCA - doctorant en histoire contemporaine au CHEC)
  • MOULIER-CALBRIS Joséphine (UCA – doctorante en histoire médiévale au CHEC)
  • PASTOUREL Chloé (UCA – doctorante en histoire contemporaine au CHEC)
  • PLEE Clément (UCA/Paul Valéry – doctorant en histoire moderne au CHEC/IRCL)
  • SAINT-ANDRÉ Hélène (UCA – doctorante en histoire contemporaine au CHEC)

Comité scientifique

  • CONORD Fabien – Professeur d’histoire contemporaine (UCA-CHEC)
  • FLAURAUD Vincent – Maître de conférences en histoire contemporaine (UCA-CHEC)
  • GOMIS Stéphane – Professeur d’histoire moderne (UCA-CHEC)
  • LAMOINE Laurent – Maître de conférences en histoire romaine (UCA-CHEC)
  • VIALLET Ludovic – Professeur d’histoire médiévale (UCA-CHEC)

Bibliographie indicative

  • BURCKHARDT Jacob, Considération sur l’histoire universelle, Paris, Payot, 1971.
  • COQUARD Benoît, Ceux qui restent, Paris, La Découverte, 2019.
  • CORBIN Alain, Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot. Sur les traces d’un inconnu (1798-1876), Paris, Flammarion, 1998.
  • COULON Damien, Un port sans rivage ? Grand commerce, réseaux et personnalités marchandes à Perpignan à la fin du Moyen Âge, Madrid, Casa de Velasquez, 2023.
  • FAURE Alain, « Les passions de l’élu local, du notable au médiateur », Histoire@Politique, no 25, 2015, pp. 197-211.
  • GINZBURG Carlo, Le fromage et les vers, Turin, Einaudi, 1976.
  • GUENAOU Mustapha, « Saints, savants et personnalités : trois symboles pour l’histoire et la mémoire locale », Revue El Bahith en Sciences Humaines et Sociales, vol. 11, 2013, pp. 13-24.
  • HERTZOG Anne, « Musées, Espace et identité territoriale en Picardie », Mappemonde, no 66, 2002, pp. 25-28.
  • HOURCADE Renaud, « L’espace des politiques mémorielles locales. Variables territoriales et part du national dans quatre anciens ports négriers de France et du Royaume-Uni », Revue internationale de politique comparée, n°22, 2015, pp. 59-82.
  • LAMOINE Laurent, CEBEILLAC-GERVASONI Mireille (dir.), Les élites et leurs facettes : les élites locales dans le monde hellénistique et romain, Rome, Collections de l'École française de Rome, 2003.
  • LEUILLIOT Paul, « Histoire locale et politique de l’histoire », Annales ESC, 29e année, no 1, 1974.
  • LEVI Giovanni, Le pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du XVIIe siècle, Paris, Gallimard, 1989 (édition originale, 1985).
  • LORIGA Sabina, « Alain Corbin, Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot, sur les traces d’un inconnu, 1798-1876 », Annales, 57e année, 2002.
  • MENANT François, JESSENNE Jean-Pierre (dir.), Les élites rurales : Dans l’Europe médiévale et moderne, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2007.
  • NEVERS Jean-Yves, La politique locale au quotidien, les conseillers généraux dans leur canton, Toulouse, Centre d’études et de recherches Techniques, Organisations, Pouvoirs, 2008.
  • PLOUX François, Une mémoire de papier : les historiens de village et la culture des petites patries rurales (1830-1930), Rennes, Presses universitaires de Rennes, Collection Histoire, 2011.
  • PONTIER Jean-Marie, « Qu’est-ce que le local ? », Actualité juridique Droit administratif, no 19, 2017, pp. 1093.
  • RICOEUR Paul, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Le Seuil, 2000.
  • SUBRA Philippe, Géopolitique locale. Territoires, acteurs, conflits, Paris, Armand Colin, 2016.

Notes

[1] FEBVRE Lucien, Combats pour l'histoire, Paris, 1953, p. 20-21.

[2] BONTRON Jean-Claude, ROCHE Agnès, « La résistance du vote rural (1981-2002) », Études Rurales, n° 171-172, 2004. Ils abordent le fait que leur examen des votes ruraux se base sur les votes à une présidentielle pour « [éviter] l’effet “personnalité locale“, présent dans une législative ».

[3] LORIGA Sabina, « Alain Corbin, Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot, sur les traces d’un inconnu, 1798-1876 », Annales, 57e année, 2002, p. 240.

[4] DUFOURNET Hélène, LAFARGUE DE GRANGENEUVE Loïc, SCHVARTZ Agathe et al., « Art et politique sous le regard des sciences sociales. (Introduction) », Terrains & travaux, n° 13, 2007, pp. 3-12

[5] LORIGA Sabina, art. cit., p. 240.

[6] Ibid., p. 240.

[7] Ibid., p. 241.

Places

  • Amphi 219 - 4 rue Ledru
    Clermont-Ferrand, France (63000)

Event attendance modalities

Hybrid event (on site and online)


Date(s)

  • Thursday, February 15, 2024

Keywords

  • personnalités, locale, individu, antiquité,

Contact(s)

  • Loman-Pierre Charrier
    courriel : L-Pierre [dot] CHARRIER [at] doctorant [dot] uca [dot] fr

Information source

  • Loman-Pierre Charrier
    courriel : L-Pierre [dot] CHARRIER [at] doctorant [dot] uca [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« « D’auguste renommée » : les personnalités locales de l’Antiquité à nos jours », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, December 13, 2023, https://doi.org/10.58079/1cdj

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