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Bestiaire des IA

Revue « Terrain » n° 82

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Published on Tuesday, January 23, 2024

Abstract

Perceptron, Eliza, MYCIN, Bob, Clippy, Infobot, SmarterChild, Siri, Alexa, Image Net, espace latent, DeepDream, GAN, Zoetrope, Jax, GPT2, TensorFlow, Deep Fake, Colab, Disco Diffusion, TPU, Dall-E, Prompt, ChatGPT, Bard, Claude, Laion, Ernie, Stable Diffusion, Lora, Bark, Midjourney, etc. La liste des entités matérielles, conceptuelles et imaginaires relevant des techniques d’intelligence artificielle qui se sont progressivement rapprochées de notre quotidien est de plus en plus longue, formant un gigantesque zoo. D’où l’ambition de ce numéro : s’il fallait en faire un bestiaire raisonné, quelle forme devrait-on lui donner ? L’invasion ne fait que commencer. Il s’agit de la saisir dans son hétérogénéité débordante.

Announcement

Argumentaire

Perceptron, Eliza, MYCIN, Bob, Clippy, Infobot, SmarterChild, Siri, Alexa, Image Net, espace latent, DeepDream, GAN, Zoetrope, Jax, GPT2, TensorFlow, Deep Fake, Colab, Disco Diffusion, TPU, Dall-E, Prompt, ChatGPT, Bard, Claude, Laion, Ernie, Stable Diffusion, Lora, Bark, Midjourney, etc. La liste des entités matérielles, conceptuelles et imaginaires relevant des techniques d’intelligence artificielle qui se sont progressivement rapprochées de notre quotidien est de plus en plus longue, formant un gigantesque zoo. D’où l’ambition de ce numéro : s’il fallait en faire un bestiaire raisonné, quelle forme devrait-on lui donner ? L’invasion ne fait que commencer. Il s’agit de la saisir dans son hétérogénéité débordante. Pour certains, il s’agit d’un simple outil, d’une pure extension dans le processus continu d’externalisation des capacités qui caractérise l’hominisation, comme l’a montré André Leroi-Gourhan. Pour d’autres, un véritable règne est en train d’émerger, un règne doué de propriétés troublantes, une catégorie inédite, mal classée et peut-être inclassable, de non-humains techniques, à la frontière entre les êtres vivants et les composants géologiques ou élémentaires de notre environnement. Dans tous les cas, il semblerait que nous ne soyons pas totalement équipés pour accueillir les IAs sans friction ou que nous n’ayons pas forcément les bonnes théories pour saisir ce qu’elles font et ce qui nous arrive puisqu’en jouant à mimer nos facultés, les IAs modifient en retour notre manière de nous y rapporter.

Insistons sur l’absurdité qui consiste à utiliser le terme d’IA au singulier, puisque derrière chacun de ces systèmes réside une diversité de contextes d’usage (et de mésusages), de capacités cognitives, de modalités d’interactions et surtout de soubassements techniques. Des agents conversationnels aux interfaces d’aides contextuels en passant par les générateurs de textes et d’images, les personnages de jeux vidéo, des systèmes experts aux outils d’apprentissage automatique, c’est tout un répertoire auquel nous avons à faire, avec certaines toujours actives, d’autres abandonnées ou remplacées par une génération suivante dotée de nouveaux modes de fonctionnement. Ces entités ne relèvent ni de technologies cantonnées à des laboratoires de recherche ni du domaine de la fiction. Tandis qu’interagir avec un système d’intelligence artificielle était peu commun au xxe siècle, les dernières décennies et la diffusion de l’informatique dans de multiples pans de notre vie de tous les jours sont une situation courante. Qu’il s’agisse de s’énerver avec un robot conversationnel lors d’un appel téléphonique, de berner une créature dans un jeu vidéo en ligne ou de simplement de faire produire, résumer, compléter un texte par ChatGPT, ces interactions mobilisant une forme de simulation cognitive sont aujourd’hui banales. Et de manière moins visible pour nous tous, de multiples infrastructures diverses de notre quotidien fonctionnent grâce aux techniques d’IA, comme la reconnaissance d’écriture sur les enveloppes de courrier, les applications de navigation ou le filtrage des courriels indésirables.

Ce déploiement massif donne lieu à des usages, des espoirs (le mythe de la Grande Coopération), des craintes (de type Grand Remplacement ou Singularité), des frictions avec le quotidien et plus seulement des fantasmes, puisqu’il touche désormais tous les domaines, des technologies de contrôle, de surveillance et de régulation des populations sous des déclinaisons variées à l’échelle mondiale (Crédit Social en Chine, système de surveillance des frontières en Israël, etc.) à la génération dans l’industrie du divertissement et l’art. C’est d’ailleurs par cette dernière que les IAs ont été largement médiatisées et diffusées ces derniers temps.

Il faut reconnaître que nous évoluons au sein de ce grand zoo artificiel, que nous testons plus souvent que nous ne prenons le temps d’expérimenter, curieusement munis des mauvaises théories et de tout un tas de pré-conceptions ou d’idées fausses sur l’intelligence, le non humain, le vivant et le non vivant, ignorant pour la plupart le fonctionnement des algorithmes et des réseaux de neurones, ce qu’est un « modèle opaque » ou ce que pourrait signifie des « transformers » ou les « 237 millions de paramètres » d’un algorithme d’apprentissage et sans que nous puissions affirmer d’avance que la description informatique des IAs et de leurs codes soit la clé permettant de les comprendre. Si tout semble fait pour nous maintenir dans l’ignorance ou l’inconscience technologique (Simondon le déplorait déjà dès les années 1950 à propos des objets techniques de son temps), la situation se traduit par tout un tas d’autres paradoxes, de malentendus, relevés par de nombreux chercheurs en SHS. Ingénieurs en IA et roboticiens ne cessent de dire qu’anthropomorphiser ces entités artificielles est une grossière erreur (voir à ce propos la récente controverse autour du supposé caractère conscience du modèle de langue LaMDA), alors même que les concepteurs font tout pour leur donner des attributs de personnes. Celles-ci sont nommées, dotées d’une puissance d’agir calquée sur des modalités humaines, animales ou monstrueuses, et parfois d’une apparence physique inspirée de tels modèles. Mais dès qu’il s’agit pour les gens raisonnables de véritablement statuer sur ces entités, on se garde bien de leur accorder un principe vital, de la sentience, de l’intelligence ou de la subjectivité. « Nous savons bien que ce ne sont que des machines, mais quand même… » peut être parce que, par elles, ces facultés que nous attribuions trop facilement à l’être humain peuvent être remises à jeu.

Si certains de ces problèmes ont été déjà explorés — sur les « effets de personne » voir l’expo Persona, MQB, 2016 ou encore sur l’« effet ELIZA », les travaux de Hofstadter[1] —, d’autres le sont beaucoup moins, et apparaissent au fur et à mesure que le zoo s’amplifie et se diversifie. Si tout dans notre relation avec l’IA est aujourd’hui problématique, oscillant entre la conjuration du Grand Remplacement et le rêve d’une Grande Coopération humain-machine conçue comme la solution à tout, comment sortir du paradigme de la guerre des espèces (humain versus machine) et faire travailler autrement le trouble dans lequel les IAs nous plongent ? Aurait-on par exemple eu tort de penser intelligence artificielle au lieu de penser bêtise artificielle ou ignorance, conscience au lieu d’inconscient, langage au lieu d’image et d’imagination ? Un cadre de coexistence (et d’usage) pacifique, comme le prônent aujourd’hui les adeptes d’une régulation massive, est-il seulement possible et à quelles conditions ?

Nous proposons dans ce numéro d’aborder comment des rapports aux IA se sont mis en place depuis quelques décennies et se sont accélérés, comment nous vivons au quotidien avec de telles entités, ce que celles-ci nous font faire, ou ne pas faire, et plus largement de saisir en quoi le terme d’IA ne rend pas justice à la pluralité des entités, des technologies, des formes d’agentivité ou des ontologies possibles. Seront bienvenues des enquêtes empiriques qui cherchent à saisir les pratiques ordinaires d’aujourd’hui ou d’hier, et éventuellement les pratiques marginales : cas-limites du quotidien, échecs fulgurants de systèmes, mais aussi pratiques artistiques, car c’est probablement dans le domaine de l’art (avec des artistes tels que Fabien Giraud et Raphael Siboni, Pierre Huyghe, Hito Steyerl ou Trevor Paglen), que les usages et les efforts pour expérimenter l’IA sont les plus avancés, pour éprouver ses limites, ses angles morts, ses failles, ses possibilités et les nôtres. On pourra se demander par exemple comment les « usages artistes » critiques ou postcritiques débouchent sur des propositions politiques.

L’objectif étant de constituer une série de portraits d’IA, dans l’esprit du bestiaire, on privilégiera les contributions qui cherchent à explorer une entité spécifique, en la décrivant avec le matériau empirique idoine. Les réflexions ancrées dans un véritable terrain ou les récits d’expérience (ayant cherché à mettre à l’épreuve une entité, un système spécifique ou une classe d’entités) sont particulièrement bienvenus. Et cela avec une perspective qui pourra tout autant s’appuyer sur l’anthropologie des techniques, la sociologie des usages, l’histoire des sciences et des techniques que l’histoire des médias. D’un point de vue thématique, ce cadrage pourra selon les besoins être adossé ou non aux considérations de genre, de racisme, de validisme et d’intersectionnalité.

Modalités de soumission

D’un point de vue formel, outre des articles académiques (8 000 mots), le numéro comptera des « portfolios » conçus comme de courts essais construits sur un corpus d’images. Des récits courts (4 000 mots) enfin, prenant la forme de vignettes descriptives d’IA, rendront compte d’événements documentés dans des archives ou directement observés dans le cadre d’un terrain ethnographique. Les consignes aux auteurs sont consultables en suivant ce lien.

Pour en savoir plus sur les formats attendus et le dossier, vous pouvez dès à présent écrire à Nicolas Nova et Emmanuel Grimaud pour leur envoyer une proposition d’intention (sans attendre la date limite de soumission de l’article complet).

ATTENTION , les articles COMPLETS sont à envoyer à la rédaction de la revue Terrain : terrain.redaction@cnrs.fr

avant le 5 avril 2024

Publication prévue au printemps 2025

Processus d’évaluation

Après un premier examen par le conseil de rédaction, les textes soumis sont évalués par des pairs en double aveugle : deux évaluateurs internes et un évaluateur externe. L’anonymat des auteurs et des évaluateurs est préservé. Les auteurs reçoivent une réponse dans les deux mois, pour une publication dans les six mois après acceptation. Les articles refusés ne sont ni conservés ni retournés. Les consignes aux auteurs sont consultables en suivant ce lien.

Carnet de Terrain - en lien avec le numéro

Le blog de la revue « Carnets de Terrain » publie également de courts textes (2000 mots) qui s’adressent à un public averti mais non spécialiste. Les billets de blog permettent notamment de mettre en valeur des contenus multimédias. Pour plus de précisions, consultez les consignes aux auteurs. Les propositions devront être envoyées sous forme d’un résumé (300 mots) aux responsables de la rubrique « autour des numéros » aux adresses suivantes : cduterme@unistra.fr et cecile.guillaume-pey@ehess.fr

avant le 5 avril 2024

Coordination 

  • Nicolas Nova (HEAD)
  • Emmanuel Grimaud (CNRS, LESC)
  • Grégory Chatonsky
  • La promotion Imagination Artificielle du DIU EUR-Artec

Composition du conseil de rédaction

  • Laure Assaf, NYU Abu Dhabi
  • Leïla Baracchini, Eco-Anthropologie UMR 7206, MNHN
  • Gil Bartholeyns, Université de Lille, IRHiS (Institut de recherches historiques du Septentrion)
  • David Berliner, Université libre de Bruxelles, LAMC (Laboratoire d’Anthropologie des Mondes Contemporains)
  • Etienne Bourel, Université Lumière Lyon 2, LADEC (Laboratoire d'anthropologie des enjeux contemporains). Co-responsable de la rubrique “Autour de la recherche” du blog Carnets de Terrain
  • Christine Langlois, Présidente de l’Association Terrain
  • Matei Candea, University of Cambridge
  • Matthew Carey, University of Copenhagen
  • Clea Chakraverty, The conversation
  • Juliette Cleuziou, Université Lumière Lyon 2, LADEC (Laboratoire d'anthropologie des enjeux contemporains)
  • Michèle Coquet, CNRS, IMAF (Institut des mondes africains)
  • Pierre-Olivier Dittmar, EHESS, GAHOM (Groupe d'Anthropologie Historique de l'Occident Médiéval)
  • Clara Duterme, Université de Strasbourg, LinCS (Laboratoire interdisciplinaire en études culturelles)
  • Agnès Giard, Université Paris Nanterre, SOPHIAPOL, Freie Universität de Berlin
  • Cécile Guillaume-Pey, CNRS, CEIAS (Centre d'Études de l'Inde et de l'Asie du Sud)
  • Émilie Guitard, CNRS, PRODIG (Pôle de Recherche pour l'Organisation et la Diffusion de l'Information Géographique)
  • Emmanuel Grimaud, CNRS, LESC (Laboratoire d'ethnologie et de sociologie comparative)
  • Clémence Jullien, CNRS, CEIAS (Centre d'Études de l'Inde et de l'Asie du Sud)
  • Christine Jungen, CNRS, LESC (Laboratoire d'ethnologie et de sociologie comparative)
  • Frédéric KECK, CNRS, LAS (Laboratoire d’Anthropologie Sociale)
  • Daphné Le Roux, Université Paris Nanterre, SOPHIAPOL
  • Emir Mahieddin, CNRS, CéSOR (Centre d’études en sciences sociales du religieux)
  • Vanessa Manceron, CNRS, LESC (Laboratoire d'ethnologie et de sociologie comparative)
  • Ismaël Moya, CNRS, LESC (Laboratoire d'ethnologie et de sociologie comparative)
  • Gaspard Salatko, Héritages : Culture/s, Patrimoine/s, Création/s, UMR 9022
  • Anne de Sales, CNRS, Lesc (Laboratoire d'ethnologie et de sociologie comparative)
  • Gildas Salmon, LIER-FYT (laboratoire interdisciplinaire d’études sur les réflexivités - Fonds Yan Thomas)
  • Anthony Stavrianakis, CNRS, LESC (Laboratoire d'ethnologie et de sociologie comparative)
  • Victor A. Stoichita, CNRS, LESC-CREM (Centre de recherche en ethnomusicologie)
  • Anne-Christine Trémon, Université de Lausanne, LASC (Laboratoire d'anthropologie sociale et culturelle)
  • Anne-Christine Taylor, CNRS, LESC (Laboratoire d'ethnologie et de sociologie comparative)
  • Valentina Vapnarsky, CNRS/EPHE, LESC-EREA (Centre Enseignement et Recherche en Ethnologie Amérindienne)
  • Claire Vidal, Université Lumière Lyon 2, IAO (Institut d’Asie Orientale)
  • Emmanuel de Vienne, Université Paris Ouest Nanterre, LESC (Laboratoire d'ethnologie et de sociologie comparative)

Notes

[1] Le terme fait référence à la tendance d’utilisateurs de l’agent conversationnel ELIZA, et plus tard des interfaces conversationnelles, attribuer à des suites de symboles générés par ordinateur (en particulier à des mots) plus de sens qu'ils n'en ont réellement. Hofstadter, Douglas R. (1996). Fluid Concepts and Creative Analogies: Computer models of the fundamental mechanisms of thought, New York: Basic Books.

Places

  • Université Paris Nanterre - MSH MONDES
    Nanterre, France (92)

Date(s)

  • Friday, April 05, 2024

Keywords

  • intelligence artificielle, bestiaire, technique, non-humain,

Contact(s)

  • Emmanuel GRIMAUD
    courriel : emmanuel [dot] grimaud [at] gmail [dot] com
  • Nicolas NOVA
    courriel : nicolas [dot] nova [at] hes-so [dot] ch

Information source

  • Marie Morel
    courriel : terrain [dot] redaction [at] gmail [dot] com

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Bestiaire des IA », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, January 23, 2024, https://doi.org/10.58079/vnqs

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