Violence verbale et malaise social
Regards croisés sur les dynamiques socio-civiques en Afrique
Published on Monday, February 05, 2024
Abstract
Ces dernières décennies, le continent africain connait des manifestations de violence de tout acabit qui exposent les populations à des fractures sociales parfois sanglantes. En effet, les difficultés de coexistence entre les différentes catégories sociopolitiques, sociales, socioéconomiques ou socioculturelles, les groupes nationaux, transrégionaux, régionaux, ethniques ou encore tribaux combinées à une angoisse existencielle grandissante, désagrègent le tissu social et conduisent à une insécurité galopante. Ceci a pour corollaire d’alimenter des violences multiformes qui aboutissent à une production et une diffusion banalisée des discours violents et/ou haineux. Ceux-ci constituent une menace majeure pour la cohésion sociale, gage du développement dans les sociétés plurales. La problématique de la violence verbale dans sa plus grande complexité, s’intègre ainsi dans le champ de la fragmentation du tissu social aussi bien que des passerelles de convivialité et apparait ainsi comme un sujet d’une actualité avérée.
Announcement
Argumentaire
Ces dernières décennies, le continent africain connait des manifestations de violence de tout acabit qui exposent les populations à des fractures sociales parfois sanglantes (Nguema, 1995). En effet, les difficultés de coexistence entre les différentes catégories sociopolitiques, sociales, socioéconomiques ou socioculturelles, les groupes nationaux, transrégionaux, régionaux, ethniques ou encore tribaux combinées à une angoisse existencielle grandissante, désagrègent le tissu social et conduisent à une insécurité galopante (Montclos, 2002). Ceci a pour corollaire d’alimenter des violences multiformes qui aboutissent à une production et une diffusion banalisée des discours violents et/ou haineux. Ceux-ci constituent une menace majeure pour la cohésion sociale, gage du développement dans les sociétés plurales. La problématique de la violence verbale dans sa plus grande complexité, s’intègre ainsi dans le champ de la fragmentation du tissu social aussi bien que des passerelles de convivialité et apparait ainsi comme un sujet d’une actualité avérée.
Pour le cas précis du passé récent des pays africains, ce phénomène se révèle désormais comme une donnée consubstantielle aux différentes évolutions que connaissent les cadres d’interaction qui y organisent les dynamiques humaines nationales. Moultes initiatives sont prises par des acteurs politico-administratifs, civils et religieux dans le but de consolider les liens socio-civiques interpersonnels ou intercommunautaires (Mpouando, 2018 ).
L’activité langagière étant constructrice et révélatrice d’une réalité sociale (Filliettaz, 2002; Charaudeau,2004), la conséquence évidente du malaise évoqué ci-dessus entraine la déconstruction de la fraternité socio-civique et même la légendaire solidarité africaine, valeur fondamentale du vivre-ensemble. En fait, la désintégration progressive des valeurs sociales traditionnelles africaines mène à coup sûr à une perversion tant des rapports interpersonnels que de la qualité de la communication sociale. Aussi, les défaillances communicationnelles observées dans les discours de haine qui s’inscrivent dans le continuum de la violence verbale, pourraient-elles être attribuées aux discontinuités qui marquent la transmission intergénérationnelle des valeurs socioculturelles véhiculées dans les langues africaines. Les sources de tensions quant à elles sont plurielles et variées. Elles semblent découler non seulement de l’attitudes des décideurs, de la recherche de bouc émissaire, mais bien plus de la mise à l’écart des valeurs sociétales acquises et véhiculées dans les pratiques langagières telles que le ton employé dans la production discursive ainsi que le sens social des mots, y compris celui de la violence.
Les récents travaux portant sur la violence verbale ont permis de modéliser la montée en tension (Fracchiolla et al., 2013) et déterminer ses formes variées (Auger et al., 2008 ; Bellachab et Galatanu, 2012 ; Moïse, 2012). Certains l’ont examiné dans les situations de contact de langues et de cultures, en développant des réflexions à partir du milieu scolaire avec ses rapports de force symbolique (Moïse, 2004; Ekomo & Ndibnu, 2015), tout en s’ouvrant à l’espace public (Moïse, 2009) et celui des médias (Garcin-Marrou, 2007; Moïse et al, 2008). Pourtant, étant donné l’étendue de son spectre, la violence verbale peut se produire tant dans les familles, qu’en milieu professionnel, pendant les activités régulières dans la communauté tel que mentionné plus haut et même sur les scènes politiques, sans oublier les réseaux sociaux. Il est donc intéressant de comprendre comment se construit du sens autour de cette notion à la fois pour leurs émetteurs que pour les victimes en vue de saisir son incidence sur la communication et partant sur la cohésion. Tel est le prétexte fondateur du présent appel intitulée: “ Violence verbale et malaise social: Regards croisés sur les dynamiques socio-civiques en Afrique”.
Les sociétés africaines sont par essence de tradition orale et l’usage de la parole dans celles-ci était beaucoup plus maîtrisé par le passé. L’art oratoire avait un rôle déterminant dans la stabilité sociale, car la gestion des ruptures, des malentendus dans les interactions et des montées en tension imposait une forme de langage qui mettait à l’épreuve le système de politesse (Moïse & Oprea, 2015). Les schémas socioculturels de cohabitation ou d’entretien des liens filiaux intégraient tant une question sociale que discursive permettant de contenir les tensions sans toutefois enfreindre l’ordre social (Kougang, 2019). Les règles de conduite sociale, parmi lesquelles les ressources de politesse, étaient bien connues de tous et enseignées aux plus jeunes par des canaux et mécanismes bien établis. La régulation sociale se faisait à travers ces enseignements qu’apportaient l’éducation à la solidarité responsable et au respect des règles d’interactions (Paré-Kaboré, 2013).
Ces dernières années, ces schémas d’interaction communautaire se sont dénaturés, car ils tendent à être mal remplacé, au grand malheur des générations futures, par un modèle à la fois hybride, débridé et d’influence occidentale. A titre illustratif, l’intervention des aînés dans la correction sociale ayant permis de recadrer les cas de dérapage autrefois sanctionnés est désormais limité sinon inexistant. La rupture avec le système de correction d’antan a conduit à des pratiques asociales. Elle a par conséquent entraîné une multiplication des tensions animées par le rejet des valeurs et des principes de la diversité culturelle, linguistique, religieuse, humaine; le refus de comprendre et d’accepter l’autre dans sa différence. La communication étant le premier élément dans l’interaction des peuples, des facteurs perturbateurs tant endogènes (propres aux réalités internes de l’Afrique contemporaine) qu’exogènes (captées à partir des réalités extra-africaines) produisent des échanges langagiers d’une extrême violence qui tendent à s’imposer aujourd’hui en nouveau mode local de communication.
Ce projet de réflexion sur le rapport de la violence verbale au malaise social appelle les analyses à questionner les dynamiques complexes (sociales, politiques, culturelles et essentiellement langagières) à travers ce faisceau d’interrogations : Quelles sont les formes de violence verbale dans les sociétés africaines et les éléments de leur compréhension? Quels enjeux relèvent-on des diverses contextualisations de ce phénomène? Quels sont les mécanismes de construction des catégories discursive violentes? Quels sont les paradigmes juridiques développés par les Etats africains? Quel(s) rapport(s) établir entre violence verbale, conquête/conservation de pouvoir, positionnement identitaire, violence symbolique et revendication sociale?
Ces questions fondent la base des thématiques ci-dessous que ce projet d’ouvrage souhaite aborder :
- L’expression de la violence verbale en société ( enfance, ménage, lieux de travail, institutions scolaires, etc)
- Style d’écriture et langage violent
- violence verbale et littérature
- Violence verbale dans la communication et les média ( situations interculturelles, radio, télévision, presse écrite, réseaux sociaux, NTIC)
- Violence verbale au crible de la politesse
- Implications historiques de la violence verbale
- Violence verbale et perspectives historiques
- Violence verbale et genre
- Violences verbales et remédiation
- Implications sociales et anthropologiques de la violence verbale
- Repression légale des discours violents en Afrique post-indépendant
Consigne aux auteurs
Nous sommes intéressés par la publication d'articles originaux rédigés en anglais ou en français sur ou liés à la violence verbale et à ses implications sociales, non publiés ni soumis pour publication dans une autre revue ou un projet d’ouvrage.
Tout article soumis pour évaluation doit comporter: un titre, une signature (nom et prénom du ou des auteurs (2 au maximum), institution(s) d'attache), une adresse électronique, suivi de résumé en français et en anglais (250 à 300 mots) et de mots-clés (5 au maximum). Le résumé doit présenter le problème scientifique, la méthodologie et les principaux résultats obtenus.
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Les propositions d’articles seront envoyées à l’adresse suivante: verbal2violence4@gmail.com
Dates importantes
- Lancement: 03 Janvier 2024
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Soumission d’article: 30 avril 2024
- Retour d’expertises : 18 juillet 2024
- Soumission d’article révisé: 29 octobre 2024
- Publication de l’ouvrage : 30 décembre 2024
Comité scientifique
- Prof Nol Alembong, Université de Buea
- Prof Gabriel Mba, Université de Yaoundé 1
- Prof Etienne Sadembouo, Université de Yaoundé 1
- Prof Gratien Atindogbe, Université de Buea
- Prof Jules Assoumou, Université de Garoua
- Prof Paul Abouna, Université de Yaoundé 1
- Prof Blasius Chiatoh, Université de Buea
- Prof Micheal Apuge, Université de Buea
- Prof Justina A. Njika, Université de Yaoundé 1
- Prof Ndibnu Messina, Université de Yaoundé 1
- Prof Charles Teke, Université de Buea
- Prof Ayu’nwi Neba, Université de Buea
- Prof Innocent Fasse, Université de Douala
- Prof Augustin Ebongue, Université de Buea
- Prof Wega Simeu, Université de Bamenda
- Prof Comfort Ojongnkpot Oben, Université de Buea
- Prof Eunice Fombele, Université de Buea
- Prof Marcel Essiene, Université de Douala
- Prof Henry Kah, Université de Buea
- Prof Gratiana Ndamsah, Université de Yaoundé 1
- Prof Prasidis Wainkem, Université de Yaoundé 1
- Dr Sévérin Nwaha, Université de Buea
- Dr Pierre Essengue, Université de Buea
- Dr Francine Moguo, Université de Buea
Références bibliographiques
Bellachab Abdelhadi et Galatanu Olga, 2012, « La violence verbale : représentation sémantique, typologie et mécanismes discursifs », in Signes, Discours et société, n°9, La force des mots : les mécanismes sémantiques de production et l’interprétation des actes de parole « menaçants », mis en ligne le 30 janvier 2012, URL : http://www.revue-signe.info.
Charaudeau Patrick, 2004, "Comment le langage se noue à l’action dans un modèle socio-communicationnel du discours. De l’action au pouvoir", Cahiers de linguistique française n°26, Les modèles du discours face au concept d’action, Actes du 9ème colloque de Pragmatique de Genève et colloque Charles Bally, Université de Genève, Genève, 2004, consulté le 17 décembre 2023 sur le site de Patrick Charaudeau - Livres, articles, publications.URL: http://www.patrick-charaudeau.com/Comment-le-langage-se-noue-a-l.html
Ekomo Camille E. & Ndibnu Messina E. J. (éds), 2015, Violences dans les institutions universitaires: représentations et régulations, Edilivre
Filliettaz Laurent, 2002, La parole en action. Elément de pragmatique psycho-sociale. Québec: Nota Bene
Fracchiolla Béatrice, Moïse Claudine, Romain Christina et Auger Nathalie (éds), 2013, Violencesverbales. Analyses, enjeux et perspectives, Rennes, P.U.R.
Garcin-Marrou, Isabelle, 2007, Des violences et des médias, L’Harmattan,
Kougang Paule M., 2019, “Discours de genre: levier de gestion communautaire à l’Ouest-Cameroun” in African Journal of Applied Linguistics, N° 8, pp 96-103
Moïse C., Auger N., Fracchiolla B., Romain C., 2008, La Violence verbale. Espaces politiques et médiatiques. Tome 1. Paris : L’Harmattan,
Moïse Claudine, 2012, « Argumentation, confrontation et violence verbale fulgurante », dans Argumentation et analyse du discours, n°8/2012, mis en ligne le 15 avril 2012, URL : http://aad.revues.org/1260, pp.01-17.
Montclos,(de), Marc-Antoine, 2002, Villes et violences en Afrique Subsaharienne, Paris Karthala-IRD
Mpouando Jean P. B., 2018, Les limites de l’Union Africaine dans la résolution des conflits: compétence, objectifs, institutions et opérations. Paris, Harmattan
Nguema Isaac, 1995, Violence, droits de l’homme et développement en Afrique, in REVISTA IIDH Vol 21, pp 93-113
Paré-Kaboré Afsata, 2013, L’Éducation traditionnelle et la vie communautaire en Afrique : repères et leçons d’expériences pour l’éducation au vivre-ensemble aujourd’hui. McGill Journal of Education / Revue des sciences de l'éducation de McGill, 48(1), 15–33. https://doi.org/10.7202/1018399ar
- Dr Paule M. Kougang, Université de Buea
- Dr Nicodème Glo, Université de Buea
- Dr Sebastien Gandu, ASTI Buea
Subjects
- Sociology (Main category)
Places
- Buea, Cameroon
Date(s)
- Tuesday, April 30, 2024
Keywords
- violence verbale, malaise social, genre, altérité, stéréotype
Contact(s)
- Francine Moguo
courriel : verbal2violence4 [at] gmail [dot] com
Information source
- Paule Marie Kougang
courriel : verbal2violence4 [at] gmail [dot] com
License
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To cite this announcement
« Violence verbale et malaise social », Call for papers, Calenda, Published on Monday, February 05, 2024, https://doi.org/10.58079/vr2e