HomeLes cannibalismes en recherche et en création : processus d’ingestion, de digestion et d’incorporation
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Published on Wednesday, January 24, 2024

Abstract

Cette journée d’étude a pour objectif d’explorer le cannibalisme en tant qu’outil conceptuel, afin de mieux comprendre ses capacités heuristiques dans les domaines culturels, artistiques, sociaux et politiques. Comme l’a montré l’anthropologue Mondher Kilani, le cannibalisme dépasse la simple ingestion de chair humaine. Entre fiction et réalité, il est, selon lui, un « opérateur symbolique de l’identité et de l’altérité, du dedans et du dehors, de l’ordre culturel et de l’ordre naturel, de l’humain et du non-humain ». Il a été créé à partir de faits réels et des fantasmes que les explorateurs européens ont projeté sur l’Amérique. Cette journée est une invitation à penser à partir du cannibalisme : « Le cannibalisme serait là pour nous parler d’autre chose que de lui-même, pour nous donner à penser de nouveaux référents que l’expérience ne donne pas à voir directement ou que nous n’avons de moyens directs de conceptualiser. » (Kilani, 2018.)

Announcement

Présentation

Le cannibalisme est une façon de penserautant qu’une façon de manger. (Kilani, 2006)

Cette journée d’étude a pour objectif d’explorer le cannibalisme en tant qu’outil conceptuel, afin de mieux comprendre ses capacités heuristiques dans les domaines culturels, artistiques, sociaux et politiques. Comme l’a montré l’anthropologue Mondher Kilani, le cannibalisme dépasse la simple ingestion de chair humaine. Entre fiction et réalité, il est, selon lui, un « opérateur symbolique de l’identité et de l’altérité, du dedans et du dehors, de l’ordre culturel et de l’ordre naturel, de l’humain et du non humain ». Il a été créé à partir de faits réels et des fantasmes que les explorateurs européens ont projeté sur l’Amérique. Cette journée est une invitation à penser à partir du cannibalisme : « le cannibalisme serait là pour nous parler d’autre chose que de lui-même, pour nous donner à penser de nouveaux référents que l’expérience ne donne pas à voir directement ou que nous n’avons de moyens directs de conceptualiser » (Kilani, 2018)

Il n’existe pas un cannibalisme mais plutôt des cannibalismes à partir desquels ont été construites des recherches théoriques et artistiques. Eduardo Viveiros de Castro développe, par exemple, dans son ouvrage Métaphysiques Cannibales (2009), une approche renouvelant la démarche de l’anthropologie à partir d’une réflexion sur le cannibalisme. Dans une approche pluridisciplinaire, Carlos Jauregui met en évidence dans Canibalia. Canibalismo, calibanismo, antropofagia cultural y consumo en América Latina (2008) « la sémiotique culturelle pour signifier le cannibalisme à partir d’une vision cartographique de l’Autre, où le cannibale est le signe d’une Amérique latine qui est déjà un lieu de désir et de domination » (Hernández, 2008). Claude Lévi-Strauss à travers ses articles dans La Repubblica entre 1989 et 2000, rassemblés dans le recueil Nous sommes tous des cannibales (2013), rapprochait déjà les civilisations occidentales et celles dites sauvages afin de désexotiser les pratiques cannibales en les associant aux pratiques thérapeutiques occidentales. 

En psychanalyse, Livio Bonni et Sophie Mendelsohn dans leur livre La vie psychique du racisme (2021), analysent la complexité et les paradoxes de l’inconscient de la scène coloniale et leurs effets de longue durée à travers l’étude de la cannibalisation du « blanc de la part de l’indigène, d’inclusion de celui-ci dans son monde et, en même temps, de mise à distance ». Dans une réflexion sur la mondialisation et le capitalisme, Suely Rolnik conduit à percevoir l’originalité du mouvement anthropophage, qui s’inspire métaphoriquement du rituel autochtone, au sein duquel les artistes choisissent méthodiquement les formes d’art “bonnes à ingérer” afin de devenir autre. Une démarche qui s’oppose, selon elle, à une société contemporaine capitaliste qui dévore tout et n’importe comment, à l’image des zombies. 

Dans le champ des arts, le cannibalisme a suscité de très nombreuses œuvres mais aussi des manières de penser, notamment le mouvement anthropophage des années 20 dont le manifeste, écrit par Oswald de Andrade, continue d’être l’objet de relectures, comme celle de Sergio Vaz, en 2007 : Manifeste de l’anthropophagie périphérique. Plusieurs expositions ont utilisé le cannibalisme comme outil de réflexion, que ce soit Tous Cannibales à la Maison Rouge, à Paris, en 2011, ou encore ReAntropofagia, à Rio de Janeiro, en 2019, intégrant des collectifs d’artistes autochtones contemporain·e·s du Brésil dans une démarche de réappropriation.

Des artistes, comme Kara Walker ou encore Rebecca Chaillon, avec notamment sa performance Cannibale laisse moi t’aimer (2015), mettent en évidence l’association entre le corps noir et les cannibales pour dénoncer l’exploitation et la consommation des corps racisés. Dans une perspective anthropologique et philosophique, Alessandro Pignocchi imagine, dans ses bandes dessinées, un monde inversé où la pensée animiste de Jivaros d’Amérique du sud serait le paradigme dominant. 

Le cannibalisme semble ainsi être une “boîte à outils” à partir duquel il est possible de repenser et questionner l’identité et l’altérité, le naturel et le culturel, l’humain et le non humain. Dans quelle mesure les différentes disciplines scientifiques ont été et sont susceptibles d’être transformées par le cannibalisme ? Est-il possible de repenser la décolonisation par ce prisme ? Comment réfléchir à la relation littérale ou métaphorique entre cannibalisme et capitalisme ? Quel est le rapport entre le cannibalisme et les théories féministes et intersectionnelles ? Qu’est-ce que l’étude du cannibalisme peut apporter à la pensée écologique à travers la remise en question des concepts de nature, de culture et leur hiérarchisation, tout comme les idées de civilisation et de progrès ? Est-il pertinent de reprendre l’idée d’un champ dédié aux Cannibal studies ?

Modalités de soumission

Envoyer une proposition de 500 mots et une brève biographie de 100 mots, à l’adresse renata.andrade02@etud.univ-paris8.fr avant la date limite de soumission

fixée au 25 mars 2024.

Notification d’acceptation : Avril 2024

Informations complémentaires

  • Responsabilité scientifique : Renata Andrade (Laboratoires AIAC et TEAMeD de Université Paris 8)
  • Date de la journée d'étude : 29 mai 2024
  • Lieu : Université Paris 8 et distanciel.
  • Contact: Pour toute question ou demande de renseignements supplémentaires, veuillez contacter Renata Andrade (renata.andrade02@etud.univ-paris8.fr).
  • Les textes des communications pourront potentiellement être publiés dans un numéro thématique de la Revue RITA (Revue Interdisciplinaire de Travaux sur les Amériques).
  • Cette journée fait partie d’un programme de travail entre trois universités. La première rencontre sera suivie d’une autre journée d’étude, à l’université de Rennes 2, au cours du second semestre 2024, puis d’une exposition-recherche à l’université de Lille dans le courant du premier semestre 2025.

Comité d’organisation

  • Renata Andrade, (AIAC, Université de Paris 8)
  • Valérie Boudier (CEAC, Université de Lille)
  • Laurence Corbel (PTAC, université de Rennes 2)
  • Anne Creissels (AIAC, Université de Paris 8)

Bibliographie indicative

  • Andrade, R., (2020). « O Mito Canibal na obra de Rébecca Chaillon : Um monstro decolonial » dans
  • Resistências Poéticas, ABCA edições.
  • Attia, K., & Weal, M. (2015). « Montre tes blessures » dans Multitudes, n° 60(3), 29-33. 
  • Barthes, R. (1959). Mythologies. Editions du Seuil.
  • Benelli, N. (2010). « Elsa Dorlin : Sexe, race, classe, pour une épistémologie de la domination » dans 
  • Nouvelles Questions Féministes, n° 29(3), 110-121. 
  • Blanchard, P. (2011). L’invention du sauvage. Beaux arts éditions.
  • Bogdan, R. (1994). « Le commerce des monstres » dans Actes De La Recherche En Sciences Sociales, n° 104(1), 34‑46.
  • Boni, L., & Mendelsohn, S. (2021). Le vie psychique du racisme : Tome 1, L’Empire du démenti.
  • Bonilla, M. A. (2019). « Processus décoloniaux dans l’art : institutions et savoirs » dans Critique d’art, n° 52
  • Boulay, R. (2001). Kannibals et vahinés : imagerie des mers du Sud. Réunion des Musées.
  • Bourdin, D., & Durrer, M. (2012). Foi de cannibale ! La dévoration, entre religion et psychanalyse. Labor et Fides.
  • Butler, J. (2017). Le pouvoir des mots : Discours de haine et politique du performatif. Amsterdam University Press.
  • Chalaye, S. (2015). « L’invention théâtrale de la “Vénus noire” : De Saartjie Baartman à Joséphine Baker » dans L’altérité en spectacle : 1789-1918. Presses universitaires de Rennes. 
  • Creissels, A. (2009). Prêter son corps au mythe, Le féminin et l’art contemporain. Editions du Félin.
  • Dambury, G., Cukierman, L., & Vergès, F. (2018). Décolonisons les arts ! L’Arche.
  • De Andrade, O., & Rolnik, S. (2011). Manifeste anthropophage : Anthropophagie zombie. Les presses du réel.
  • Dorlin, E. (2009a). La matrice de la race : généalogie sexuelle et coloniale de la nation française. Editions La Découverte.
  • Dorlin, E. (2009b). Sexe, race, classe : pour une épistémologie de la domination. Presses Universitaires de France - PUF.
  • Dulucq, S. (2014). « L’imaginaire du cannibalisme : anthropophagie, alimentation et colonisation en France à la fin du XIXe siècle ». dans Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques, n° 138(2), 265‑271.
  • Gallouët, C. (2021). « Topique du cannibalisme et ensauvagement de l’Africain dans les discours européens » dans Topiques, études satoriennes, n° 5, 51‑76.
  • Hernández, B. (2008). « Canibalia. Canibalismo, calibanismo, antropofagia cultural y consumo en América Latina. Ensayos de teoría cultural » dans Estudios filológicos, n° 43, 223‑232. 
  • Jáuregui, C. (2008). Canibalismo, calibanismo, antropofagia cultural y consumo en América Latina. Iberoamericana Editorial Vervuert
  • Kilani, M. (2006). « Le cannibalisme. une catégorie bonne à penser » dans Etudes Sur La Mort, n° 129(1), 33-44.
  • Kilani, M. (2018). Du goût de l’autre : Fragments d’un discours cannibale. Le Seuil.
  • Kohn, E. (2017). Comment pensent les forêts. Vers une anthropologie au-delà de l’humain. Points essais.
  • Lestringant, F. (1994). Le cannibale : grandeur et décadence. Perrin.
  • Lévi-Strauss, C. (2013). Nous sommes tous des Cannibales : précédé de Le Père Noël supplicié. Le Seuil.
  • Lugones, M. (2019). « La colonialité du genre », dans Cahiers du CEDREF, n° 23, 46‑89.
  • Pignocchi, A. (2017). Petit traité d’écologie sauvage. Édition Steinkis.
  • Quijano, A. (2027). « “Race” et colonialité du pouvoir », dans Mouvements, n° 51, 111‑118.
  • Raimbert, C. (2021). « Arte e literatura periférica : Da antropofagia manifesta ao método antropofágico ». RITA - Revue interdisciplinaire de travaux sur les Amériques, n° 14.
  • Viveiros de Castro, E. (2009). Métaphysiques cannibales. PUF.
  • Wallerick, G. (2010). « La représentation du Brésil et de ses habitants dans l’Europe de la fin du XVIe siècle », dans Confins, n° 8.
  • Zenkine, S. (2010). « Les indices du mythe », dans Recherches et travaux, n° 77, 21‑32.

Places

  • Universite de Paris 8
    Saint-Denis, France (93)

Event attendance modalities

Hybrid event (on site and online)


Date(s)

  • Monday, March 25, 2024

Keywords

  • anthropophagie, cannibalisme, esthétique, recherche-création, art, décolonial

Contact(s)

  • Renata Andrade
    courriel : revue [dot] rita [at] gmail [dot] com

Information source

  • Renata Andrade
    courriel : revue [dot] rita [at] gmail [dot] com

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Les cannibalismes en recherche et en création : processus d’ingestion, de digestion et d’incorporation », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, January 24, 2024, https://doi.org/10.58079/vnu2

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