A l’ère de l’anthropocène, « le changement climatique contraint l’Homme à modifier ses usages de la nature et à produire de nouveaux écoumènes » (Berque, 2014). Quelle place l’homme occupe-t-il dans le monde et comment se représente-t-il ce monde en continuel changement ? Les études portant sur les inégalités sociales et économiques ne peuvent plus aujourd’hui faire l’impasse sur les défis environnementaux produits par le changement climatique. L’environnement et le climat sont en pleine mutation, et les outils pour mesurer ces évolutions sont divers. Ces journées d’études ont pour objectif de confronter les outils méthodologiques mobilisés par les différentes disciplines des sciences humaines et sociales concernant le champ des perceptions environnementales, et de partager les résultats de nos recherches.

Journées d’études du 6 et 7 juin 2024

Institut d’Études du Développement de la Sorbonne (Paris I – Panthéon Sorbonne)

Pavillon Indochine, Nogent sur Marne

Argumentaire

Ces journées d’études ont pour objectif de confronter les outils méthodologiques mobilisés par les différentes disciplines des sciences humaines et sociales concernant le champ des perceptions environnementales, et de partager les résultats de nos recherches.

A l’ère de l’anthropocène, « le changement climatique contraint l’Homme à modifier ses usages de la nature et à produire de nouveaux écoumènes » (Berque, 2014). Quelle place l’homme occupe-t-il dans le monde et comment se représente-t-il ce monde en continuel changement ? Les études portant sur les inégalités sociales et économiques ne peuvent plus aujourd’hui faire l’impasse sur les défis environnementaux produits par le changement climatique. L’environnement et le climat sont en pleine mutation, et les outils pour mesurer ces évolutions sont divers.

La science rend intelligibles les causes et les risques du changement climatique. De façon très normative, elle formule des schémas d’anticipation ou des préconisations visant la résilience. Mais qu’en est-il des perceptions des acteurs directement concernés ? Dans quelles mesures leurs manières de percevoir ces enjeux influencent-elles leurs stratégies, leur agentivité et leur inventivité ? De nombreuses études qualitatives suggèrent que les décisions d’adaptation dépendent principalement de la perception de l’environnement et des dégradations climatiques, très différentes selon les sociétés et les individus (Hansen et al., 2004 ; Weber, 2010). Se profilent de profondes sécheresses dans les zones arides, semi-arides mais aussi dans les régions au climat tempéré qui connaissent par exemple des périodes de feux de forêts de plus en plus compliquées à gérer. La sécheresse rend difficiles les pratiques d’élevage ou d’agriculture et, de façon plus large, la survie des humains et de la biodiversité, ou encore des périodes de fortes inondations ravageant les cultures, les habitats et les activités économiques (ex : tourisme). La liste n’est pas exhaustive.

Néanmoins, l’analyse des formes de perception et des modes d’action s’opère à partir de la réalité sociale. « Quand l’esprit traite les données empiriques qu’il reçoit à travers les organes perceptifs, il poursuit un traitement structural de ce qui se présentait déjà sous forme de structures. Et il ne peut en être qu’ainsi dans la mesure où l’esprit, le corps auquel il appartient, et les choses que l’esprit et le corps perçoivent, font partie d’une même réalité (Levi Strauss, 1983 p. 21). Au Sahel par exemple, les études socio-économiques menées par Véronique Ancey souligne que les sociétés font face aux variations des pluies, aux périodes de sécheresses, aux météos irrégulières en cherchant à tirer le meilleur parti de cette variabilité grâce à leurs relations sociales (hospitalité, partage de points d’eau, etc.), leurs techniques, leurs savoir-faire (2017). L’objectif de ces journées est d’échanger autour des perceptions du changement climatique dans différents espaces géographiques et de réfléchir collectivement aux méthodes d’enquête et d’analyse sur ces questions.

Les perceptions s’expriment de façon pluri-sensorielle chez les individus. « La perception est un processus réflexif, et, partant, les perceptions singulières sont représentables, communicables et reproductibles » explique le philosophe François Felix (Felix, 2017, p 16). La relation de l’humain avec l’environnement se situe à la fois en « dedans » (par le prisme des émotions, des perceptions et des représentations) et en « dehors » (dans la manifestation physique de son action sur l’environnement et des pratiques). Certains anthropologues, tels que James Gibson, ou plus récemment Tim Ingold se sont intéressés à la production de connaissance sur l’environnement à partir de l’expérience sensible des individus. Et ce à travers des aptitudes perceptives singulières qui seraient à la fois pré-objectives et pré-éthiques (Ingold, 2012). Des recherches menées par l’Institut de Recherche pour le Développement rejoignent également cette idée d’apprentissage au changement climatique à partir de l’expérience perceptive personnelle (Kosmowski et al., 2015).

D’autres études, sous forme quantitative s’intéressent à la relation entre les perceptions des variations climatiques et les données météorologiques objectives traduisant de manière effective les conditions climatiques et leur variabilité. Les perceptions individuelles ou collectives de l’évolution du climat sont en effet susceptibles de dépendre de la résilience des individus, de leur capacité d’adaptation, et des opportunités perçues. Plus un individu est en mesure de diversifier ses ressources et plus le réseau de solidarité existant au sein de la communauté est important, plus la perception des risques sera amoindrie. Certaines recherches scientifiques ont ainsi mis en place une co-production des savoirs en comparant à la fois des relevés scientifiques et des savoirs locaux. Dans les Andes boliviennes par exemple, la mobilisation des savoirs autochtones par les communautés paysannes est fortement affirmée. Plusieurs indicateurs sont observés par les habitants et permettent de diagnostiquer le climat, d’anticiper le temps et donc d’adapter les activités agricoles en fonction (Mamani Gomez in Nuñez Villalba, 2018). L’étude des champs de la perception propose ainsi de nouvelles pistes d’enquêtes et s’ouvre aux sciences participatives.

Comment les différentes sciences sociales se saisissent-elles de cet objet d’étude ? Quelles méthodologies particulières mobilisent-elles ? Il s’agira d’analyser les résultats de recherches portant sur la manière dont les individus et les collectifs développent des stratégies et des alternatives face aux changements exercés sur leur milieu de vie. Cela nous amènera également à nous interroger sur la façon dont les méthodes d’enquête quantitatives peuvent rendre compte de la complexité et de la diversité des perceptions du changement climatique et de l’environnement. Comment définir des indicateurs et des catégories pour mesurer ces perceptions ?

Ces journées d’études s’organiseront autour d’interventions de chercheurs de différentes disciplines (économie, démographie, anthropologie, sociologie, philosophie, géographie, psychologie) et de deux ateliers, l’un portant sur les méthodologies d’enquête et le second sur le traitement des données.

Modalités de soumission

Les propositions de communications (résumé de 300 caractères maximum, espaces non compris) sont à envoyer à : esther.delesalle@univ-paris1.fr et jordie.blancansari@univ-paris1.fr

avant le 30 avril 2024.

Nous vous ferons parvenir la notification d’acceptation le 15 mai 2024.

Les communications peuvent se faire en français ou en anglais.

Les journées d’études se dérouleront le 6 et le 7 Juin 2024 sur le campus de l’IEDES (Paris I-Sorbonne), (45 B Avenue de la Belle Gabrielle - Nogent sur Marne – ligne RER A arrêt : Nogent sur Marne).

Comité scientifique

• Jordie Blanc Ansari : anthropologue, Maîtresse de conférences à Paris 1 Panthéon Sorbonne – IEDES (Institut d’Études du Développement de la Sorbonne), et membre de l’UMR Développement et Sociétés
• Sébastien Boulay : anthropologue, Maître de conférences à l’Université Paris Cité (Faculté Sociétés et Humanités), et membre de l’UMR 196 CEPED (Centre Population & Développement).
• Esther Delesalle : économiste, Maîtresse de conférences à Paris 1 Panthéon Sorbonne – IEDES (Institut d’Études du Développement de la Sorbonne), et membre de l’UMR Développement et Sociétés
• Jean Foyer (anthropologue, Chargé de recherche HDR CNRS – CREDA (Centre de Recherche et de Documentation sur les Amériques)
• Franck Poupeau (sociologue, Directeur de recherche CNRS – CREDA (Centre de Recherche et de Documentation sur les Amériques)

Bibliographie

• ANCEY, V., PESCHE, D., & DAVIRON, B. (2017). « Résilience et développement  : Complément, substitut ou palliatif ? Le cas du pastoralisme au Sahel » Revue internationale des études du développement, 231(3), 57‑89. https://doi.org/10.3917/ried.231.0057 
• BATESON Gregory, 1980 [1973], Vers une écologie de l’esprit, t. 2, Paris, Le Seuil.
• BERQUE, Augustin, 2014. La mésologie, pourquoi et pour quoi faire ? Nanterre : Presses Universitaires de Paris-Ouest, pp 78.
• FELIX François, 2017. « S’éprouver vivant. D’une esthésiologie radicale » Au travers du vivant. Dans l’esthésiologie, l’émersiologie (Bernard Andrieu & Petrucia Da Nobrega dir.), Paris, L’Harmattan, coll. "Mouvement des savoirs", pp. 15-38. GIBSON James, 1979, he Ecological Approach to Visual Perception, Boston, Houghton Milin.
• HANSEN J., MARX S., WEBER E. U., 2004. The Role of climate perceptions, expectations, and forecasts in farmer decision making : the Argentine Pampas and South Florida. IRI Technical Report 04-01. International Research Institute for Climate Prediction, Palisades, NY.
• HARTTER J., STAMPONE M. D., RYAN S. J., KIRNER K., CHAPMAN C. A., GOLDMAN A. 2012 Patterns and perceptions of climate change in a biodiversity conservation hotspot. PloS one, 7 (2) : e32408.
• INGOLD, 2012. « Culture, nature et environnement », Tracés. Revue de Sciences humaines, 22
• INGOLD, Tim, 1992. « Culture and the perception of the environment », Bush Base, Forest Farm.
• KOSMOWSKI Frédéric, LALOU Richard, SULTAN Benjamin et Ousmane NDIAYE, 2015. « Observations et perceptions des changements climatiques. Analyse comparée dans trois pays d’Afrique de l’Ouest » Les sociétés rurales face aux changements climatiques et environnementaux en Afrique de l’Ouest. Dir Benjamin Sultan, Richard Lalou, Mouftaou Amadou Sanni, Amadou Oumarou, Mame Arame Soumaré. IRD
• LEVI-STRAUSS Claude, 1983, « Structuralism and ecology », Social Science Information, vol. 12, no 1, p. 7-23.
• MAMANI GOMEZ Wilson, 2018. « Monitoreo de los fenomenos climaticos bajo el conocimiento local y cientifico para reducir daños en la agricultura familiar Comunidad Cutusuma, Municipio Batallas » Monitoreo espacial de los efectos del cambio climatico en el Lago Titicaca con imagenes de Satélite. Nuñez-Villalba (dir). UMSA, Cooperacion Suiza en Bolivia.
• ORLOVE B., RONCOLI C., KABUGO M., MAJUGU A., 2010 Indigenous climate knowledge in southern Uganda : the multiple components of a dynamic regional system. Climatic Change, 100 (2) : 243-265.
• TSING, Anna, 2017. Le Champignon de la fin du monde : sur la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme, trad. de l’anglais par Philippe Pignarre, préf. par Isabelle Stengers, Paris, La Découverte/Les Empêcheurs de penser en rond, 415 p.
• WEBER E. U., 2010. What shapes perceptions of climate change ? Wiley Interdisciplinary Reviews : Climate Change, 1 (3) : 332-342.