Animation : actualité de la recherche
Rapport aux publics, à l’école, à l’engagement et aux territoires
Published on Monday, January 15, 2024
Abstract
Aujourd’hui, les pénuries de main-d’œuvre semblent importantes, notamment dans le secteur des accueils collectifs de mineurs. Que l’on y voit les effets de la crise sanitaire, des spécificités de la jeunesse dans son rapport au travail et à l’engagement ou les conséquences d’autres facteurs explicatifs, ce sont bien les enjeux actuels qui traversent l’animation et leur actualisation dans les problématiques contemporaine qu’il s’agira d’analyser. Les travaux scientifiques présentés pourront ainsi explorer l’une des quatre dimensions qui caractérisent le positionnement de l’animation : ses rapports avec ses publics, les autres institutions éducatives et notamment l’école, l’engagement et les territoires.
Announcement
Co organisée par l’IUT de Tours – université de Tours, le laboratoire Citeres (UMR7324), l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep), et le réseau thématique 15 sociologie de la jeunesse de l’Association Française de Sociologie (AFS).
Argumentaire
Aujourd’hui, les pénuries de main-d’œuvre semblent importantes, notamment dans le secteur des accueils collectifs de mineurs. Que l’on y voit les effets de la crise sanitaire, des spécificités de la jeunesse dans son rapport au travail et à l’engagement ou les conséquences d’autres facteurs explicatifs, ce sont bien les enjeux actuels qui traversent l’animation et leur actualisation dans les problématiques contemporaine qu’il s’agira d’analyser[1].
Les travaux scientifiques présentés, issus de disciplines variées sociologie[2], sciences de l’éducation, histoire[3], géographie, sciences politiques, pourront ainsi explorer l’une des quatre dimensions qui caractérisent le positionnement de l’animation : ses rapports avec ses publics, les autres institutions éducatives et notamment l’école, l’engagement et les territoires. Une attention particulière sera accordée aux recherches aux différents niveaux territoriaux ou à l’international.
Rapport aux publics
Longtemps, les chiffres les plus élémentaires ont manqué pour évaluer ne serait-ce que la fréquentation des accueils collectifs de mineurs. Depuis quelques années, de nouvelles données mettent progressivement en évidence son ampleur (une place en ALSH pour 3 places en école primaire selon l’Injep[1]), mais l’on en sait encore peu sur les propriétés des enfants et de leurs familles. Sans pouvoir se substituer à un appareil de collecte et d’analyse statistique construit à l’échelle nationale, des travaux quantitatifs ou qualitatifs localisés pourraient néanmoins permettre d'appréhender le rapport que certaines fractions du public construisent avec les structures d’animation. Mettre son enfant à l’accueil périscolaire n’est-il envisagé que comme un moyen de garde ? Certains parents y voient-ils des vertus éducatives, dans l’apprentissage de la vie en collectivité par exemple ? Qu’en pensent les enfants ou les jeunes eux-mêmes et comment évoluent leurs manières de voir les lieux d’accueil à mesure qu’ils et elles grandissent et qu’évoluent leurs goûts ?
Ces approches par les publics et les pratiques concrètes pourraient notamment questionner la place du genre : comment le déploiement des formes des sociabilités genrées à l’intérieur des ALSH, l’action même des animateurs et animatrices (constitution des équipes et division du travail) peuvent contribuer à la transmission des rôles sociaux de sexe alors même que domine une certaine éthique égalitariste[2].
Cette question invite également à s’intéresser, par-delà les discours qui mettent en avant les mille et unes vertus de l’animation, aux effets que peuvent produire sur les différentes catégories de public la fréquentation plus ou moins intense, plus ou moins prolongée, des structures d’animation. Comment l’animation prend-elle place, avec une cohérence plus ou moins grande, parmi les instances de socialisation de l’enfance et de la jeunesse ?
Rapport à l’institution éducative
Au cours des années 2010, un ensemble de mesures sont venues élargir et renforcer l’offre d’éducation dans les politiques publiques. La plus importante d’entre-elles a sans doute été la réforme dite « des rythmes scolaires », mise en œuvre en 2013 par Vincent Peillon, alors ministre de l’éducation nationale. Malgré son « assouplissement » à partir de 2017, elle a eu pour effet d’élargir le champ des politiques éducatives à destination de l’enfance et de la jeunesse. Le « temps périscolaire », qu’on appelait auparavant la « garderie » du matin ou du soir, ou la pause méridienne qui a remplacé la « cantine », se voient de plus en plus investis d’un caractère éducatif[3]. Il ne suffit plus en somme de surveiller les enfants, il convient désormais de leur proposer des activités ayant « du sens », voire s’inscrivant dans « un projet », ou encore de prendre prétexte des expériences de la vie scolaire ordinaire pour sensibiliser à la protection de l’environnement, à la citoyenneté[4]… À côté des intervenant·e·s artistiques, culturel·le·s et sportif·ve·s spécialisé·e·s, les animateur·trice·s ont vu leur présence se renforcer, au moins en termes de durée, dans l’univers scolaire. Comment ces différent·e·s professionnel·le·s cohabitent-ils·elles ? Quels rapprochements ou quelles luttes se constituent autour des positionnement professionnels et pédagogiques (formes d’adresse à l’adulte, exercice de l’autorité et de la sanction), des périmètres de légitimité (temps et espaces scolaires vs périscolaires), des compétences… que ce soit avec les enseignant·es ou les autres catégories de professionnel·les qui y interviennent ?
Du côté de l’école, la recherche a bien documenté depuis une dizaine d’années le hiatus entre l’injonction à la collaboration entre scolaire et périscolaire et la difficulté des professionnel·le·s concerné·e·s à y répondre pour des raisons de statuts, de conditions d’emploi, mais aussi de culture professionnelle[5]. La mise en place des Temps d’Activités Pédagogique (TAP) ou Nouvelles Activités Périscolaires (NAP) a pu conduire à l’introduction d’activités venant compléter ou concurrencer le travail des enseignant·e·s. Ces mesures s’inscrivent dans une tendance visible dans l’ensemble des pays développés depuis une quarantaine d’années qui ambitionne d’améliorer les performances des élèves, en particulier celles et ceux des quartiers populaires, en complétant l’action de l’école par un encadrement périscolaire supposé aider les élèves dans leurs activités en classe. Si l’animation est depuis longtemps associée à ce travail à travers les différentes formes de soutien scolaire (aide aux devoirs[6], Contrat Local d’Accompagnement à la Scolarité), l’élargissement de cette place interroge le cadre institutionnel dans lequel il se déroule.
Rapport à l’engagement
L’élargissement des préoccupations éducatives et la création d’instances permettant la collaboration entre « acteurs éducatifs » à différents échelons sont soutenus par une action renforcée de l’État qui ainsi contribue à la définition des enjeux confiés à l’animation, définit les périmètres de concertation et déploie des politiques qui encadrent le travail des animateur·trice·s. On a ainsi vu se multiplier les initiatives nationales, notamment sous l’égide du secrétariat d’État en charge des questions de jeunesse, avec l’organisation des Assises de l’animation prolongées ensuite par la création d’un comité de filière animation. A l’échelle régionale ou même locale, tout un ensemble d’évènements sont régulièrement organisés par des collectifs plus ou moins institués (« rencontre de l’animation », « assises de l’éducation populaire »…). Ce mouvement engage les institutions dans un travail de définition des enjeux et d’élaboration de solutions qui interrogent quant aux reconfigurations à l’œuvre[7]. On peut par exemple ici penser à la promotion du BAFA comme dispositif permettant « l’engagement des jeunes » (ouverture dès 16 ans, aides financières, lien avec le service civique)[8], à la qualification de la main d’œuvre périscolaire et la question des équivalences entre diplômes…
La question de l’engagement des animateurs·trice·s volontaires mais aussi des professionnel·le·s ne peut manquer de rappeler les enjeux qui traversent l’animation autour du « sens » du travail et plus largement de l’action. Le renforcement des politiques visant à favoriser l’engagement, la participation, la construction de projet… place les animateurs·trice·s dans une mission de promotion de l’implication de soi dont les finalités peuvent être définies de façons contradictoires. Que faire par exemple de l’héritage de l’éducation populaire lorsque le travail consiste à accompagner la recherche d’information d’un jeune[9], le « projet » d’un groupe d’adolescent·es, le « pouvoir d’agir » des habitant·es[10], la participation à un conseil municipal d’enfants ou de jeunes[11] ou encore l’accompagnement du service national universel ?
On peut enfin, dans cette perspective, s’interroger sur l’actualité de la formation, des trajectoires et carrières, des rapports au métier et au militantisme et des formes de vieillissement qui caractérisent aujourd’hui l’animation. Comment se construisent dès lors la professionnalité entre qualités personnelles et professionnelles, convictions et techniques, mais aussi les opportunités de carrière, l’accès aux positions d’encadrement… pour les animatrices et les animateurs.
Rapport aux territoires
Derrière la déploration de la quasi-absence de candidatures, de la « faiblesse » des profils ou des exigences des salarié·e·s, se trouve enfin un double problème plus structurel. Celui des conditions d’emploi d’abord, qui restent souvent précaires (probablement moins pour les postes de coordination) et insuffisamment rémunératrices pour constituer un statut durable. On sait que l’animation reste un métier de jeunes, non seulement en raison de la démographie mais également de la faiblesse des perspectives de carrières. Celui de la formation ensuite, puisque le nombre de diplômé·e·s professionnel·le·s (BPJEPS, DUT carrières sociales) n’a pas augmenté, même s’il faudrait prendre en compte les qualifications de la fonction publique territoriale et que celui des volontaires, malgré une légère reprise, régresse depuis 2012[12].
Plus généralement, les cadres institutionnels qui sollicitent de façon plus ou moins directe l’animation se renouvellent et font évoluer le mandat qui lui est confié, parfois confusément. En plus de l’instauration de subventions et d’un cadre législatif (taux d’encadrement) spécifiques, les projets éducatifs de territoire (PEDT) ont ainsi incité, en principe tout du moins, à la concertation des acteurs éducatifs d’un territoire, y compris l’école. On trouve la même logique, bien qu’au nom d’objectifs différents, dans les « plans mercredis » et les « cités éducatives ». Ce sont aussi les reconfigurations de l’action auprès des familles, avec l’extension des usages de la catégorie de « parentalité », qui placent l’origine et donc le traitement d’un certain nombre de problèmes sociaux dans le comportement des parents[13].
Ce sont enfin les statuts d’emploi, les conditions de travail et les principes de division, de reconnaissance ou d’invisibilisation des tâches qui viennent interroger les façons dont animateurs·trices se voient reconnu·es comme professionnel·les. Qu’en est-il de la précarité, du turn-over, du droit du travail dans l’animation mais aussi de l’élaboration de sa légitimité ? La plupart des travaux sur ces aspects pointent depuis longtemps les difficultés objectives des conditions de travail (temps partiel subi, morcellement des horaires, faibles rémunérations, non déclaration des heures supplémentaires…). Ce constat constitue un indice de la position de l’animation par rapport aux autres professions du care, du travail social ou de l’éducation et interroge les modes de constructions professionnelles[14].
Modalités de soumission des contributions et calendrier
Après avoir précisé l’axe dans lequel elles s’inscrivent, les propositions de communications, deux pages maximum (environ 5000 caractères, bibliographie et espaces compris), devront présenter la problématique traitée, la méthodologie et les données mobilisées et les principales questions, voire les principaux résultats, qui seront présentés lors de la journée d’étude.
Les auteur·e·s sont également invité·e·s à préciser leur nom, leur statut, leur affiliation et leurs coordonnées. Les contributions de doctorant·e·s et jeunes chercheur·e·s sont fortement encouragées.
Les propositions de communication sont à envoyer au plus tard pour le 15 février 2024.
Contacts pour les envoyer les communications jerome.camus@univ-tours.fr et Emmanuel.porte@jeunesse-sports.gouv.fr
Les auteurs et autrices seront averti·es de la sélection de leur proposition au 15 mars 2024.
Une fois retenue, la communication devra être rédigée sous format de 25-30 000 signes (espaces, bibliographie et notes de bas de page comprises) pour le 30 mai 2024 afin que cette communication puisse être discutée par un·e chercheur·e.
Comité d’organisation
- Elodie Dupuit, MCF IUT Tours ;
- Emmanuel Porte, chargé de recherche, Injep ;
- Jérôme Camus, MCF, IUT Tours ;
- Laurent Besse, MCF, IUT Tours ;
- Yaëlle Amsellem Mainguy, chargée de recherche, Injep ;
- Laurine Herpin, IGE université de Tours.
Comité scientifique
- Yaëlle Amsellem Mainguy, CR, Injep, AFS RT15
- Sylvère Angot, chef de projet développement social local, ville de Lyon.
- Valérie Becquet, PU, CY Cergy Paris Université
- Laurent Besse, MCF, Université de Tours, IUT, CETHIS
- Jérôme Camus, MCF, Université de Tours, IUT, CITERES (UMR 7324)
- Sarra Chaieb, MCF, Université Sorbonne Paris Nord, IUT, IRIS EHESS, AFS RT15
- Christophe Dansac, MCF, Université Toulouse Jean Jaurès, IUT de Figeac, GRIP Figeac.
- Elodie Dupuit, MCF, Université de Tours, IUT, CITERES (UMR 7324)
- Luc Greffier, MCF, Université Bordeaux Montaigne, IUT, UMR Passages 5319 du CNRS
- Francis Lebon, PU, Université Paris Cité, CERLIS CNRS (UMR 8070)
- Julien Netter, MCF, Université de Créteil
- Manon Pesle, MCF, Université Jean Monnet - St Etienne
- Emmanuel Porte, CR, Injep
- Nicolas Roux, MCF, Université Reims Champagne Ardenne, IUT, CEREP
- Stéphanie Rubi, PU, Université Paris Cité, CERLIS CNRS (UMR 8070)
Notes
[1] Renaud Foirien, « Fréquentation des accueils collectifs de mineurs (accueils de loisirs, colonies de vacances, scoutisme…) en 2021-22 », Fiches repères, INJEP, 2023/01.
[2] Elisa Herman, « Activités de filles ou de garçons ? Genre et socialisation dans l’animation périscolaire », in Jérôme Camus et Francis Lebon, Regards sociologiques sur l’animation, Paris, La documentation française, Fonjep, 2015 ; Magalie Bacou et Yves Raibaud. « Introduction au dossier mixité dans les activités de loisirs. La question du genre dans le champ de l’animation » Agora débats/jeunesses, vol. 59, no. 3, 2011, pp. 54-63.
[3] Julien Netter, Culture et inégalités à l’école, Esquisse d’un curriculum invisible, Paris, PUR, Paideia, 2018.
[4] Valérie Becquet, Paolo Stuppia, Géopolitique de la jeunesse, Engagement et (dé) mobilisation, Le cavalier bleu, 2021
[5] Francis Lebon, Maud Simonet, « Des petites heures par-ci par-là. Quand la réforme des rythmes scolaires réorganise le temps des professionnels de l’éducation », Actes de la recherche en sciences sociales, 220, 2017, p. 4-25
[6] Judit Vari, « Les espaces d’accompagnement à la scolarité. Vers une institutionnalisation des pratiques issues de l’Education Nouvelle », in Spirale sous la coord. Casanova et Cara, « Pédagogies alternatives. Quelles définitions, quels enjeux, quelles réalités ? », n°45, 2010, pp. 151-166.
[7] Francis Lebon, Entre travail éducatif et citoyenneté : l'animation et l'éducation populaire. Champ social, 2020
[8] Magalie Bacou, Le BAFA. Quels effets sur les parcours d’engagement et d’autonomie des jeunes ? Revue de littérature, Paris, Injep, Rapports d’étude, 2017. Jeanne Moenclaey, Le bafa et les jeunes. Étude évaluative, Paris, CNAF, 2017 ; Magalie Bacou et al. « Le volontariat dans l'animation. Vers une déprofessionnalisation au nom de l'engagement ? », Agora débats/jeunesses, vol. 67, no. 2, 2014, pp. 37-51
[9] Julie Vaslin, L’information jeunesse au quotidien, Institutions, pratiques, trajectoires, Paris, INJEP, Rapports d’étude, 2023.
[10] Héloïse Nez, Catherine Neveu et Julie Garnier (dir.), Le pouvoir d’agir dans les centres sociaux, Reconfigurations militantes et professionnelles, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, Espaces politiques, 2023.
[11] Nicolas Brusadelli, « « Faire participer les jeunes ». La contribution de l’éducation populaire à la socialisation militante juvénile », Revue française de pédagogie, vol. 215, no. 2, 2022, pp. 45-56.
[12] Bruno Dietsch, « Les diplômés 2020-21 d’un brevet professionnel d’éducateur sportif ou d’animateur (BPJEPS), « fiches repères », INJEP, 40, 2022 ; Renaud Foirien, « Les diplômés des brevets d’aptitude aux fonctions d’animateur (BAFA) et de directeur (BAFD) en 2022 », Fiches repères, INJEP, 2023/03 ; Bock Cyrille. « L’animation socioculturelle : émergence et structuration des diplômes comme indicateurs de la professionnalisation », Agora débats/jeunesses, vol. 90, no. 1, 2022, pp. 7-20.
[13] Jérôme Camus, « Pour quoi faire de la parentalité ? Des professionnel·les aux prises avec la régulation politique des familles », Savoir/agir, 43, 2018, p.31-40.
[14] Charlène Charles, « Rhétorique émotionnelle et précarité dans le travail social », La nouvelle revue du travail, 6, 2015, en ligne. de Lescure, Emmanuel et Emmanuel Porte. « Introduction. Politiser l’éducation populaire, un « réenchantement » ? », Agora débats/jeunesses, vol. 76, no.2, 2017, pp. 53-63.
Subjects
- Modern (Main category)
- Society > Sociology
- Mind and language > Education
Places
- IUT de Tours, 29 rue du Pont Volant
Tours, France (37)
Event attendance modalities
Full on-site event
Date(s)
- Thursday, February 15, 2024
Attached files
Keywords
- animation, école, péri-scolaire, enfance, jeunesse, territoire
Contact(s)
- Jérôome Camus
courriel : jerome [dot] camus [at] univ-tours [dot] fr
Information source
- Jérôme Camus
courriel : jerome [dot] camus [at] univ-tours [dot] fr
License
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To cite this announcement
« Animation : actualité de la recherche », Call for papers, Calenda, Published on Monday, January 15, 2024, https://doi.org/10.58079/vlf4