Savoirs partagés
Cycle de discussions publiques sur les usages ouverts de la science et le partage des savoirs à l’ère numérique
Published on Friday, April 12, 2024
Abstract
L’hésitation syntaxique visible dans les formulations cherchant à qualifier la redéfinition des rapports entre la science et la société — science « avec », « en », « pour la », « et » société, « science citoyenne », « science participative » et « co-construction des savoirs » — traduit les difficultés qu’il y a encore à penser le processus actuel de sortie du modèle diffusionniste — ou de vulgarisation — hérité du XIXe siècle. À la faveur de transformations à la fois structurelles et conjoncturelles (réchauffement climatique, transformation numérique, crise de confiance dans les sciences…), les régimes d’organisation et de production du savoir se sont multipliés, et, avec eux, les rapports éthique et épistémologique au monde qui s’y expriment. Dans cette nouvelle configuration des savoirs, la science ouverte fait figure d’objet frontière.
Announcement
Présentation
Financé conjointement par l’INSHS et OpenEdition, en collaboration avec l’UAR 2276 pour la production d’un podcast, le projet SAvoirs PArtagés vise à observer, au cours de huit discussions publiques, les usages ouverts de la science et le partage des savoirs à l’ère digitale dans des contextes sociaux variés, en impliquant des acteur·ice·s de la société civile, médecins, scientifiques, entrepreneur·euse·s, activitstes, autodidactes, éditeur·ice·s, etc… et en multipliant les formats d’échange et de production.
L’hésitation syntaxique visible dans les formulations cherchant à qualifier la redéfinition des rapports entre la science et la société — science « avec », « en », « pour la », « et » société, « science citoyenne », « science participative » et « co-construction des savoirs » — traduit les difficultés qu’il y a encore à penser le processus actuel de sortie du modèle diffusionniste — ou de vulgarisation — hérité du XIXe siècle. Bon nombre d’oppositions binaires, jusque-là doxiques, s’y trouvent remises en cause, telles que celle entre les scientifiques amateurs et professionnels, les producteurs et les consommateurs de science, ou la séparation socio-géographique entre les lieux de fabrication et les lieux d’exposition des savoirs. À la faveur de transformations à la fois structurelles et conjoncturelles (réchauffement climatique, transformation numérique, crise de confiance dans les sciences…), les régimes d’organisation et de production du savoir, c’est-à-dire essentiellement, de sa gouvernance, son financement et ses méthodes, se sont multipliés, et, avec eux, les rapports éthique et épistémologique au monde qui s’y expriment. La position de la puissance publique, structurant et structurée par les savoirs, s’en trouve considérablement transformée.
Dans cette nouvelle configuration des savoirs, la science ouverte fait figure d’objet frontière : ici elle est envisagée comme une libre circulation et appropriation des connaissances dans un idéal de partage et d’universalité, là elle est vantée comme une réaction à l’oligopole des grandes maisons d’édition scientifique, là encore, c’est un mot d’ordre pour la création et la gestion de communs de la connaissance, en particulier en y incluant des savoirs invisibilisés ou marginalisés. Au sujet de la question des rapports entre science et société, la science ouverte est parfois vue comme un moyen d’amplifier un modèle diffusionniste de la science-faite — il suffirait d’ouvrir l’accès pour démocratiser les savoirs — ou parfois, au contraire, comme une modalité de co-construction des savoirs avec les communautés concernées.
Ainsi, depuis une dizaine d’années, forts des enseignements des STS, de nombreux projets de médiation académique se sont portés au-delà du modèle diffusionniste de la science afin d’engager un véritable dialogue avec la société et favoriser des lieux et des pratiques de collaboration entre les chercheur·euses et les acteur·ices de la société dite civile. Ces projets institutionnels de science participative — i.e. émanant de l’institution se portant vers la société — se déclinent continûment sur un spectre allant de l’externalisation de tâches subalternes sous la forme de la gamification à la véritable co-construction de savoirs socialement pertinents entre le monde académique et la société. Tandis que le modèle du « citoyen-capteur » est fermement critiqué comme émanation d’un régime néolibéral des sciences, la science ouverte, quant à elle, appelle à poursuivre l’inclusion des savoirs extra-académiques et de leurs praticien·nes au sein de la sphère académique, et la réciproque réforme de celle-ci.
En effet, de nombreux projets de science citoyenne — i.e. émanant directement des communautés concernées en marge des institutions académiques — ont montré la nécessité de prendre au sérieux les compétences, les pratiques et les lieux de savoir des acteur·ices extra- académiques.
Afin que la recherche en SHS continue à avoir une pertinence sociale, tant dans sa pratique que dans ses résultats, il est donc devenu urgent de ne plus penser le rapport entre science et société sur un mode diffusionniste et de placer définitivement les sciences en société en favorisant la co-construction des savoirs en amont même des initiatives académiques, c’est-à-dire en achevant d’articuler les sciences participatives et les sciences citoyennes en sciences partagées. Nous aimerions, procédant de manière dialectique, étudier comment des institutions publiques nationales et transnationales captent et organisent des initiatives hétérogènes, procédant d’intérêts multiples (connaître, soigner, militer, produire, etc.), portées par des acteurs dits de la société civile, eux-mêmes plus ou moins intégrés aux institutions (de par leur formation et leur position professionnelle), et voir en retour comment les institutions se laissent transformer dans leur structure, leurs normes et leurs méthodes, par ces mêmes initiatives qu’elles canalisent.
La question se pose dès lors de savoir comment les sciences citoyennes, locales et alternatives, négocient leur rapport à l’institution scientifique, ses opportunités et ses contraintes, et, réciproquement, comment construire une institution scientifique inclusive et prônant la diversité des savoirs. Comment le rapport de pratiques extra-académiques avec l’institution scientifique, et la négociation avec celle-ci, façonne les savoirs produits par les sciences citoyennes ? Comment les critiques, même implicites, élevées par ces dernières à l’encontre du monde académique permet à celui-ci de se réformer afin d’accueillir, sans le capter, ni le formater, le « tiers secteur de la recherche » ?
Programme
Jeudi 5 octobre 2023
1 / 8 : Infrastructures
Lieu : 59-61 rue Pouchet et en ligne
17 novembre 2023
2 / 8 Transmissions
Demi-journée d’échange : des relations « science ouverte et société » aux savoirs partagés
Lieu : CNRS Site Pouchet 59/61 rue Pouchet Paris 17
12 décembre 2023
3 / 8 : Santé(s) communautaire(s)
Lieu : CNRS Site Pouchet 59/61 rue Pouchet Paris 17
14 février 2024
4 / 8 : Mémoire(s), archives, patrimoine – Patrimonialisation des mémoires et communs numériques de l’archive
Lieu : BNF, séminaire suivi de visite
12 mars 2024
5 / 8 : Fabrication laboratories Fablabs
Lieu : Fablab Sorbonne Université, séminaire suivi d'une visite guidée
Vendredi 19 avril 2024
6 / 8 : Éditions féministes ouvertes
À 14h à la Salle Le Miroir de la Vieille Charité de Marseille
Présentation
La séance du mois d’avril est consacrée à l’édition féministe. Nous aimerions réfléchir sur le partage des savoirs au pluriel : savoirs intersectionnels, anticoloniaux et anticapitalistes par la voie des projets éditoriaux féministes circulant en accès ouvert. Cogiter à la fois sur la notion de l’écriture, de la traduction et du langage ; parler collaboration tout en mettant en perspective les enjeux du numérique et de l’ouverture. Comment faire circuler en accès ouvert, quels sont les voies identifiées, quels sont les contraintes, quels sont les alternatives.
Nous souhaitons faire intervenir deux personnes qui participent à des projets éditoriaux traitant des questions de genre et de sexualité, par des biais, avec des moyens et à travers des dispositifs éditoriaux différents. Il s’agit de créer un espace de dialogue entre deux actrices de l’édition en accès ouvert ayant fait deux choix différents dans leur rapport à l’institution : l’une des intervenantes est membre du comité de rédaction d’une revue académique hébergée par OpenEdition (CNRS) tandis que l’autre est une éditrice indépendante pour une maison d’édition ayant fait le choix d’une plateforme ad hoc.
Nous invitons ces deux actrices de l’édition féministe pour discuter entre elles et avec le public de ce séminaire, autour de leurs processus éditoriaux respectifs : comment bricolent-elles leurs artefacts éditoriaux ? Quels sont leurs processus ? Pourquoi et comment faire de l’accès ouvert, quelles en sont les conséquences et quel rôle joue l’institution dans ce rapport à la création et à la communauté des lecteurs et lectrices ?
Intervenantes
- Marie Flesch, de GLAD ! revue scientifique franco/anglophone diffusée sur OpenEdition Journals, portail institutionnel pour la diffusion en accès ouvert dans l’écosystème de la science ouverte en SHS à l’échelle européenne
- Emma Fanget de la maison d’édition burn~août, projet autogéré à mille têtes et plusieurs mains travaillant sur la microédition papier et l’édition numérique, ayant une présence marquée dans les salons d’édition indépendante, une posture militante très prononcée, et qui cherche avec une forte ingéniosité à se donner les moyens de faire du commun (archive numérique de leur catalogue, plug-in de traduction collaborative)
Pourquoi ce lieu ?
La séance aura lieu le vendredi 19 mars, de 14 à 18h à la salle du miroir. Pourquoi avons-nous choisi une salle de cinéma pour accueillir ce séminaire ? Partie des locaux de la Vieille Charité, ancien hospice et lieu emblématique pour la culture à Marseille, il s’agit d’un lieu commun, ouvert au public.
Dans certains cas l’énonciation de l’institution se rend « discrète » à travers des espaces moins marqués institutionnellement afin de faire advenir des formes de sociabilité envisagées par les publics : de telles mises en espace visent à offrir des conditions de possibilité d’expériences intersubjectives et identificatoires imaginées « par le bas ». (Capillé & Psarra, 2016)
Nous aimerions à ce titre remercier vivement l’équipe du Centre International de Poésie de Marseille qui a rendu possible la réservation de cette salle.
La séance aura également lieu en ligne dans la salle de visioconférence au bout de ce lien.
6 juin 2024
7/8 – Justice cognitive et science ouverte juste : hommage à Florence Piron
14h-16h (UTC+2) en visio conférence uniquement Lien d’inscription
Présentation
La justice cognitive, notion développée par l’anthopologue indien Shiv Visvanathan, met en exergue l’importance de la reconnaissance d’une diversité de savoirs. Leur coexistence et leur articulation sont indispensables à une compréhension du monde dans son épaisseur et au soutien de modes de vie pluriels. Pour lui, elle prend source dans la notion de « communs » comme espace créé originellement dans un village, où savoirs et savoir-faire circulent librement et aident à la prise de décision. Elle s’oppose à une « hégémonie de la science occidentale» mettant à distance toute démarche de dialogue et d’acceptation de la différence. La justice cognitive s’ancre dans l’idée de dialogue et de connexion.
Florence Piron, éthicienne, anthropologique et penseuse du « lien », a incarné tout au long de sa carrière et de sa vie de chercheuse, de mère et de femme, cet idéal de « justice cognitive ». Elle a œuvré à mieux comprendre ce qui pouvait déshumaniser nos sociétés, notamment en dénonçant une science « positiviste », lissant tout affect, différence pour se placer au-dessus d’autres types de savoirs et de connaissances. Ses recherches et son engagement l’ont mené à développer collectivement de nombreux projets pour penser la « science autrement ». Ses projets ont pris de nombreuses formes : boutiques de science, association sciences et bien commun, projet SOHA (Science Ouverte en Haïti et Afrique Francophone), le grenier des savoirs. Tous ces projets ont comme point commun, outre le désir de justice cognitive, la création d’un réseau de savoirs amical, intellectuel et solidaire. Trois ans après son décès le 26 avril 2021, elle nous laisse un riche héritage à la fois par ses textes (éthique du lien, responsabilité relationnelle, science ouverte juste) et par l’élan donné à de nombreux étudiants et étudiantes, chercheurs et chercheuses. Que ce soit dans le cadre intellectuel qu’elle leur a offert que dans la posture ouverte et juste de recherche qu’elle incarnait. Bien que la justice cognitive soit un « idéal epistémologique, éthique et politique » (définition de l’APSOHA), celle-ci aujourd’hui s’inscrit dans les objectifs d’une science ouverte. L’UNESCO incite par exemple dans ses recommandations de 2021 pour une science ouverte de faciliter « Le dialogue ouvert avec les autres systèmes de connaissances» et de mettre en avant l’importance d’un pluralisme épistémique. Cela nécessite de redonner à des communautés locales et à des peuples autochtones le pouvoir de gouverner et de prendre des décisions sur les savoirs qu’ils produisent. En filigrane, ce sont bien les notions de communs et de justice cognitive qui guident ces principes.
Dans le cadre de cette session, nous souhaiterions discuter du concept de « justice cognitive » et de son rôle émancipateur dans différents projets de recherche et éditoriaux.
Nous resituerons ce concept, à l’occasion de la sortie de l’anthologie de textes choisis de Florence Piron La Gravité des choses. Amour, recherche, éthique et politique, dont la création a débuté avec Florence Piron avant son décès et a été finalisé par ses filles Sarah-Anne et Elisabeth Arsenault. Ce sera aussi l’occasion d’aborder les nombreuses injustices cognitives dont la notion de « science ouverte juste » tente de contrer (accès aux savoirs, lutte conte le mandarinat, accès à internet, reconnaissance des savoirs des Suds dans les publications, etc.).
Intervenant·es
- Gilbert Babena
- Céline Guilleux
- Gethème Irié
- Williamson Ornéus
Juin 2024
8/8 – Médiations scientifiques
Informations à venir
Subjects
Places
- Salle du miroir - Centre de la Vieille Charité, 2 Rue de la Charité
Marseille, France (13002) - CNRS Site Pouchet 59/61 rue Pouchet
Paris 17 Batignolles-Monceau, France (75) - BNF quai François Mauriac
Paris 13 Gobelins, France (75)
Event attendance modalities
Hybrid event (on site and online)
Date(s)
- Friday, April 19, 2024
- Thursday, October 05, 2023
- Friday, November 17, 2023
- Tuesday, December 12, 2023
- Wednesday, February 14, 2024
- Tuesday, March 12, 2024
- Monday, May 06, 2024
Keywords
- édition féministe, accès ouvert, institution, édition indépendante, sciences et sociétés
Contact(s)
- Ioanna Faita
courriel : ioanna [dot] faita [at] openedition [dot] org - Simon Dumas-Primbault
courriel : simon [dot] dumas-primbault [at] openedition [dot] org
Reference Urls
Information source
- Ioanna Faita
courriel : ioanna [dot] faita [at] openedition [dot] org
License
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To cite this announcement
« Savoirs partagés », Seminar, Calenda, Published on Friday, April 12, 2024, https://doi.org/10.58079/w7rf