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Église et tabous sexuels en Afrique

 AMANI, Revue théologique du Sud (RTS), Numéro 3

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Published on Wednesday, February 07, 2024

Abstract

En Afrique, le plus souvent, le sexe se pratique davantage qu’il ne se dit. Ceci vient du fait que la sexualité en Afrique depuis toujours, est entouré de tabous, à l’instar de plusieurs autres régions du monde. À ce stade, le langage qui entoure le sexe surtout quand il veut véhiculer un savoir ne peut que se deviner, ou se visualiser par le biais d’œillères pour ne jamais en préciser la pensée. Il est donc difficile de pénétrer l’univers des sexualités. Cet appel de la Revue théologique du Sud a pour objectif de faire parler les victimes et de permettre aux Églises an Afrique de prendre leur responsabilité en main et d’agir afin de ne pas apporter une consolation parfois hypocrite aux victimes.

Announcement

Argumentaire

Le vocable «  tabou  » désigne généralement un concept, une pratique culturelle ou religieuse à laquelle on ne peut toucher et qu’on ne peut critiquer, mettre en cause ou qu’il serait malséant d’évoquer, en vertu des convenances sociales ou morales. Ainsi il y a des sujets ou pratiques socialement existant qu’il est interdit d’évoquer ou qu’il est préférable de ne pas aborder. Ce sont les « oubliés » de l’histoire en raison des règles de bienséance dans une société donnée, du poids d’une idéologie dominante ou encore de leur inadéquation avec la demande sociale. Le silence est imposé souvent parce qu’il s’agit de points obscurs, enfouis sous le convenu, le politiquement correct ou encore plus fréquemment parce qu’ils sont sources de controverses, de conflits. Des tabous sont interdits de discours, interdits de recherche, interdits d’existence juridique.

Il y a ensuite les tabous qui sont des sujets dont on peut parler mais sans ouvrir la discussion, ou en la limitant. Aborder la question sur les tabous, c’est décider de parler des sujets les plus couramment évités en Afrique. Parmi ces sujets nous avons la sexualité. Elle est tout ce qui a rapport à la vie sexuelle ; que ce soit le désir, le plaisir, la relation en couple ou la reproduction. En effet, elle demeure un sujet très délicat.

En Afrique, parler de la sexualité est très rare. N’eût été les quelques émissions télévisées et radiodiffusées sur la chose, on aurait pu dire qu’il n’y a que les conjoints qui s’entretiennent sur la sexualité. L’attachement des peuples africains aux valeurs morales fait qu’il est quasi impossible de voir des personnes âgées discuter de la sexualité avec les jeunes qui sont le plus souvent victimes d’un manque d’informations sûres en la matière.

Ces victimes ne sont pas présentes seulement dans les familles mais aussi dans les Églises qui parfois restent silencieuses et laissent croître le mal au nom du « respect des us et coutumes locales ».

Certains auteurs nous situent dans cette perspective à l’instar de : Les tabous sexuels transgressés : viol en temps de guerre[1]. Dans ce livre, les auteurs analysent les implications des tabous sexuels sur l’image de soi et de l’autre après le(s) viol(s). Nous découvrons dans le contenu à travers les propos des victimes une urgence d’action. Les auteurs mettent aussi en évidence les thérapeutes qui éclairent la réflexion sur le rôle du tabou sexuel dans la perception de soi et la perception sociale des victimes. Certains facteurs comme la remise en question de soi, la culpabilité et la honte, font souvent obstacle à ce tabou.

Nawej, Kayemb Uriël dans son livre Erotic Africa : La décolonisation sexuelle - redécouvrons la sexualité africaine précoloniale sans tabous judéo-chrétiens imposés par les blancs[2], balaie d’un coup, les énormes dégâts psychologiques et même physiques produits sur nombre d’êtres humains par la multitude des préceptes aussi inutiles qu’erronés introduits subrepticement dans leur cerveau par le canal du judéo-christianisme. L’auteur pense que s’il y a une chose dont certaines religions se servent comme d’un instrument idéal pour le contrôle de leurs sujets et en particulier leurs sujets conquis et colonisés, c’est bien de la sexualité qu’il s’agit, car un être qui ne connaît aucun sentiment de culpabilité, qui est adulte, libre et épanoui sur le plan sexuel, est un être ouvert d’esprit, qui ne réfléchit que par lui-même, qui n’accepte pas de se laisser mouler à l’intérieur d’un processus de normalisation.

Femme nue, femme noire de Calixthe Beyala ou La Fusion du profane et du sacré[3], met en scène la nymphomane et la kleptomane Irène Fofo dans un univers décentré où la sexualité, le profane et le sacré occupent une place absolue. Loin de constituer des pôles irréconciliables, le profane et le sacré, le décentrement aidant, se fondent souvent l’un dans l’autre et se relativisent dans les aventures érotiques de la vedette.

Gabriel Kengne Tchamou explore la participation de l’Église dans la lutte contre ce fléau social dans son livre L’Église africaine et l’éducation sexuelle, entre tabou et banalisation[4] . Nous y voyons un essai sur l’éducation sexuelle dans une Afrique. Cette dernière est prise entre l’étau de sa culture avec le poids important de ses tabous sur le sujet d’une part, et d’autre part le fardeau de la mondialisation avec le vent très rapidement diffus de la « libération sexuelle ». Ce prélat analyse les ressources que donnent l’Église et l’éducation traditionnelle africaine pour affronter avec courage, sérénité et efficience ce sujet toujours dérangeant, mais en même temps, toujours actuel, urgent et nécessaire.

Nous situant dans cette dernière logique, nous nous demandons si l’Église en Afrique doit continuer à regarder ses enfants souffrir sans mot dire ou continuer à se limiter à la consolation des victimes ? Comment pousser nos Églises en Afrique a non seulement dénoncer, mais prendre position et lutter contre les pratiques qui déshonore l’homme et dont personne ne veut parler ?

C’est pourquoi, nous voulons explorer la dynamique entourant les tabous sexuels, examiner comment engager des conversations visant à les démanteler de manière constructive cette pratique qui dénature l’humain.

Axes

Plus concrètement, cet appel à contribution veut s’étendre de façon non exhaustive sur les axes suivants :

L’excision

Décrivant les mutilations génitales féminines, les excisions, désignent l’ablation totale ou partielle des organes génitaux féminins extérieurs ou toute autre lésion des organes génitaux féminins qui sont pratiquées pour des raisons non médicales. L’excision constitue une violation brutale des droits humains et de l’intégrité physique et morale des filles et des femmes qui a des conséquences directes violentes sur leurs vies et peuvent provoquer des séquelles à long terme.

L’inceste

Ce fléau est un rapport sexuel entre apparentés, frappé d’interdits variables selon les époques, les pays, la nature des liens de parenté, l’âge, les lois en vigueur. Ce peut être une relation entre membres d’une même famille dont le degré de parenté ou d’alliance interdit le mariage civil ou religieux. En dépit de cette prohibition théorique, les victimes d’inceste, généralement des femmes, sont nombreuses dans toutes les sociétés, les agresseurs étant dans la très grande majorité de sexe masculin. Les souffrances causées aux victimes d’inceste ne sont généralement pas visibles au moment de l’acte, mais elles le deviennent par la suite, en particulier à travers des tentatives de suicide.

L’infertilité

Selon Allodocteurs.africa[5], l’Afrique est le continent le plus touché par l’infertilité, c’est-à-dire la difficulté à donner la vie. Alors que 15 à 30 % des couples africains ont des difficultés à faire des bébés (contre 5 à 10 % dans le reste du monde), les femmes sont souvent considérées comme responsables de l’infertilité. Dès qu’un couple n’arrive pas à avoir d’enfants, c’est la faute de la femme ! Dans un continent où la virilité de l’homme se traduit - à tort - par sa capacité à faire des enfants, la stérilité masculine est un sujet tabou. Pourtant, dans un tiers des cas, l’infertilité est masculine. Dans un autre tiers, elle est féminine. Et dans le dernier tiers, la cause de l’infertilité est mixte, c’est-à-dire que les deux membres du couple sont concernés.

Viol

Le viol consiste dans le fait de soumettre un individu par la force ou la violence à une relation sexuelle non volontaire. Il s’agit d’un crime prévu par le droit pénal national de la plupart des pays. Les lois de nombreux pays prévoient que si la réalité de la pénétration ou si le caractère forcé de la relation ne sont pas prouvés on ne peut pas qualifier ces actes de viol ni les juger en tant que crimes. Ils ne pourront être jugés que dans la catégorie des délits sexuels. Le caractère forcé d’une relation sexuelle n’est pas toujours facile à prouver. Il faut démontrer que l’éventuelle soumission de la victime ne peut pas être assimilée à un libre consentement. Cette soumission a pu en effet être obtenue par la force, la menace, l’abus d’autorité ou de confiance. Ce problème réel pour des relations entre adultes se pose également en cas de relations sexuelles entre un adulte et un mineur car la loi ne reconnaît pas la validité du consentement des mineurs

Attouchements sexuels

Un attouchement sexuel est l’acte délibéré de toucher sexuellement une autre personne sans son consentement. Ce geste peut constituer une agression sexuelle1 ou, plus largement, être perçu comme socialement inacceptable. En général, le terme ne concerne pas les contacts physiques consentis dans le cadre d’une caresse sexuelle, d’un massage ou d’un examen médical.

La frigidité

La frigidité est une dysfonction sexuelle caractérisée par un manque ou une absence de libido, durant une certaine période. Considérée comme un trouble, elle peut être causée par une détresse, des difficultés interpersonnelles, un trouble mental, une substance (particulièrement des antidépresseurs ; ou drogues) ou une autre condition médicale. La frigidité est une pathologie associant l’absence de désir sexuel (anaphrodisie) et de plaisir sexuel (anorgasmie). La frigidité peut être générale (manque général de désir sexuel) ou occasionnelle (quelques périodes de désir sexuel, mais manque de désir avec un partenaire actuel), et peut durer pendant une période spécifique (frigidité développée après une période sexuelle normale) ou durant toute une vie.

Adultère

L’adultère est le fait pour un époux ou une épouse de violer son serment de fidélité, de partage, et d’avoir des relations sexuelles avec une personne autre que son conjoint envers qui il a affirmé ce serment. Couramment, on parle également d’infidélité. L’adultère suppose donc non seulement une relation extraconjugale, mais aussi que la société et le contexte dans lesquels elle se déroule exige l’exclusivité sexuelle des conjoints. Dans certains textes, le mot « adultère » désigne n’importe quelle relation sexuelle hors mariage (donc par exemple entre célibataires), cependant, en français, le terme consacré pour ceci fut fréquemment « fornication »

Prostitution

Modalités de contribution

  • Choisir l’axe de réflexion
  • Présenter clairement sa problématique
  • Présenter les défis et les enjeux et les solutions à partir d’une situation précise
  • Développer une réflexion dans une démarche de préférence corrélative
  • Proposer une théorie à appliquer à des pratiques dans le domaine concerné.

Les résumés / textes doivent être envoyés au plus tard le 25 mars 2024 au secrétariat de AMANI, Revue Théologique du Sud à l’adresse suivante : hervedjilo@yahoo.fr 

Ampliation obligatoire aux adresses suivantes : 

  • nsouami@gmail.com ,
  • editonscle@yahoo.fr, 
  • revdrnkolofanga@gmail.com,
  • brigitteatsin@gmail.com, 
  • vincentdplele@gmail.com , 
  • tchoumbafefe@yahoo.fr.

Les résumés ou projets d’articles et textes complets devront respecter les modalités de rédactions suivantes :

  • Police : Times New Roman ;
  • interligne : 1,5 ;
  • Taille : 12, assorti de 5 mots clés et, suivi du nom, prénom, affiliation institutionnelle et grade de l’auteur.

Chaque proposition finale, de 12 à 20 pages, devra comporter un résumé final (en Français et Anglais) de 150 à 200 mots au maximum.

Public ciblé par l'appel

  • Enseignants-chercheurs
  • Sociologues
  • Psychologues
  • Théologiens
  • Pasteurs
  • Prêtres
  • Responsables traditionnels
  • Responsables ONG de lutte contre les abus sexuels
  • Doctorants et tous enseignants intéressés par le partage de connaissances scientifiques
  • Étudiants

Calendrier

  • Publication de l’appel : 20 Janvier 2024
  • Les résumés des propositions de communications de 300 à 400 mots maximum devront comportés (une idée générale ; les objectifs bien définis ; la problématique ; la méthodologie et l’axe de réflexion.)Ils sont attendus au plus tard le 25 mars 2024
  • Les différents contributeurs seront notifiés de l’acceptation ou du rejet de leurs propositions à partir du 10 Avril 2024
  • La date limite d’envoi des textes complets (en français ou anglais) est fixée au 10 Juin 2024

Comité scientifique

  • Rév. Dr. N’SOUAMI Patrice (Université Protestante d’Afrique Centrale)
  • Dr. KUATE DJILO Hervé (Université Protestante d’Afrique Centrale)
  • Rév. Dr. NKOLO NFANGA Jean Patrick (Faculté de Théologie Évangélique de Bangui)
  • Très Rvde Dr. DJESSOU Brigitte (Université Protestante d’Afrique centrale)
  • Rvde Dr. FIFAME Fidèle (Université Protestante d’Afrique de l’Ouest)
  • Mr LELE Vincent de Paul (Éditeur à Éditions CLÉ (Centre de Littérature Évangélique Yaoundé)
  • Mme TCHOUMBA Félicité (Littéraire à Éditions CLÉ (Centre de Littérature Évangélique Yaoundé

Bibliographie non exhaustive

  • ALBERT Jean‑Pierre, Odeurs de sainteté : La mythologie chrétienne des aromates, Paris, EHESS, 1996.
  • FREUD Sigmund, Totem et Tabou [Totem und Tabu,1912], S. Jankélévitch, Paris, Payot, 1928, rééd. 1968.
  • FREUD Sigmund, Trois essais sur la théorie sexuelle, trad. Philippe Koeppel, Paris, Gallimard, 1987.
  • KAYEMB Nawej Uriël, Erotic Africa : La décolonisation sexuelle - redécouvrons la sexualité africaine précoloniale sans tabous judéo-chrétiens imposés par les blancs, CreateSpace Independent Publishing Platform, 2012
  • KENGNE TCHAMOU Gabriel, L’Église africaine et l’éducation sexuelle, entre tabou et banalisation, Independently published, 2020.
  • MAISHA Buuma M., Karlijn Demasure et Judith Malette, Les tabous sexuels transgressés : viol en temps de guerre, Collection : Études africaines – Politique, Harmattan, Paris 2017
  • REY‑FLAUD Henri, Le Charivari : les rituels fondamentaux de la sexualité, Paris, Payot, 1985.
  • RICHLIN Amy (éd.), Pornography and Representation in Greece and Rome, NY/ Oxford, O.U. Press, 1992.
  • ROSSIAUD Jacques, La prostitution médiévale, Paris, Flammarion, 1988.
  • THOMASSET Claude et JACQUART Danielle, Sexualité et savoir médical au Moyen Âge, Paris, Presses Universitaires de France, 1985.
  • THOMPSON Roger, Unfit for modest ears. A study of pornographic, obscene and bawdy works written or published in England in the second half of the seventeenth century, London, The Macmillan Press, 1979.
  • ANSALDI J., « Loi et transgression. Approche de quelques thèmes bibliques », La loi et la transgression. Revue du centre freudien de Montpellier,3, janvier 1985.
  • ASAAH Augustine H., « Femme nue, femme noire de Calixthe Beyala ou La Fusion du profane et du sacré », in Nouvelles Études Francophones, vol. 21, No. 1, University of Nebraska Press,2006.
  • BECQ Annie, « Masculin / Féminin : Discours sur le sexe et sexe du discours », in Aimer en France : 1760-1860. Actes du colloque international de Clermont‑Ferrand, Association des Publications de la Faculté des Lettres etdes Sciences Humaines de Clermont‑Ferrand, 1980, pp. 295‑
  • BENREKASSA Georges, « L’article « Jouissance » et l’idéologie érotique de Diderot », Dix-Huitième siècle,12, 1980, pp. 9‑
  • BOUCHE Thérèse, « L’obscène et le sacré ou l’utilisation paradoxale du rire dans le Roman de la Rosede Jean de Meun », in Le Rire au Moyen Âge dans la littérature et dans les arts, éd. Thérèse Bouché et Hélène Charpentier, Bordeaux, Presses Universitaires, 1990, pp. 83‑
  • FEIN David A., « The dangerous sex: representations of the female body in The Cent Nouvelles Nouvelles », Nottingham Medieval Studies, 46, 2002, pp. 195‑
  • FEIN David A., « The Plague as a sexually transmitted disease: a commentary of the fifty-fith tale of Les Cent Nouvelles »,New Zealand Journal of French Studies, 23 (1), mai 2002, pp. 5‑13

Notes

[1] Buuma M. Maisha,  Karlijn Demasure et  Judith Malette, Les tabous sexuels transgressés : viol en temps de guerre, Collection : Études africaines – Politique, Harmattan, Paris  2017

[2] Nawej, Kayemb Uriël, Erotic Africa: La décolonisation sexuelle - redécouvrons la sexualité africaine précoloniale sans tabous judéo-chrétiens imposés par les blancs, CreateSpace Independent Publishing Platform, 2012

[3] Augustine H. Asaah, « Femme nue, femme noire de Calixthe Beyala ou La Fusion du profane et du sacré », in Nouvelles Études Francophones, Vol. 21, No. 1, University of Nebraska Press,2006.

[4] Gabriel Kengne Tchamou, L'Église africaine et l'éducation sexuelle, entre tabou et banalisation, Independently published, 2020.

[5] https://www.allodocteurs.africa/l-infertilite-c-est-aussi-une-affaire-d-hommes-1608.html

Places

  • Editions CLE - avenue Foch, BP 1501
    Yaoundé, Cameroon (237)

Date(s)

  • Monday, March 25, 2024

Keywords

  • église, tabou, sexe, engagement

Contact(s)

  • Patrice N'souami
    courriel : nsouami [at] gmail [dot] com

Information source

  • Clément Hervé Kuate Djilo
    courriel : hervedjilo [at] yahoo [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Église et tabous sexuels en Afrique », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, February 07, 2024, https://doi.org/10.58079/vrwf

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