HomeLa contribution du droit à l’instauration d’un monde décroissant

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Published on Friday, February 09, 2024

Abstract

Le but de la manifestation est de réunir des contributions originales, techniquement pointues, qui ouvrent des perspectives concrètes sur les figures juridiques à mobiliser pour l’instauration d’un monde décroissant. De multiples réflexions ont déjà été menées pour déconstruire le droit positif et il convient de s’en servir comme point d’appui. Les propositions attendues ne peuvent pas consister seulement dans un recyclage aux couleurs de la décroissance ; il convient de se concentrer sur l’originalité de la décroissance, dont on peut rappeler la définition retenue à titre fonctionnel : « une réduction de la production et de la consommation pour alléger l’empreinte écologique planifiée démocratiquement dans un esprit de justice sociale et dans le souci du bien-être ».

Announcement

Argumentaire

La décroissance, hier encore raillée, commence à entrer dans le champ académique et retient l’attention des décideurs politiques, comme l’atteste la conférence du Parlement européen des 15 et 16 mai 2023 intitulée Beyond Growth[1]. En tant que chemin vers une société de la post-croissance, elle peut être définie sommairement comme « une réduction de la production et de la consommation pour alléger l’empreinte écologique planifiée démocratiquement dans un esprit de justice sociale et dans le souci du bien-être »[2]. Elle ne fait pas l’objet d’un consensus, loin de là, mais elle fait écho aux critiques croissantes adressées aux politiques initiées depuis trente ans autour du développement durable, dont le constat de l’inaptitude à répondre aux enjeux environnementaux est de plus en plus fréquent [3] . Dans ce contexte, la transition vers une société post-croissante par le biais de la décroissance devient une hypothèse qui doit être prise au sérieux, qu’elle soit appréhendée comme un bien à rechercher, comme une nécessité que les circonstances imposeront, ou comme un mal préférable à d’autres solutions plus violentes et sources d’insécurité généralisée. Si elle est une question concernant de près les économistes, elle vise toutes les disciplines, et le droit est lui aussi évidemment concerné[4].

Par-delà les divers points de vue propres à chaque branche du droit, qui peuvent servir d’entrée pour penser cette contribution juridique, plusieurs prismes transversaux peuvent être mis en évidence. C’est d’abord l’opposition — ou la complémentarité — entre la sphère privée et la sphère publique, miroir de la distinction entre l’appel au changement de comportement individuel et l’exigence de transformations structurelles. C’est ensuite l’articulation entre les niveaux infra et supra-étatiques, le premier revendiqué comme la taille optimale pour des décisions susceptibles d’acceptation et le second comme le seul adapté à l’étendue des problèmes environnementaux et des impacts de toute décision en la matière. Mais il convient aussi d’insister sur un phénomène beaucoup moins intégré aux réflexions juridiques, peut-être parce qu’il est lié à la disparition de la suprématie de la pensée occidentale : il s’agit de la contribution des cultures autochtones. Il faut se départir des approches romantiques, aussi discriminatoires que scientifiquement indéfendables, mais il convient de prendre pleinement au sérieux ces approches radicalement opposées aux approches occidentales ; c’est ce qu’a commencé à faire l’Amérique latine, notamment par l’entremise de réformes constitutionnelles, et il s’agit d’une des raisons de la richesse des réflexions de ses juristes.

Partis d’autres prémisses, les juristes en appellent depuis plusieurs décennies à une forme de décroissance, lorsqu’ils revendiquent qu’il soit mis fin à l’inflation législative, voire à la densification législative, dont l’étendue est aujourd’hui documentée et les méfaits unanimement reconnus[5]. Ce n’est pas un anachronisme ou un faux-ami de la décroissance, mais de façon bien plus signifiante un appel à la décroissance de la normativité. Car penser la contribution du droit à l’élaboration d’un monde décroissant et, éventuellement, post-croissant n’implique pas seulement de remplacer les concepts et les mécanismes productivistes, mais aussi d’interroger les formes de la normativité que le droit mobilise.

Axe 1 – Quel contenu juridique pour contribuer à l’instauration d’un monde décroissant

Envisager l’éventualité d’une politique juridique décroissante implique de réfléchir aux changements normatifs qui en découlent. Ce premier axe concerne les nouvelles normes ou mécanismes juridiques qui pourraient être adoptés ; il vise également les interprétations renouvelées de normes ou mécanismes juridiques existants.

Sous-thème 1 – Les instruments juridiques à mettre en place pour contribuer à réduire la consommation

Ce sous-thème vise les mesures concernant la consommation de biens et services, comme l’encadrement de la publicité, l’élargissement de la lésion et le droit à la réparation. Il est cependant entendu dans un sens large, et concerne également les mesures liées à la consommation des ressources naturelles terrestres et de l’espace (propriété foncière, extractivisme, alimentation, etc.), des animaux (statut de l’animal), des humain (précarisation de l’emploi, utilisation des données, patrimonialisation du corps humain, etc.), des ressources financières (crédit, titrisation, etc.).

Sous-thème 2 – Les instruments juridiques à mettre en place pour contribuer à réduire la production

La réduction de la production n’est pas simplement une réponse à la réduction de la consommation, et implique d’envisager des solutions distinctes et complémentaires. Ce sous-thème vise par exemple les mesures fiscales liées à la production de bien et de services, la gestion des risques environnementaux et sanitaires découlant de l’innovation scientifique, la restructuration des collectivités locales, la production de l’énergie, la production de capital financier, etc.

Sous-thème 3 – Quelle place pour les droits fondamentaux dans un monde décroissant

Interroger la place qu’occupent les droits fondamentaux dans un monde décroissant implique d’abord de questionner ces droits eux-mêmes et leur nature à l’aune du productivisme, d’analyser l’opportunité d’en reconnaître de nouveaux, par exemple inspirés par les valeurs autochtones. Le sous-thème englobe également la réflexion sur le potentiel interprétatif des droits fondamentaux pour revoir le contenu de normes existantes, sur l’arrimage entre les droits fondamentaux des individus, des personnes morales et des collectivités. Il importe aussi de se questionner sur la mise en concurrence des droits fondamentaux et sur la justification à leur restriction.

Axe 2 – Quelle forme juridique pour contribuer à l’instauration d’un monde décroissant

Outre les normes et mécanismes juridiques qui pourraient être proposés afin de contribuer à l’instauration d’un monde décroissant, la question se pose également de la forme que de tels changements normatifs pourraient ou devraient adopter. Cette question est primordiale car elle a un impact direct sur l’efficacité des normes et mécanismes qui pourraient être envisagés.

Sous-thème 4 – Quelles sources du droit dans un monde décroissant

D’où provient le droit dans un monde décroissant ? Cette question nous amène à s’interroger sur qui crée le droit dans un tel monde ou qui devraient le créer ainsi que sur la forme que pourrait revêtir ce droit. Ce sous-thème porte notamment sur le sujet des normes relevant du formel ou de l’informel et pouvant consister en du droit contraignant ou du droit « souple » (soft law).

Sous-thème 5 – Quelle conception de la sanction juridique dans un monde décroissant

La question de la sanction est transversale dans la mesure où elle se pose dans toutes les matières juridiques et constitue sans aucun doute un élément de forme important des normes et mécanismes juridiques envisagés afin d’instaurer un monde décroissant. Cependant, de nombreuses interrogations se posent quant à la nature et à l’objectif poursuivi par la sanction, avec comme chef de file la dynamique entre les rôles d’incitation et de coercition attachés à ce concept aux facettes multiples.

Sous-thème 6 – Qui sont les destinataires du droit dans un monde décroissant

Ce sous-thème qui porte sur les destinataires du droit dans un monde décroissant se focalise d’abord sur l’identité du destinataire dans le présent : les personnes physiques et morales, les personnes privées et les entités publiques ; mais nous projette également dans le futur en soulevant la question des générations futures et de la façon dont elles devraient être prises en compte dans la cadre règlementaire présent.

Après de rares manifestations scientifiques consacrées aux relations entre droit et décroissance, un séminaire coorganisé par les universités de Luxembourg et de Montréal de mai 2023 a initié une recherche collective qui prend la forme en 2024 d’un évènement scientifique auquel cet appel invite à participer. Le but de la manifestation est de réunir des contributions originales, techniquement pointues, qui ouvrent des perspectives concrètes sur les figures juridiques à mobiliser pour l’instauration d’un monde décroissant. De multiples réflexions ont déjà été menées pour déconstruire le droit positif et il convient de s’en servir comme point d’appui. Des contributions juridiques à l’élaboration d’un monde non-capitaliste se sont aussi développées ces dernières années (les communs, l’économie sociale et solidaire, le buen vivir…) et elles sont aussi précieuses. Les propositions attendues ne peuvent pas consister seulement dans un recyclage aux couleurs de la décroissance ; il convient de se concentrer sur l’originalité de la décroissance, dont on peut rappeler la définition retenue à titre fonctionnel : « une réduction de la production et de la consommation pour alléger l’empreinte écologique planifiée démocratiquement dans un esprit de justice sociale et dans le souci du bien-être ».

La manifestation scientifique entend se démarquer des colloques habituellement organisés aussi par son format. Seront notamment mises en avant les discussions approfondies et les approches collectives.

Modalités de soumission

Contenu des propositions :

  • 400 mots maximum
  • Bibliographie de 5 références maximum
  • Format souhaité de la présentation (20 minutes ou 45 minutes, excluant la période de discussion)
  • Demande d’aide financière motivée, le cas échéant

Les propositions envoyées, indiqueront le thème dans lequel elles s’inscrivent ; elles comprendront un résumé de 400 mots maximum, complétée par une courte bibliographie. La proposition devra préciser si elle vise à une présentation courte (20 min. environ) ou longue (45 min. environ). Tout autre format, notamment en équipe, est autorisé, pour peu qu’il soit explicitement justifié. Si la proposition est acceptée, le texte complet devra être adressé au plus tard le 15 août, afin d’être mis en ligne et partagé avec les personnes participant à la manifestation.

Les propositions doivent être transmises à Mme Osokomak :perside.claire.osokomak@umontreal.ca

au plus tard le 31 mars

Informations utiles

Les frais de déplacements ne sont pas pris en charge. Une certaine forme d’aide financière pourrait cependant être fournie, en fonction des financements obtenus, dans les situations qui le justifient. Une demande à cet égard doit être formulée et motivée dans la proposition.

Comité scientifique

  • Yves-Marie Abraham (HEC Montréal)
  • Martin Clark (La Trobe University, Australie)
  • François Collart Dutilleul (Université de Nantes, France)
  • Karine Millaire (Université de Montréal)
  • Alain Supiot (Collège de France)
  • Geoffrey Garver (Université Mcgill, Montréal)

Notes

[1] V. https://www.beyond-growth-2023.eu/. Cf. V. Coq, H. Devillers & M. Chambon (dir.), Le paradigme de la croissance en droit public, LexisNexis, 2022 ; A. Bailleux, (dir.), Le droit en transition. Les clés juridiques dune prospérité sans croissance, Presses de l’Université Saint-Louis, 2020.

[2] T. Parrique, Ralentir ou périr : l’économie de la décroissance, Seuil, 2022. Elle implique donc de « produire moins, partager plus, décider ensemble ». Y.-M. Abraham, Guérir du mal de l’infini. Produire moins, partager plus, décider ensemble, Écosociété, 2019.

[3] Voir par exemple Y.-M. Abraham, L. Marion et H. Philippe, Décroissance versus Développement durable. Débats pour la suite du monde, Écosociété, 2011.

[4] A. Bahary-Dionne et al., « Droit et décroissance : l’exploration des possibles juridiques », (2023) Recueil Dalloz, no 44, p. 2250.

[5] C. Thibierge et al., La densification normative. Découverte d’un processus, Mare & Martin, 2013.

Places

  • Montreal, Canada (H3C 3J7)

Event attendance modalities

Full on-site event


Date(s)

  • Sunday, March 31, 2024

Keywords

  • décroissance, post-croissance, consommation, production, sources du droit, destinataires du droit, convivialisme

Contact(s)

  • Pascale Dufour
    courriel : pascale [dot] dufour [dot] 1 [at] umontreal [dot] ca

Reference Urls

Information source

  • Pascale Dufour
    courriel : pascale [dot] dufour [dot] 1 [at] umontreal [dot] ca

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« La contribution du droit à l’instauration d’un monde décroissant », Call for papers, Calenda, Published on Friday, February 09, 2024, https://doi.org/10.58079/vsgc

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