HomeImaginaires techniques : ce que l’image fait au geste
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Published on Thursday, December 14, 2023

Abstract

Si cette publication s’ancre d’abord en philosophie de l’art et de la technique, elle est par son objet même ouverte à l’interdisciplinarité. Son objectif est d’étudier le concept même d’imaginaire, pris entre une aspiration à l’irréalité et un ancrage profond à la matière, afin de comprendre ce qui fait d’un imaginaire plus qu’une simple collection d’images, en partant d’un champ précis : celui des techniques… Il s’agira alors de penser les types de relation existant entre les images, l’imaginaire et les gestes et les efforts techniques, et ce, dans les métiers artisanaux, dans l’apprentissage et le déploiement des pratiques artistiques et dans nos pratiques quotidiennes, particulièrement celles liées aux technologies et aux environnements numériques.

Announcement

Présentation du numéro

Fondée en 1995 par Dominique Janicaud, Noesis est une revue généraliste de philosophie publiée par le Centre de Recherches en Histoire des Idées. Édités en format papier, diffusés notamment chez Vrin, les numéros de la revue sont également accessibles sur OpenEdition deux ans après la date initiale de parution.

Directeur de publication : Sébastien Poinat

Direction du numéro : Thomas Morisset (CRHI – Université Côte d’Azur) & Marie Schiele (Deutsches Forum für Kunstgeschichte, Paris)

Cet appel à contribution prolonge les journées d’études sur le même thème qui se sont tenues les 17 & 18 octobre 2023 à l’Université Côte d’Azur. Si cette publication s’ancre d’abord en philosophie de l’art et de la technique, elle est par son objet même ouverte à l’interdisciplinarité. Ainsi, les contributions venues d’autres disciplines, comme l’histoire de l’art et des techniques, l’anthropologie ou les différentes sciences des arts seront les bienvenues.

Argumentaire

Appartenant à la langue commune et à plus forte raison à la langue scientifique, la notion d’imaginaire semble aller de soi, comme en témoignent les nombreuses publications qui la mobilisent Pérez, 2014. L’imaginaire renverrait alors plus ou moins précisément à un ensemble de représentations symboliques, parfois collectives qu’il s’agirait de d’énumérer et d’ordonner. Mais cet usage descriptif et cumulatif de la notion, bien loin d’en épuiser le sens, tend à prendre le pas sur un usage plus ferme et plus tranché théoriquement, qui jalonne une partie de l’histoire des idées de la seconde moitié du XXe siècle. Introduit par Sartre dans un ouvrage éponyme en 1940, l’imaginaire traduit une réflexion sur le rapport de la conscience à l’irréel, rapport compris comme un mode particulier d’intentionnalité. Contre Sartre, c’est une autre relation de l’image à la vie psychique que Bachelard mobilise dans ses ouvrages sur la matière élémentaire, où il s’agit de penser des mouvements oniriques et des images théoriques à partir de leur matériau. C’est cette conception générative de l’imaginaire que Gilbert Durand reprend à son compte dans les Structures anthropologiques de l’imaginaire en évoquant « le trajet symbolique » des images, entre « pulsion subjective … et les intimations objectives émanant du milieu cosmique et social. » Durand, 1984, p. 38. Mise à mal, notamment par le courant structuraliste, la notion d’imaginaire confrontée à celle de mythologie est âprement discutée par Barthes par exemple comme forme travestie d’idéologie, qui ne saurait faire l’économie d’une critique. Autant de partis-pris théoriques qui esquissent les traits d’une notion riche mais assez insaisissable, polarisée entre des acceptions très distinctes, de la structure et de l’activité mentales à l’élaboration d’une « culture de l’imaginaire », désignant dans les études littéraires, la science-fiction et la fantasy.

S’il n’est pas question de proposer un panorama des différentes conceptions de l’imaginaire, pas plus qu’une généalogie critique, l’objet de cette publication, sans faire fi de considérations terminologiques essentielles pour préciser le propos, se situe davantage autour d’une mise en exercice de la notion, soit l’évaluation de ce qu’elle permet de penser : la formation des images, leur expérience et leurs effets sur la conduite d’une action, sur l’effectuation d’un geste, et de façon réflexive, sur la compréhension des choses.

À cette focalisation heuristique, s’ajoute une focalisation thématique signalée par l’inscription dans un champ particulier, celui de la technique. Ce recentrement sur l’imaginaire technique ou plutôt sur les imaginaires techniques dans leur pluralité, vise à travailler de façon plus rigoureuse le rapport entre geste et image, afin de comprendre comment le registre kinesthésique mobilisé par les efforts techniques participe d’une culture générale de notre sensibilité et de nos facultés de représentation. On souhaite explorer ce rapport de différentes manières :

  • En examinant la fonction et l’influence des images mentales ou discursives, racontées, lues sur l’effectuation d’un geste et la gestion de l’effort.

  • De façon corollaire, en étudiant le type d’images associées à la technique lui conférant une certaine intelligibilité, une certaine fonction et une certaine valeur dans les textes d’une culture donnée.

L’hypothèse, au stade préliminaire des recherches et qui constitue la raison d’être de cette publication, consiste à mettre en évidence que l’imaginaire ne correspond pas à un synonyme ou à un dérivé de l’imagination, c’est-à-dire à une faculté productrice d’images, mais qu’il renvoie à une qualité de liaison entre les images, susceptible d’élaborer un ensemble cohérent et effectif, modulant un geste, agissant comme une médiation cognitive nécessaire permettant de palier certaines insuffisances de l’expérience.

Les propositions d’article pourront s’inscrire dans l’un des axes suivants, qui ne sont pas limitatifs :

  • Ce que l’image fait au geste : on s’intéressera ici à l’influence des images (discursives, concrètes ou mentales) sur la compréhension, la saisie et l’effectuation des gestes, tant du point de vue d’une expérience réussie que d’une expérience troublée. Pareil dialogue entre geste et image étant tributaire du milieu technique au sein duquel il s’effectue (par exemple, l’atelier de l’artisan et sa recherche du « geste imaginatif » [Sennett, 2010], la transmission des gestes propres aux arts vivants ou encore les gestes induits par les pratiques des industries culturelles comme les jeux vidéo et par les nouvelles technologies en général qui supposent un univers iconique dans lequel un geste physique est étendu) il s’agira de faire droit aux particularités sensibles de ces différents contextes. Dans quelle mesure la médiation de l’imagé et du métaphorique est-elle nécessaire dans le processus d’acquisition d’un geste ? Ces images sont-elles isolées et ponctuelles ou un imaginaire se dégage-t-il de leur prolifération ? Et au-delà de cet aspect pédagogique, dans quelle mesure la consistance vécue des gestes et efforts tient-elle à l’image qui aide à les cerner ? Et de quelle manière la part non-imagée des efforts participent aussi à la constitution d’un imaginaire technique, dans la mesure où la forme d’un effort peut devenir une manière imagée de parler d’un autre effort, par rapprochement et comparaison ? Corollairement, que reste-t-il de cette dimension kinesthésique et rythmique des gestes dans le passage aux images, dans la constitution d’un imaginaire technique ? Comment apprécier cette transformation au-delà d’une conception réductrice des images selon laquelle la dynamique gestuelle serait irrémédiablement convertie en une série d’idéogrammes ?

  • De la justesse technique des images : A travers cette dernière question, on se retrouve confronté à une question bien plus large : à supposer que l’image donne une consistance sensible à l’effort ou au geste technique, cette consistance est-elle pour autant technique ? Cette médiation sensible de la technique semble appartenir à ce que Simondon nomme un « mode mineur » [Simondon, 2012, 123 et suiv.] de la relation aux techniques, souvent ésotérique car lié au jargon propre à chaque métier et fondamentalement irrationnel. Quelle est la justesse technique qui rend ces images opératoires pour la compréhension de la technique elle-même et non seulement comme « trucs pédagogiques » ? De quelles manières ces imaginaires techniques participent-ils d’une véritable culture technique ? Par exemple, lorsque nous « naviguons » dans un « bureau » avec des « fenêtres ouvertes » face à notre écran d’ordinateur, pareil imaginaire nous permet-il d’accéder à une relation technique avec l’ordinateur ou bien cela nous la masque-t-il irrémédiablement ? Plus largement c’est la relation entre technique et fiction qui est interrogée : alors que la condition moderne de la technique est souvent pensée par son rapprochement avec la science, la fiction peut-elle constituer un rapport bien réglé à ce qu’est la technique ?

  • Sur la spécificité de l’imaginaire technique : Cette journée essaye donc de penser ensemble à la fois l’imaginaire des gestes techniques liés à des métiers que celui des gestes techniques d’usage, dans des contextes quotidiens, ludiques, voir fictionnels. Cette diversité des situations concernées par notre étude pose une question majeure : comment ces différents imaginaires communiquent-ils ? Si c’est bien une certaine qualité de liaison qui est à la racine d’un imaginaire, y a-t-il une qualité qui lierait les fictions sur l’intelligence artificielle, le geste du charpentier et les prouesses sportives ? Ou bien est-ce que ce caractère général, sinon universel, est précisément ce qui échappe à la notion d’imaginaire technique, qui garderait toujours un ancrage dans les pratiques particulières ?

Calendrier et consignes de soumission

  • 1er février 2024 : date limite d’envoi des propositions d’article.
  • 15 février 2024 : envoi des notifications d’acceptation ou de refus aux auteur.rices
  • 1er juin 2024 : envoi de la v1 des articles pour évaluation.
  • Fin septembre 2024 : retour des évaluations.
  • 1er décembre 2024 : envoi des versions définitives des articles.
  • Printemps 2025 : parution du numéro.

Les propositions d’article, d’une longueur comprise entre 400 et 600 mots, accompagnées d’une courte notice biographique, sont à envoyer pour le 1er février 2024 à :

  • thomas.morisset[at]univ-cotedazur.fr 
  • à mschiele[at]dfk-paris.org

Les articles définitifs devront comporter 40 000 signes, espaces compris, avec une marge de tolérance de plus ou moins 20 % et seront accompagnés d’un résumé strictement inférieur à 800 signes, espaces compris. Seuls les articles en français sont acceptés.

Comité de lecture

Fabienne Brugère (Bordeaux), Gabrielle Croco (Aix-Marseille), Nathalie Depraz (Rouen), Pierre Destrée (Louvain-la neuve), Emmanuel Faye (Paris X), Stéphane Haber (Besançon), Jean-Baptiste Joinet (Paris I), Jean-Louis Labussière (Montpellier III), Paolo Mancosu (Berkleley), Maryvonne Saison (Paris X), Jean-Jacques Wunenburger (Lyon III).

Bibliographie indicative

  • Gaston Bachelard, L’Air et les Songes. Essai sur l’imagination du mouvement, Paris, Le Livre de Poche, 2014.

  • Gaston Bachelard, L’Eau et les Rêves. Essai sur l’imagination de la matière, Paris, Le Livre de Poche, 1942.

  • Roland Barthes, Mythologies, Paris, Editions du Seuil, 2014.

  • Pierre Cassou-Noguès, Technofictions, Paris, Éditions du Cerf, 2019.

  • Marianne Chouteau & Cécile Nguyen (dir.), Mises en récit de la technique. Regards croisés, Paris, Éditions des Archives contemporaines, 2011.

  • Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, Éditions Bordas, 10ème édition, 1984.

  • Cynthia Fleury, Métaphysique de l’imagination, Paris, Gallimard, 2000.

  • Imagination, imaginaire, imaginal, Cynthia Fleury (dir.), Paris, P.U.F., 2006.

  • Anne-Françoise Garçon, L’imaginaire et la pensée technique, Classiques Garnier, 2012

  • Philippe Hamon, Imageries. Littérature et image au xixe siècle, Paris, José Corti, 2001.

  • Donna Haraway, « A Cyborg Manifesto: Science, Technology and Socialist-Feminism in the Late Twentieth Century », in Simians, Cyborgs and Women. The Reinvention of Nature, London, Free Association Books, 1991.

  • Yuk Hui, La question de la technique en Chine, Paris, Divergences, 2021.

  • Wolfganf Iser, Das Fiktive und das Imaginäre, Perspektiven literarischer Anthropologie, Suhrkamp Verlag, 2001.

  • Les Imaginaires et les techniques, Fabian Kröger et Marina Maestrutti (dir.), Paris, Presses des Mines, Collection Sciences de la conception, 2018.

  • Imaginaires Technologiques, François Sebbah et Alberto Romele (dir.), Dijon, Les presses du réel, 2023.

  • Magdalena Marciniak, « Le mot imaginaire chez Roland Barthes », Cités, 2018/3 (N° 75), p. 121-132. Disponible en ligne : https://www.cairn.info/revue-cites-2018-3-page-121.htm

  • Claude-Pierre Pérez, « L’imaginaire » : naissance, diffusion et métamorphoses d’un concept critique, Paris, « Littérature », Armand Colin, 2014/1, n°173, p. 102-116. Disponible en ligne : https://www.cairn.info/revue-litterature-2014-1-page-102.htm

  • Jean-Paul Sartre, L’Imaginaire, Paris, Tel, Gallimard, 1940.

  • Richard Senett, Ce que sait la main, Paris, Albin Michel, 2010.

  • Gilbert Simondon, Du mode d’existence des objets techniques, Paris, Éditions Aubier, 2012.

  • Jean Starobinski, « L’Empire de l’imaginaire », La relation critique, L’œil vivant II, Paris, Tel Gallimard, 2001.

  • Gérard Toffin, « La fabrique de l’imaginaire », L’Homme [En ligne], 221 | 2017, mis en ligne le 01 mars 2019, URL : http://journals.openedition.org/lhomme/30101

  • Jean-Jacques Wunenberger, l’Imagination, mode d’emploi ? Une science de l’imaginaire au service de la créativité, Paris, Éditions Manucius, 2014.


Date(s)

  • Thursday, February 01, 2024

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Keywords

  • esthétique, geste, image, imaginaire, imagination, technique, technologie

Contact(s)

  • Thomas Morisset
    courriel : thomas [dot] morisset [at] univ-cotedazur [dot] fr
  • Marie Schiele
    courriel : mschiele [at] dfk-paris [dot] org

Reference Urls

Information source

  • Thomas Morisset
    courriel : thomas [dot] morisset [at] univ-cotedazur [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Imaginaires techniques : ce que l’image fait au geste », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, December 14, 2023, https://doi.org/10.58079/1cdx

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